" />
2024 © Centre collégial de développement de matériel didactique
La relance du «Prétexte»

La relance du «Prétexte»

Décafcomanies

Que sont nos centres d’aide devenus ?

La plupart des cégeps possèdent un centre d’aide, souvent mis sur pied avant la réforme de 1995. Ces centres, quoique la plupart du temps engagés dans un processus dynamique de recherche d’efficacité — justifiant l’existence de lieux de discussion comme celui-ci, ou les intercafs — n’en sont néanmoins plus à se questionner sur leur pertinence, leurs raisons d’existence, celles-ci ayant été fixées de longue date, et jamais révisées depuis dans certains cégeps. Mais que fonderait-on, aujourd’hui, si l’on devait à nouveau mettre sur pied un centre d’aide ? Dans les lendemains apaisés de la réforme, dans la mouvance de la rédaction des plans institutionnels de réussite, devant le spectre du taux de diplomation à atteindre, que devient le centre d’aide en français ?

C’est la question que nous avons dû nous poser, à Marie-Victorin, depuis la session d’hiver 2000. En effet, le Prétexte[1], notre centre d’aide en français, lentement et inexorablement s’étiolait, dans le froid sombre et inhospitalier du sous-sol de la bibliothèque. De rares initiés se passaient son nom désormais quasi secret, à peine quelques professeurs hardis bravaient encore des corridors dépeuplés pour s’y rendre. Il fallait réagir, et le remède devait au moins être aussi fort que le mal. Que faire ? D’abord tout repenser…

Ce questionnement, il faut le dire, n’a épargné, dans sa force d’ébranlement, que le principe de la nécessité de l’existence d’un centre. Souci pédagogique, élan de philanthrope, exigence morale : quelle qu’en soit la motivation, l’appui à l’idée d’un centre d’aide dans le collège est unanime. Mais sa définition, sa mission est à redéfinir. À définir, en fait, puisque l’ancien centre d’aide en français, destiné à la clientèle peu nombreuse et plus homogène des temps passés et révolus, n’avait au fond pour mission, à la fois très tautologique et très floue, que d’aider en français

Une nouvelle mission

Au moment d’amorcer cette réflexion sur la mission du centre, la prise de conscience de sa fonction de vitrine pour un département de français nous a inspirées. En effet, plus naturellement axés vers une démarche de service, moins intimidants à affronter que les très officielles assemblées départementales, les centres d’aide en français constituent souvent, pour les autres départements d’un collège et pour la population scolaire en général, une excroissance accessible et conviviale du département de français, en somme une porte d’entrée toute désignée pour les collaborations interdisciplinaires ou parascolaires.

À partir de ces considérations, nous avons conçu comme suit la vocation de notre Prétexte nouveau. Il a pour mission, tout d’abord, de pallier la faiblesse syntaxique, grammaticale et orthographique des étudiants les moins forts. Aussi, il vise à appuyer les professeurs des cours de français de la formation générale dans leur enseignement de la méthodologie liée aux compétences terminales des devis ministériels[2]. De plus, le centre d’aide offre aux autres départements du collège des outils favorisant l’intégration de la formation en français dans les profils de sortie propres à chacun des programmes. Enfin, il cherche à favoriser l’intégration du souci de la langue et la promotion de la littérature dans la vie parascolaire du collège[3].

Un nouveau local

Nous sommes ensuite passées à la mise en oeuvre de ces projets. La première action concrète de la relance du Prétexte fut sa relocalisation. On ne dira jamais assez l’importance de l’atmosphère chaleureuse d’un tel lieu de service, dont la visite est souvent, hélas, associée chez nos étudiants à une démarche vaguement honteuse, parfois carrément pénible. Nous voulions aussi tabler sur la visibilité : que le centre soit familier, que sa localisation soit connue de tous, accessible. Un nouveau local, ensoleillé, assez central dans la bibliothèque, a fait notre bonheur et celui de la direction de la bibliothèque, toujours soucieuse d’en augmenter l’achalandage.

Des modes d’intervention diversifiés

Ah, l’achalandage ! Il est devenu notre obsession. À quoi bon réformer, activité du reste fort à la mode, si la réforme tourne à vide ? Afin de nous assurer une clientèle nombreuse, nous avons mis sur pied un mécanisme de détection rapide des élèves à risque dans le premier cours de la séquence en français. Dès les premières heures de contact avec les étudiants, à la session d’automne 2000, tous les collègues ont ainsi fait passer à leurs élèves une dictée diagnostique. Nous avons alors pu cibler les individus les plus faibles de chaque groupe. Nous les avons personnellement avertis de leurs carences en français et conviés à s’engager dans une démarche hebdomadaire d’aide en français. Une quarantaine d’étudiants ont accepté ; d’autres, sur une base personnelle, ont répondu aux multiples publicités que nous avions publiées, à la rentrée, dans les différents journaux adressés aux étudiants. Bien vite, nous avons eu, luxe inouï, une liste d’attente.

Mais ces élèves en suivis hebdomadaires ne constituent pas la totalité de notre nouvelle clientèle. Il nous est également apparu qu’une meilleure définition des catégories d’étudiants susceptibles de fréquenter le Prétexte s’imposait. Car, outre les étudiants très faibles, en danger d’échec à cause de leur maîtrise insuffisante du français, il y a aussi tous ces cas moins lourds, ces étudiants aux problèmes bien cernés et faciles à corriger par le rappel de une ou deux règles. À ceux-là, nous voulons offrir un mode de fréquentation du Prétexte plus souple, et dont l’immédiateté des effets contrerait leur absence d’enthousiasme fréquent devant la grammaire. Grâce à l’appui de nos collègues du département de français, nous avons mis sur pied des rendez-vous d’autocorrection. L’étudiant qui s’y présente avec un travail de français déjà noté par son professeur peut ainsi récupérer des points perdus en erreurs d’orthographe, d’accord ou de syntaxe. Un certain nombre des fautes qu’il a commises sont alors pointées par un code qui en précise la nature (accord du verbe avec son sujet, pronom relatif incorrect, etc.), et il se doit de rappeler la règle de grammaire en cause et de corriger son texte pour mériter le retour des points perdus. Ces démarches d’autocorrection entraînent une certaine responsabilisation de l’étudiant : il doit faire une action concrète (prendre un rendez-vous, s’y présenter) dans un but d’amélioration de son français, et il est également forcé d’analyser la nature — souvent répétitive — de ses erreurs. Plus conscient de ses faiblesses, il améliore la relecture corrective de ses travaux ; un progrès dans la qualité de son français écrit est alors souvent perceptible, et son assiduité à revoir la grammaire s’en trouve stimulée.

De plus, le professeur qui supervise cette autocorrection peut fixer avec l’étudiant un ou plusieurs autres rendez-vous, qui serviront à travailler certaines règles dont la maîtrise insuffisante par l’élève a été démontrée durant l’autocorrection. Ces étudiants, et quelques autres envoyés en consultation par leur professeur de français, constituent finalement notre troisième tranche de clientèle : celle qui vient pour des problèmes ciblés, à raison de une ou deux rencontres dans la session. Afin de faciliter la gestion de ces rendez-vous, nous avons établi une liste d’une trentaine de problèmes ciblés. Cette liste n’est, bien sûr, pas exhaustive, mais elle couvre néanmoins la plupart des règles et applications qui sont la cause du plus grand nombre de fautes chez nos étudiants. De plus, les problèmes qu’elle pointe sont faciles à expliquer et à faire corriger par l’élève dans une rencontre d’une durée de une heure, ce qui simplifie la tâche des professeurs et assistants. Ceux-ci ont d’ailleurs accès à une banque de matériel pédagogique, elle-même classifiée selon cette liste précise de problèmes.

Bien sûr, la banque est fort incomplète et ne fait pas encore une part aussi grande qu’elle le devrait aux outils informatiques. En effet, de nombreux sites Web et plusieurs logiciels méritent qu’on s’y attarde, et certains d’entre eux permettent même de faire l’économie d’un assistant auprès de l’étudiant : une voie que l’engorgement sans cesse croissant du Prétexte nous oblige à considérer avec le plus grand sérieux. Intégrer des outils informatiques est certainement l’un des nouveaux défis de notre centre d’aide autant sur le plan pédagogique… qu’administratif. C’est pourquoi nous avons entrepris, avec le Département d’informatique, d’offrir à l’un de ses étudiants d’effectuer un stage parmi nous, afin d’automatiser autant que faire se peut des activités aussi quotidiennes que la gestion des rendez-vous, la centralisation des données sur les consultants ou la compilation des rapports de rencontre. C’est là l’une de nos premières collaborations interdépartementales. Il y en aura d’autres.

De la transparence

L’une des choses qui nous ont le plus surprises, lorsque nous avons démarré cette relance du centre d’aide, a été l’intérêt marqué que lui ont porté les instances les plus diverses du collège. Il faut dire que la course à la diplomation dans laquelle nous précipite le ministère de l’Éducation rend le sujet de l’aide aux élèves en difficulté d’une pertinence toute particulière. Néanmoins, quelques discussions avec les aides pédagogiques individuelles ou les superviseurs de stage dans certains programmes techniques nous ont conduites à une conclusion aussi simple qu’évidente : nous désirons tous la réussite de nos élèves. Et surtout : nous nous inquiétons tous de l’échec possible de quelques-uns d’entre eux ; or cette liste d’étudiants à risque ne varie guère d’un département à un autre, d’un professeur à un autre. Tel élève, qui présente une fiche dangereuse en français, éprouve souvent des difficultés en philosophie, et manque de méthode pour réussir dans le programme qu’il a choisi. Nous avons pu constater, dans nos premiers contacts interdépartementaux, que dans la plupart des programmes on avait déjà mis sur pied des projets d’encadrement pour ces étudiants à risque. À tous vouloir ainsi aider, nous ne pouvons tout de même pas nous nuire, ne serait-ce que sur le simple plan du dépistage le plus rapide possible des étudiants à risque ou sur l’échange d’information à leur égard. Dans cette optique, nous tentons de rendre le fonctionnement du centre d’aide le plus transparent possible pour toute la communauté du collège, et nous envisageons de rendre compte aux instances concernées, aussi souvent que possible, de nos activités et de notre clientèle : qui consulte ? qui persévère ? qui s’améliore ? ou, au contraire, qui s’essouffle ? qui abandonne ?…

Cette information se doit, de toute façon, d’être compilée[4], et transmise, à tout le moins, à nos collègues du département de français. C’est sur cette base, et sur cette base seulement, que le centre d’aide en français peut devenir pour eux un outil valide et pratique dans leur enseignement. Il faut que nos collègues soient en mesure de contrôler, à un certain point, la matière qui sera présentée aux étudiants qu’ils envoient en consultation. Et qu’ils puissent, en plus, évaluer avec justesse l’assiduité et la qualité des efforts que leurs étudiants investissent dans leur fréquentation du centre d’aide. À partir de là seulement pourront-ils alors équitablement inscrire dans leur plan de cours, comme ils l’ont fait pour la première fois à la session d’automne 2000, qu’un pourcentage, même minime, des évaluations dans les cours de formation générale en français sera relié à la consultation du Prétexte. Ce précédent, il est facile de l’imaginer, n’est pas sans d’immenses retombées sur la fréquentation du centre d’aide et sur son intégration dans le quotidien de la vie étudiante. Le Prétexte n’est plus le lieu humiliant de toutes les tortures grammaticales : il est désormais le service par lequel il est possible de bonifier ses résultats scolaires.

L’étroite collaboration avec les collègues du département de français sert aussi d’autres fins, et l’interchangeabilité des administrateurs du centre est la plus importante de celles-là. Nous avons pour but de faire bien fonctionner le centre, certes, mais surtout de mettre sur pied un mode de fonctionnement applicable par tous, indifféremment. Nous tenons à transmettre une vision, un système, au moins autant que des données sur son application. C’est le seul moyen pour que la réussite du centre ne soit pas directement reliée à la personnalité ou à la dévotion des personnes qui l’administrent, et ainsi mise en péril chaque fois qu’une passation des pouvoirs est rendue nécessaire. Toujours afin d’atteindre cet objectif, nous avons également expérimenté une nouvelle répartition de la très accaparante « libération » liée au Prétexte sur la charge de plusieurs professeurs (et non plus d’un seul), qui a eu un effet dynamisant : le travail en équipe, stimulant et combinant plusieurs talents complémentaires, est tout indiqué pour la gestion d’un projet aussi multiforme.

Quelques bilans, et quelques projets

Finalement, au terme de tant d’efforts, il est gratifiant de voir que notre dynamisme n’est pas resté sans effet. À la lecture du cahier de rendez-vous bien rempli de chaque semaine, il nous est facile d’affirmer : « Mission accomplie ». Nous avons rebâti un centre convivial, assidûment fréquenté, qui semble bien répondre aux exigences de notre communauté. Mais la gratification nous vient plus encore de pouvoir désormais, par exemple, dans un super quizz de révision en vue de l’épreuve uniforme, remettre à la communauté étudiante des prix au nom du Prétexte, ou de voir les étudiants les plus doués en français venir postuler pour être assistants : leur nombre va croissant chaque session (une cinquantaine à la session d’hiver 2001), et cet engagement de leur part est bénévole. À cette gratification s’ajoute celle de constater, au fond, qu’au coeur de la vie étudiante marie-victorienne, le Prétexte a su enfin trouver une résonance constructive.

Tout n’est cependant pas terminé, loin de là : les projets s’accumulent. D’abord, ceux qui sont les conséquences directes de notre succès : trop de bénévoles, trop d’étudiants. Tout cela nous force à réclamer une ou un secrétaire, qui assurerait la permanence de notre centre d’aide ; à travailler à la mise en place d’un cours assorti d’unités pour la formation des assistants ; à envisager aussi des collaborations plus structurées avec d’autres départements ; à mettre en place des ateliers du midi. Et c’est sans compter le club littéraire à fonder, que tous nous réclament, le concours d’affiches à promouvoir, et l’exploration des sites Web comme supports pédagogiques ! Autant d’éléments qui n’auraient jamais été envisageables avant que la relance ne sorte le centre d’aide de son marasme et de sa timide et trop vague mission pour le projeter au centre du plan institutionnel d’aide à la réussite et au coeur de la vie étudiante.

* * *

  1. La relance du Prétexte, il faut le préciser d’emblée, est le fruit du travail de deux équipes. Une première, d’abord, composée d’Isabelle Beaulé, Natalie Belzile et moi-même, qui a travaillé au Prétexte de juin à décembre 2000 ; et, depuis janvier 2001, une seconde, comptant toujours parmi ses membres Natalie Belzile, cette fois entourée d’Éléonore Antoniadès et Hélène Richer. Retour
  2. Il est bon ici de préciser que les critères méthodologiques de tous les cours de français obligatoires ont été harmonisés en département. Les évaluations finales des cours de français 101, 102 et 103 sont ainsi uniformes pour chacun des cours : les élèves sont soumis aux mêmes extraits à analyser, en classe, et leurs copies sont corrigées par d’autres professeurs que leur enseignant régulier, à partir d’une grille d’évaluation commune. Le tout afin de s’assurer de la plus grande équité possible entre tous les cours, et afin également de présenter un cheminement pédagogique cohérent et séquentiel. Retour
  3. Ce programme est certes ambitieux, et sert des intérêts, sinon divergents, du moins fort diversifiés, nous en sommes conscientes. Nous avons donc établi des priorités : les causes de l’aide en français et en méthodologie de l’analyse doivent bien sûr être servies avant d’envisager toute collaboration interdépartementale ou la mise sur pied d’une quelconque activité parascolaire. Retour
  4. Ne serait-ce que parce qu’il est impératif, dans un programme de relance tel que nous l’avons mis en oeuvre, de pouvoir autant que possible évaluer les retombées de chacune de nos décisions sur la fréquentation du centre d’aide et la satisfaction de sa clientèle. Nous sommes donc engagées dans un sérieux processus d’autoévaluation. Cette énergie dépensée en sondages et statistiques n’est du reste pas perdue, car elle sert également à appuyer par des chiffres et des projections chacune des demandes que nous soumettons à la direction du collège. Retour

Télécharger l'article au format PDF

UN TEXTE DE