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L’intégration de la grammaire dite «nouvelle» en classe de littérature: un casse-tête?

L’intégration de la grammaire dite «nouvelle» en classe de littérature: un casse-tête?

Le Cours autodidacte de grammaire française de Suzanne-G. Chartrand propose des solutions

Les nouvelles cohortes d’élèves qui nous arrivent du secondaire ont été soumises à ce que l’on nomme un peu abusivement la « nouvelle grammaire », l’adjectif « nouvelle » se révélant de moins en moins approprié à mesure que l’on découvre que cette grammaire, davantage ancrée dans une perspective syntaxique que sémantique, ne date pas des années 90. Pour faciliter la transition, les maisons d’édition nous proposent divers outils qui parviennent généralement bien à placer la terminologie et à dédramatiser les nouveaux paradigmes qui s’imposent en didactique de la langue française. En 1999, Graficor avait mis sur le marché une grammaire[1] destinée aux élèves du collégial et du dernier cycle du secondaire et qui s’alignait sur le programme de français du secondaire, l’auteur ayant corédigé les sections grammaticales du nouveau programme au MEQ. Seulement, cet outil, lourd aux yeux de plusieurs enseignants, ne permet pas toujours aux élèves moins portés vers la grammaire de développer leur autonomie et, du coup, leurs savoirs.

Le Cours autodidacte de grammaire française[2], lancé cette année, toujours sous la direction de Suzanne-G. Chartrand, pallie ces lacunes et permet une véritable intégration des contenus grammaticaux dans les cours de littérature du collégial. La division par chapitres, les corrigés détaillés et le corpus de textes riches posent les bases d’un matériel didactique exigeant, qui laisse aux enseignants et aux élèves la latitude voulue pour corriger les lacunes de chacun tant en grammaire de la phrase qu’en ponctuation ou en grammaire du texte. Ce cours représente pour les enseignants le moyen le plus efficace de contourner le problème du manque de temps, qui repousse trop souvent le travail sur la langue vers les cafs. La souplesse du matériel permet aux élèves d’ignorer les éléments déjà maîtrisés pour approfondir ou explorer ceux qui présentent davantage de difficultés.

La présentation visuelle du cahier contraste beaucoup avec les anthologies littéraires du collégial où l’on utilise abondamment la couleur et l’iconographie. Les pages du Cours autodidacte sont chargées, peu aérées, ce qui ne contribue certes pas à rendre la grammaire plus attrayante aux yeux des récalcitrants. Néanmoins, ce matériel a le grand mérite d’être clair, tant en ce qui regarde les consignes que les renvois aux corrigés, lesquels fournissent aux élèves toutes les explications qui les amèneront à comprendre leurs erreurs. Ces corrigés sont la clef de voûte du développement de l’autonomie des élèves : la langue n’est plus l’affaire de l’enseignant ; l’élève travaille individuellement sur les éléments ciblés, et les renvois explicites vers la Grammaire pédagogique au début des chapitres favorisent encore plus cette autonomie. Le renforcement de savoirs aussi simples mais aussi arides que la grammaire est davantage possible avec cette méthode de travail : on responsabilise l’élève et on libère en même temps l’enseignant d’un cours magistral de grammaire dont n’ont pas besoin tous les élèves au collégial.

Les différents chapitres du Cours autodidacte n’abordent pas les exceptions de la langue, mais plutôt ses grandes régularités, celles que tentent de maîtriser les élèves dans leurs rédactions. Ainsi, les auteurs ont sélectionné les éléments de contenu qui, sans être les plus difficiles, causent le plus grand nombre d’erreurs : les accords — les règles les plus simples, mais qui continueront toujours à hanter une majorité d’élèves –, le choix des pronoms relatifs, des prépositions, la reprise pronominale, etc.

Un des chapitres les mieux réussis aborde la délicate question de la ponctuation, plus spécifiquement la virgule, que de nombreux élèves emploient au hasard, sinon en se plaquant sur les pauses de la voix à l’oral. Les auteurs, toujours en se basant sur le principe des grandes régularités de la langue, proposent une catégorisation très opérationnelle de l’utilisation de la virgule. On y explique, par exemple, pourquoi le complément placé en tête de phrase doit être suivi d’une virgule, dans quels cas on peut ajouter une virgule après « car » ou « mais », etc. En s’appuyant sur des règles cohérentes et universelles, les élèves s’approprieront une ponctuation plus fine, plus nuancée, ce qui ne manquera pas d’améliorer leur style, voire leur argumentation — comme quoi les compétences en grammaire ne peuvent être dissociées de celles rattachées à la rédaction et à la lecture littéraire.

Les derniers chapitres sur la grammaire textuelle et la modalisation poursuivent exactement les mêmes objectifs : combler les lacunes des élèves en matière de reprise textuelle, de progression, de concordance des temps, de style, notamment à travers les différents marqueurs de modalisation. Certes les nombreuses étapes du travail sur la grammaire textuelle peuvent sembler laborieuses, voire lassantes, comparées au travail sur les textes littéraires fait en classe ; il faut toutefois voir que ces notions grammaticales constituent des obstacles considérables pour bon nombre d’élèves qui peinent à organiser leurs idées tout en enrichissant leur écriture. Ce sont donc là des outils sur lesquels pourront s’appuyer les enseignants pour expliciter un peu mieux les éternels « manques de clarté »…

Le Cours autodidacte n’est évidemment pas une panacée : la présentation trop dense du matériel rebutera plusieurs élèves. Toutefois, les enseignants du collégial tiennent là un outil privilégié pour intégrer la grammaire dans les classes de littérature sans que la première prenne pour autant préséance sur la seconde. À chacun de se tracer son propre itinéraire dans un ouvrage qui propose bien des solutions pour sortir des ornières des exercices répétitifs qui ne demandent pas toujours à l’élève d’avoir compris pour réussir…

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  1. CHARTRAND, Suzanne-G., Denis AUBIN, Raymond BLAIN et Claude SIMARD. Grammaire pédagogique du français d’aujourd’hui, Boucherville, Les publications Graficor, 1999, 397 p. Retour
  2. CHARTRAND, Suzanne-G. et Gilles McMILLAN. Cours autodidacte de grammaire française : activités d’apprentissage et corrigés, Boucherville, Les publications Graficor, 2002, 213 p. Retour

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