Financement des cafs 2000-2001: résultats de l’enquête
Depuis sa création, Correspondance offre aux responsables des centres d’aide une tribune privilégiée pour décrire leurs expériences et leurs difficultés. Ainsi, le numéro de février 1998 rassemblait une série d’articles sur l’avenir, les rôles et les modalités de fonctionnement des cafs. Le problème, récurrent, de financement des CAFS n’y était qu’effleuré.
Une enquête menée par Michèle Frémont à l’automne 2001 visait à combler cette lacune en rassemblant suffisamment de données pour éclairer le mode de financement des centres d’aide. Le dépouillement des résultats effectué par l’auteure du questionnaire de l’enquête, Michèle Frémont, et par Charles Gravel, responsable du programme de français au CCDMD, a permis de découvrir une partie du « mystère » qui entoure le financement de ces centres.
Le financement : un mystère
Entre le caf rêvé et le caf réel, la différence est souvent grande, et l’explication de ce hiatus est fort simple : le manque d’argent. Conséquemment, la question du financement occupe une place centrale dans les préoccupations des responsables des centres d’aide. C’est pourquoi Michèle Frémont, du CCDMD, a entrepris, à l’automne 2001, de mener une vaste enquête auprès des centres d’aide en français, afin de tracer un profil aussi précis que possible du réseau sur le plan financier. Il s’agissait de percer un peu le lourd et opaque mystère qui entoure trop souvent dans les collèges les modalités de financement. De plus, les responsables des centres d’aide pourraient bénéficier de cet exercice comparatif ; certains y puiseraient peut-être des idées nouvelles ; d’autres, des arguments de poids pour réclamer un meilleur financement.
Portée, analyse et pertinence des données recueillies
La question du financement est vaste et complexe. Elle ne peut être traitée seule : à quoi peut servir de connaître le budget total d’un caf, si l’on ne sait rien de la façon dont il est dépensé ? Le questionnaire de l’enquête s’est donc attardé aussi bien aux dépenses qu’aux revenus des cafs, ce qui permettait de donner un portrait assez précis du réseau. Services offerts, types de tutorats, ressources humaines et matérielles : rien n’a été laissé de côté. Cependant, le prix à payer (sans mauvais jeu de mots !) pour une enquête d’aussi grande envergure est la complexité de la consultation. Vous avez été assez nombreux à nous répondre : 33 cafs ont rempli le questionnaire sur le financement (sur un total de 88 collèges et centres d’études publics, privés ou anglophones). Considérant que des événements comme les intercafs réunissent une quarantaine de collèges, l’on peut donc dire que cette enquête est tout à fait représentative du réseau. Cependant, les réponses que vous nous avez fournies sont au moins aussi complexes que nos questions… En effet, malgré la bonne volonté évidente de chacun, des incohérences, et surtout des zones d’ombre émergent rapidement du dépouillement de tous les questionnaires.
Cela invalide-t-il l’enquête ? Non, certainement pas ! Mais il serait irréaliste de vouloir chiffrer de façon précise chaque question. L’analyse des résultats nous permet cependant de dégager des tendances très significatives qui constituent selon nous une information pertinente, utile et fort intéressante.
Puisqu’il nous semblait que la réalité des petits centres d’études avait peu en commun avec celle de certains mégacégeps, nous avons jugé bon, pour procéder au dépouillement des questionnaires, de répartir les collèges selon le nombre d’étudiants qu’ils comptaient au secteur régulier. Nous avons ainsi créé quatre catégories : celle des très petits collèges (moins de 1000 élèves), celle des petits collèges (de 1000 à 2500 élèves), celle des collèges moyens (de 2500 à 4000 élèves) et finalement celle des gros collèges (plus de 4000 élèves). Cette répartition permet d’établir des points de comparaison plus pertinents d’un collège à un autre. Le tableau 1 fait état de cette répartition.
Répartition des collèges répondants
Taille des collèges | Clientèle au secteur régulier | Nombre moyen d’élèves au secteur régulier chez les répondants | Nombre de répondants à l’enquête |
Très petits collèges | moins de 1 000 élèves | 354 | 8 |
Petits collèges | 1 000 — 2 500 élèves | 1 602 | 11 |
Collèges moyens | 2 500 — 4 000 élèves | 2 994 | 8 |
Gros collèges | 4 000 élèves et plus | 5 956 | 6 |
Nombre total de répondants à l’enquête | 33 |
Résultats : Un portrait des centres d’aide
Sauf dans les petits collèges, le nombre d’étudiants inscrits au caf est légèrement supérieur à la session d’hiver qu’aux autres sessions. Bien sûr, le nombre total de rencontres d’aide par année est fonction de la grandeur du collège (et, partant, du centre d’aide). Il va d’une moyenne globale de 341 rencontres individuelles/année pour les très petits collèges (qui, cependant, ne semblent pas toujours pouvoir tenir des statistiques) à une moyenne de 3370 rencontres/année pour les gros collèges. Ces rencontres sont d’une durée moyenne de 40 minutes dans les très petits collèges, et d’une heure dans les trois autres catégories de collèges. Il semble que, pour une clientèle de taille semblable, ce qui distingue les petits collèges des collèges moyens est la durée du suivi de chaque étudiant, significativement plus longue dans les collèges moyens.
Fréquentation des centres d’aide
Taille des collèges | Nombre moyen d’étudiants inscrits — session A-2000 | Nombre moyen d’étudiants inscrits — session H-2001 | Nombre moyen de rencontres individuelles — session A-2000 | Nombre moyen de rencontres individuelles — session H-2001 | Durée moyenne des rencontres |
Très petits collèges | 24 | 29 | 141 | 200 | 40 min |
Petits collèges | 86 | 77 | 322 | 355 | 60 min |
Collèges moyens | 84 | 85 | 643 | 674 | 60 min |
Gros collèges | 121 | 149 | 1 517 | 1 853 | 60 min |
Sur le plan des ressources informatiques, les centres d’aide possèdent tous des ordinateurs — en nombre très variable. Le nombre moyen d’ordinateurs est d’environ quatre par caf ; un ordinateur est généralement dédié à la gestion du centre d’aide. Trop peu de collèges ont répondu à la question relative à la disponibilité des « laboratoires » informatiques pour que nous puissions tirer des conclusions pertinentes à ce sujet.
Ordinateurs dans les centres d’aide
Taille des collèges | Nombre moyen d’ordinateurs | Nombre moyen d’ordinateurs pour la gestion du centre d’aide | Nombre moyen d’ordinateurs dans le centre d’aide |
Très petits collèges | 4 | ? | ? |
Petits collèges | 3,7 | 1 | 2,7 |
Collèges moyens | 4 | 1 | 3 |
Gros collèges | 4,9 | 1,6 | 3,3 |
Les tableaux 4 et 5 présentent les données relatives aux horaires et aux services offerts par les centres d’aide. Les très petits collèges n’ouvrent qu’environ quatre jours par semaine, pour une durée moyenne de 13 heures/semaine. Dans les trois autres catégories de collèges, le caf est ouvert cinq jours/semaine, pour une période variant de 31 heures à 34,6 heures/semaine. Presque tous les centres d’aide offrent de l’aide individualisée donnée par un professeur. Les ateliers sont aussi des interventions fort populaires dans les centres d’aide (l’atelier le plus souvent mentionné est celui consacré à la préparation à l’épreuve uniforme). Le tutorat par les pairs est très répandu dans les collèges avec une clientèle nombreuse, et plus rare dans les petits collèges. Finalement, l’autoapprentissage avec des logiciels se pratique dans environ la moitié des cafs.
Horaire des cafs
Taille des collèges | Nombre moyen de jours d’ouverture par semaine | Nombre moyen d’heures d’ouverture par semaine |
Très petits collèges | 4 | 13 h |
Petits collèges | 5 | 31 h |
Collèges moyens | 5 | 34,6 h |
Gros collèges | 5 | 34,3 h |
Services offerts dans les centres d’aide
Taille des collèges | Enseignement individualisé (par un professeur) | Ateliers (par exemple, pour la préparation à l’EUF) | Autoapprentissage avec des logiciels | Tutorat par les pairs |
Très petits collèges | 87,5 % | 50 % | ? | 37,5 % |
Petits collèges | 90,9 % | 72,7 % | 54,5 % | 100 % |
Collèges moyens | 88,9 % | 55,6 % | 77,8 % | 88,9 % |
Gros collèges | 83,3 % | 83,3 % | 66,7 % | 100 % |
Moyenne des pourcentages | 87,7 % | 65,4 % | ? | 81,6 % |
Puisque la majorité des cafs accueille à la session d’hiver une clientèle plus nombreuse (voir le tableau 2), on compte aussi à cette session un plus grand nombre de tuteurs. Cependant, le type de tutorat pratiqué dans les collèges diffère grandement selon chacune des catégories. Les très petits collèges comptent principalement sur des bénévoles pour assurer le tutorat, et 87,5 p. cent d’entre eux ne disposent pas de cours pour former leurs tuteurs. La situation est bien différente dans les petits collèges qui, eux, forment la majorité de leurs tuteurs dans un cours assorti d’unités et rémunèrent également leurs assistants. Seuls trois collèges sur les onze répondants de cette catégorie emploient des tuteurs bénévoles. Même tendance dans les collèges moyens où les tuteurs en grande majorité suivent un cours avec unités, et sont rémunérés. Le pourcentage de tuteurs bénévoles est bien peu significatif dans cette catégorie. Finalement, dans les grands collèges, on ne rapporte presque pas de bénévolat. La majorité des tuteurs provient des cours avec unités ; les autres sont rémunérés. Mentionnons cependant quelques cas isolés : dans un collège, une éducatrice spécialisée est employée par le caf pour venir en aide aux dyslexiques ; dans un autre, les tuteurs proviennent de l’extérieur ; ce sont des bacheliers en littérature ou en linguistique, qui travaillent à mi-temps et assurent presque toutes les heures de disponibilité au caf.
Le budget 2000-2001 ?
Ces données concluent la première partie de l’enquête, qui visait à tracer un profil précis des centres d’aide. La seconde partie portait, elle, sur le budget de ces centres et sur leurs sources de financement ; elle n’a malheureusement pas toujours été remplie par les répondants à notre enquête. Souvent, aussi, les responsables des cafs ont répondu eux-mêmes aux questions portant sur le financement ou le budget, au meilleur de leurs connaissances, lesquelles se trouvaient, hélas, parfois fort réduites… Seuls quelques collèges ont fait remplir cette section par leur direction des études. Bref, bien peu de données peuvent servir à l’établissement de statistiques fermes.
Ainsi, l’un des sujets qui motivaient principalement la tenue de cette enquête, soit les sources de financement des cafs, reste encore aussi profondément mystérieux. Notre enquête ne nous désigne, au fond, que… les collèges comme principales sources de financement des cafs qu’ils abritent ! Rien qui soit bien surprenant… Mais de quelles sources, à l’intérieur des collèges, provient l’argent des cafs ? Le mystère demeure entier. L’on sait, au moins, que l’argent lié à l’aide à la réussite profite à certains centres. D’autres tirent une petite partie de leur financement des frais afférents perçus auprès des étudiants, ou des services aux étudiants. Un certain nombre profitent de subventions de la fondation de leur collège. Sont également mentionnées, comme sources de financement, une subvention de soutien à l’intégration des communautés culturelles et la contribution monétaire des étudiants qui fréquentent le caf.
Si l’on ne sait toujours pas précisément d’où provient l’argent du caf, du moins a-t-on une meilleure idée de l’endroit où il va. La répartition des ressources financières est, en effet, un peu plus précise. Ainsi, chez nos répondants, dans le budget 2000-2001 consacré au matériel des cafs, un montant moyen variant entre 200 $ et 525 $ est alloué à l’achat de livres et de documentation. Les sommes dépensées en logiciels varient énormément d’un collège à un autre (de 50 $ à 2000 $). Côté photocopie, les dépenses sont fonction de la grandeur du centre d’aide, et vont de 100 $ à plus de 1000 $ (plusieurs n’ont pas répondu à cette question : ignorance, insouciance ?).
Pour ce qui est des ressources humaines, les données sont encore plus claires. Le tableau 6 montre que des très petits collèges aux collèges moyens, le nombre total de professeurs rémunérés au centre d’aide va croissant, tout comme d’ailleurs le nombre d’heures de travail par semaine fournies par l’ensemble des professeurs, et le dégrèvement en termes d’ETC. Cependant, les gros collèges comptent moins de professeurs et de ressources allouées aux cafs que les collèges moyens. Cela peut s’expliquer par le fait que tous les gros collèges comptent dans leur caf un ou une secrétaire. Dans les collèges moyens, seulement 62,5 p. cent ont déclaré avoir un ou une secrétaire, et ce pourcentage passe à 45,5 p. cent pour les petits collèges. Finalement, aucun des très petits collèges ne compte de secrétaire au service de son caf.
Tâches des professeurs dans les centres d’aide
Taille des collèges | Nombre moyen de professeurs rémunérés au centre d’aide | Nombre moyen d’heures de travail par semaine (pour l’ensemble des professeurs du centre d’aide) | Dégrèvement global (en ETC) accordé aux professeurs | Pourcentage des répondants dont le caf a un ou une secrétaire |
Très petits collèges | 2,2 | 10 | 0,25 | 0 % |
Petits collèges | 2,4 | 19 | 0,5 | 45,5 % |
Collèges moyens | 3,7 | 32 | 0,9 | 62,5 % |
Gros collèges | 1,8 | 27,5 | 0,5 | 100 % |
Côté tuteurs, les réponses varient beaucoup d’un collège à un autre. Même à l’intérieur d’une catégorie de collèges de taille semblable, les données vont dans tous les sens. Seulement le quart des très petits collèges ont un budget pour les tuteurs, et le nombre de tuteurs rémunérés varie d’un collège à un autre. Leur salaire horaire, lui, se situe entre 10 $ et 12,50 $. Dans les collèges de petite taille, 73 p. cent des répondants emploient des tuteurs rémunérés, pour un salaire moyen de 11 $/h. Dans les collèges moyens, au moins 50 p. cent emploient des tuteurs rémunérés, à un salaire horaire moyen de 10 $. Finalement, les répondants des gros collèges, à 83 p. cent, rémunèrent des tuteurs, au même salaire horaire que les collèges moyens.
Une très faible proportion de tous les répondants perçoit des frais d’inscription dans son caf. Aucun des très petits collèges ne le fait et moins de 10 p. cent des petits collèges recourent à ce type de financement. Ce sont les moyens collèges qui tendent le plus à facturer leurs services, dans une proportion d’environ 50 p. cent, alors que moins de 16 p. cent des répondants des gros collèges s’adonnent à cette pratique. Dans tous les cas, les frais perçus sont plutôt d’une importance symbolique : 2 $, 3 $ par session pour l’étudiant. Un seul collège impose un tarif horaire de 2 $ à sa clientèle.
Finalement, l’analyse des budgets totaux moyens des cafs (tableau 7) montre que ceux-ci sont proportionnels, bien sûr, à la grosseur des collèges, sauf pour les répondants des collèges moyens, qui semblent un peu plus fortunés que leurs collègues des gros collèges. Ces derniers ont cependant bénéficié, dans plus de la majorité des cas, d’une augmentation de leur budget au cours des deux dernières années. C’est peut-être ce qui explique que les responsables des cafs dans les gros collèges soient les plus satisfaits de leur sort sur le plan financier, puisqu’ils ont été 66 p. cent à déclarer que leur mode de financement était adéquat, contre 50 p. cent dans les moyens et les très petits collèges, et un maigre 23 p. cent dans les petits collèges. Cependant, il y a lieu de garder espoir, puisqu’un certain développement semble amorcé, avec plusieurs budgets en croissance dans les quatre catégories de collèges.
Budget global et croissance des centres d’aide
Taille des collèges | Budget moyen du caf | Croissance du budget dans les deux dernières années | Satisfaction à l’égard du financement du caf |
Très petits collèges | 15 277 $ | dans 33 % des cas | oui :50 % non :50 % |
Petits collèges | 57 000 $ | dans 55 % des cas | oui :23 % non :77 % |
Collèges moyens | 69 710 $ | dans 33 % des cas | oui :50 % non :50 % |
Gros collèges | 65 000 $ | dans 66 % des cas | oui :66 % non :34 % |
L’insatisfaction de plusieurs cafs à l’égard de leur financement a également percé dans les commentaires recueillis à la fin de l’enquête. Plusieurs centres d’aide ont mentionné que leurs ressources, insuffisantes, ne leur permettaient pas de répondre aux besoins de leur milieu. En conséquence, dans plusieurs collèges, il y a des listes d’attente. Et le temps manque, bien sûr, pour faire de l’animation ou de la sensibilisation auprès des autres départements. Certains ont également dénoncé leur sous-équipement technologique. D’autres ont souligné le fait que, dans un tel contexte, les destins des cafs reposent sur l’engagement quasi vocationnel des responsables qui s’en occupent.
Conclusion
Que retenir de toutes ces données ? Que tout n’est pas encore parfait, bien sûr. Que le financement, cependant, est plutôt en hausse (l’obligation pressante de se pencher sur l’aide à la réussite y serait-elle pour quelque chose ?). Que les gestionnaires des cafs ont su tirer un profit maximal de leurs ressources pour offrir des activités d’aide variées, aux formats dynamiques et bien adaptés.
Mais force est aussi de constater que les responsables des cafs, s’ils sont dévoués et fort bons pédagogues, n’ont toujours pas saisi l’occasion de rendre un peu moins occulte le financement de leur centre d’aide, et de se donner les moyens d’une négociation éclairée avec les dirigeants de leur collège.
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