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Qui corrige apprend. Quelles leçons peut-on tirer des erreurs en français écrit?

Entrevue
Dans le premier de deux articles sur le thème de la correction d’erreurs dans les copies d’étudiants, François Lépine répond aux questions de Suzanne-G. Chartrand à propos d’un cours qu’il a donné à l’Université Laval à de futurs enseignants de français au secondaire. La spécificité du cours Étude pratique de la correction (EPC) était qu’il portait essentiellement sur l’analyse des erreurs en français écrit dans les textes d’élèves. Or, l’étude approfondie de ces erreurs présente un intérêt évident pour toutes les personnes, – enseignants ou tuteurs des centres d’aide –, qui interviennent auprès des élèves éprouvant des difficultés en français écrit, car on peut en tirer de précieuses informations qui permettent de rentabiliser davantage la correction des travaux et d’élaborer des démarches d’enseignement et d’apprentissage plus efficaces.
François Lépine a travaillé de 1985 à 2015 dans le domaine de l’enseignement de la communication écrite à l’Université Laval, d’abord à l’École de langues de la Faculté des lettres et des sciences humaines, puis, à compter de 2002, à la Faculté des sciences de l’éducation, où il a coordonné, à partir de 2008, le Centre de développement des compétences langagières. Il s’intéresse particulièrement à l’analyse des erreurs dans les productions écrites et a donné pendant plusieurs années des cours de correction de textes d’élèves dans les programmes de formation à l’enseignement secondaire.

SUZANNE-G. CHARTRAND – Vous avez donné pendant plus de 10 ans un cours qui visait à ce que les futurs enseignants de français du secondaire deviennent des correcteurs compétents des copies de leurs élèves. En quoi ce cours consistait-il?

FRANÇOIS LÉPINE – Dans sa dernière version, le cours EPC faisait partie de la séquence de cours de didactique du français; il se donnait en deuxième année du programme de baccalauréat et faisait donc suite à la formation grammaticale et linguistique de la première année.

La principale caractéristique du cours EPC était qu’il portait en grande partie sur ce que l’on appelle communément les « fautes de français », c’est-à-dire, plus largement, sur les divers dysfonctionnements tant textuels ou discursifs que linguistiques observés dans les productions écrites d’élèves du secondaire ou d’étudiants ou étudiantes du post-secondaire. Il importe de souligner que tous les cas étudiés étaient authentiques, même quand ils étaient abrégés ou simplifiés pour en faciliter l’étude. Il s’agissait, en gros, d’une « visite guidée du monde merveilleux de l’erreur en français écrit », mais dans une perspective didactique, dépourvue, faut-il le préciser, de purisme comme de laxisme. Le cours incluait l’étude de quelques articles didactiques (dont certains figurent à la fin du présent article).

Au fil des ans, le cours a évolué. Dans les premières années, on étudiait les problèmes en partant des phénomènes de surface (les erreurs d’orthographe lexicale et grammaticale) pour élargir peu à peu la perspective et se pencher sur les problèmes de syntaxe et de vocabulaire, puis en arriver aux questions d’ordre textuel et discursif (structure du texte et de ses parties, progression thématique, pertinence du propos). L’ordre de présentation des éléments de contenu a été ensuite inversé : on partait autant que possible du général (il s’agissait d’évaluer, en gros, les forces et les faiblesses du texte) pour aller vers les problèmes particuliers, relatifs aux règles et aux normes du français écrit. D’un point de vue didactique, il est souhaitable de saisir le texte dans son ensemble d’abord, puis de l’examiner plus en profondeur, sous divers angles. Toutefois, pour l’étude de certains problèmes spécifiques (par exemple, les diverses erreurs d’orthographe, de syntaxe, de vocabulaire, de ponctuation), il est plus efficace de travailler sur des phrases isolées.

Chaque erreur (au sens large du terme) faisait l’objet d’un triple questionnement :

  1. Quelle est la nature de l’erreur?
  2. Qu’est-ce qui peut expliquer que l’élève ou l’étudiant l’ait commise?
  3. Comment l’enseignant peut-il aider le scripteur à ne plus la commettre?

La nature de l’erreur

La réponse à la première question prenait la forme d’une description détaillée qui impliquait l’emploi des notions ou des concepts pertinents, c’est-à-dire propres au domaine ou au sous-domaine de la langue concerné[1]. Il fallait expliquer en quoi l’« objet défectueux » entrait en conflit avec telle ou telle composante du français écrit normé, un principe de la communication écrite ou une caractéristique liée à un genre discursif donné. L’étudiant était donc appelé à mobiliser ses connaissances sur la langue et l’écriture afin de comprendre ce qui « clochait » dans des segments textuels qui s’écartaient de la norme dans ses diverses manifestations, puis de déterminer la forme correcte. D’ailleurs, contrairement à ce qu’on pourrait supposer, cette dernière opération n’était pas toujours facile : on peut être sûr que « ça ne se dit pas » ou que « ce n’est pas du bon français » et avoir, malgré cela, bien de la difficulté à trouver la formulation adéquate… qu’on reproche précisément à l’élève de ne pas avoir employée! L’analyse d’erreurs constitue donc une occasion extraordinaire de mettre à l’épreuve, de consolider et d’enrichir ses connaissances sur la langue et l’écriture, et de développer une sorte d’empathie pour ses élèves ou ses étudiants[2].

La source de l’erreur

Évidemment, dans un contexte d’enseignement et d’apprentissage, il faut aller au-delà de la seule détermination de la nature de l’erreur. Il importe que l’enseignant ou l’enseignante s’emploie à comprendre, à partir des observations faites sur les copies de ses élèves, pourquoi certains d’entre eux ne maitrisent pas tel ou tel élément de la langue écrite, d’où l’intérêt de s’interroger sur la source potentielle d’une erreur. Essayer de déterminer ce qui a pu causer une erreur donnée oblige à émettre une hypothèse explicative qu’on pourra peut-être valider lors d’une discussion avec l’élève (mais ce n’est pas souvent possible). Parmi les sources d’erreurs, la plus importante est certainement la gestion déficiente du processus rédactionnel, notamment du sous-processus de révision-correction : c’est à cette faiblesse qu’on doit toutes les prétendues « fautes d’inattention[3] ». Il y a d’autres sources, plus ou moins liées à la première : l’influence de la langue orale familière, toute lacune dans les connaissances (par exemple, ne pas connaitre le genre d’un nom ou l’orthographe d’un mot, ne pas savoir qu’il faut répéter certaines prépositions ou qu’une certaine tournure est un calque de l’anglais) et même, souvent, le désir d’écrire dans un style « littéraire » ou recherché pour répondre aux attentes, réelles ou supposées, de son professeur…

La remédiation

Le travail ne s’arrête pas là. Un « diagnostic », dans un contexte pédagogique, n’est utile que s’il mène à une remédiation : les étudiants étaient donc invités à proposer une démarche d’apprentissage correspondant au problème relevé.

Soit la phrase suivante : J’ai enfin trouver un emploie. Comme son auteur est un élève de fin de secondaire qui a fréquenté l’école une dizaine d’années, on ne peut supposer qu’il ignore tout de la différence entre l’infinitif trouver et le participe passé trouvé; par contre, il est peut-être convaincu que le nom emploi s’écrit emploie. Lors de la révision-correction subséquente de son texte, étape qui donnera son sens à la correction effectuée par l’enseignant, l’élève devra, d’une part, renforcer ses habiletés de révision afin d’éviter de confondre deux formes verbales homophones et, d’autre part, combler une éventuelle lacune dans ses connaissances orthographiques, d’où l’intérêt d’un dispositif didactique de compilation des erreurs fréquentes (Chartrand, dir. 2016).

Évidemment, l’enseignant ou l’enseignante ne peut se pencher sur chaque erreur détectée et la méditer pendant de longues minutes. Cela était toutefois possible pour les étudiants dans le cadre du cours EPC, qui constituait ainsi un « laboratoire » où l’on prenait le temps de s’arrêter sur un grand nombre d’objets linguistiques et langagiers défectueux pour les étudier selon divers points de vue.

S.-G. C. –Amener à voir les erreurs comme une source d’information fait donc partie, selon vous, de la formation à la correction de la langue?

F. L. – L’un des buts principaux du cours EPC était de favoriser chez les futurs enseignants de français le développement d’une perception positive des erreurs commises par les élèves. Durant leur carrière, ils consacreront un temps considérable à corriger des copies, et les erreurs sont incontestablement l’une des principales « productions » des élèves… Mieux vaut donc s’en faire des « amies », les voir comme une source d’information sur les compétences linguistiques et scripturales en développement de ses élèves, et y reconnaitre une demande implicite de formation à laquelle il convient de répondre. Une telle perspective aiderait les enseignants à comprendre le « fonctionnement » de certaines erreurs fréquentes (leur nature, leur source) et de planifier des activités d’apprentissage susceptibles d’aider leurs élèves à ne pas les commettre. Ainsi, un relevé des erreurs d’orthographe grammaticale mettrait en évidence les trois phénomènes suivants :

  • l’erreur sur le nombre est beaucoup plus fréquente que l’erreur sur le genre;
  • le plus souvent, l’erreur relative à l’accord en genre et en nombre consiste à omettre la marque requise (une mise de fonds supérieur, des missions ultrasecrète) et non à en ajouter une indument;
  • dans leur vaste majorité, les marques d’accord omises sont graphiques et « inaudibles ».

De tels constats devraient être pris en compte dans l’enseignement, ce qui aurait pour effet, dans ce cas-ci, qu’on accorderait davantage d’attention à la question du nombre grammatical (plus complexe que celle du genre), qu’on expliquerait pourquoi il est si facile, en français, d’omettre les marques de genre et de nombre ou d’employer une marque de personne verbale à la place d’une autre.

Déconstruire l’obsession orthographique

Un texte peut se révéler plutôt réussi sur les plans communicationnel, discursif, textuel, syntaxique et lexical, et être, malheureusement, truffé d’erreurs d’orthographe; cela est même courant à la fin du secondaire et au collégial. Il m’a donc semblé pertinent d’aborder ce « problème orthographique » qui hante les scripteurs francophones pour ainsi dire du berceau jusqu’à la tombe, mais pas uniquement en raison de la fréquence des erreurs dans ce domaine. Rappelons qu’une erreur d’orthographe est, par définition, purement graphique. Il est ainsi utile pour plusieurs raisons de distinguer entre les erreurs « audibles » et les erreurs « inaudibles ». Les premières sont détectées à l’oreille; nul besoin d’avoir le texte sous les yeux pour déceler une construction boiteuse, une incompatibilité lexicale, un enchainement incohérent, voire tout problème lié au discours ou au contenu.

L’analyse des diverses erreurs d’orthographe (lexicale ou grammaticale) amène à une réflexion sur une composante purement technique de l’écriture, sur les difficultés particulières liées au passage en français de la « chaine phonique » à la « séquence graphique » (autrement dit, du phonème au graphème). Si les élèves (et la plupart des francophones) commettent des erreurs d’orthographe, c’est tout bonnement parce que c’est possible en français, voire inévitable. L’écriture du français présente d’indéniables défis que l’on ne comprend bien toutefois que si l’on accepte de prendre quelque distance par rapport à sa situation privilégiée de francophone hautement scolarisé et de se mettre dans la peau d’un apprenant.

Un détour par Bucarest

Cette démarche d’objectivation de la problématique de l’orthographe française empruntait, dans le cours EPC, un chemin qui peut sembler étrange : une incursion du côté de Bucarest, c’est-à-dire une comparaison (très sommaire, par la force des choses) du français avec une autre langue romane, le roumain, qui ne présente pratiquement aucune difficulté sur le plan orthographique. En bref (et en s’autorisant quelques raccourcis), on ne peut que constater le fait que la tâche du jeune scripteur roumain, du point de vue de l’écriture, est relativement simple : il doit maitriser un code graphique qui se caractérise par une relation biunivoque entre une séquence phonique et une séquence graphique.

Les étudiants et étudiantes avaient en main un tableau des correspondances son-lettre en roumain et, après quelques rapides précisions sur certaines particularités orthographiques (on ne met pas souvent de cédille sous le t en français…), je leur donnais en dictée trois ou quatre phrases courtes (en signalant toutefois les coupures entre les mots). Par exemple :

  1. Istoria pe care mi-a povestit-o era patetica dar fascinanta. (L’histoire qu’il m’a racontée était pathétique, mais fascinante.)
  2. Istoriile pe care mi le-a povestit erau patetice dar fascinante. (Les histoires qu’il m’a racontées étaient pathétiques, mais fascinantes.)

Lors de la correction, ils ont pu constater qu’ils avaient commis fort peu d’erreurs, puisqu’ils n’avaient eu qu’à écrire « au son ». Nous avons ensuite traduit ces phrases en français et nous sommes demandé ce qu’aurait pu écrire un roumanophone (ne sachant pas le français) si on les lui avait données en dictée. Il aurait, évidemment, commis de nombreuses erreurs d’orthographe lexicale (entre autres l’omission des h, des finales muettes, des accents, des doubles consonnes, etc.) et, surtout, il aurait été incapable de mettre la plupart des marques d’accord. Ce que mettait en évidence cet étrange exercice (très apprécié des étudiants, soit dit en passant), c’est la grande corrélation entre les erreurs (inévitables) commises par notre cobaye roumain imaginaire et celles qu’on trouve dans les copies d’élèves. Autrement dit, et c’est là la leçon essentielle qu’il fallait en tirer, les erreurs d’orthographe que font les élèves ne sont pas, au premier chef, des « fautes d’inattention »; elles s’expliquent par le fait qu’écrire en français ne consiste pas uniquement à transcrire ce qu’on entend, mais implique aussi un grand nombre de connaissances et d’habiletés d’ordre orthographique, morphologique ou syntaxique. Un scripteur roumanophone, pour autant qu’il maitrise la langue orale standard, n’a pratiquement aucun défi orthographique à relever et hésite donc rarement sur la forme d’un verbe ou le genre ou le nombre d’un nom ou d’un adjectif, toutes les désinences étant marquées à l’oral. Quant à lui, le francophone est « condamné » à prendre une foule de décisions d’ordre grammatical et à développer des automatismes orthographiques. Pour amener les élèves francophones au même niveau de compétence orthographique que les roumanophones du même âge, l’école de langue française doit donc consacrer beaucoup plus de temps et d’efforts que l’école roumaine. Cette comparaison sous l’angle orthographique entre le français et d’autres langues romanes devrait alimenter la réflexion relative à la réforme de l’orthographe française[4] : il ne sera certes jamais possible d’écrire simplement « au son » en français, et ce, en raison notamment de la multitude des marques morphologiques « muettes », mais on pourrait facilement éliminer certains obstacles à l’écriture et à son apprentissage, comme cela a été fait en espagnol et en italien.

Au-delà de l’orthographe : des erreurs de ponctuation, de syntaxe et de vocabulaire récurrentes

La portion du cours EPC consacrée à l’orthographe mettait en évidence le fait que toutes les erreurs en ce domaine se décomposent comme suit : l’omission d’un signe (hémoragie, le symbole par exellence, la création de centre d’aide), la présence indue d’un signe (il a mal agit, les effets qu’entrainent cette décision, de toutes évidences) et la confusion entre deux signes (le status d’Amérindien, on à fini, applicons le règlement). Des « prouesses » comme celle qu’on trouve dans « Pourquoi me priverège d’un tel plaisir? » défient la capacité d’analyse…

Or, est-il possible d’en arriver à une semblable schématisation concernant les erreurs de syntaxe, de vocabulaire ou de ponctuation? En partie, oui. Nous les abordons très rapidement ici et nous y reviendrons dans l’article suivant.

Le cas de la ponctuation :

  1. Omission d’un signe : Le stress s’introduira dans ton subconscient [×] ce qui causera un sommeil plus léger. (Texte informatif, 3e secondaire)
  2. Présence indue d’un signe : Aimeriez-vous, qu’après votre mort, on change vos écrits? (Critique de film, 5e secondaire)
  3. Confusion entre deux signes : Dans ces articles, Michel Fayol et Suzanne-G. Chartrand traitent de l’activité d’écriture; sa définition, son enseignement, son apprentissage. (Examen, 1er cycle universitaire)

De ce point de vue, la détection des erreurs de ponctuation s’apparente à celle des erreurs d’orthographe, mais son analyse implique la mobilisation de connaissances d’un tout autre ordre, lesquelles sont essentielles à la justification de la correction auprès des élèves et à l’élaboration de mesures de remédiation. C’est là l’un des principaux enjeux de la formation à la correction dans une perspective didactique.

Dans la plupart des exercices et des examens du cours EPC, l’étudiant (futur enseignant de français) devait non seulement détecter les erreurs, mais aussi, comme mentionné précédemment, les décrire de façon précise et les corriger. Cela impliquait de très bien connaitre les différentes composantes de la norme linguistique et d’être habile dans la manipulation des notions et des concepts servant à la décrire. Une telle exigence est considérable pour des étudiants et étudiantes dont les compétences linguistiques sont encore, à bien des égards, en développement et qui sont habitués à travailler à partir des exemples « modèles » qu’on trouve dans les ouvrages de référence.

La syntaxe, domaine complexe où les savoirs sont peu opérationnels

En ce qui touche la mobilisation des connaissances, c’est probablement la syntaxe qui pose le plus de défis aux futurs enseignants. Dans l’analyse des erreurs de syntaxe, ils doivent appliquer ce qu’ils ont appris dans les cours de linguistique à des phrases qui s’écartent toutes, d’une manière qu’il s’agit de déterminer, des modèles qu’ils ont étudiés. Or, il ne s’agit pas simplement de se demander si un signe quelconque a été omis, ajouté à tort ou confondu avec un autre, mais de retrouver « derrière » la phrase agrammaticale la structure correcte et la règle syntaxique qui
y correspond.

Soit les phrases incorrectes suivantes :

  • En effet, si l’on compare à un passé pas si lointain, on se rend compte que les frais de scolarité ont plus que triplé.
  • Grigori fait route vers le château de Sandomir, en Pologne, où il espère courtiser et obtenir la main de la puissante princesse Marina.
  • Les étudiants auront investi assez d’argent dans leur formation qu’ils chercheront d’abord et avant tout la réussite.

Quel questionnement conduit à cerner les erreurs de syntaxe? L’expérience du cours EPC a montré que les étudiants et étudiantes pouvaient assez facilement mettre le doigt sur la portion problématique d’une phrase défectueuse, mais que la correction et la description de l’erreur leur posaient de sérieuses difficultés, que le cours leur permettait de résoudre en partie. Le traitement d’une erreur de syntaxe reposait sur la démarche suivante :

  • le respect de l’intention discursive du scripteur : que veut-il dire?
  • le respect maximal des structures employées par le scripteur et la confection d’une phrase correcte : comment dirait-on la même chose en français standard et en apportant le moins de modifications possible à la phrase du scripteur?
  • la comparaison entre la phrase défectueuse et la forme correcte : en quoi consistent les différences sur le plan grammatical?

Les erreurs de vocabulaire

Le traitement des erreurs de vocabulaire est en partie semblable à celui des erreurs de syntaxe, mais il s’en distingue sur un point essentiel : il faut bien sûr comprendre le message (on ne peut corriger une phrase inintelligible…) et adopter la position du scripteur pour le reformuler en respectant autant que possible la forme de la phrase originale, mais, pour expliquer l’erreur, on doit recourir à des critères contextuels, sémantiques et lexicologiques d’une infinie variété. Les exemples suivants illustrent quelques types d’erreurs de vocabulaire :

  1. La chute des feuilles peut être accélérée par les conditions climatologiques (pluie, vent, etc.).
  2. La bombe a explosé et de nombreuses vitrines de commerçants ont volé en éclats.
  3. J’aimerais entreprendre une nouvelle profession et le marketing m’intéresse.
  4. L’heure avancée a été instaurée pour la première fois par le gouvernement fédéral en 1918.
  5. Cette proposition a été accueillie avec des pincettes par le ministre.
  6. Il faut se lever les manches et agir vite.
  7. Je suis pour l’abolissement du TECFÉE.

Enfin, pour travailler les autres problèmes liés à la production de textes (emploi des temps verbaux, cohérence, respect des caractéristiques génériques des textes produits, etc.), les étudiants disposaient d’un recueil de productions d’élèves incluant de nombreux textes narratifs, descriptifs ou argumentatifs. La démarche retenue visait non seulement à déceler les dysfonctionnements de diverses natures et à les mettre en relation avec les règles, normes ou conventions qui y correspondent, mais également à favoriser une réflexion sur les niveaux de compétence scripturale attendus de la part des élèves à telle ou telle étape de leur formation et sur les moyens didactiques devant être déployés par les enseignants, notamment au moyen de la correction des travaux, pour y parvenir.

* * *

Dans ce premier de deux articles, nous avons dressé un bilan partiel de l’expérience du cours EPC. Nous avons surtout voulu montrer l’intérêt pour les intervenants en français (enseignants, orthopédagogues, tuteurs) de connaitre la nature et la source probable des erreurs en français écrit commises par leurs étudiants afin de savoir quels éléments de la compétence scripturale ne sont pas maitrisés, de comprendre, dans la mesure du possible, pourquoi il en est ainsi et de mettre en place des mesures de remédiation adéquates. Nous nous sommes arrêté en particulier à la dimension orthographique de l’écriture, qui constitue un grand défi pour nombre de scripteurs francophones. Nous avons par ailleurs mis en évidence quelques traits caractéristiques des erreurs de syntaxe, de ponctuation et de vocabulaire. Celles-ci sont cependant si riches en enseignements que nous y reviendrons dans le prochain article, qui portera également sur certaines difficultés qu’éprouvent les jeunes scripteurs relativement à la cohérence textuelle et aux caractéristiques des genres discursifs. Relever et comprendre les erreurs de ses étudiants ne trouve évidemment son sens que si cela contribue au développement de leurs compétences scripturales et à la consolidation de leurs connaissances sur la langue. Nous examinerons donc de plus près et de façon concrète la question de la remédiation qui doit faire suite à la correction, afin que celle-ci soit perçue de manière positive.

* * *

  1. Pour la description des erreurs, les étudiants pouvaient s’appuyer sur l’ouvrage suivant : L. GUÉNETTE, F. LÉPINE et R.-L. ROY (2004, 2e éd.), Le français tout compris. Guide d’autocorrection du français écrit, Montréal, Éditions du Renouveau pédagogique. [Retour]
  2. Voir CHARTRAND (2013). [Retour]
  3. Voir LECAVALIER, CHARTRAND et LÉPINE (2016). [Retour]
  4. Voir LEGROS et MOREAU (2015). [Retour]

BIBLIOGRAPHIE DE BASE DU COURS ÉTUDE PRATIQUE DE LA CORRECTION

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GUÉNETTE, L., F. LÉPINE et R.-L. ROY (2004, 2e éd.). Le français tout compris. Guide d’autocorrection du français écrit, Montréal, Éditions du Renouveau pédagogique.

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RÉFÉRENCES

CHARTRAND, S.-G. (2013). « La révision-correction de texte du primaire au collégial », Correspondance, vol. 18, n° 2. Également disponible en ligne : http://correspo.ccdmd.qc.ca/index.php?p=20655.

LECAVALIER, J., S.-G. CHARTRAND et F. LÉPINE (2016). « La révision-correction de textes : un temps fort de l’activité grammaticale en classe pour mobiliser les connaissances des élèves sur la langue », dans CHARTRAND, S.-G., dir., Mieux enseigner la grammaire. Pistes didactiques et activités pour la classe, Montréal, ERPI, chapitre 14.

LEGROS, G., et M.-L. MOREAU (2012). Orthographe : qui a peur de la réforme?, Bruxelles, Fédération Wallonie-Bruxelles, [En ligne]. [www.languefrancaise.cfwb.be].

Portail pour l’enseignement du français, [En ligne]. [www.enseignementdufrancais.fse.ulaval.ca] (voir à Révision-correction et écriture).

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