Les troubles d’apprentissage: quelques mesures simples d’encadrement
L’expression « trouble d’apprentissage » ne vous est sans doute pas totalement inconnue. Peut-être l’avez-vous déjà entendue dans un corridor, près du bureau d’un de vos collègues, ou encore, à l’occasion d’une journée de formation, entre deux gorgées de café. Détrompez-vous : il ne s’agit pas là d’un terme renouvelé et utilisé par le ministère de l’Éducation dans une de ses réformes… L’expression renvoie plutôt à une condition neurologique mise en lumière par certains chercheurs il y a plusieurs décennies, et beaucoup mieux comprise aujourd’hui grâce à une multitude de recherches scientifiques. Actuellement, dans les collèges, les étudiants présentant des troubles d’apprentissage sont plus facilement dépistés, et les diagnostics posés sont de plus en plus complexes. Il devient donc impératif de mieux s’informer sur ce phénomène afin de mieux s’y ajuster, d’où le présent article.
Les troubles d’apprentissage : définition générale
Les troubles d’apprentissage font référence à un groupe de dérèglements causés par un dysfonctionnement cérébral pouvant résulter d’une lésion, d’une anomalie génétique ou d’un développement cérébral inadéquat. Ces dérèglements se manifestent par l’arrêt du développement ou le développement déviant d’une compétence liée à l’un ou l’autre des domaines suivants : la mémoire, l’attention, le raisonnement, la coordination, la communication, la lecture, l’écriture et le calcul. Étant donné son origine neurologique, le trouble d’apprentissage est persistant, voire permanent, en dépit d’une intervention adaptée. Contrairement aux idées qui peuvent parfois être véhiculées à leur sujet, les personnes atteintes de troubles d’apprentissage ne souffrent pas d’un déficit de l’intelligence, comme le souligne l’Association québécoise des troubles d’apprentissage (AQETA) : « Le trouble d’apprentissage n’est pas synonyme d’incapacité à apprendre sur le plan intellectuel. [Il] traduit une difficulté à traiter l’information[1]. » En effet, le trouble d’apprentissage interfère avec la capacité du cerveau à absorber, à entreposer ou à récupérer l’information. Ce déficit cognitif a ainsi un impact sur la façon dont une personne perçoit, reçoit, comprend et exprime une information.
Trouble ou difficulté d’apprentissage ?
Le trouble d’apprentissage se distingue de la difficulté d’apprentissage, définie comme un retard développemental ou un obstacle à l’apprentissage à caractère transitoire qui se dissipe habituellement grâce à une intervention adaptée. Contrairement au trouble, la difficulté n’est pas causée par un dysfonctionnement cérébral, mais plutôt par plusieurs facteurs internes et externes à l’individu tels que des conditions socio-économiques difficiles, des différences culturelles ou linguistiques, un manque de motivation, ou encore, un milieu familial ou scolaire peu stimulant.
Le réseau collégial a déjà mis sur pied de nombreuses mesures pour aider les étudiants présentant des difficultés d’apprentissage : soutien intensif et continu des enseignants, projets d’accueil des nouveaux étudiants, ateliers pour favoriser l’estime de soi, tutorat par les pairs, programmes favorisant la motivation, interventions facilitant le choix d’orientation des étudiants, etc. Toutes visent à aider les élèves à retrouver un rythme d’apprentissage adéquat et suffisant pour la poursuite de leurs études collégiales.
Il en va autrement pour les étudiants atteints d’un trouble d’apprentissage. L’origine neurologique du problème en fait un obstacle permanent pour ceux et celles qui en souffrent : il n’existe aucune cure, aucun moyen de l’enrayer. Toutefois, il est possible d’en diminuer les conséquences sur la vie de l’individu et ce, de deux façons : la rééducation et l’accommodation. La rééducation s’adresse le plus souvent aux enfants de l’ordre d’enseignement primaire et prend la plupart du temps la forme de programmes d’intervention précoces visant le développement d’une partie des habiletés déficientes et l’adoption, par l’enfant, de stratégies de compensation efficaces. D’ailleurs, il est intéressant de noter que toutes les personnes présentant un ou des troubles d’apprentissage développent, de façon consciente ou non, des stratégies de compensation. Les programmes de rééducation permettent cependant à l’individu d’adopter des stratégies plus efficaces, de les adapter à son rythme d’apprentissage et, surtout, de prendre conscience de leur existence et de leur efficacité. En résumé, ces interventions favorisent le développement des habiletés métacognitives chez les enfants.
À l’ordre collégial, accommoder et non rééduquer
Malheureusement, les programmes de rééducation ne peuvent faire disparaître toutes les manifestations du trouble. De plus, un grand nombre de personnes ne découvrent qu’elles sont atteintes d’un trouble d’apprentissage qu’une fois adultes, d’où l’importance de mettre en place des mesures d’accommodation. Celles-ci permettent aux étudiants de contourner les obstacles dus aux troubles d’apprentissage et d’en diminuer les impacts sur leur parcours scolaire tout en favorisant la mise en valeur de leur potentiel réel. L’exemple suivant illustre la situation.
Charles est atteint de dysorthographie, un trouble d’apprentissage affectant de façon importante les habiletés d’expression écrite. Sans mesure d’accommodation, Charles perd, la plupart du temps, dans ses travaux et ses dissertations, la majorité des points réservés au critère du respect de la langue. Il en va de même pour la clarté de l’argumentation. Ses enseignants considèrent souvent qu’il répond aux questions sans vraiment les comprendre. Pourtant, lorsqu’ils ont l’occasion de discuter avec lui, ils constatent que Charles sait, au contraire, faire preuve d’une bonne capacité d’argumentation, d’un sens critique aiguisé et d’une excellente logique. Il sait développer un point de vue articulé, basé sur des faits. Ses enseignants ne comprennent pas comment son expression orale peut être d’une telle qualité et son expression écrite, d’une telle médiocrité. Pourtant, c’est le cas de plusieurs étudiants dysorthographiques.
C’est là le propre de tous les troubles d’apprentissage : l’écart entre les aptitudes des étudiants et les lacunes inhérentes à leur trouble nuit souvent à leur performance scolaire. Avec un encadrement, ces étudiants peuvent mettre en valeur leur potentiel sans que leur trouble d’apprentissage leur porte ombrage. Il ne s’agit donc pas de leur accorder des passe-droit ni de leur distribuer des diplômes à rabais… Bien au contraire ! Les mesures dont nous parlons ici n’ont qu’un seul objectif : l’autonomie de l’étudiant, tant dans son parcours scolaire que sur le marché du travail, afin qu’il soit en mesure de fonctionner de façon autonome et de répondre aux exigences de son milieu sans être constamment limité par son trouble d’apprentissage. De ce point de vue, les mesures d’accommodation ne font pas figure de privilèges ; elles représentent un moyen, pour l’étudiant, de récolter les fruits de son dur labeur. Ainsi, Charles aura encore besoin de plus de temps que ses collègues pour rédiger et corriger son texte, mais, au lieu d’échouer à son examen, il obtiendra peut-être 75 % ou, pourquoi pas, 85 %, note qui reflètera ses habiletés et son investissement plutôt que son trouble d’apprentissage.
Oui à l’encadrement, mais lequel ?
Quels sont les services à mettre en place pour ces étudiants ? Quelle forme peuvent-ils prendre ? Les cégeps offrent déjà un certain nombre de mesures d’accommodation.
Actuellement, dans chaque cégep, une personne, le « répondant local », est désignée pour soutenir les étudiants présentant des besoins particuliers, y compris la déficience visuelle, la surdité, la déficience motrice et les troubles d’apprentissage. C’est leur personne-ressource en ce qui concerne leurs besoins particuliers : elle peut répondre à leurs questions et s’assure qu’ils bénéficient des services auxquels ils ont droit. Cet intervenant joue un rôle important dans leur accueil et leur intégration scolaire, et travaille en collaboration avec les enseignants, les aides pédagogiques individuels, les psychologues et les membres du personnel susceptibles de soutenir l’étudiant, d’une façon ou d’une autre, dans ce processus.
Les étapes préalables à l’encadrement
Le processus d’accueil et d’intégration de tout étudiant présentant un trouble d’apprentissage ou croyant en être atteint commence par l’entrevue individuelle d’évaluation avec le répondant local. Cette rencontre permet à ce dernier de s’informer sur la situation et les besoins de l’étudiant. Une fois le problème défini, l’intervenant peut proposer deux solutions : renvoyer l’étudiant à un autre service ou suggérer une intervention du service d’intégration.
Le renvoi à un autre service (aide psychologique, aide financière, centre d’aide, tutorat par les pairs, etc.) est nécessaire dans les cas où l’étudiant présente une difficulté qui n’est pas de l’ordre de l’adaptation scolaire ou qui ne fait pas partie du mandat de l’intervenant en intégration.
Si l’étudiant semble souffrir d’un trouble d’apprentissage, l’intervenant peut appliquer la deuxième solution, c’est-à-dire lui décrire les mesures offertes par le Service d’accueil et d’intégration. Il est important de noter que, pour qu’un étudiant ait droit aux mesures d’accommodation, il doit être évalué par un professionnel habilité à établir les diagnostics de trouble d’apprentissage – neuropsychologue, orthophoniste ou orthopédagogue, par exemple –, qui doit fournir un rapport ou un document confirmant la présence d’un trouble d’apprentissage chez l’étudiant ainsi que des recommandations concernant les accommodations nécessaires. Ainsi, en principe, le répondant qui rencontre un étudiant susceptible d’être atteint d’un trouble d’apprentissage, mais n’en ayant pas la confirmation, ne peut lui offrir de services. Il doit l’envoyer à une clinique d’évaluation des troubles d’apprentissage.
L’encadrement, sous toutes ses formes
Une fois le trouble officiellement diagnostiqué, l’étudiant peut bénéficier des services du cégep. Il choisit des mesures en collaboration avec le répondant. Comme chaque personne est unique, un trouble d’apprentissage affecte de façon unique chaque individu qui en est atteint. Ainsi, la mise en place des mesures n’est ni statique ni homogène, elle doit s’adapter aux besoins de chaque étudiant. Ces éléments sont également discutés au moment du choix des mesures. Même si celles-ci relèvent officiellement du Service d’intégration, leur application dépend de la collaboration entre l’étudiant, le répondant et les enseignants concernés. Le répondant ne peut assurer seul la qualité de l’intégration de l’étudiant. D’ailleurs, au-delà des mesures offertes par le Service, les enseignants, en discutant avec l’étudiant, peuvent également contribuer à la réussite de ce dernier en tentant de mieux comprendre son trouble d’apprentissage et ses besoins.
Les mesures relevant directement du Service d’intégration peuvent prendre plusieurs formes :
- l’envoi d’information aux enseignants ;
- le droit à du temps supplémentaire au moment de passer les examens ;
- la possibilité de passer les examens dans un local autre que la salle de classe ;
- la prise de notes ;
- la lecture sur cassettes ;
- la possibilité de rédiger les examens à l’ordinateur ;
- l’utilisation de logiciels de correction de textes.
L’envoi d’information consiste, une fois le diagnostic clairement établi, à faire parvenir aux enseignants un document indiquant le ou les troubles d’apprentissage dont l’étudiant est atteint, une courte définition de ceux-ci et les services auxquels il a droit. L’étudiant peut choisir de l’envoyer à tous ses enseignants ou seulement à ceux qui sont directement concernés par les mesures d’aide.
Le droit à du temps supplémentaire pour les examens est un autre service utilisé par la majorité des étudiants atteints d’un trouble d’apprentissage. En règle générale, on accorde 50 p. cent de plus de temps. Un examen de deux heures dure donc trois heures pour ces étudiants. Certains cas peuvent nécessiter moins de temps (un tiers de plus, par exemple) alors que d’autres, plus lourds, exigent un ajustement à la hausse (jusqu’à deux fois plus de temps, par exemple). Cette mesure doit évidemment répondre aux besoins de l’étudiant. Ainsi, l’individu atteint d’un trouble du calcul pourra bénéficier de ce service seulement pour les examens comprenant des mathématiques (cours de statistiques, de mathématiques, de comptabilité). À l’inverse, l’étudiant atteint d’un trouble de la lecture pourra bénéficier de plus de temps dans tous ses cours, car la grande majorité des examens nécessitent la lecture. De la même façon, un étudiant atteint d’un trouble important de l’attention l’empêchant de travailler pendant une longue période pourrait bénéficier de plus de temps pour tous ses examens, mais également avoir le droit de compléter ses évaluations en deux ou trois périodes d’une heure trente réparties sur plusieurs journées.
Tous les étudiants atteints de troubles d’apprentissage ont également avantage à passer leurs examens dans un local autre que la salle de classe et ce, pour deux raisons. Tout d’abord, ce retrait de la classe diminue souvent le stress et l’anxiété liés aux examens chez plusieurs étudiants. Normalement, le fait de voir ses pairs terminer plus tôt que lui est un facteur stressant et déconcentrant pour l’étudiant atteint de troubles d’apprentissage, car il devient conscient de son retard ou du temps qui file à toute vitesse. L’isolement en dehors de la salle de classe favorise une attitude plus calme. Certains n’apprécient pas ce service, car ils ont l’impression d’être stigmatisés ; toutefois, la majorité le choisissent. De plus, les troubles d’apprentissage sont souvent accompagnés d’un trouble de l’attention plus ou moins important. Le fait d’être retiré de la classe favorise une meilleure concentration chez l’étudiant : il n’est pas dérangé par les chaises qui bougent, les crayons qui roulent sur le plancher, les élèves qui murmurent ou la porte qui s’ouvre et se ferme. Tout comme l’octroi de temps supplémentaire, le droit de passer les examens dans un autre local peut ne s’appliquer que pour les matières concernées par le trouble d’apprentissage.
Il est également possible que l’étudiant demande à un pair dans ses cours de prendre des notes pour lui. C’est là un service utile particulièrement pour les dyslexiques éprouvant de la difficulté à lire rapidement ce qui est écrit au tableau, pour les dysorthographiques qui ont de la difficulté à écrire rapidement et sans fautes, et aussi, pour les étudiants atteints d’un trouble de l’attention qui ont parfois beaucoup de difficulté à se concentrer à la fois sur l’enseignant qui parle et sur les notes à écrire. Il n’est pas non plus exclu qu’un étudiant atteint d’un autre trouble d’apprentissage tel que le syndrome dysexécutif (trouble de la planification et de l’organisation) ou la dyscalculie éprouve le besoin d’utiliser ce service dans certains cours. On conseille toutefois aux étudiants de continuer à prendre des notes, qu’ils pourront par la suite compléter en les comparant avec celles de leur preneur de notes.
D’autres mesures sont souvent plus utiles aux étudiants présentant un trouble d’apprentissage particulier. Un premier exemple est la lecture sur cassettes, un service utilisé depuis déjà plusieurs années auprès d’étudiants aveugles et qui consiste à enregistrer la voix d’une personne récitant un texte à voix haute. L’enregistrement permet à l’étudiant de lire son texte tout en écoutant la cassette. Ce service est majoritairement utilisé par les étudiants atteints d’un trouble de la lecture, soit la dyslexie, mais il peut également aider ceux et celles atteints d’un trouble de l’attention en facilitant leur concentration sur la lecture du texte.
Un deuxième exemple est l’utilisation de l’ordinateur pour les examens, particulièrement les dissertations. Certains dyslexiques trouvent qu’il est plus facile pour eux de relire leur texte sur un écran cathodique. D’autres encore, atteints d’un déficit de l’attention, considèrent que l’utilisation de l’ordinateur améliore leur niveau d’attention. De plus, cette mesure ouvre la voie à une autre possibilité pour les étudiants dyslexiques et dysorthographiques : l’utilisation de logiciels de correction au moment de la rédaction de textes. De façon générale, les étudiants utilisent deux types de correcteurs : celui inclus dans le logiciel de traitement de texte Word ainsi que Antidote, un produit québécois. Les erreurs relevées par ces deux logiciels touchent, la plupart du temps, l’orthographe, les homophones, l’accord du verbe avec son sujet, l’accord dans le groupe du nom et, beaucoup plus rarement, la ponctuation et la structure de la phrase. Ces logiciels ne représentent pas une panacée pour les étudiants : leurs textes ne seront pas exempts de fautes même après la correction informatique, mais leur travail de révision sera, du moins, adapté à leurs capacités.
Conclusion
Pour assurer une cohérence entre, d’une part, les réalisations concrètes dans l’expérience quotidienne des étudiants et, d’autre part, les valeurs de démocratie et de réussite en éducation véhiculées dans le milieu collégial, ce dernier se doit, en quelque sorte, d’assurer un soutien aux étudiants présentant des besoins particuliers, inhérents à leur condition. Ainsi, les services décrits dans le présent texte représentent un soutien de base à leur offrir. Toutefois, il n’est pas interdit d’être innovateur et, peut-être, d’offrir plus ou d’offrir mieux ! Ainsi, dans un prochain texte, je vous présenterai deux mesures originales mises sur pied au cégep du Vieux Montréal et qui, depuis quelques sessions, ont prouvé leur efficacité dans l’encadrement des étudiants dyslexiques et dysorthographiques.
- Association québécoise des troubles d’apprentissage, Les adultes ayant un trouble d’apprentissage, Publication, 1996, 2 pages. Retour
ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DES TROUBLES D’APPRENTISSAGE (1996). Les adultes ayant un trouble d’apprentissage, 2 p.
ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DES TROUBLES D’APPRENTISSAGE (2002). Définition nationale des troubles d’apprentissage. [En ligne], [www.aqeta.qc.ca/francais/generale/definit.htm] (Consulté le 20 novembre 2005)
ELLEMBERG, Dave (s.d.) Les troubles d’apprentissage, Montréal, CENTAM, 3 p.
LEMIRE AUCLAIR, Émilie (2004). La dyslexie et la dysorthographie : troubles d’apprentissage invisibles, Montréal, Cégep du Vieux Montréal, 13 p.
SERVICE D’AIDE À L’INTÉGRATION DES ÉLÈVES (2005). Informations générales à l’attention des étudiants ayant une déficience visuelle ou motrice, Montréal, Cégep du Vieux Montréal, 12 p.
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