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«Ouvrir le dico»: pour mieux tirer profit des dictionnaires actuels

Ouvrir le dicoS’il existe un outil précieux dans l’offre du Centre collégial de développement de matériel didactique (CCDMD), à mon avis, c’est bien Ouvrir le dictionnaire, conçu en 2012 par Karine Pouliot et Gilles Bergeron. En effet, dans un contexte où peu de matériel didactique visait explicitement à soutenir l’apprentissage de l’usage du dictionnaire, cette ressource s’est révélée une référence incontournable. De sa création jusqu’en 2021[1], elle a été utilisée dans les classes de français partout au Québec, que ce soit au secondaire, au cégep ou à l’université. Elle m’a initialement été suggérée par un de mes professeurs, qui s’intéressait particulièrement à la didactique du lexique, un domaine jusque-là peu abordé dans mon baccalauréat en enseignement du français, et qui est vite devenu mon champ d’intérêt central… Un mémoire de maitrise plus tard, je la recommande maintenant moi-même aux futurs enseignants et enseignantes de français du secondaire à qui j’enseigne, que ce soit pour la mise à niveau de leurs savoirs et savoir-faire quant à l’utilisation efficace du dictionnaire dans divers contextes ou pour l’animation éventuelle d’activités en classe visant à soutenir le développement des compétences langagières de leurs élèves.

Dans le cadre d’une recherche que j’ai menée auprès d’enseignants et d’enseignantes de français du secondaire dans le but de mieux comprendre leurs pratiques pédagogiques liées à l’utilisation du dictionnaire électronique[2], j’ai pu remarquer qu’un certain nombre d’entre eux ne maitrisaient pas tous les aspects de la compétence dictionnairique, des résultats qui rejoignent d’ailleurs ceux de plusieurs autres recherches (Tremblay, Plante et Fréchette-Simard, 2018). Pourtant, il leur revient d’enseigner cette compétence en classe (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2011), une compétence par ailleurs développée dès le primaire (MELS, 2009). Il n’est donc pas surprenant de constater que les élèves éprouvent des difficultés à utiliser le dictionnaire pour autre chose que la vérification de l’orthographe ou du sens (Anctil, 2010) et que même au cégep, les étudiants et les étudiantes peinent à tirer profit des ressources qui sont à leur disposition (Caron-Bouchard, et autres, 2011).

Parallèlement à cette réalité observée dans nos classes, avec le développement fulgurant de la technologie, on a vu apparaitre, dans les dernières années, de nombreux dictionnaires numériques adaptés aux divers types d’écrans (téléphone, tablette, ordinateur), dont le format plus accessible et flexible leur a permis de rapidement gagner en popularité. On accède aujourd’hui facilement à une multitude de dictionnaires possédant leurs propres caractéristiques, qu’il s’agisse d’ouvrages imprimés ou numériques, et qui, en plus d’offrir divers types d’informations, peuvent être utilisés dans des contextes tout aussi variés.

Ainsi, si la mission d’Ouvrir le dictionnaire, un outil conçu pour susciter chez les élèves l’« envie de consulter le dictionnaire pour y trouver des réponses » (Pouliot et Bergeron, 2011), est toujours d’actualité, il s’est tout de même avéré nécessaire avec le temps d’en rafraichir les contenus et de l’actualiser sur le plan de l’accessibilité afin de mieux tenir compte des besoins de l’élève d’aujourd’hui et du vaste éventail de dictionnaires à sa disposition. C’est donc dans ce contexte que Dominique Fortier, responsable du projet au CCDMD, m’a proposé de participer à la rédaction d’une nouvelle mouture, Ouvrir le dico, que j’ai le plaisir de présenter dans le présent article.

Des objectifs toujours d’actualité, mais revisités

Ouvrir le dico (titre revisité pour l’occasion!) reprend les objectifs qui avaient été fixés en 2012, mais en accordant cette fois-ci une plus grande place au dictionnaire numérique et aux divers ouvrages actuellement utilisés dans le paysage éducatif québécois. Grâce à un environnement d’apprentissage toujours aussi stimulant et convivial, la ressource cherche ainsi à :

  1. mieux faire connaitre l’objet dictionnaire, son organisation et son contenu de même que les caractéristiques de certains dictionnaires papier et numériques utilisés au Québec;
  2. soutenir le développement des savoirs et savoir-faire permettant de mieux tirer profit du dictionnaire dans divers contextes.

Ces connaissances et habiletés sont d’ailleurs présentées plus loin de façon synthétique dans un guide pédagogique.

Comme la précédente mouture, Ouvrir le dico est destiné aux apprenants et aux apprenantes de français des niveaux secondaire, collégial et universitaire (notamment à la formation des maitres) de même qu’à leurs formateurs et formatrices. Les activités et le guide pédagogique sont librement accessibles sur un site du CCDMD : dico.ccdmd.qc.ca.

Une plus grande place accordée au dictionnaire numérique

Dans Ouvrir le dico, on continue d’explorer des ouvrages bien connus, comme Le Petit Robert de la langue française, Le Petit Larousse et le Multidictionnaire de la langue française, mais cette fois-ci dans leurs divers formats imprimés et numériques. On se familiarise en outre davantage avec des dictionnaires conçus exclusivement en version numérique, comme Antidote et Usito (une nouveauté de la mouture 2023).

Plusieurs activités proposées mettent ainsi en lumière les caractéristiques propres à chaque ouvrage afin de rendre plus efficace leur usage, et si certaines ciblent plus spécifiquement le développement d’habiletés utiles lors de la consultation d’un dictionnaire papier, d’autres explicitent celles que requiert l’utilisation d’un dictionnaire numérique, dont la nomenclature est organisée autrement. En effet, alors que certains savoirs et savoir-faire sont nécessaires pour utiliser efficacement la plupart des dictionnaires de langue (ex. : savoir repérer la définition, le synonyme ou un exemple d’emploi d’un mot), d’autres sont surtout déployés pendant la consultation d’un dictionnaire papier (ex. : connaissance de l’ordre alphabétique), et d’autres encore ne relèvent que de l’usage d’un dictionnaire numérique (habileté à utiliser la recherche multimot, qui facilite le repérage d’une locution, ou bien la fonction de recherche par critères, qui permet de générer des listes de mots à partir de critères précis).

Bref, Ouvrir le dico cherche à mieux tenir compte de la présence grandissante des dictionnaires numériques dans le monde éducatif ainsi que des connaissances et habiletés nécessaires à leur utilisation efficace.

Une large gamme d’activités axées sur les multiples facettes de l’utilisation d’un dictionnaire

Comme dans la précédente mouture, Ouvrir le dico se déploie en cinq grandes sections, chacune comprenant des activités soutenant la découverte des diverses facettes de l’utilisation d’un dictionnaire.

Page d’accueil du site Ouvrir le dico
Figure 1

Page d’accueil du site Ouvrir le dico

On y reprend certaines activités de l’ancienne mouture, qui s’avèrent toujours pertinentes et d’actualité (ex. : exploration de certaines idées préconçues, observation de ressemblances et de différences entre les ouvrages, repérage d’informations au sein d’articles, résolution de problèmes de diverses natures), auxquelles on a apporté certaines modifications (ex. : plus d’informations différentes à chercher, davantage d’articles provenant de dictionnaires numériques), mais on y propose aussi de nouvelles activités axées sur le développement d’autres composantes de la compétence dictionnairique (ex. : familiarisation avec divers dictionnaires numériques, sélection d’un ouvrage en fonction du besoin de la consultation). Les tâches qui y sont proposées sont donc variées, et il est possible, comme dans la précédente version, de naviguer librement d’une activité à une autre ou de reprendre celles de son choix. Enfin, de nombreuses infobulles offrent des indices de réponse ou des renseignements complémentaires, fournissant ainsi un niveau de rétroaction supplémentaire au cours de l’exploration.

Exemple d’activité : observation d’un article tiré d’un dictionnaire numérique
Figure 2

Exemple d’activité : observation d’un article tiré d’un dictionnaire papier

Voici maintenant un aperçu de chacune des cinq sections de la ressource.

Section 1

Connaissez-vous vraiment les dictionnaires ?
Figure 3

Entête de la section 1 du site Ouvrir le dico

La première section s’ouvre sur une série de questions à choix multiple amenant l’usager ou l’usagère à revisiter certaines idées reçues, par exemple celle selon laquelle un dictionnaire contient tous les mots d’une langue ou encore qu’un moteur de recherche comme Google suffit pour vérifier l’emploi d’un mot.

Ensuite, on propose l’exploration de quelques dictionnaires imprimés (Le Petit Robert, le Multidictionnaire et Le Petit Larousse illustré), puis de quelques dictionnaires numériques (Usito, dictionnaires des définitions, des synonymes et des cooccurrences d’Antidote, Grand dictionnaire terminologique) en attirant l’attention sur certaines particularités, notamment la présence de raccourcis, l’utilité de la recherche assistée, la prononciation audible des mots.

L’usager ou l’usagère s’exercera ensuite à déterminer l’ouvrage, parmi ceux proposés, le plus susceptible de répondre à un besoin particulier : vérifier le sens d’un mot ou d’une expression, trouver des synonymes pour enrichir un texte, obtenir des renseignements encyclopédiques, connaitre l’origine d’un mot, distinguer des termes spécialisés, comparer la prononciation d’un mot au Québec et en France, etc.

Les dernières activités de la section 1 favorisent le développement d’habiletés propres à l’utilisation du dictionnaire papier : l’une d’entre elles demande de classer des mots (certains contenant des apostrophes, des traits d’union, des ligatures, des lettres accentuées ou des points abréviatifs) en ordre alphabétique et les autres, de déterminer la forme canonique à chercher lorsqu’on se retrouve devant un mot dont la forme est fléchie (adjectif au féminin ou au pluriel, verbe conjugué, etc.) ou encore quand on souhaite repérer l’article du mot dans lequel on trouvera une expression donnée.

Section 2

L’article de dictionnaire : une mine d’informations !
Figure 4

Entête de la section 2 du site Ouvrir le dico

Les premières activités proposées dans la deuxième section guident non seulement la découverte des nombreuses informations contenues dans un article de dictionnaire, mais aussi l’observation de ressemblances et de différences entre deux articles d’un même mot tirés de dictionnaires différents.

Par la suite, l’usager ou l’usagère peut s’exercer à repérer différentes informations (définitions, nuances de sens, exemples d’emploi, étymologie, catégorie grammaticale, synonyme, mot de registre familier ou de sens contraire, locution, emploi critiqué, etc.) au sein d’autres articles tirés de ces dictionnaires.

Section 3

Comment résoudre des problèmes grâce au dictionnaire ?
Figure 5

Entête de la section 3 du site Ouvrir le dico

La troisième section d’Ouvrir le dico soutient la résolution de problèmes de diverses natures à partir d’articles provenant d’ouvrages numériques variés (Le Petit Robert, le Multidictionnaire, Usito et Antidote) :

  • Vérifier l’orthographe ou la prononciation d’un mot;
  • Vérifier le sens d’un mot ou d’une expression;
  • Vérifier le genre ou le nombre d’un nom;
  • Vérifier la conjugaison d’un verbe ou le mode verbal à employer;
  • Vérifier l’accord d’un verbe ou d’un participe passé;
  • Vérifier la préposition à employer après un mot.

De cette façon, l’usager ou l’usagère développe des savoirs et savoir-faire qui se déploient dans des contextes multiples et qui l’amènent à explorer les trois grands aspects impliqués dans la maitrise d’une unité lexicale, qu’il s’agisse d’un mot ou d’une locution (Polguère, 2016) : sa forme, son sens et les propriétés qui régissent son utilisation en contexte.

Section 4

Le dictionnaire, un allié pour enrichir son vocabulaire !
Figure 6

Entête de la section 4 du site Ouvrir le dico

Dans la quatrième section, l’exploration de réseaux analogiques amène à prendre conscience de l’utilité du dictionnaire pour enrichir son vocabulaire. Les activités de la sous-section Trouver le mot juste demandent de sélectionner, parmi les mots mis en évidence dans les articles fournis, ceux qui conviennent à un contexte précis : les synonymes pouvant remplacer un mot dans une phrase donnée, l’antonyme d’un adjectif polysémique, une cooccurrence adéquate pour remplacer une expression fautive, etc.

Les activités de la sous-section Enrichir un texte visent quant à elles à montrer comment le dictionnaire peut aider, pendant la rédaction d’un texte, à éviter les répétitions et à préciser son vocabulaire.

Section 5

À vos dicos ! 
Figure 7

Entête de la section 5 du site Ouvrir le dico

Enfin, la cinquième section constitue une synthèse permettant de mobiliser les savoirs et savoir-faire développés dans les autres sections. Ainsi, dans les premières activités, l’usager ou l’usagère doit se munir du dictionnaire indiqué (Le Petit Robert, le Multi, Usito ou Antidote) pour repérer de façon autonome diverses informations (orthographe, prononciation, origine ou sens d’un mot, synonyme, mot de sens contraire, cooccurrence, locution, emploi fautif, mot appartenant au registre familier, catégorie grammaticale, conjugaison d’un verbe, préposition régie, etc.). Dans la dernière, on peut utiliser le dictionnaire de son choix.

Quelques pistes d’exploitation didactique

Ouvrir le dico peut être exploité autant en contexte d’autoformation qu’en contexte de formation. Les activités peuvent être réalisées en classe comme à l’extérieur des cours, devant un écran d’ordinateur, de tablette ou de téléphone. En classe, la ressource se prête également bien au travail en dyade ou en groupe pour animer une activité de sensibilisation, d’enrichissement, ou encore pour vérifier les connaissances actuelles des élèves et mieux cerner leurs besoins.

Par ailleurs, les formateurs et les formatrices trouveront, sur le site Ouvrir le dico, un guide pédagogique en format PDF qui synthétise les composantes de la compétence dictionnairique. Le document offre également la liste des activités de la ressource, associées aux diverses connaissances et habiletés qui y sont travaillées. La planification d’activités sur les contenus relatifs à l’utilisation du dictionnaire en fonction des besoins des apprenants et des apprenantes devrait ainsi s’en trouver facilitée.

En somme, la mouture renouvelée du CCDMD sur l’usage du dictionnaire cherche à mieux tenir compte de la réalité technologique actuelle et de la diversité d’ouvrages numériques aujourd’hui de plus en plus accessibles, et qui requièrent la maitrise de nouvelles habiletés.

Je souhaite, grâce à ma contribution, avoir fait d’Ouvrir le dico un environnement d’apprentissage plus riche, favorisant le développement de la compétence dictionnairique sous tous ses aspects. En outre, je souhaite rendre plus explicites les éléments qui composent cette compétence, de façon à ce que les apprenants et les apprenantes des différents ordres scolaires soient mieux soutenus dans leur apprentissage.

Références

ANCTIL, Dominic (2010). L’erreur lexicale au secondaire, Thèse (Ph. D.), Université de Montréal, 528 p. [En ligne]. [http://olst.ling.umontreal.ca/pdf/Anctil_Dominic_2011_these.pdf] (Consulté le 15 janvier 2023).

CARON-BOUCHARD, Monique, et autres (2011). Outils virtuels et qualité de la langue, [Fichier PDF], Rapport de recherche PAREA, Collège Jean-de-Brébeuf, 262 p. [https://cdc.qc.ca/parea/787900-caron-bouchard-et-al-outils-virtuel-qualite-langue-brebeuf-PAREA-2011.pdf]. (Consulté le 15 janvier 2023).

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT (2011). Progression des apprentissages au secondaire. Français, langue d’enseignement, Québec, Le Ministère, 89 p. Également disponible en ligne : http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/jeunes/pfeq/PDA_PFEQ_francais-langue-enseignement-secondaire_2011.pdf. (Consulté le 15 janvier 2023).

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT (2009). Progression des apprentissages au primaire. Français, langue d’enseignement, Québec, Le Ministère, 93 p. Également disponible en ligne : http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/jeunes/pfeq/PDA_PFEQ_francais-langue-enseignement-primaire_2011.pdf. (Consulté le 15 janvier 2023).

POLGUÈRE, Alain (2016). Lexicologie sémantique et lexicale. Notions fondamentales, 3e éd., Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 382 p.

POULIOT, Karine, et Gilles BERGERON (2011). « Ouvrir le dictionnaire », [En ligne], Correspondance, vol. 17, no 1. [https://correspo.ccdmd.qc.ca/document/outils-et-modes-demploi/ouvrir-le-dictionnaire/] (Consulté le 15 janvier 2023).

TREMBLAY, Ophélie, Isabelle PLANTE et Catherine FRÉCHETTE-SIMARD (2018). « Les enseignants et le dictionnaire : sentiments, attitudes motivationnelles, connaissances déclarées et pratiques personnelles d’utilisation », [En ligne], Formation et profession, vol. 26, no 3, p. 57-80. [https://formation-profession.org/files/numeros/21/v26_n03_452.pdf] (Consulté le 15 janvier 2023).

  1. Le parcours interactif à l’origine d’Ouvrir le dico a été conçu en Flash, un langage devenu illisible depuis qu’Adobe a cessé la maintenance du lecteur Flash Player en 2021. [Retour]
  2. SINGCASTER, Mélissa (2020). Description de pratiques d’enseignement visant à former les élèves à l’utilisation du dictionnaire électronique en classe de français au secondaire, Mémoire (M.A.), Université de Montréal, 172 p. [En ligne]. [https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/25700]. [Retour]

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