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Les mesures d’aide spécialisées pour les élèves allophones dans les cégeps

Les mesures d’aide spécialisées pour les élèves allophones dans les cégeps

Compte-rendu de recherche

 

À l’occasion de l’Intercaf de mai 2009, les auteurs du présent article ont dressé un compte rendu d’une étude intitulée Recherche sur les mesures d’aide spécialisées pour les élèves allophones dans les cégeps. Menée dans les cégeps de la région montréalaise par Robert Claing au cours de l’année 2008, la recherche a conduit, au collège Ahuntsic, à l’offre du cours de mise à niveau de 90 heures pour non-francophones (601-005-50). Les auteurs rapportent ici les grandes lignes de cette expérience.

Mandat et objectifs de la recherche

Au printemps 2008, le collège Ahuntsic a exprimé le souhait de se doter d’un « plan d’intervention auprès des différentes catégories d’élèves allophones, dès le début de leurs études collégiales[1] ». Il a alors confié à un enseignant de français le mandat d’effectuer une recherche sur les pratiques et sur les ressources du réseau collégial et de la communauté, recherche devant conduire à des recommandations quant à de nouvelles mesures à mettre en place pour aider les élèves allophones à réussir leurs études collégiales et l’Épreuve uniforme de français.

Sondage auprès de responsables de la réussite

En février 2008, un premier sondage portant entre autres sur les mesures d’aide aux élèves allophones avait été mené auprès de responsables de la réussite dans les établissements du réseau par Mme Johanne Authier, conseillère pédagogique au Service de soutien à l’apprentissage au collège Ahuntsic. Les résultats de cette consultation auprès de 16 répondants ont rappelé d’abord que peu de collèges comptaient une clientèle allophone importante. Les réponses montraient de plus que les collèges de Rosemont et de Bois-de-Boulogne offraient depuis plusieurs années des services particuliers aux élèves allophones en difficulté en français. On notait par ailleurs dans le compte rendu du sondage que les collèges de Sherbrooke et François-Xavier-Garneau utilisaient un test de classement de la compétence en français, le TFI (Test de français international), afin d’identifier les élèves allophones en difficulté. À François-Xavier-Garneau, ceux qui n’atteignaient pas la note globale de 785-900[2] à leur évaluation des niveaux de compétence à l’oral, en lecture et en écriture étaient inscrits à une « session d’intégration et de francisation » (SIF). À Sherbrooke, les allophones ayant échoué au test devaient suivre, durant une année, une formation en francisation avant de s’inscrire à un programme d’études.

Consultation auprès de cégeps de la région montréalaise

Afin de mener à bien notre recherche, nous avons d’abord envoyé un questionnaire sur les mesures de soutien touchant les élèves allophones aux directions des études de neuf collèges ciblés de la région de Montréal : André-Laurendeau, Bois-de-Boulogne, Édouard-Montpetit, Maisonneuve, Marie-Victorin, Montmorency, Rosemont, Saint- Laurent, Vieux Montréal. Ces directions ont fait parvenir le document aux différents responsables de mesures de soutien à l’apprentissage en français : cadre responsable de la réussite, conseiller ou conseillère pédagogique, responsable du centre d’aide en français (CAF), responsable de coordination du Département de français.

Le questionnaire s’intéressait à différents aspects de l’aide aux élèves allophones : l’identification des allophones, le diagnostic de ceux et celles manifestant des difficultés en français, les services particuliers offerts aux allophones – que ce soit dans le cadre de cours de mise à niveau, d’ateliers au CAF, d’activités de valorisation du français, etc. Ce questionnaire servait d’amorce à l’enquête qui allait suivre, une sorte de carte de visite ou d’introduction, puisque des rencontres avec les principaux acteurs de l’aide en français semblaient nécessaires pour en arriver à une compréhension plus large de la situation dans chaque collège.

Des visites aux collèges ou des conversations téléphoniques ont permis de tracer un portrait assez juste de la situation à la session d’automne 2008. D’abord, on note que les cégeps de la région ne comptent pas tous une importante clientèle d’élèves allophones. On constate également que certains établissements refusent d’admettre des élèves allophones qui n’ont pas une maîtrise suffisante du français pour entreprendre des études collégiales. Parmi les collèges consultés, ceux de Rosemont et de Bois-de-Boulogne offrent un soutien à une clientèle allophone nombreuse.

Peu de cégeps offrent le cours de mise à niveau pour non-francophones (601-005-50). Cependant, des directions y pensent de plus en plus et certaines (à Ahuntsic, à Maisonneuve et au Vieux Montréal, par exemple) ont mandaté un professeur ou un comité pour les conseiller quant aux meilleures mesures à mettre en place. Enfin, il ressort que les CAF offrent parfois, selon les besoins et les moyens dont ils disposent, des mesures de soutien adaptées aux élèves allophones en difficulté en français : moniteurs plus expérimentés ou formés en français langue seconde, heures de tutorat prolongées, conversations avec des francophones, etc.

Deux problèmes

On ne peut formuler des recommandations en vue d’une offre améliorée de services à la clientèle allophone du collégial sans prendre en considération deux problèmes qui sont clairement apparus au cours de l’enquête. Le premier concerne la définition même d’élève allophone. À cet effet, on se reportera à l’article d’Annie Desnoyers « Linguistiquement parlant, qui est véritablement allophone ? », paru dans Correspondance[3]. L’auteure tente une définition de l’élève allophone inscrit dans un programme d’études collégial. On se référera également au rapport de recherche intitulé Évaluation de l’efficacité des mesures visant l’amélioration du français écrit du primaire à l’université, (Tiré à part pour le postsecondaire), où l’auteure, Pascale Lefrançois, distingue quatre profils linguistiques d’élèves au collégial : les francophones, les francophones +, les néofrancophones et les allophones[4]. Ces tentatives de définition de l’élève allophone, qui reposent entre autres sur l’âge d’apprentissage de la langue seconde, sont cependant limitées. Ainsi, un allophone peut avoir appris le français depuis l’école primaire au Québec et présenter les mêmes problèmes de maîtrise du français qu’un nouvel immigrant. Il demeure cependant qu’une bonne identification de l’élève allophone s’inscrivant dans un programme d’études pourra participer à une sélection plus juste et pertinente des élèves ayant besoin de mesures adaptées.

Le second problème réside dans la sélection des élèves allophones présentant des risques d’échec dans leurs études à cause d’une maîtrise insuffisante du français. Le test miracle permettant de sélectionner et de classer les élèves allophones faibles en français n’existe pas. Chaque collège y va de sa méthode. Dans certains établissements, les candidats doivent passer des tests assez complexes : questions à choix multiples, dictée, rédaction, entrevue. Dans d’autres, on se fie à une évaluation effectuée dans le premier cours de français en début de session et on déplace les élèves trop faibles dans le cours de mise à niveau. Dans d’autres encore, on l’a vu, on recourt au TFI.

Recommandations soumises au collège Ahuntsic

Sept recommandations viennent clore le rapport de recherche remis à la direction du collège Ahuntsic et au Département de français et de lettres. Les deux premières visent l’identification et la sélection des élèves allophones. La troisième recommandation concerne l’offre du cours de mise à niveau pour non-francophones, le 601-005-50 (mise à niveau de 90 heures). La quatrième recommandation demande au Département de français et de lettres de réfléchir à l’instauration du cours 601-003-50 (mise à niveau de 45 heures ) jumelé au cours Écriture et littérature à offrir aux élèves allophones ayant réussi le 601-003-50. La recommandation suivante conseille au Collège de soutenir davantage le CAF afin que celui-ci réponde aux besoins particuliers des élèves allophones. La sixième recommandation propose au CAF d’étudier les besoins des élèves allophones en français dans leur programme d’études et d’évaluer la possibilité de créer de nouvelles mesures d’aide appropriées. La dernière recommandation s’adresse aux professeurs de français : qu’ils s’impliquent dans la mise en oeuvre du cours de mise à niveau pour allophones et participent à des activités de perfectionnement en enseignement du français langue seconde.

Identification et sélection des élèves allophones : avril 2009

Pour donner suite à ces recommandations, le Collège a décidé d’offrir le cours 601-005-50 à un groupe d’élèves à l’automne 2009. Une enseignante du Département de français et de lettres, expérimentée dans le domaine de la francisation, a pris en charge ce nouveau cours. Compte tenu du peu de temps dont disposait le Collège pour élaborer une méthode de sélection des élèves à inscrire dans ce groupe, il a été convenu d’utiliser le test déjà en vigueur au Collège pour le classement des élèves en mise à niveau. Les personnes convoquées à ce test, en fonction de leur faible cote pondérée en français au secondaire ou parce qu’elles n’ont pas étudié au secondaire au Québec, doivent rédiger un texte de 200 mots à partir de la lecture d’une courte nouvelle littéraire. Un questionnaire joint au test permet de connaître la langue maternelle de l’élève, sa langue d’usage, le nombre d’années d’apprentissage du français et le nombre d’années d’études (primaires et secondaires) en français au Québec. On a ainsi procédé à l’identification et à la sélection des élèves allophones à inscrire dans le cours 601-005-50 sur la base des réponses au questionnaire et en fonction du nombre et du type d’erreurs commises dans le texte de 200 mots.

À la lumière de cette première expérience de classement des élèves allophones, plusieurs questions se posent. Doit-on continuer à admettre au Collège, comme nous le faisons actuellement, des élèves n’ayant même pas atteint un niveau minimal de francisation ? Devrait-on intégrer un volet oral au test de classement ? Devrait-on inscrire dans le cours 601-005-50 des élèves allophones ayant fait une bonne partie de leurs études secondaires, et même parfois leurs études primaires, au Québec, en français ? De même, ce cours s’adresse-t-il aux allophones qui connaissent le français depuis de nombreuses années, notamment certains arabophones et créolophones, mais dont la maîtrise de cette langue présente de grandes lacunes ? * * *

Ressources gouvernementales – Formation en francisation

Des ressources sont disponibles pour les élèves allophones parfois fraîchement installés au Québec. Ces ressources ont toutes un rapport direct ou indirect avec le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec (MICC ). La formation en francisation fournie par le MICC suit le modèle de l’approche par compétences. La compétence langagière est décrite dans un document fourni par le MICC et intitulé Description de niveaux de compétence langagière en français, langue seconde[5]. Sans entrer ici dans le détail de cette approche, il est essentiel de comprendre que la compétence langagière y est envisagée selon les habiletés à l’oral (compréhension et production d’un message oral) et à l’écrit (lecture et production d’un texte). La compétence est divisée en 12 niveaux répartis en trois stades : débutant (niveaux 1 à 4), intermédiaire (niveaux 5 à 8) et avancé (niveaux 9 à 12). Si l’on voulait situer le niveau de compétence attendu d’un élève admis au cégep, on pourrait dire que celui-ci atteindrait le niveau 9 et viserait l’atteinte du niveau 12. Ainsi, à l’écrit, l’élève terminant sa formation collégiale devrait pouvoir lire, comprendre et apprécier des textes complexes, et lui-même produire une variété de textes complexes et spécialisés à caractère officiel ou public en limitant ses erreurs à des fautes mineures et occasionnelles[6]. Ces ressources du MICC peuvent-elles aider le réseau collégial ? Combien d’élèves allophones dans les cégeps ont profité de cette formation en francisation ? Ces cours de francisation peuvent-ils remplacer les mesures d’aide en français pour les allophones dans nos établissements ? Peut-on se fier à la qualité de cette formation et à la rigueur de son évaluation ? Parmi les commentaires recueillis lors de notre enquête, certains collègues provenant d’établissements parfois partenaires du MICC , comme les cégeps du Vieux Montréal ou de Saint- Laurent, disent regretter l’absence de communication et de concertation entre le Département de français et les centres de francisation du MICC. On aurait pu penser qu’un tel rapprochement entre les structures d’accueil et d’intégration des immigrants et les cégeps pouvait rendre plus harmonieux le passage des nouveaux arrivants à la formation supérieure. Or il n’en est rien, semble-t-il.

  1. Projet soumis par le Département de français et de lettres et le Centre d’aide en français au Fonds de développement du collège Ahuntsic. [Retour]
  2. Ce résultat final indique une compétence langagière limitée ; c’est le cas, par exemple, d’un élève qui rédige avec effort un texte court. [Retour]
  3. Correspondance, volume 5, numéro 2, p. 2-3. [Retour]
  4. Pascale LEFRANÇOIS et collab., Évaluation de l’efficacité des mesures visant l’amélioration du français écrit du primaire à l’université, Rapport de recherche, Tiré à part pour le postsecondaire, Montréal, Université de Montréal et Collège Ahuntsic, p. 25-26. [Retour]
  5. On peut télécharger le document Description de niveaux de compétence langagière en français, langue seconde à l’adresse suivante : www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/partenaires/partenairesfrancisation/competence-langagiere/ index.html [Retour]
  6. Ces dernières remarques sont tirées du document Niveaux de compétence en français langue seconde pour les immigrants adultes. [Retour]

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