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Tir croisé sur l’ambulance: les centres d’aide gravement atteints

Tir croisé sur l’ambulance: les centres d’aide gravement atteints

Colette Buguet-Melançon enseigne le français, langue et littérature, au collège Édouard-Montpetit depuis plusieurs années. En 1986, elle y mettait sur pied, avec son collègue Daniel Lanthier, le premier centre d’aide basé sur l’aide par les pairs. Entre 1992 et 1995, elle a été présidente de l’Association des professionnels de l’enseignement du français au collégial (APEFC). En 1996, elle a publié Pour une maîtrise de la langue essentielle à la réussite, ouvrage rédigé en collaboration avec Francine Bergeron.

Son article[1], au ton politico-pédagogique, fait ressortir les rôles des centres d’aide en français dans les collèges.


Avant 1995, c’était l’âge d’or… des centres d’aide en français. Sous différentes formes, en effet, de nombreux collèges avaient créé un lieu d’accueil et de perfectionnement pour les élèves aux prises avec des difficultés linguistiques. Ces services devaient avant tout répondre aux besoins des élèves de façon plus adéquate que ne le faisaient les cours traditionnels de mise à niveau, vieille recette qui, hier comme aujourd’hui, constitue un gâchis consommé de ressources humaines et financières.

Avec un modeste budget alloué par le Ministère et l’appoint des collèges convaincus du bien-fondé de l’initiative, ces services offraient un encadrement sur mesure misant sur la motivation affective et sur le réapprentissage méthodique des mécanismes de l’écriture, de la lecture aussi dans certains cas. On ne prétendait certes pas régler tous les problèmes, mais on soutenait au moins les efforts des élèves motivés. (Peut-on faire plus ?)

Au printemps 1995, dans la mémorable « étude » Aubin effectuée pour le compte du Ministère, soucieux de rentabilité, on remettait en cause l’existence des centres d’aide. Motif ? Leur productivité n’était pas prouvée hors de tout doute… mathématique. Les professeurs de français qui avaient investi passionnément temps et énergie dans ce projet éminemment pédagogique, parfois au mépris du scepticisme environnant, ont alors durement accusé le coup mais espéré que le bon sens triompherait. Il n’a pas triomphé, et on connaît la suite : le Ministère, sans assumer la responsabilité de sa politique de compressions à l’endroit des services d’aide, a réduit l’enveloppe globale de subventions, laissant l’odieux de la décision aux instances locales.

À l’odieux, certains syndicats ont ajouté l’absurde. Après avoir monté en épingle le dynamisme et l’engagement professionnel des enseignants qui avaient mis en oeuvre des mesures d’encadrement originales favorisant la réussite des élèves, ils choisirent de les sacrifier sur l’autel des compressions. Jusque-là, la logique syndicale était encore sauve : il fallait protéger des emplois. Là où cette logique a déraillé, c’est quand, du même souffle qu’on abolissait des mesures d’encadrement, lesquelles avaient fait leurs preuves (pédagogiques du moins), on demandait à tous les professeurs de consentir une heure d’encadrement supplémentaire pour augmenter le taux de réussite. Laissons aux fonctionnaires de tous bords l’appréciation de cette formule magique.

Le phénix renaîtra-t-il de ses cendres ?

On pourrait, à juste titre, se réjouir de la disparition des centres d’aide en français si c’était là le signe que la situation s’est améliorée et que la maîtrise de la langue est devenue un projet collectif : élèves bien préparés au secondaire, professeurs de toutes les disciplines soucieux de faire de la langue un outil essentiel d’apprentissage de leur discipline et valorisant l’usage d’une langue de qualité. Mais il faut reporter ses rêves à plus tard…

De façon plus réaliste, ne faut-il pas envisager que le choix de la démocratisation de l’enseignement passe par l’implantation de mesures permanentes assurant des cheminements pédagogiques différents ? Au-delà des besoins de réapprentissage, des élèves requièrent un soutien qui tienne compte de leur rythme d’apprentissage et qui leur offre des activités de renforcement sur le plan de la langue et de la méthodologie de la lecture et de l’écriture. Très concrètement, se pourrait-il aussi qu’il faille aider certains élèves à se préparer plus adéquatement à l’épreuve uniforme, voire à leur épreuve synthèse de programme ? Si oui, plusieurs conditions devront impérativement être remplies : la redéfinition du rôle des centres d’aide en français dans la perspective de la réforme et l’instauration de modalités de fonctionnement qui permettent une efficacité pédagogique réelle. Mais est-ce pensable sans une volonté politique sérieuse ?

* * *

  1. En mars 1995, l’auteure a publié, dans Le Devoir, un article intitulé « Ne tirez pas sur l’ambulance », en réponse au journaliste Louis Lafrance qui avait écrit, le 14 février, un article intitulé « SOS j’écris : les centres d’aide en français visent à relever le niveau des plus faibles, mais on s’interroge sur les résultats obtenus par rapport aux ressources consacrées ». Retour

Un point de vue sur les rôles des centres d’aide en français et sur leurs modalités de fonctionnement

selon Colette Buguet-Melançon

Fidèle à son rôle traditionnel, le centre d’aide doit :

  • Guider les élèves dans l’analyse de leurs erreurs, dans la recherche et l’utilisation des outils de référence et dans l’appropriation des connaissances transférables à d’autres situations ;
  • Encadrer non seulement le perfectionnement linguistique mais aussi le perfectionnement en lecture, passage obligé de l’acquisition de la langue écrite ;
  • Encadrer et valider les corrections linguistiques effectuées à la demande des professeurs des autres disciplines.

Par ailleurs, en réponse au contexte nouveau entourant la réforme, le centre d’aide devrait aussi :

  • Permettre l’atteinte des objectifs méthodologiques des cours de français ;
  • Offrir un soutien langagier aux élèves qui se préparent à l’épreuve uniforme ou à leur épreuve synthèse de programme.

Pour assurer le service d’aide, on dispose de deux options : le tutorat par les pairs et le tutorat par les professeurs (ou une combinaison des deux). Dans les deux cas, la situation est devenue intenable.

  • Si l’on tient à la relation d’aide par les pairs, il faut assurer l’existence d’un cours particulier qui n’oblige pas, comme c’est le cas actuellement lorsqu’on utilise à cette fin le cours 104, le professeur et les étudiants à faire des prodiges pour atteindre tous les objectifs.
  • Si l’on privilégie l’encadrement par un professeur, il faut que le Ministère affecte les ressources nécessaires à cette fin. Cela implique, bien sûr, une conception de la rentabilité qui prenne en considération les coûts réels du redoublement, du décrochage scolaire et de l’illettrisme.

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