Capitale et lutte des casses
Capitale, majuscule, minuscule ? Comment s’y retrouver et éviter l’abus de pouvoir de ces grandes lettres, que certains appellent la « majusculite » ? La majuscule a pourtant ses raisons d’être, et ses divers emplois se résument à quelques principes bien simples.
Commençons par une mise au point terminologique. Les notions de majuscule et minuscule relèvent de l’orthographe et de la langue. En effet, la majuscule a bien une fonction linguistique : employée à l’initiale d’un mot, elle permet de marquer quelque chose (début de phrase, nom propre…), alors que la minuscule fait figure de forme non marquée. Le terme capitale, lui, appartient au domaine de la typographie ; la capitale s’oppose au bas de casse. Bref, la majuscule est une capitale qui apparaît à l’initiale d’un mot et qui assume un rôle linguistique. Cette distinction entre majuscule et capitale n’est toutefois pas respectée dans la langue courante, où majuscule est le terme habituel. Et c’est celui que nous retiendrons ici.
En raison de sa taille et de sa forme, la majuscule attire le regard, force l’attention ; elle exerce ainsi son rôle. Ses emplois sont multiples, mais on les regroupe habituellement en deux classes : la majuscule peut avoir une fonction textuelle (ou syntaxique) – on parle alors de majuscule de position – et une fonction sémantique – on l’appelle alors majuscule de signification. En fonction textuelle, la majuscule de position s’explique par la place qu’occupe le mot : c’est la majuscule qui marque le début de la phrase ou le début d’une autre unité du texte, comme un titre, un vers d’un poème ou les mots dans un index. Les emplois de la majuscule de signification sont plus nombreux, bien que, fondamentalement, le principe en soit partout le même : en français, la majuscule étant associée au nom propre, on l’utilise pour les noms d’entités auxquelles on reconnaît un caractère d’unicité, particularité des noms propres. Voyons maintenant comment ce principe s’applique à différents types de dénominations.
La majuscule française n’a rien de tyrannique. Contrairement à l’anglais, son usage est plutôt modéré, entre autres dans les appellations qui comportent plusieurs mots. Ainsi, dans les dénominations d’activités scientifiques (colloque, congrès, symposium, etc.), on mettra la majuscule au premier nom seulement, qu’il soit précédé ou non d’un déterminant numéral, habituellement écrit en chiffres romains. Évidemment, il peut y avoir d’autres majuscules dans la désignation de l’événement si elle comporte d’autres noms propres. On écrira, par exemple : le Congrès international sur la santé des enfants, le XIIe Sommet de la Francophonie. La règle est la même pour les manifestations culturelles, sportives ou commerciales. Par exemple : le Festival d’été de Québec, le Salon du livre de l’Outaouais. Les noms d’associations ou de formations ayant un but culturel, scientifique ou professionnel suivent la même logique : l’Association québécoise des professeurs de français.
La question de la majuscule se pose aussi avec les noms d’organismes et d’unités administratives. Là encore, la majuscule prévaudra si le caractère d’unicité s’applique. Ainsi, si un organisme est considéré comme unique dans un gouvernement, dans un État ou à l’échelle internationale, on mettra une majuscule au premier nom de son appellation : la Commission canadienne des droits de la personne, l’Union européenne. À une échelle plus modeste, au sein même d’un organisme ou d’une entreprise, le principe est le même : la Direction générale de la recherche, le Fonds Gustave-Guillaume.
Les rapports majuscule-minuscule semblent se corser lorsqu’il s’agit de titres d’œuvres littéraires et artistiques. Bien que l’on y observe des emplois parfois chaotiques de la majuscule, l’usage dominant est fort simple : on met une majuscule au premier mot du titre de l’œuvre quel qu’il soit (nom, adjectif, déterminant ou autre). On écrit ces titres en italique : La détresse et l’enchantement (livre de Gabrielle Roy), Hommage à Rosa Luxemburg (œuvre de Jean-Paul Riopelle). Les titres de journaux et de périodiques, quant à eux, s’écrivent aussi en italique ; ils prennent la majuscule au premier nom et au déterminant qui précède si celui-ci fait partie du titre, de même qu’à l’adjectif antéposé au nom le cas échéant : Le Devoir, Le Nouvel Observateur, mais la Revue québécoise de linguistique.
Signe d’hégémonie orthographique, la majuscule perd son pouvoir si on en abuse. Pour des textes harmonieux, respectons la hiérarchie, et à chacun sa casse !
Si vous voulez en savoir davantage sur les différents emplois de la majuscule, vous pouvez consulter les articles qui en traitent sous le thème Typographie dans la Banque de dépannage linguistique.
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