S’engager ensemble pour la langue: le bilan du Cégep de la Gaspésie et des Îles après sept ans de travail d’équipe
Étalé sur un vaste territoire, le CGI est doté d’une structure complexe. Le chantier de valorisation de la langue s’est étendu jusqu’à maintenant dans ses quatre constituantes de l’Est-du-Québec : le campus de Gaspé, qui abrite aussi le personnel du siège social et une section anglophone, celui de Carleton-sur-Mer, celui des Îles-de-la-Madeleine ainsi que l’École des pêches et de l’aquaculture du Québec (EPAQ), basée à Grande-Rivière[2]. On y compte en tout environ 670 membres du personnel et 1 200 étudiantes et étudiants.
Le comité de valorisation de la langue française (CVLF), balisé par la Politique de valorisation de la langue française (PVLF), est la pierre d’assise du dossier; chaque catégorie de personnel et chaque campus ainsi que le service de la formation continue, Groupe Collegia, y sont représentés. Son mandat est de nature consultative alors que les répondantes du dossier du français (repfrans) et la gestionnaire responsable qui y siègent s’assurent en plus du déploiement des actions envisagées. Une agente de soutien administratif, à qui une partie de la tâche est officiellement attitrée, prête mainforte à l’équipe.
Afin de respecter les particularités locales tout en visant une harmonisation et une équité institutionnelles, le CGI compte une repfran locale dans chaque campus, et cette équipe est coordonnée par une repfran institutionnelle (l’ensemble des libérations totalise 1,6 ETC). Ainsi ai-je eu le bonheur, pendant sept ans, d’occuper les fonctions de repfran locale du campus de Carleton-sur-Mer tout en assurant la coordination institutionnelle du dossier.
Un premier constat s’impose ici : le travail collectif, le partage des dossiers et des responsabilités, a été une voie gagnante. Une seule personne, avec une libération équivalente, ne serait sans doute pas arrivée aux mêmes résultats. En effet, chaque repfran locale voit au travail sur le terrain dans son campus, mais collabore aussi à la création d’outils institutionnels dont tout le monde bénéficie. La richesse des points de vue et la répartition des tâches ont donné lieu à de multiples réalisations, dont certaines d’envergure. Notons également que la stabilité de l’équipe a favorisé la cohérence et la portée de nos actions : avec le temps, en quatuor, nous avons trouvé notre rythme, déterminé les forces de chacune, convenu des procédures les plus efficientes.
Bien sûr, cette collaboration est initialement tributaire de notre étalement territorial, mais, à la lumière de cette expérience, le partage de la libération repfran entre collègues internes ou encore la collaboration étroite entre repfrans de collèges différents me semblent des avenues à explorer. Du moins, il s’avère clair pour moi que ce dossier ne peut être la responsabilité d’une seule personne et qu’il gagne à être confié à une équipe. L’attribution de libérations adéquates est évidemment un incontournable. Si l’on souhaite obtenir des résultats porteurs, qui exigent de la rigueur et de l’amplitude, il faut se donner les moyens de ses ambitions.
Un vaste chantier
Lorsque je repense aux lignes directrices fournies par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur au moment de la présentation du cadre de mesures en 2011, je salue l’apport du Réseau Repfran et de son animatrice d’alors, Colette Ruest. Le cadre de référence qu’elle proposa pour que chaque cégep fasse le bilan des actions réalisées et développe de nouvelles zones d’intervention nous fut salutaire. Même si des actions de valorisation avaient évidemment lieu dans notre cégep avant 2013, ce cadre de référence a permis de systématiser nos initiatives et de favoriser l’émergence de nouveaux projets. Les trois plans d’action triennaux produits chez nous depuis 2013 en découlent directement et comprennent toujours les deux volets principaux suggérés, que nous avons subdivisés en sous-sections récurrentes et évolutives : « Le français dans l’enseignement » et « Le français dans le cégep » (voir le sommaire du plan d’action 2019-2022). Notre cheminement avec ces deux volets en toile de fond est d’ailleurs à l’origine du titre de l’atelier que nous avons offert lors du colloque de l’AQPC de 2019, Valoriser la langue, de l’affichage de postes à la postcorrection des étudiantes et étudiants, et qui témoigne de la vision d’ensemble que nous privilégions.
Les fondements de notre approche
Sans prétendre à une parfaite adhésion de toute notre communauté aux diverses propositions et obligations liées au dossier, nous pouvons affirmer avec satisfaction avoir provoqué des changements notables et contribué à des réalisations structurantes. Pour y parvenir, certains choix ayant guidé notre approche se sont avérés cruciaux.
Une écoute réelle du milieu
Au départ, deux portes d’entrée ont permis aux repfrans, en concertation avec la Direction des études, de prendre le pouls du milieu. En 2014, une tournée de consultation auprès de sous-groupes ciblés (personnel enseignant, non enseignant, gestionnaires) a amené nos collègues à échanger sur leurs perceptions et leurs pratiques actuelles, de même qu’à nous faire part de leurs attentes et de leurs réticences au sujet du chantier annoncé. Notre engagement de confidentialité ainsi que notre posture d’écoute et non d’argumentation ont favorisé la tenue de discussions franches et éclairantes, entre autres sur les points suivants :
- vision de la qualité de la langue écrite et orale de notre communauté collégiale;
- sentiment de responsabilité à cet égard;
- pratiques rédactionnelles et outils utilisés;
- types d’écrits et de communications orales;
- perception du soutien disponible, des compétences à développer et du test de français à l’embauche;
- attentes relatives aux services de référence linguistique;
- difficultés ou principaux irritants rencontrés.
Lors des rencontres propres aux équipes départementales, nous avons aussi mesuré leur perception d’éléments spécifiques :
- exigences du Ministère à l’égard du personnel enseignant et de la communauté étudiante;
- compétences à développer chez la communauté étudiante;
- tâche d’évaluation de la qualité de la langue;
- approches et exigences dans les cours de langue et littérature;
- possibilités de collaboration avec le centre d’aide en français.
Un sondage portant sur les besoins de perfectionnement, d’outils, de soutien et d’activités d’animation est venu compléter les rencontres. Ces deux initiatives semblent avoir été perçues par la communauté comme des marques de considération et de respect. Avec le recul, j’estime que le bilan que nous avons alors fait de l’expérience a teinté l’ensemble de nos actions ultérieures, d’autant plus qu’une nouvelle mouture de notre PVLF a été rédigée après cette étape.
En tant que repfrans, nous avions été sensibilisées aux réalités diverses de nos collègues, réalités qu’il ne nous faudrait jamais perdre de vue, anticipant les réticences engendrées par certaines étapes, invitant la Direction à toujours prévoir un espace de latitude à l’intérieur de balises imposées lorsque nécessaire.
En conviant le personnel à échanger en toute sincérité sur sa perception de ses propres compétences langagières et sur celles de notre communauté collégiale, en laissant s’exprimer, pour certains et certaines, un possible sentiment d’insécurité, nous avions fait preuve de réalisme et gagné la confiance du milieu. Bref, nous avions donné la note de départ en adoptant une posture conviviale à mille lieues d’une attitude culpabilisante, moralisatrice ou trop prescriptive.
Des avancées parallèles, continues et connues
C’est toutefois au fil des sessions et des années que la véritable crédibilité du dossier s’est établie. Nous l’attribuons principalement à un déploiement progressif mais parallèle des diverses mesures d’amélioration et de valorisation de la langue. Cet avancement simultané et continu dans plusieurs parties du dossier a témoigné de la rigueur et de la cohérence des interventions proposées. Il est graduellement devenu clair pour la communauté que nos appels à participation s’inscrivaient dans une vision globale articulée, qu’il y aurait des suites, des impacts réels et, de surcroit, que chaque nouvelle exigence ou suggestion serait accompagnée de mesures d’aide adéquates.
Nous avons également pris soin de faire connaitre régulièrement l’évolution du dossier et les projets envisagés par l’entremise de communiqués internes de suivi, de présentations de début de session, etc.
Des espaces-temps pour s’approprier les nouveautés
Un autre élément qui semble avoir porté ses fruits est l’attribution d’espaces-temps pour amorcer une appropriation collective au moment de la présentation de nouveautés. Il est rarement suffisant de remettre à chacun et à chacune la responsabilité de donner suite à de nouvelles productions ou orientations, surtout dans les cas où des changements de mœurs et de pratiques sont attendus. Dans l’exigeant tourbillon du quotidien, les demandes ou propositions peuvent facilement être reléguées aux oubliettes. À plusieurs reprises depuis 2013, des présentations officielles suivies de périodes d’échanges et d’une première phase de travail ont donné l’impulsion nécessaire à l’engagement de la communauté.
Un arrimage gestionnaires-repfrans
Ma participation aux rencontres semestrielles des repfrans m’a fait connaitre le fonctionnement de plusieurs autres cégeps où la Direction est engagée concrètement dans le dossier de la valorisation de la langue. Toutefois, j’ai aussi entendu de trop nombreux témoignages de repfrans sans soutien réel.
Je peux affirmer avec conviction que, chez nous, l’étroite collaboration du CVLF et des membres du comité de direction a eu des répercussions majeures. Cette collaboration est principalement attribuable au fait qu’une gestionnaire, en l’occurrence Françoise Leblanc-Perreault, directrice adjointe des études, s’est vu confier la responsabilité du dossier dès le départ du chantier. J’ai beaucoup travaillé en tandem avec elle en tant que repfran institutionnelle. La complémentarité de nos visions respectives de gestionnaire et de repfran, enrichies par celles des membres du CVLF, a permis d’adopter des approches rassembleuses. Madame Leblanc-Perreault, appuyée dans ce mandat par toute l’équipe de la Direction des études, a également vu à ce que je présente au comité de direction les plans d’action proposés par le CVLF et les rapports annuels attenants. Ces documents ont tenu les directions de services au courant de l’avancement et des retombées des travaux et leur ont permis de s’approprier les enjeux du dossier. Ces suivis étroits ont certainement influencé la décision du comité de direction de maintenir les libérations repfrans, et ce, malgré un financement ministériel ciblant moins spécifiquement la valorisation de la langue quelques années après l’instauration du cadre de mesures.
Il m’apparait d’ailleurs déplorable que certaines instances du réseau collégial semblent sous-estimer (par manque d’information?) les possibles impacts du dossier. À ce sujet, je me questionne sur le fait qu’à ma connaissance, aucune présentation officielle n’a eu lieu, par exemple, auprès de la Commission des affaires pédagogiques (CAP), du Conseil des directions générales (CDG), de la Commission des affaires de relations du travail et de ressources humaines (CARTRH). Des démarches en ce sens pourraient probablement rectifier la vision de ceux et celles qui l’associent à tort à l’orchestration de simples activités d’animation linguistique. Bien que ces activités soient très importantes et stimulantes, elles ne sont pas suffisantes et ne peuvent, à mon avis, constituer le fondement d’un plan d’action visant à mobiliser les divers intervenants et intervenantes en fonction de leurs expertises respectives.
Des réévaluations constantes
Signalons finalement que notre plan d’action en cours prévoit toujours, pour chaque projet ou initiative, une phase d’implantation, une phase d’expérimentation et une phase de bilan et d’ajustements. Cette souplesse, cette ouverture aux commentaires et aux modifications, est essentielle pour conserver la confiance et l’implication du milieu.
Quelques réalisations et initiatives
C’est donc dans l’esprit précédemment décrit que se sont développés nos principaux outils, qu’ont vu le jour nos principales initiatives, à petits pas réguliers, avec l’inévitable mélange d’hésitations, de doutes et de convictions qui caractérise toute démarche de développement. C’est par ailleurs en toute modestie que nous présentons ici quelques-unes de nos ressources produites au fil des années[3].
Volet « Le français dans l’enseignement »
Trousse en vue de l’adoption de modalités départementales d’évaluation de la langue
La trousse de correction Vers un renouvellement de l’évaluation de la compétence linguistique dans tous les cours est notre première réalisation d’envergure. Elle fut remise au personnel enseignant réuni en janvier 2016 dans le cadre d’une journée pédagogique consacrée à ce sujet. Cette activité s’ouvrait sur une conférence de Colette Ruest à propos des réalités et mythes rattachés à la notion de compétences langagières.
Ladite trousse présente le contexte de l’orientation retenue par la Direction des études ainsi que les six modalités d’évaluation de la langue sur lesquelles chaque département devait statuer tout en tenant compte de certaines balises imposées :
- Évaluation obligatoire de la qualité de la langue;
- Pondération et mode d’attribution des points;
- Barème et compte des erreurs;
- Critères;
- Code de correction commun (optionnel);
- Retour sur les erreurs signalées (optionnel).
Pour chacune de ces modalités, on retrouve, dans la trousse, des précisions, un résumé des enjeux, des recommandations et une boite à outils susceptible de faciliter la prise de décision.
La journée de présentation fut aussi l’occasion pour les équipes départementales d’entamer les discussions, de prendre conscience des divergences internes pouvant créer de l’iniquité pour les étudiants et étudiantes et d’envisager de nouvelles voies. Plusieurs d’entre elles profitèrent par la suite de l’offre d’accompagnement des repfrans locales pour terminer la phase d’expérimentation précédant les choix officiels.
Depuis l’hiver 2017, tel que le prévoyait l’échéancier, chaque plan de cours comporte la description des modalités départementales d’évaluation de la langue. Est-ce que cette mention fait foi de tout? Bien sûr que non et il faut admettre qu’il est difficile de vérifier l’application réelle des modalités retenues et que le niveau de compétence langagière varie d’une personne correctrice à l’autre. Il est toutefois bien clair qu’un grand pas a été franchi et que la majorité du personnel enseignant contribue très efficacement à la cause.
Outils liés à l’enseignement explicite des caractéristiques des écrits disciplinaires
L’avenue de l’enseignement explicite des caractéristiques des écrits disciplinaires (ou des genres textuels), proposé entre autres par le Réseau Repfran et la ressource Stratégies d’écriture dans la formation spécifique, du CCDMD, a ouvert chez nous des voies de collaboration fort profitables à la fois pour le personnel enseignant et la communauté étudiante.
Formées principalement en langue et littérature, nous avons convenu d’emprunter ce chemin en étant bien accompagnées. Il fallait d’abord nous doter des bases didactiques requises pour aider nos collègues d’autres disciplines à préciser leurs attentes. Avec les conseillères et conseillers pédagogiques (CP) désignés, nous avons profité d’une journée de formation avec Stéphanie Lanctôt (Université de Sherbrooke), qui nous a entretenues des caractéristiques générales des écrits disciplinaires et outillées pour faire les premiers pas avec nos collègues volontaires. Une deuxième formation avec le chercheur Daniel Labillois, également alors conseiller pédagogique au CGI, nous a orientées vers l’approche à privilégier avec nos futurs partenaires et sur l’accompagnement des équipes départementales en processus de changement[4].
Pour le coup d’envoi de ce projet de soutien au développement de matériel didactique relatif aux écrits disciplinaires, nous avons opté pour un support de communication différent en espérant susciter l’intérêt de nos collègues. Notre appel à participation comportait donc une brève vidéo d’animation qui cernait le sujet de façon concise et dont la facture plutôt ludique servait d’accroche.
Le courriel, émanant de la Direction des études, comprenait aussi l’article de Priscilla Boyer « Enseigner à écrire : une responsabilité partagée entre les professeurs de toutes les disciplines », très convaincant, ainsi qu’une foire aux questions (une stratégie souvent rassurante) et une liste d’exemples de réalisations possibles :
- consigne détaillée;
- grille d’autovérification;
- relevé des outils d’Antidote directement liés à certains éléments attendus;
- guide rédactionnel pour un travail, un cours, un programme;
- liste d’étapes à franchir pour lire efficacement un type d’écrit;
- annotation éclairante d’un texte exemple et d’un texte contrexemple;
- lexique disciplinaire avec exemples de mise en contexte;
- préparation d’une séance de coenseignement avec la repfran.
Comme pour d’autres projets de mobilisation menés par le passé, nous avons choisi de travailler d’abord avec les complices naturels, puis de compter sur un effet d’entrainement. Ce fut une sage décision si l’on considère la variété des outils créés et des équipes impliquées à ce jour.
Outils développés en lien avec l’enseignement des écrits disciplinaires
Types d’outils | Programme ou cheminement |
Le rapport de laboratoire (guide de rédaction) | Sciences de la nature du campus de Carleton-sur-Mer |
Le style rédactionnel dans les écrits scientifiques en sciences humaines (guide de rédaction) | Sciences humaines du campus de Carleton-sur-Mer |
Guide rédactionnel en histoire | Sciences humaines du campus de Carleton-sur-Mer |
Le texte d’intention | Arts et lettres du campus de Gaspé |
Le style rédactionnel du rapport en technologie forestière | Technologie forestière du campus de Gaspé |
Le style rédactionnel de la problématique en histoire | Sciences humaines du campus de Gaspé |
L’analyse et la dissertation en littérature Structure et style rédactionnel | Arts et lettres du campus de Gaspé |
La lettre de présentation | Sciences humaines du campus de Gaspé |
La description et l’analyse. Des écrits disciplinaires en psychologie | Sciences humaines du campus de Gaspé |
Le style rédactionnel de la problématique en travail social | Techniques de travail social du campus de Gaspé |
Les étapes du résumé | Tremplin DEC du campus de Grande-Rivière |
Le style du résumé | Tremplin DEC du campus de Grande-Rivière |
Consignes et grille d’évaluation pour la compétence Analyser un objet culturel | Arts, lettres et communication des campus des Îles-de-la-Madeleine et de Carleton-sur-Mer |
Je n’insisterai pas ici sur les impacts majeurs entrainés par l’enseignement explicite des caractéristiques des écrits disciplinaires; plusieurs autres articles de Correspondance en présentent les mérites avec brio. Il m’apparait toutefois important de souligner que le soutien apporté au personnel enseignant est primordial. Pour plusieurs, développer de tels outils constituait un vieux rêve continuellement reporté faute de temps. La concrétisation de celui-ci, grâce à des circonstances facilitantes, fut particulièrement satisfaisante, entre autres parce qu’une amélioration notable des travaux reçus est constatée depuis. Pour chaque outil créé, la toute dernière étape du processus consiste à présenter les réalisations aux collègues pour mettre en lumière le travail accompli et… recruter d’autres volontaires : dépôt sur le portail du personnel, présentation dans le cadre d’activités pédagogiques, etc.
Soutien aux équipes de langue et littérature
Quoique le personnel enseignant en langue et littérature soit parfaitement à même de contribuer à l’amélioration des compétences langagières des étudiants et étudiantes, il nous est apparu pertinent d’alimenter aussi ces collègues plus spécialisés.
Entre autres, après leur avoir offert une formation sur Antidote animée par Marie-Hélène Lapointe (collège Ahuntsic), nous les avons soutenus pour initier les groupes de première session à ce correcticiel. Nous avons aussi organisé deux matinées pédagogiques sur diverses stratégies de rédaction-révision-correction : Benoit Chaussé (UQAT) leur a présenté la stratégie Écriture zéro faute, Marie-France Dubé (cégep de Sainte-Foy) les a entretenus des dictées métacognitives et Marie Nadeau (UQAM), des activités de combinaison de phrases. Précédemment, Catherine Savage, la conseillère en services adaptés du CGI et orthopédagogue, les avait invités à une séance d’information sur l’accompagnement des étudiants et étudiantes ayant un trouble d’apprentissage lié à l’écriture ou à la lecture.
Nous croyons, de plus, à l’importance de créer des passerelles entre les différents volets d’intervention des équipes de langue et littérature : les centres d’aide en français, le cours de renforcement, l’accompagnement en lecture, le soutien à la réussite de l’épreuve uniforme de français, etc. C’est en ce sens que nous avons produit une synthèse visuelle invitant à considérer les pratiques porteuses dans ces différents volets. Osant un peu de fantaisie, nous avons baptisé notre outil La commode, misant sur ses tiroirs faciles à ouvrir et son petit côté pratique. Nous nous permettons de la diffuser ici bien qu’elle n’ait pas encore été présentée de façon élargie à l’interne au moment de la rédaction de l’article. Nous remercions d’ailleurs nos collègues pour leur compréhension à ce sujet. Précisons qu’il ne s’agit nullement d’un outil prescriptif, mais d’une simple vue d’ensemble d’avenues pertinentes et complémentaires.
La complicité du centre d’aide en français (CAF) avec le personnel enseignant de toutes les disciplines
Je clôturerai cette section du versant pédagogique de notre plan d’action en soulignant brièvement à quel point un CAF peut amener l’ensemble du personnel enseignant à contribuer encore plus concrètement à l’amélioration des compétences langagières de la communauté étudiante. Ayant aussi été responsable du CAF du campus de Carleton-sur-Mer, j’ai pu constater que l’ajout de services ponctuels, telles la précorrection et la postcorrection, mobilise des rédacteurs et des rédactrices de tous les niveaux et dynamise ainsi l’image du CAF. Ces services entrainent aussi une belle collaboration avec les départements, qui souhaitent recevoir de meilleures copies et qui sont encore plus motivés à signaler les erreurs langagières en sachant que des personnes-ressources assureront un suivi formateur à propos de celles-ci.
Le service de CAF mobile, qui permet aussi de constituer une équipe pour intervenir en classe avec l’enseignant ou l’enseignante titulaire lors de séances de révision-correction, est également apprécié. Il envoie parallèlement aux groupes concernés l’important message que la langue et la formation spécifique sont étroitement liées. Parmi les recommandations du CVLF au sujet des CAF des campus, on compte d’ailleurs l’élargissement de l’offre de services de ces derniers. Évidemment, l’implantation de telles mesures requiert du temps, de la foi et de la persévérance ainsi qu’un grand respect des valeurs et des rythmes locaux.
Volet « Le français dans le cégep »
Pour les besoins du présent article, l’accent a été mis volontairement sur le volet pédagogique de notre plan d’action, mais le volet organisationnel (« Le français dans le cégep ») a bien occupé la moitié de notre temps de repfrans. Il reste bien clair pour nous qu’un déploiement des mesures dans les deux sphères est essentiel et que l’implication continue de l’ensemble de la communauté collégiale contribue de façon notable à l’amélioration des compétences langagières des étudiants et étudiantes, au cœur de notre mission.
Tests de français à l’embauche
Le nombre élevé d’embauches à réaliser, les difficultés grandissantes de recrutement et le souhait du Cégep de maintenir le même niveau de qualité ont amené les repfrans à collaborer étroitement avec le Service des ressources humaines pour améliorer les outils de sélection et d’accompagnement relativement aux compétences langagières. Le CGI ayant choisi de miser sur le développement des compétences plutôt que d’exclure certaines personnes postulantes qui ne répondent pas aux exigences, beaucoup de travail a été accompli relativement aux tests de français à l’embauche et aux suivis nécessaires :
- affichage de postes précisant que la langue est un critère d’embauche et incluant des conseils de préparation aux tests;
- détermination de seuils de réussite variés dans chaque catégorie d’emploi;
- consignes de rédaction et grilles d’évaluation pour chaque fonction;
- consignes administratives pour la passation des tests;
- outils administratifs pour la passation des tests et la gestion des suivis personnalisés;
- outils pédagogiques pour les suivis personnalisés en cas d’embauche conditionnelle à la réussite de la reprise des tests.
L’équipe travaille actuellement à dresser le bilan de cette étape d’implantation avec le Service des ressources humaines. L’harmonisation des pratiques, le très bon taux de réussite à la reprise, la satisfaction exprimée par les personnes accompagnées en constituent les principaux points forts. La complexité du suivi administratif requis et le maintien des objectifs de qualité en contexte de pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs représentent, quant à eux, des défis importants.
Services divers pour le personnel
Au fil du temps, comme dans la majorité des cégeps, plusieurs outils et initiatives ont vu le jour pour répondre aux besoins linguistiques du personnel : capsules linguistiques, ateliers-midi, concours, dépannages ponctuels, tests autodiagnostiques, outils rédactionnels et pédagogiques, installation d’Antidote sur les postes informatiques et initiation au correcticiel, perfectionnements divers, etc. Dernièrement, nous avons produit une synthèse de ces réalisations et services : Le tout inclus linguistique du CGI. Il sera fort utile au moment d’accueillir le nouveau personnel et permettra aux ressources déjà en place de tout avoir à portée de main grâce aux hyperliens qui conduisent au portail du personnel.
Cégep ambassadeur d’une langue de qualité
Avec l’objectif de stimuler la curiosité et l’intérêt pour les questions d’ordre linguistique dans le milieu régional, le CGI se penche actuellement sur les possibilités de diffusion externe de certaines publications déjà diffusées à l’interne (capsules linguistiques, aide-mémoires, etc.).
Également soucieux de tenir compte des normes mises de l’avant par les instances linguistiques officielles du Québec et d’assurer une harmonisation de ses communications écrites, l’établissement a adopté officiellement quelques choix rédactionnels. Ces derniers sont rassemblés dans un guide conçu par les repfrans : Les choix rédactionnels du Cégep de la Gaspésie et des Îles, ambassadeur d’une langue actuelle et de qualité!.
Les foires aux questions accompagnant chacun des choix contiennent des informations (notions lexicales diverses, rédaction inclusive et orthographes traditionnelle et rectifiée) qui ont suscité beaucoup d’intérêt, d’étonnement et d’échanges dans les campus au moment du lancement de l’outil en janvier 2019. Des activités de rappel sont prévues pour en consolider l’implantation, dont la campagne de promotion de la rédaction inclusive, une pratique qui concorde avec nos valeurs institutionnelles. Le slogan choisi pour l’occasion est Vive l’inclusion, même dans la rédaction!.
À l’horizon…
Dans les sept dernières années, j’ai parfois eu le sentiment, après l’aboutissement d’un projet, que nous venions de tourner la page sur l’aspect le plus stimulant du dossier. Cette impression fut toujours de courte durée, car après chaque étape, nous étions rapidement interpelées par d’autres perspectives à explorer, par d’autres apprentissages à faire.
L’équipe présentement en place, une excellente relève constituée d’anciennes et de nouvelles repfrans, a déjà les yeux tournés, entre autres, vers les défis reliés à la littératie, à une valorisation plus affirmée et plus diversifiée de la lecture, aux arrimages possibles avec les centres de services scolaires régionaux et au développement progressif des habiletés langagières dans les programmes[5].
Ces défis, qui se présenteront simultanément à celui de la consolidation des acquis, seront bien sûr relevés avec l’indispensable collaboration des divers services et directions et des collègues. Nul doute que le Réseau Repfran sera aussi, comme ce fut le cas depuis le début, un lieu de motivation, d’échange et de solidarité déterminant pour la suite des choses. À titre d’exemple, lors de la dernière réunion virtuelle des membres de ce réseau, en novembre 2020, fut soulevée l’importance de jumeler davantage la valorisation de la langue française et la valorisation de la culture québécoise. Personnellement, dans les contextes linguistique et culturel actuels, j’y vois une piste à emprunter avec enthousiasme et empressement.
Je tire ma révérence pleine de gratitude à l’égard du CGI pour m’avoir confié ces responsabilités après des années tout aussi enrichissantes comme enseignante de littérature et de création littéraire. Le large déploiement du dossier de valorisation de la langue choisi par le Cégep et la participation stimulante du personnel ont fait en sorte que je me suis retrouvée régulièrement au carrefour de visions du monde complémentaires qui constituent toute la richesse du milieu collégial. J’en ressors grandie professionnellement et humainement.
Un mot de la fin (surprise)… en guise d’hommage
Je me permets ce petit « à-côté » au texte de madame France Cayouette pour souligner sa contribution exceptionnelle au chantier de valorisation de la langue française. Pendant plus de 30 ans, au Cégep de la Gaspésie et des Îles, elle aura su transmettre son amour de la langue française sous toutes ses formes, que ce soit comme instrument d’expression artistique, comme outil de travail ou comme objet d’affirmation identitaire.
J’ai d’abord eu le grand privilège de côtoyer France alors que j’étais moi-même étudiante au Cégep de la Gaspésie et des Îles. Elle a alors su relever le défi de me faire monter sur scène et de me faire prendre conscience de la force de la littérature dans l’engagement social. C’est un exemple parmi une multitude d’autres de la passion qui a animé France pour son travail d’enseignante tout au long de sa carrière. La mention d’honneur de l’AQPC reçue en 2015 et le Prix du ministre reçu en 2014 pour la réalisation du guide Mieux écrire, mieux réussir témoignent aussi de son engagement exemplaire.
Je ne me doutais pas que, plusieurs années après mon passage au cégep, nous deviendrions des partenaires dont la complicité ferait cheminer des projets d’envergure. En la côtoyant, j’ai admiré sa rigueur, sa foi dans le potentiel de chaque étudiant et étudiante, sa vision non élitiste et inclusive de la langue et ses grandes qualités humaines. Bien que nos échanges me manqueront, les apprentissages que j’ai faits à ses côtés perdureront. Je sais que ses collègues de tous horizons se joignent à moi pour lui souhaiter la meilleure des retraites, remplie de projets littéraires stimulants et de nouvelles rencontres!
Françoise Leblanc-Perreault
Directrice adjointe des études, Cégep de la Gaspésie et des Îles
- L’usage de la majuscule au mot cégep dans le nom officiel du Cégep de la Gaspésie et des Îles ainsi que celui de la majuscule elliptique est une orientation prise par l’établissement dans ses communications (voir le guide rédactionnel Pour se démêler avec les majuscules et les minuscules dans les appellations administratives, p. 5). [Retour]
- Il convient ici de mentionner que le mandat du comité de valorisation de la langue française (CVLF) ne concernait pas, à ce jour, le campus de Montréal, en place depuis 2015, qui accueille des étudiantes et étudiants étrangers. Au sujet de cette dernière constituante, le CGI, préoccupé par la question, a amorcé certaines mesures de valorisation de la langue française et convenu d’inclure d’autres actions en ce sens dans un plan de travail. [Retour]
- Pour toute demande d’utilisation complète ou partielle, prière de contacter la nouvelle repfran institutionnelle, Kellie-Anne Samuel (kasamuel@cegepgim.ca), et de respecter les règles relatives à la propriété intellectuelle en citant les sources. Vous pourrez aussi la contacter si des outils mentionnés mais non inclus vous intéressent. [Retour]
- Pour un aperçu de l’approche préconisée, voir M. ST-GERMAIN et D. LABILLOIS, « Cinq gestes pour bien accompagner le changement », Pédagogie collégiale, vol. 29, no 3, printemps 2016, p. 25-33. [Retour]
- Le travail à distance imposé par le contexte pandémique a certes entrainé quelques répercussions quant au déroulement de notre plan d’action 2019-2022, mais de légers ajustements d’échéancier et d’approche ont permis de poursuivre le développement prévu pour la majorité des éléments. [Retour]
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