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La lecture des consignes: un levier pour la réussite scolaire

Propos de Sophie Morin, enseignante de biologie au collège de Rosemont, recueillis par Valérie Plourde
Entrevue
Quand on enseigne au collégial, on peut tenir pour acquis que les étudiantes et étudiants maitrisent la lecture des consignes, un exercice répété maintes et maintes fois depuis le primaire. Pourtant, cette supposition n’est pas toujours justifiée et, puisque toute la tâche à accomplir part de là, une interprétation erronée de la consigne peut se répercuter sur l’ensemble de l’évaluation. Consciente de cette réalité, Sophie Morin a mené un projet de recherche à ce sujet au cours de ses études à la maitrise à l’Université de Sherbrooke. Elle a alors conçu une séquence didactique et des outils pour enseigner de manière explicite comment lire efficacement une consigne, en particulier en contexte d’examen. Dans cette entrevue avec Correspondance, elle fait partager les fruits de ses travaux ainsi que ses réflexions sur le sujet.
Sophie Morin

Sophie Morin enseigne la biologie au collège de Rosemont depuis 2007. Après ses études en biologie, elle a obtenu une maitrise en pédagogie de l’enseignement supérieur au collégial, en plus de suivre le microprogramme en encadrement et gestion des ressources humaines à l’ENAP, dans le but de diversifier sa formation. Elle a participé à l’adaptation des trois éditions de l’ouvrage de référence Anatomie et physiologie humaine, une approche intégrée, chez Chenelière Éducation. Elle fait en outre partie du comité d’évaluation des formations pédagogiques impliquant des animaux de laboratoire à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, en collaboration avec le Conseil canadien de protection des animaux (CCPA).

 
Correspondance – Vous avez mené un projet de recherche sur l’enseignement explicite de la lecture des consignes. Comment vous est venue l’idée d’approfondir ce sujet?

Sophie Morin – Je donne le cours Anatomie et physiologie humaines I aux personnes inscrites à la première session en Soins infirmiers depuis 2016. Il s’agit du premier cours de biologie du parcours scolaire des étudiantes et étudiants de la technique. Or, dans le temps, le taux de réussite de ce cours demeure relativement faible. Et un échec à ce cours oblige les étudiantes et étudiants à retarder leur parcours d’une année, voire à modifier leur choix de carrière.

Ce cours de biologie a subi plusieurs transformations au fil des années, tant dans les contenus que dans les activités d’apprentissage et d’évaluation. Toutefois, ces modifications n’ont pas permis d’améliorer le taux de réussite de façon notable. Selon mes observations, plusieurs facteurs auraient un effet sur la réussite de cette population : des lacunes en sciences, une charge de travail très élevée, le manque de temps, d’organisation et de stratégies cognitives efficaces, une surutilisation de stratégies d’encodage plus ou moins intéressantes au cégep et des difficultés en français, pour ne nommer que ceux-là.

Par ailleurs, j’ai remarqué que le fait d’essuyer un échec à une évaluation ébranle fortement le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) des étudiantes et étudiants. Le SEP est la perception de notre capacité à nous organiser et à exécuter les actions requises pour réaliser une tâche spécifique (Bandura, 2007). La diminution du SEP se traduit bien souvent par un manque de motivation et de persévérance scolaire (Viau, 2009).

À travers ces constats, ce sont les compétences à lire et à comprendre les consignes qui ont particulièrement retenu mon attention. Depuis que j’enseigne, j’ai noté que, lorsque je questionne mes groupes de vive voix, la majorité est capable de fournir une réponse explicite qui me permet de vérifier sa compréhension. Par contre, dans les évaluations écrites, plusieurs personnes ne sont pas en mesure de fournir une réponse adéquate aux questions à court développement, se contentant de produire une réponse plutôt superficielle dont le niveau cognitif ne correspond pas à ce qui est attendu au collégial. J’observe également qu’une grande partie de mes classes ne respecte pas l’action suggérée par le verbe de l’énoncé servant à guider la démarche de réponse, par exemple expliquer.

De fait, j’en suis venue à me demander si l’inaptitude de mes étudiantes et étudiants à répondre à des questions à développement relevait davantage d’un manque de capacité à comprendre la consigne que d’un manque de connaissances. Il m’est dès lors apparu essentiel, si c’était le cas, de trouver une façon de les aider à développer leur compétence à lire plus efficacement des consignes.

Correspondance – Quels étaient vos objectifs de recherche et vos hypothèses de départ?

S. M. – M’appuyant sur le fait que les étudiantes et étudiants ont besoin de recevoir un soutien de qualité durant leur première session au collégial, je me suis questionnée sur les pratiques efficaces à mettre en place dans ma classe pour favoriser leur réussite.

Puisque le SEP, en amenant un sentiment de satisfaction élevé (Bandura, 2007; Viau, 2009), influence la motivation, la persévérance et l’engagement (ce que j’appelle le cercle vertueux de la réussite!), il n’est pas surprenant que j’observe, dans ma classe, un désengagement de la part de plusieurs personnes dès la première évaluation si leur note a été décevante. Il faut savoir que le SEP d’une personne se développe à partir de quatre sources lorsqu’elle exécute une tâche : l’expérience positive de maitrise, l’expérience vicariante (c’est-à-dire l’observation de pairs ou de spécialistes accomplissant avec succès la tâche), la persuasion verbale efficace (soit les commentaires constructifs de personnes significatives) ainsi que l’état psychologique et émotif (Bandura, 2007).

Toutefois, le SEP des étudiants et étudiantes est relativement flexible (ibid.). Il est donc possible, pour l’enseignant ou l’enseignante, d’agir sur ces différentes sources, dans une certaine mesure. À partir de mes recherches, j’ai donc élaboré un scénario pédagogique permettant de décortiquer et d’analyser une question à développement. J’ai conçu une séquence d’enseignement explicite de la lecture des consignes en m’inspirant du schéma d’analyse d’une question à développement élaboré par Dufour et Tessier (2012) et d’un glossaire des verbes d’action que j’ai moi-même créé. Durant cette expérimentation, je m’attendais à ce que l’utilisation du schéma d’analyse et du glossaire, dans une démarche d’enseignement explicite, favorise le SEP des étudiantes et étudiants lors des évaluations.

Correspondance – Comment le personnel enseignant peut-il favoriser la réussite scolaire grâce aux consignes?

S. M. – Au collégial, la consigne de travaux ou d’examens représente un genre textuel qui revient fréquemment. Les objectifs d’apprentissage sont complexes et la personne doit développer des compétences cognitives adéquates pour appliquer, expliquer, démontrer, analyser, notamment, les différents savoirs (Chartrand, Émery-Bruneau et Sénéchal, 2015).

Un enseignant ou une enseignante devrait toujours garder à l’esprit que les étudiantes et étudiants, à leur arrivée au cégep, ont développé des compétences langagières très hétérogènes (Boivin, Chabot et Debeurme, 2022). Bien comprendre une consigne et fournir une réponse qui respecte le niveau cognitif attendu peut donc représenter un défi pour plusieurs. En revanche, élaborer des consignes claires et univoques est à la portée de toute personne qui enseigne et peut par conséquent s’ancrer dans ses pratiques. Comme la consigne sert à mesurer les apprentissages et qu’elle peut, de ce fait, entrainer une sanction, on comprend que toute équivoque dans sa formulation peut fausser le processus de réponse à l’évaluation (Dufour et Tessier, 2012).

Correspondance – Comment avez-vous procédé pour aider les étudiantes et les étudiants à lire plus efficacement les consignes écrites?

S. M. – Pour mon travail de recherche, la séquence d’enseignement explicite a été mise en place dès la première semaine de la session. Elle comprend trois étapes. En exécutant la tâche et en énonçant le raisonnement à voix haute, l’enseignante ou l’enseignant fait d’abord la démonstration de la procédure à suivre. Il s’agit du modelage. Puis, par la pratique guidée, cette personne invite l’apprenant ou l’apprenante à appliquer cette procédure, idéalement de façon coopérative. Enfin, elle lui fournit une rétroaction appropriée durant la pratique autonome. Ajoutons que cette séquence doit toujours s’ouvrir par une mise en contexte et se terminer par une évaluation, pour vérifier les acquis (Gauthier et autres, 2013).

Durant la première semaine de la session, le projet a donc commencé par une discussion où j’ai présenté à mes groupes l’équation de la réussite, soit R = E x S. Ce calcul mathématique indique que la réussite (R) est tributaire non seulement des efforts (E) déployés, mais aussi des stratégies (S) employées (Bissonnette et autres, 2010). Les étudiantes et étudiants ont eu également la chance, à cette occasion, d’échanger sur leurs expériences d’apprentissage respectives. Nous avons aussi nommé des stratégies d’étude et les avons classées selon leur usage et leur efficacité. Enfin, j’ai expliqué en quoi consiste le SEP et j’ai présenté le cercle vertueux de la réussite.

À la deuxième semaine, l’étape du modelage m’a permis de présenter les outils, soit le schéma d’analyse et le glossaire. Mes groupes ont ainsi pu m’observer lire une consigne, la décortiquer et utiliser le glossaire pour construire une réponse qui respecte la structuration des objets que le verbe d’action impose.

À la troisième semaine, grâce à la pratique guidée, les étudiantes et étudiants ont été mis en action pour ajuster et consolider leur compréhension du schéma d’analyse. Il fallait alors remplir individuellement le schéma d’analyse à l’aide du glossaire des verbes d’action, puis comparer son travail avec celui d’un ou d’une collègue. Une rétroaction constructive entre pairs suivait, ce qui permettait de vérifier leur compréhension et d’améliorer leur pratique.

À la quatrième semaine, j’ai invité mes groupes à remplir un schéma d’analyse de façon autonome, en leur expliquant que cette étape est essentielle à la maitrise et à l’automatisation de la procédure. Je leur ai alors fourni toutes les rétroactions nécessaires pour ajuster et améliorer leur pratique avant la première évaluation sommative, qui se déroulait la semaine suivante. Enfin, le schéma d’analyse et le glossaire ont été annexés à l’évaluation, après quoi un retour sur l’examen et sur l’ensemble de la séquence a été fait en classe.

Correspondance – Quels sont les principaux avantages à enseigner explicitement la lecture des consignes?

S. M. – Selon plusieurs études, les étudiants et étudiantes qui présentent des difficultés scolaires profitent davantage des bienfaits de l’enseignement explicite (Gauthier et autres, 2013). Enseigner selon ce modèle permet également de clarifier les intentions et les objectifs de la leçon ainsi que les connaissances antérieures de la personne. Les différentes étapes de l’enseignement explicite fournissent entre autres des occasions de coopération entre pairs et des moments de rétroaction.

Au fil de mes expérimentations, j’ai compris que l’enseignement explicite me permettait d’agir positivement sur les différentes sources du SEP de mes étudiantes et étudiants. Tout d’abord, toutes les étapes de cette méthode d’enseignement amènent un état psychologique et émotif positif en donnant notamment l’occasion de construire une relation pédagogique solide et de mettre en place un climat sain en classe, basé sur le respect et le bienêtre. Le modelage favorise plus particulièrement l’expérience vicariante en misant sur l’écoute et l’observation. La pratique guidée, tout en contribuant elle aussi à l’expérience vicariante, promeut la persuasion verbale grâce à des encouragements sincères et bienveillants. Enfin, la pratique autonome offre des occasions de réussite et aide les étudiantes et étudiants à gagner en confiance, ce qui a l’avantage de diminuer leur niveau de stress lors des évaluations.

Correspondance – À quoi ressemblent les outils que vous avez conçus pour favoriser une meilleure lecture des consignes?

S. M. – D’une part, j’ai adapté le schéma d’analyse élaboré par Dufour et Tessier en 2012 et, d’autre part, j’ai créé un glossaire des verbes d’action.

Le schéma d’analyse consiste en une liste des cinq éléments essentiels d’une question à développement, que les étudiantes et étudiants sont appelés à identifier avant d’écrire leur réponse : le verbe d’action, la structuration des objets, les caractéristiques de la réponse attendue, le contexte et les objets de connaissance. Il est recommandé de toujours prendre en compte, dans l’enseignement, ces cinq éléments pour s’assurer de la qualité d’une consigne. De plus, l’énoncé ne devrait idéalement comprendre qu’une seule action à entreprendre (Dufour et Tessier, 2012). Enfin, en rédigeant la réponse attendue, l’enseignante ou l’enseignant pourra vérifier que sa question est claire, sans équivoque. Cette réponse servira également de grille de correction, essentielle pour fixer la pondération.

Consigne rédigée par l’enseignante ou l’enseignant
Verbe d’action :(Champ à remplir)
Structuration des objets (plan de ma réponse suggéré dans le glossaire) :(Champ à remplir)
Caractéristiques de la réponse attendue (critères mentionnés dans la consigne) :(Champ à remplir)
Contexte (de quoi parle-t-on?) :(Champ à remplir)
Objets de connaissance (ce que j’ai appris) :(Champ à remplir)
Réponse rédigée par l’étudiante ou l’étudiant
Figure 1
Schéma d’analyse inspiré de Dufour et Tessier (2012)

Ce schéma amène la personne à décortiquer la question et à suivre un raisonnement logique avant d’y répondre. Tout d’abord, en déterminant le verbe d’action, elle repère, dans la consigne, l’opération à réaliser. Ensuite, elle identifie, à l’aide du glossaire des verbes d’action, la façon de structurer adéquatement les objets de connaissance pour respecter l’action demandée par le verbe. Cela étant, elle s’assure de bien comprendre les caractéristiques de la réponse attendue. Cette composante de la question précise les attentes de l’enseignante ou de l’enseignant. Il s’agit d’informations sur le type ou le nombre d’éléments à inclure dans la réponse ou encore de précisions quant à la longueur du texte à rédiger. Ces caractéristiques sont très importantes puisqu’elles représentent généralement des critères de correction. Puis, l’étudiant ou l’étudiante va repérer le contexte, qui consiste en des indications dans la question qui permettent de cerner le cadre dans lequel se trouvent les objets de connaissance. Ceux-ci correspondent au dernier élément de sa réflexion. Il s’agit du contenu, vu en classe et stocké en mémoire, qui devra être structuré selon l’action suggérée par le verbe, dans le respect des caractéristiques de la réponse attendue.

Comparer : Identifier les ressemblances et les différences de plusieurs réalités, phénomènes ou points de vue de manière à dégager une conclusion
Action demandéeCritères de correction
Je dois préciser les ressemblances et les différences et fournir des liens avec la conclusion émise.
  • Les ressemblances sont précisées.
  • Les différences sont précisées.
  • La conclusion est présente et les liens avec l’affirmation sont pertinents.
Figure 2
Extrait du glossaire des verbes d’action (Morin, 2023)

Je tiens à souligner que la structuration des objets représente une étape cruciale dans l’élaboration d’une réponse cohérente. Cette étape dépend directement du verbe d’action identifié précédemment (Dufour et Tessier, 2012; Tremblay, 1989). Le recours à un glossaire peut grandement aider l’étudiant ou l’étudiante à réaliser cette étape importante. Le glossaire que j’ai construit, inspiré de celui de Tremblay (1989), recense tous les verbes d’action que j’utilise dans les évaluations de biologie. Cet outil détaille chaque action en commençant par une définition du verbe. Il précise ensuite ce qui doit être fait et les critères de correction liés à cette action.

Correspondance – Quels résultats avez-vous observés au terme de votre expérimentation?

S. M. – À l’automne 2022, deux de mes groupes-classes, qui totalisaient 62 personnes, ont expérimenté l’enseignement explicite de la lecture des consignes. Les données permettant de vérifier mon hypothèse ont été recueillies de deux manières. Dans un premier temps, juste avant le premier examen, à la cinquième semaine, j’ai remis à mes groupes un questionnaire comportant 15 questions fermées et 3 questions ouvertes, celles-ci visant à recueillir certaines données qualitatives sur le SEP et à prendre en compte l’aspect émotif de la personne lors de l’évaluation. Au total, 57 volontaires ont répondu au questionnaire. Dans un second temps, après la remise de l’examen et la tenue d’une rétroaction à la septième semaine, des entretiens individuels semi-dirigés d’environ 30 minutes ont été menés. L’objectif était d’obtenir des informations à propos de l’utilisation du schéma d’analyse, de l’efficacité de l’enseignement explicite et des quatre sources du SEP. Au total, 12 personnes y ont participé.

Selon les résultats de l’analyse quantitative du questionnaire, 80 % des personnes auraient utilisé le schéma d’analyse durant l’examen, ce qui suggère que cet outil a répondu à un besoin de soutien. De plus, le schéma d’analyse représente, pour 76 % des étudiantes et étudiants, un outil qui permet d’améliorer la confiance en soi durant l’examen. Cette proportion laisse penser que l’utilisation de ce schéma pendant l’évaluation a favorisé le SEP de plusieurs personnes. Enfin, 85 % des répondants et répondantes ont mentionné avoir été capables de l’utiliser efficacement pour répondre aux questions de l’examen. On peut donc croire que la méthode d’enseignement explicite est efficace pour introduire le schéma d’analyse.

Par ailleurs, selon mon analyse, il semble qu’à chaque étape de la démarche d’enseignement explicite, l’une ou l’autre des quatre sources du SEP des étudiantes et étudiants a été stimulée. À partir de ces observations, j’ai produit un schéma qui établit des liens entre les catégories d’analyse et qui propose un modèle conceptuel (figure 3).

Schéma à 5 volets présentant les effets de l’enseignement explicite de la lecture des consignes sur le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) des étudiantes et des étudiants.
Figure 3

Effets de l’enseignement explicite de la lecture des consignes sur le SEP des étudiantes et étudiants (Morin, 2023)

Comme le met en évidence le schéma, le travail collaboratif et un climat sain en classe influencent le SEP de manière très positive. Il faut dire que, chez plus de la moitié des personnes interrogées, l’état psychologique et émotif durant une évaluation a un effet considérable sur le SEP. Le stress, dont la source peut notamment être le manque d’étude ou la peur de ne pas bien comprendre les consignes, semble nuire de manière importante au SEP. De la même façon, l’attitude générale de la personne qui enseigne ainsi que ses méthodes, son expertise et le climat qu’elle instaure en classe jouent sur le SEP de ses étudiantes et étudiants.

Correspondance – Qu’ont pensé les personnes qui ont participé à votre recherche des nouvelles stratégies d’enseignement et d’apprentissage en lien avec la lecture des consignes?

S. M. – Quelques constats fort intéressants se sont dégagés de mon analyse des données qualitatives de la recherche. D’abord, le schéma a permis aux étudiantes et étudiants de mieux gérer leur stress durant l’examen, notamment parce que cet outil aide à se concentrer sur la question, à structurer les informations et à clarifier le résultat attendu. D’ailleurs, plusieurs auraient aimé qu’on leur présente cette stratégie plus tôt dans leur parcours scolaire. De plus, les personnes interrogées ont mentionné leur intention d’utiliser le schéma dans d’autres cours, par exemple en français, en psychologie ou en méthodes de soins. Une personne a même déclaré qu’elle comptait l’utiliser pour le reste de sa carrière et pendant ses études universitaires. La fréquence de ce type de commentaires souligne le grand pouvoir de transférabilité de ce scénario pédagogique : l’enseignement explicite de la lecture des consignes peut se réaliser à tous les ordres scolaires. Il peut également être adapté à n’importe quel cours et être déployé à plus grande échelle dans divers types d’établissements scolaires.

Dans l’ensemble, je pense que cette méthode innovante a répondu au besoin d’accompagnement des étudiantes et étudiants de première session. En effet, selon les commentaires reçus, le schéma d’analyse semble combler un désir de soutien, d’encadrement et d’organisation. Il faut ajouter que l’enseignement explicite représente un modèle pédagogique efficace pour introduire ce schéma puisqu’il offre un encadrement sécurisant et une responsabilisation des étudiantes et étudiants de première session, les menant graduellement à l’autonomie (Gauthier et autres, 2013). D’ailleurs, l’autonomie dans le processus d’apprentissage m’apparait comme une réflexion fort pertinente à poursuivre pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la réussite scolaire au collégial.

Correspondance – Quels sont les principaux pièges à éviter lorsqu’on enseigne la lecture des consignes?

S. M. – Tout d’abord, il est essentiel de préciser que l’enseignement explicite représente un processus itératif qui nécessite bien souvent de retourner à l’étape précédente pour consolider les acquis (Gauthier et autres, 2013). Il serait donc déraisonnable de penser que la procédure sera parfaitement maitrisée en quelques semaines seulement. C’est pourquoi je crois que les étudiantes et étudiants gagneraient à utiliser le schéma d’analyse dans le cadre de plusieurs cours de première session, de manière à automatiser plus rapidement la méthode et à l’ancrer mentalement pour le reste de leur parcours scolaire. L’objectif serait, bien sûr, de développer suffisamment leur compétence à répondre à une question pour ne plus avoir besoin de recourir systématiquement au schéma et au glossaire.

Je tiens également à souligner l’importance d’encadrer adéquatement la pratique autonome. En effet, l’usage du terme autonome à cette étape ne signifie pas forcément que les étudiantes et étudiants peuvent la réaliser en solo. Je m’assure alors de les soutenir pour leur permettre de s’améliorer; par exemple, je mets en lumière ma démarche par un code de couleurs dans les rétroactions que je leur fournis.

Enfin, j’ai remarqué que certaines personnes n’ont pas utilisé le schéma d’analyse à l’examen, ce qui laisse croire qu’il serait possible d’encadrer davantage l’évaluation. Une solution intéressante serait d’évaluer la démarche de réponse comme on le fait pour un problème de mathématiques, en accordant des points pour chaque étape du schéma, ce qui pourrait motiver les étudiantes et étudiants à fournir les efforts nécessaires pour utiliser l’outil. La liberté de recourir ou non au schéma viendrait plus tard dans le parcours, une fois cette automatisation bien intégrée.

Correspondance – Qu’est-ce que votre projet de recherche sur la lecture des consignes vous a appris sur votre métier d’enseignante?

S. M. – Ce projet m’a confirmé qu’il importe toujours de placer l’étudiante ou l’étudiant au cœur de nos préoccupations, en maintenant des attentes élevées, bien sûr, mais tout en respectant les particularités des cohortes et des individus qui fréquentent nos cours.

L’enseignante ou l’enseignant au collégial peut agir de plusieurs façons sur l’équation de la réussite dans ses groupes de première session. Le but est de déclencher le plus tôt possible l’engrenage du cercle vertueux de la réussite : comme je l’ai mentionné en début d’entrevue, en offrant des occasions de réussite, on active le SEP, la motivation et la persévérance scolaire.

Il existe de nombreuses stratégies d’apprentissage. Il relève d’ailleurs de la compétence enseignante d’utiliser celles qui sont efficaces et surtout éprouvées par la recherche pour permettre aux apprenantes et apprenants de développer leur autonomie. Or, l’équation de la réussite demande aussi des efforts (E). Et les efforts déployés par les étudiantes et étudiants dépendront, tout au long de leur cheminement scolaire, de multiples facteurs, qui se trouvent bien souvent hors de notre contrôle : leur situation émotionnelle, socioéconomique, familiale, etc. (Gaudreault et Normandeau, 2018; Fédération des cégeps, 2021). Toutefois, je sais maintenant que de miser sur un climat sain et coopératif en classe et sur une relation pédagogique basée sur des rétroactions constructives et bienveillantes exerce une grande influence sur le SEP de mes étudiantes et étudiants. Cela me fournit un levier accessible pour activer le cercle vertueux de la réussite et résoudre en partie l’équation.

Références citées par Sophie Morin

BANDURA, Albert (2007). Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle, 2e éd., Paris, De Boeck Supérieur, 859 p.

BISSONNETTE, Steve, et autres (2010). « Quelles sont les stratégies d’enseignement efficaces favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des élèves en difficulté de niveau élémentaire? Résultats d’une méga-analyse », [En ligne], Revue de recherche appliquée sur l’apprentissage, vol. 3, article 1. [https://r-libre.teluq.ca/776/1/sbissonn-06-2010.pdf] (Consulté le 12 janvier 2024).

BOIVIN, Marie-Claude, Lison CHABOT et Godelieve DEBEURME (2022). La maitrise du français au collégial : le temps d’agir, [En ligne], Québec, Ministère de l’Enseignement supérieur, 85 p. [https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/education/publications-adm/enseignement-superieur/Rapport-maitrise-francais-collegial.pdf] (Consulté le 12 janvier 2024).

CHARTRAND, Suzanne-G., Judith ÉMERY-BRUNEAU et Kathleen SÉNÉCHAL (2015). Caractéristiques de 50 genres pour développer les compétences langagières en français, 2e éd., [En ligne], Québec, Didactica, c.é.f. [https://www.enseignementdufrancais.fse.ulaval.ca/fichiers/site_ens_francais/modules/document_section_fichier/fichier__a0567d2e5539__Caracteristiques_50_genres.pdf] (Consulté le 12 janvier 2024).

DUFOUR, Jean-Didier, et Hélène TESSIER (2012). « Questions et consignes de travaux, matière à développement », Pédagogie collégiale, vol. 25, no 3, p. 14-19. Également disponible en ligne : https://cdc.qc.ca/ped_coll/v25/Dufour-Tessier-25-3-2012.pdf.

FÉDÉRATION DES CÉGEPS (2021). La réussite au cégep : regards rétrospectifs et prospectifs, [En ligne], Montréal, La Fédération, 151 p. [https://fedecegeps.ca/wp-content/uploads/2021/10/rapport-la-reussite-au-cegep.pdf] (Consulté le 12 janvier 2024).

GAUDREAULT, Michaël, et Sarah-Kim NORMANDEAU (2018). Caractéristiques de la population étudiante collégiale : valeurs, besoins, intérêts, occupations, aspirations, choix de carrière. Données provenant du Sondage provincial sur les étudiants des cégeps (SPEC) administré aux étudiants nouvellement admis aux études collégiales à l’automne 2016, Jonquière, ÉCOBES – Recherche et transfert, Cégep de Jonquière, 133 p. Également disponible en ligne : https://mobile.eduq.info/xmlui/bitstream/handle/11515/35737/gaudreault-et-al-caracteristiques-population-etudiante-collegiale-ecobes-cegep-jonquiere-2018.pdf.

GAUTHIER, Clermont, et autres (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages, Montréal, ERPI, 322 p.

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TREMBLAY, Robert (1989). Savoir-faire. Précis de méthodologie pratique pour le collège et l’université, Montréal, McGraw-Hill, 226 p.

VIAU, Rolland (2009). La motivation en contexte scolaire, 5e éd., Bruxelles, De Boeck Supérieur, 218 p.

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