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Élaboration d’un service de tutorat spécialisé au Cégep de Lanaudière à L’Assomption: «Arrêt français, pour la maitrise des écrits juridiques»

Avec la contribution d’Élaine-Marie Rouleau, enseignante au Département de français, langue et littérature au Cégep de Lanaudière à L’Assomption

En 2018, le Cégep[1] de Lanaudière à L’Assomption (CLA) déposait auprès de l’Office québécois de la langue française (OQLF) un ambitieux projet visant à outiller et à accompagner les étudiants et les étudiantes en Techniques juridiques, afin de leur permettre de mieux développer leur compétence à produire des écrits professionnels de qualité qui répondent aux attentes de leurs futurs employeurs. Le financement obtenu dans le cadre du programme Le français, au cœur de nos ambitions, de l’OQLF, a représenté une extraordinaire occasion de réunir une équipe multidisciplinaire[2] autour d’un même objectif : inviter les étudiants, étudiantes, stagiaires, techniciens et techniciennes du domaine juridique à faire un « Arrêt français, pour la maitrise des écrits juridiques ».

L’équipe a d’abord œuvré à identifier les habiletés jugées essentielles pour la rédaction d’écrits juridiques efficaces, c’est-à-dire d’écrits qui atteignent leurs objectifs en mobilisant des « conditions linguistiques, langagières et discursives » spécifiques (Pelletier et Lachapelle, 2016, p. 54). En s’appuyant, d’une part, sur les attentes du personnel enseignant, des milieux de stage et des employeurs du domaine juridique et, d’autre part, sur les fondements théoriques des travaux antérieurs d’une experte disciplinaire en français du CLA participant au projet, l’équipe a conçu du matériel spécialisé et l’a mis en ligne sur un site Web consacré au projet.

En parallèle, un tout nouveau service de tutorat spécialisé en écrits juridiques a été mis sur pied et offert aux étudiants, aux étudiantes et aux stagiaires en Techniques juridiques du CLA. Ce service visait à recruter et à former une équipe tutorale en français afin qu’elle soit mieux préparée à soutenir le développement des compétences langagières spécifiques des étudiants et étudiantes de cette technique. Nous nous attarderons ici à présenter en détail ce service novateur, de ses fondements à son fonctionnement.

Le développement des compétences langagières : un besoin à combler

Selon le MESRST et le MELS[3] (2013), « pour près de 40 % des employeurs de diplômés de la formation technique, la situation est critique quant à la capacité à communiquer par écrit en français de ces derniers, parce qu’ils ne répondent pas à leurs attentes » (cité dans Pelletier et Lachapelle, 2016, p. iii). Le CLA n’échappe pas à cette réalité. Une évaluation en profondeur de son programme Techniques juridiques[4] faisait ressortir que, malgré la grande qualité de ce programme, les milieux de stage et les employeurs exprimaient leur insatisfaction quant à la qualité du français écrit des stagiaires et des diplômés. Pour Pelletier et Lachapelle (2016), « une meilleure préparation des futurs diplômés est requise en matière de production des écrits [propres à leur profession] ». Selon eux, cette « préparation rédactionnelle […] est une affaire de transversalité, de multidisciplinarité et de continuité, une affaire de discours commun et de partage de responsabilité » (p. v).

Cependant, selon plusieurs chercheurs auxquels font référence Pelletier et Lachapelle[5], les compétences langagières transversales développées par la formation générale s’avèrent difficilement transférables aux écrits professionnels des étudiants et étudiantes sans adaptations et sans accompagnement, les genres textuels de la formation générale étant différents de ceux de la formation spécifique, et les enseignants et enseignantes de la formation générale ne possédant pas l’expertise des écrits professionnels de la formation spécifique. Par ailleurs, les enseignants et enseignantes des disciplines de la formation spécifique éprouvent souvent des difficultés et se sentent mal outillés pour accompagner leurs étudiants et étudiantes dans le développement de leurs compétences langagières[6]. Il s’agit, pour ces expertes et experts disciplinaires, non spécialisés en communication, en français ou en didactique du français, d’un enjeu de taille qui doit être mis en balance avec l’ensemble des compétences techniques que leurs étudiants et étudiantes doivent développer[7].

Dans le cadre du projet « Arrêt français, pour la maitrise des écrits juridiques », l’équipe de réalisation a estimé que les tuteurs et tutrices des centres d’aide en français (CAF), dont le travail est habituellement orienté vers les compétences langagières transversales ou les compétences langagières propres aux genres textuels de la formation générale, pouvaient avantageusement devenir agents multidisciplinaires. Ces tuteurs et tutrices pouvaient assurément offrir un accompagnement spécifique aux écrits professionnels en Techniques juridiques, à la condition d’être minutieusement sélectionnés parmi la population étudiante du programme, mieux formés et mieux outillés.

L’apport du projet ASTEC au service de tutorat spécialisé

L’équipe de travail initiale a procédé à la collecte et à l’analyse des attentes des enseignants et enseignantes, des milieux de stage et des employeurs du domaine juridique quant aux compétences en écrits juridiques des étudiants et étudiantes. Or, les critères ainsi identifiés se sont avérés les mêmes que ceux recensés et analysés quelques années auparavant par Élaine-Marie Rouleau (2017), membre de l’équipe du projet, enseignante en littérature et français et repfran, lors de ses travaux pour le projet ASTEC (Analyse des similitudes entre les textes écrits au collégial).

Dans le cadre de ce projet, Rouleau (2017) a recueilli et analysé 515 commentaires d’enseignants et d’enseignantes de neuf départements différents à propos de 98 textes d’étudiants et étudiantes. Elle a ainsi identifié dix critères de qualité des textes (orthographe, structure, lexique, planification, méthodologie, contenu, registre, autorégulation, inférence et style), qui traduisent trois intentions textuelles (fonctionner, communiquer et séduire)[8]. Ces trois intentions visent à atteindre de manière progressive les trois niveaux de compétence langagière attendus par les spécialistes disciplinaires, et qui ont été adoptés par le CLA[9] : la langue fonctionnelle, la langue efficace et la langue efficiente. Rouleau (2017) a constaté que la valeur d’un texte varie en fonction de ces trois niveaux de langue et de ces dix critères, qui reviennent d’une discipline à l’autre ou d’un genre textuel à un autre. Elle souligne que les deuxième et troisième niveaux de compétence langagière correspondent à des habiletés propres à l’écriture dans chaque discipline et varient donc d’un programme à l’autre, alors que celles requises pour le premier niveau, associé au code linguistique, sont les mêmes pour toutes les disciplines.

Figure 1

Dix critères pour un texte de qualité et trois intentions

Les commentaires des enseignantes et enseignants ayant participé au projet ASTEC ont été résumés selon le niveau de compétence langagière et l’intention textuelle auxquels ils étaient associés, comme on peut le constater en observant la figure 2. Ces commentaires révèlent un jugement à la fois quantitatif et qualitatif des textes évalués.

Figure 2

Évaluation de la langue : commentaires recueillis selon les trois niveaux de compétence langagière

C’est donc en s’appuyant sur ces fondements théoriques de l’ASTEC que du matériel adapté aux écrits professionnels juridiques a été développé (guide de formation des tuteurs et tutrices, tests diagnostiques, exercices, notions théoriques, capsules vidéos, site Web). Ce matériel vise à soutenir la formation et le travail d’une équipe de tutrices et tuteurs spécialisés, issus du programme Techniques juridiques.

Processus de mise en œuvre

Compte tenu du temps limité qui nous était imparti par la subvention de l’OQLF (deux ans) et des objectifs ambitieux que nous nous étions fixés dans le cadre du projet[10], l’élaboration et l’expérimentation du service de tutorat spécialisé en Techniques juridiques ont dû être réalisées parallèlement à celles du matériel spécialisé associé au projet. C’est donc à travers un processus itératif et interactif que les données propres aux écrits juridiques ont été analysées, synthétisées et interprétées à la lumière des travaux de l’ASTEC pour servir d’assises aux divers outils développés, dans lesquels s’est ancré le service de tutorat spécialisé. L’expérimentation de ce nouveau service a, à son tour, alimenté l’analyse du matériel créé et a mené à son amélioration.

Il nous semble important de nous attarder ici sur la méthode qui a été adoptée tout au long de ce processus itératif pour parvenir au transfert des fondements théoriques de l’ASTEC vers la discipline juridique, afin de soutenir la formation et le travail de l’équipe tutorale. Cette méthode fait appel à quatre grandes stratégies.

Stratégie d’analyse et de compréhension

On recueille d’abord les données propres aux écrits disciplinaires (les difficultés langagières, les besoins identifiés par les milieux de stage, le personnel enseignant et l’équipe tutorale ainsi que les spécificités des genres textuels propres au domaine). Il faut ensuite analyser et s’assurer de comprendre les concepts et la terminologie employée par les personnes expertes disciplinaires. Qu’entend-on par « rédiger de façon logique, précise et succincte » dans le milieu juridique? Quelles sont les attentes exactes quant à l’utilisation d’un « langage propre au domaine juridique »?

Figure 3

Exemple d’une grille d’évaluation ayant été analysée pour comprendre les difficultés langagières en Techniques juridiques

Stratégie d’association et de validation

On veille ensuite à interpréter les données analysées, à les associer aux dix critères de qualité des textes selon l’ASTEC et à valider cette association auprès d’une personne experte disciplinaire. Ce travail permet de mieux expliciter les plans sur lesquels se situent les compétences langagières attendues dans le domaine, par exemple le lexique, le contenu ou le registre.

Figure 4

Mise en relation des 10 critères langagiers et des éléments d’une grille d’évaluation des stagiaires

Stratégie de transposition théorique : du général au spécifique

La stratégie suivante consiste à mettre en commun les données recueillies, analysées, interprétées et validées afin de concevoir et de créer la théorie spécifique au domaine, c’est-à-dire de transposer aux écrits disciplinaires la théorie générale produite à la lumière des travaux de l’ASTEC.

Figure 5

Transposition théorique sur le plan du registre : du général au spécifique

Stratégie de transposition pratique

Enfin, à partir des notions théoriques spécifiques à la discipline, divers exercices peuvent être réalisés de manière à aider les tutorés et les tutorées à développer leurs compétences langagières.

Figure 6

Exemple d’un exercice portant sur la langue efficace (le registre)

Tutorat spécialisé en Techniques juridiques

Nous avions déterminé que les méthodes et théories développées feraient entièrement partie de la formation spécialisée de l’équipe tutorale en écrits juridiques. Ainsi, nous nous assurions que tous les aspects de notre nouveau service de tutorat spécialisé s’appuieraient sur des assises solides, du choix de la méthode tutorale au bilan de progression, en passant par la sélection de l’équipe tutorale, sa formation, le guide d’accompagnement, le suivi des rencontres et les tests diagnostiques.

Méthode tutorale préconisée

Avant d’aller de l’avant avec le recrutement de ces tuteurs et tutrices, l’équipe de réalisation du projet devait encore réfléchir à l’approche pédagogique qu’elle souhaitait privilégier afin de bien former ces étudiants et étudiantes dans leur nouveau rôle tutoral.

L’équipe a choisi de préconiser l’approche SRSD (self-regulated strategy development [développement de stratégies autorégulatrices]), présentée par Graham, Harris et McKeown (2013), d’après les travaux élaborés il y a une quarantaine d’années par Harris et Graham. Cette méthode, jumelée à l’approche tutorale préconisée au CAF et adaptée au contexte de tutorat spécialisé en écrits juridiques, comprend trois grandes phases.

La première vise à évaluer les besoins individuels de la personne aidée grâce au test diagnostique du CAF et à l’épreuve diagnostique en lecture et en écriture adaptée aux activités disciplinaires de Techniques juridiques. De la sorte, on établit un plan de travail afin de lui offrir une aide personnalisée. La deuxième phase vise à mettre en place des activités de lecture adaptées au domaine. La personne tutrice insiste sur l’importance de la lecture durant les études et en milieu de travail, et sur l’influence de la lecture sur l’écriture (la mauvaise maitrise d’un sujet nuit à l’écriture sur ce sujet). La troisième phase vise à développer les compétences rédactionnelles de la personne aidée. Elle sera mobilisée durant la majorité des séances tutorales. La dyade pratiquera alors des activités sur l’écriture selon six étapes, soit celles de la méthode SRSD : 1) le développement et l’activation des connaissances nécessaires à l’écriture et à l’autorégulation; 2) la discussion autour des stratégies; 3) le modelage; 4) la mémorisation des stratégies; 5) la pratique supervisée; 6) la pratique autonome. Ces étapes peuvent être répétées à plusieurs reprises durant la session, sur des genres textuels variés, propres aux écrits juridiques et, éventuellement, sur de nouveaux genres textuels.

À partir de cette approche, l’équipe de réalisation a mis au point différents outils et les a mis à la disposition des tuteurs et tutrices : guide de formation, tests diagnostiques d’entrée et de sortie, activités d’apprentissage, etc.

Sélection de l’équipe tutorale

Le recrutement des tuteurs et des tutrices s’est fait parmi la population étudiante inscrite en deuxième ou en troisième année en Techniques juridiques. Ces personnes devaient non seulement manifester leur intérêt pour le projet, mais elles devaient également répondre à certaines exigences jugées essentielles par l’équipe enseignante qui supervisait le projet. Ainsi, chaque candidat et candidate devait :

  • Réussir ses cours de français;
  • Réussir ses cours de formation spécifique;
  • Faire preuve d’engagement, de maturité et de responsabilité;
  • Être apprécié ou appréciée de ses pairs;
  • Signer le serment d’engagement éthique;
  • Accepter de mettre en œuvre des moyens permettant aux personnes tutorées de cheminer dans leurs apprentissages (développement de réflexes de correction; élaboration d’une méthode d’autocorrection; travail sur les compétences de lecture, d’organisation ou d’élaboration des idées; entretien de la motivation; etc.).

Tous ces critères de sélection ont permis un choix judicieux des tuteurs et des tutrices qui allait bien au-delà de la réussite de leurs cours de français et de techniques juridiques. En effet, bien qu’une première sélection ait été effectuée parmi les étudiants et les étudiantes ayant obtenu des notes élevées dans les deux cas, ce sont les qualités personnelles des tuteurs et des tutrices et leur engagement dans l’approche privilégiée qui se sont révélés des gages de réussite.

Formation des tuteurs et des tutrices

La formation de l’équipe tutorale s’est traduite, d’une part, par une formation générale au tutorat, en ligne (sur Moodle), offerte en mode asynchrone à l’ensemble des tuteurs et des tutrices du cégep. Cette formation non spécifique, d’une durée d’environ 6 heures, vise à transmettre des connaissances organisationnelles, relationnelles et pédagogiques utiles à toutes les disciplines et à tous les centres d’aide au CLA. Certains peuvent également avoir bénéficié d’une formation de 12 heures propre au centre d’aide en français, non créditée, mais reconnue par une mention d’engagement étudiant sur le bulletin.

La formation spécialisée en écrits juridiques de cette équipe tutorale s’est effectuée, d’autre part, par quelques rencontres (en groupe, en sous-groupes et individuelles) avec l’équipe enseignante superviseure du projet, avant le début des jumelages et tout au long de la session de travail tutoral. Ces rencontres ont permis de prendre connaissance du Guide de formation (Rouleau et Marchi, 2022), d’explorer les activités d’apprentissage possibles et le matériel de soutien (documents théoriques, exercices, capsules vidéos, etc.), mais aussi de répondre aux interrogations et aux préoccupations, sur le plan tant de la didactique du français appliquée aux écrits juridiques que de l’approche tutorale privilégiée. Malgré la richesse de leurs échanges lors de ces rencontres, les personnes participantes ont pris l’initiative de créer un groupe privé sur Facebook pour discuter de leur expérience, de leurs défis et de leurs stratégies gagnantes.

Guide de formation spécifique en écrits juridiques

Les tuteurs et les tutrices sont devenus, dès le départ, des partenaires essentiels au projet. En effet, comme nous l’avons mentionné précédemment, nous souhaitions nous appuyer sur l’expérimentation avec les tuteurs et les tutrices pour concevoir, créer et bonifier le service de tutorat et tout le matériel. C’est pour soutenir leur compréhension du projet et de la démarche que nous avons rédigé le Guide de formation des tutrices et des tuteurs — Formation spécifique en Techniques juridiques (TJU) (Rouleau et Marchi, 2022), aussi évoqué plus haut. Ce document, utilisé pour la formation et la réflexion de l’équipe tutorale, présente non seulement la méthode privilégiée pour le tutorat, mais également les difficultés relevées chez les étudiants et les étudiantes du programme tant par les maitres de stage que par l’équipe enseignante, à savoir :

  • La compréhension et l’interprétation des textes de loi, dont le degré de complexité se trouve tant dans le lexique que dans la structure du texte;
  • Le contenu des écrits (faire une utilisation critique des modèles; analyser les éléments à traiter selon la nature des écrits et le contexte de rédaction; etc.);
  • La forme des écrits (registre de langue; style clair, concis, précis; respect des conventions; etc.);
  • La maitrise des règles de base (vocabulaire, syntaxe, grammaire, ponctuation, orthographe) [Rouleau et Marchi, 2022, p. 5].

Le guide reprend la théorie des dix critères et des trois niveaux de compétence langagière. Les tuteurs et les tutrices se doivent de bien comprendre cet aspect afin non seulement de mieux cibler les difficultés de la personne tutorée, mais également d’être en mesure de lui fournir les outils pour les surmonter. Pour ce faire, le guide fournit divers scénarios pour aider à préparer chaque rencontre tutorale et à en faire le suivi.

SCÉNARIO A : Le tutoré a remis une rédaction avant la rencontre.SCÉNARIO B : Le tutoré n’a pas remis de rédaction avant la rencontre.
  • Corriger et coder la rédaction du tutoré. 
  • S’assurer de pouvoir expliquer chaque erreur codée et, au besoin, utiliser les ressources nécessaires pour parvenir à comprendre l’erreur et à trouver des exemples similaires. 
  • Relever les erreurs les plus fréquentes de la rédaction. 
  • Sortir des exercices pertinents liés aux erreurs fréquentes (faire les exercices au besoin). 
  • Trouver un sujet de rédaction à proposer pour la prochaine rencontre. 
  • Revenir sur les rencontres précédentes et sur le plan de travail pour déterminer un travail utile qui pourra être fait durant la rencontre (théorie et exercices sur une notion particulière, texte à corriger, élaboration d’un plan sur un sujet de rédaction, révision lexicale, etc.).  
  • Faire les travaux qui seront demandés au besoin. 
  • Trouver un sujet de rédaction à proposer pour la prochaine rencontre.
Figure 7

Exemples d’étapes préparatoires à une rencontre de tutorat selon le scénario qui s’applique (Rouleau et Marchi, 2022, p. 11-12)

Le guide comprend également les tests diagnostiques, le plan de travail, le bilan de progression et des exemples d’exercices et de rapports de rencontre. Le tout a pour but de s’assurer de la qualité du tutorat et de l’uniformisation de la méthode d’un tuteur et d’une tutrice à l’autre, et ce, même si chaque personne tutorée est accompagnée par la même personne tutrice durant toute une session.

Jumelage et suivi des rencontres tutorales

Les étudiants ou étudiantes souhaitant s’inscrire au tutorat spécialisé le font grâce à un guichet unique en ligne (module tutorat d’Omnivox). Soulignons que près d’une personne sur trois s’y inscrit à la suite de la recommandation d’un enseignant ou d’une enseignante de son programme d’études[11]. Chaque personne est ensuite jumelée à un tuteur ou une tutrice en particulier, et ce, durant toute la session en cours. Les rencontres tutorales se font habituellement à raison d’une rencontre (en présentiel ou à distance) d’une heure par semaine.

Chaque séance de tutorat fait l’objet d’un rapport de rencontre produit par le tuteur ou la tutrice. Ces rapports (générés par le module tutorat d’Omnivox) revêtent une grande importance pour assurer un suivi rigoureux et personnalisé du service. Ils permettent entre autres au tuteur ou à la tutrice de garder la trace des éléments travaillés avec la personne tutorée, des outils utilisés et du suivi à faire (devoir pour la personne tutorée; planification pour la personne tutrice). L’enseignant ou l’enseignante responsable du tutorat peut également se servir de ces rapports pour faire des commentaires et suggestions personnalisés.

Tests diagnostiques

Les tests diagnostiques, effectués à l’entrée et à la sortie, ont été mis en place afin que puissent être évaluées les compétences et les difficultés des étudiants et des étudiantes quant aux écrits juridiques. Le test d’entrée permet de déterminer ce sur quoi devra porter l’aide tutorale et le test de sortie, d’apprécier la progression de la personne tutorée. Les tests se font à la main ou en ligne (PDF interactifs). Les tuteurs et les tutrices ou le personnel administratif se chargent de les faire passer au début et à la fin de la session. L’équipe tutorale en assure la correction, sous la supervision du personnel enseignant responsable du service.

Ces tests évaluent les compétences de l’étudiant ou de l’étudiante sous quatre angles différents : 1) la capacité à compartimenter un texte lu pour aller chercher l’intention du législateur; 2) la capacité à synthétiser et à discriminer les informations pour les représenter à l’écrit; 3) la compétence à comprendre les articles, à faire des liens entre les faits et la décision, à analyser chaque élément de la communication par le biais d’une mise en situation qui nécessite une application contextuelle; 4) la compétence à repérer les erreurs orthographiques et à les corriger.

Figure 8

Extrait du test diagnostique d’entrée

Plan de travail et bilan de progression

Grâce au test diagnostique d’entrée, le tuteur ou la tutrice est en mesure de préparer un plan de travail individualisé. Il ou elle précise dans ce plan les difficultés ciblées chez le tutoré ou la tutorée, qu’elles soient disciplinaires ou qu’elles relèvent plutôt des méthodes de travail ou d’études. Il ou elle indique aussi les objectifs visés pour la session et les stratégies d’intervention choisies, comme convenu avec la personne tutorée.

À la fin de la session, le tuteur ou la tutrice prépare un bilan de progression et le remet à la personne tutorée. Ce bilan fait état des objectifs atteints, des points à améliorer et des recommandations, par exemple de poursuivre ou non le travail tutoral lors de la prochaine session.

Figure 9

Plan de travail et bilan de progression des personnes tutorées

Effets du service de tutorat spécialisé en écrits juridiques

Le service de tutorat spécialisé mis sur pied et expérimenté dans le cadre du projet « Arrêt français, pour la maitrise des écrits juridiques » est, rappelons-le, tout nouveau. Par conséquent, les effets observés jusqu’à maintenant sont encore très préliminaires et doivent être considérés avec réserve. Cela dit, certaines données recueillies laissent croire que ces effets sont positifs et tendent à montrer que le service a contribué à améliorer les compétences langagières des étudiants, des étudiantes et des stagiaires en Techniques juridiques. Nous présentons ici quelques-uns des résultats encourageants qui ont été obtenus grâce à différents instruments au terme de la première année du projet.

D’abord, selon l’analyse des tests diagnostiques, les personnes tutorées ont en moyenne amélioré de 40 % (19 points de pourcentage) leur résultat au test diagnostique au cours de la session d’automne 2021.

Numéro de la personne tutorée
Résultat au test d’entrée
(%)
Résultat au test de sortie
(%)
Amélioration
(%)
Personne 1456442
Personne 2586919
Personne 3607525
Personne 4627521
Personne 565n. d.n. d.
Personne 6456340
Personne 765n. d.n. d.
Personne 8407075
Personne 935n. d.n. d.
Personne 10456953
Personne 1160n. d.n. d.
Personne 1243n. d.n. d.
Personne 13366067
Personne 1467n. d.n. d.
Personne 15698320
Amélioration moyenne de la compétence en écrits juridiques40 %

Tableau 1
Compilation des résultats aux tests diagnostiques des tutorés et tutorées en Techniques juridiques à la session d’automne 2021

Ensuite, dans un sondage de satisfaction mené auprès des tutorées et tutorés en 2021-2022, bien que seulement 50 % des personnes répondantes considèrent avoir amélioré leurs compétences en français grâce au tutorat, toutes estiment avoir amélioré leurs compétences en écrits juridiques grâce à ce service (« plutôt en accord », « en accord » ou « entièrement d’accord »).

Figure 10

Extrait des résultats du sondage (2021-2022) mesurant les perceptions des tutorés et tutorées quant au service de tutorat

Quant aux tuteurs et aux tutrices et à leur implication dans le projet durant l’année 2021-2022, un sondage indique que la majorité estime avoir amélioré ses compétences en français et en écrits juridiques grâce à son expérience au sein du service.

Figure 11

Extrait des résultats du sondage (2021-2022) mesurant les perceptions des tuteurs et tutrices quant au service de tutorat

Enfin, selon un sondage mené auprès des maitres de stage en mai 2022, ceux-ci estiment que, depuis la mise en place du service de tutorat spécialisé, les compétences en français des stagiaires en Techniques juridiques du CLA répondent mieux aux exigences du domaine juridique.

Figure 12

Extrait des résultats du sondage mesurant l’évolution des compétences langagières des stagiaires selon les maitres de stage (session d’hiver 2022)

Le projet « Arrêt français, pour la maitrise des écrits juridiques » est né d’un rêve fou : rassembler, au cœur d’une même intention, des personnes avec des expertises d’origines diverses, avec des qualités et des compétences variées : des enseignants et des enseignantes, des personnes professionnelles et techniciennes, des étudiantes et des étudiants très compétents et d’autres avec difficultés. Rassembler un monde diversifié autour d’une même aspiration : positionner le français au cœur de leurs ambitions.

Cet ambitieux projet s’est finalement avéré une belle occasion d’offrir une vitrine à des fondements théoriques prometteurs pour établir des ponts entre les diverses disciplines en éducation, entre les différents rôles de la communication : la langue fonctionnelle, la langue efficace et la langue efficiente. L’occasion d’apprendre à séduire son lectorat, et de se rappeler qu’une langue efficace et efficiente est essentiellement disciplinaire.

Pour l’équipe ayant rêvé, conçu, créé, développé et réalisé ce projet, les premiers pas ont été faits. Une grande part des outils sont maintenant mis à la disposition de la communauté pour faciliter le transfert vers d’autres disciplines. Les travaux de l’ASTEC témoignent que les fondements théoriques peuvent être appliqués dans toute autre discipline; les similitudes textuelles peuvent faciliter la construction de ponts. L’expérimentation du projet « Arrêt français, pour la maitrise des écrits juridiques » suggère une manière de mettre en œuvre une approche qui annonce déjà des effets positifs pour la valorisation et l’amélioration de la langue française.

Au Cégep de Lanaudière à L’Assomption, c’est déjà le pari qui est fait. L’équipe de direction et le comité de valorisation et d’amélioration de la langue ont inscrit à leur plan de travail la continuité du projet Arrêt français.

Références

CÉGEP RÉGIONAL DE LANAUDIÈRE À L’ASSOMPTION (2018). Politique de valorisation et d’amélioration de la langue, [Fichier PDF], Le Cégep, 11 p. [https://www.cegep-lanaudiere.qc.ca/sites/default/files/lassomption/politique_de_valorisation_et_damelioration_de_la_langue_-_pval_0.pdf].

GRAHAM, Steve, Karen R. HARRIS et Debra MCKEOWN (2013). « The Writing of Students with Learning Disabilities, Meta-Analysis of SRSD Writing Intervention Studies, and Future Directions: Redux », dans SWANSON, H. Lee, Karen R. HARRIS et Steve GRAHAM (dir.). Handbook of Learning Disabilities, 2e éd., New York, Guilford Press, p. 405-438.

MARCHI, Nadine, Élaine-Marie ROULEAU et Dominique TRUDEL (2022). À la recherche de nouveaux itinéraires pour la maitrise des écrits disciplinaires, Cégep régional de Lanaudière à L’Assomption. [Présentation PowerPoint d’une communication présentée au 41e colloque de l’AQPC, tenu au collège Montmorency, à Laval, le 8 juin 2022]. Accessible en ligne : https://eduq.info/xmlui/bitstream/handle/11515/38429/314-Marchi-Rouleau-Trudel_colloque-aqpc-2022.pdf.

PELLETIER, Julie, et Guillaume LACHAPELLE (2016). Français écrit au collégial et marché du travail. Regards sur la formation technique et les attentes des employeurs des domaines d’emploi afférents en matière de production d’écrits professionnels, Rapport de recherche PAREA, Cégep de Sherbrooke, 331 p. Également disponible en ligne : https://eduq.info/xmlui/bitstream/handle/11515/34675/pelletier-lachapelle-francais-ecrit-collegial-marche-travail-sherbrooke-PAREA-2016.pdf.

ROULEAU, Élaine-Marie (2017). Rapport détaillé du projet ASTEC, [Rapport remis à la commission des études du Cégep régional de Lanaudière à L’Assomption le 16 mai 2017], 39 p. [En ligne]. [http://arretfrancais.cegep-lanaudiere.qc.ca/wp-content/uploads/2021/12/Rouleau_2017_ASTEC_Rapport_final.pdf].

ROULEAU, Élaine-Marie, et Nadine MARCHI [avec la collaboration de Valérie Thomas et Solanie Ann Picard-Turcot] (2022). Guide de formation des tutrices et des tuteurs. Formation spécifique en Techniques juridiques (TJU), Cégep régional de Lanaudière à L’Assomption, 29 p. [En ligne]. [https://arretfrancais.cegep-lanaudiere.qc.ca/wp-content/uploads/2022/01/GUIDE-DE-FORMATION-janvier-2022.pdf].

  1. L’usage de la majuscule au mot cégep dans le nom officiel du Cégep de Lanaudière à L’Assomption est une orientation prise par l’établissement dans ses communications. [Retour]
  2. L’équipe était composée d’enseignantes en Techniques juridiques, d’enseignantes en littérature et français, de techniciennes en travaux pratiques en Techniques juridiques et en français, d’une technicienne en information, d’une équipe d’intégration multimédia et d’une conseillère pédagogique. [Retour]
  3. Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie (MESRST) et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). [Retour]
  4. La Commission d’évaluation de l’enseignement collégial (CEEC) exige que tous les programmes d’études collégiales soient régulièrement évalués. Cette conclusion a été tirée du processus évaluatif du programme Techniques juridiques mené en 2012. [Retour]
  5. Pelletier et Lachapelle (2016) évoquent plusieurs chercheurs ayant étudié les « lacunes dans l’enseignement des écrits professionnels » (p. 16 à 19). [Retour]
  6. Ibid. [Retour]
  7. Ibid. [Retour]
  8. Une courte vidéo, préparée dans le cadre du projet « Arrêt français, pour la maitrise des écrits juridiques », offre une définition succincte de ces critères et intentions. [Retour]
  9. Ces trois niveaux de compétence langagière attendus ont été intégrés dans la Politique de valorisation et d’amélioration de la langue (PVAL) du CLA (Cégep régional de Lanaudière à L’Assomption, 2018). [Retour]
  10. En résumé, dans l’entente avec l’OQLF, le Cégep de Lanaudière s’engageait à : 1) concevoir une formation portant sur les écrits juridiques destinée aux tuteurs et aux tutrices; 2) créer une trousse pédagogique (exercices, guide, etc.) en appui à cette formation; 3) organiser des jumelages entre les tutrices et tuteurs formés et les étudiants et étudiantes ayant des difficultés rédactionnelles; 4) concevoir des exercices, de la théorie, des capsules vidéos et un site Web portant sur les écrits juridiques; 5) concevoir et déployer une campagne promotionnelle présentant les services et les outils développés. [Retour]
  11. Il est possible pour les enseignants et enseignantes de recommander directement à leurs étudiants et étudiantes de s’inscrire aux divers services de tutorat grâce à une fonction du système informatique Omnivox. Une alerte est alors transmise électroniquement aux personnes ciblées. Celles-ci demeurent tout de même libres d’accepter ou de refuser de s’inscrire aux services en question. [Retour]

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