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Un centre d’aide en pleine croissance

Un centre d’aide en pleine croissance

L’avenir des centres d’aide

 

Alain Dubois détient une formation en études littéraires et en génie électrique. Il enseigne le français au cégep de Victoriaville depuis janvier 1990. Il y dispense le cours Mise à niveau depuis le semestre d’automne 1994 et y dirige les activités du centre d’aide en français pour la troisième année.

« Le centre d’aide en français (CAF) du cégep de Victoriaville a vu le jour à l’automne 1988. Jusqu’à l’année scolaire 1993-1994, on y accueillait bon an mal an une centaine d’élèves au total, c’est-à-dire en moyenne 50 à l’automne et le même nombre en hiver. Puis, le nombre d’inscriptions a tout à coup doublé l’année de l’entrée en vigueur du nouveau programme en français à l’automne 1994, et nous prévoyons qu’il doublera de nouveau cette année ! De la centaine d’élèves du début, nous devrions ainsi atteindre, voire dépasser, les 400, ce qui représente 25 p.100 des quelque 1 600 élèves de notre collège. Pendant ce temps, nous recevons toujours la même subvention du ministère de l’Éducation et nous devons composer avec les mêmes ressources humaines à l’emploi du collège, soit une agente de bureau et un enseignant, tous deux à mi-temps. Dommage que le montant de la subvention ne soit pas déterminé au prorata du nombre d’élèves inscrits !

Depuis plusieurs années, nous savions que les ressources du CAF étaient sous-utilisées et nous cherchions la façon la plus efficace pour convaincre nos élèves les plus faibles de la nécessité de fréquenter notre centre d’aide sur une base régulière. Nous réussissions parfois, mais pas assez souvent à notre goût. À l’automne 1996, le Département de français a adopté une proposition à l’effet que le CAF devienne officiellement le laboratoire de langue du Département et que, à ce titre, il accueille, en plus de la clientèle habituelle qui s’inscrit sur une base volontaire, tous les élèves du cours Mise à niveau à raison d’une heure par semaine. Depuis le semestre d’hiver 1997, nous obligeons donc ces derniers à accomplir du travail au CAF, sous peine de se voir refuser l’accès à l’examen final. Cela les contraint à rencontrer chaque semaine leur assistant ou assistante pour poser des questions sur la matière du cours, pour effectuer des exercices de grammaire pigés principalement dans Bilan et dans S.O.S., pour corriger et justifier de façon systématique, à l’aide des manuels de référence, les fautes dans leurs dictées ou leurs compositions.

Pour rendre le plus efficace possible le jumelage des aidés avec les aidants, le responsable du CAF a dû remanier en profondeur le cours Relation d’aide en français écrit, reconnu au cégep de Victoriaville comme équivalent du cours Ensemble 4. C’est pourquoi les assistants voient à présent en accéléré le même contenu de cours que celui de Mise à niveau, en plus bien sûr des quelques notions essentielles afin d’établir une relation d’aide avec un élève faible en français écrit. Aussi, les assistants n’ont plus deux mais bien six élèves à rencontrer ; ils n’ont plus deux mais bien trois heures de rencontres par semaine ; et ces rencontres se répètent dix fois pendant le semestre. Le travail d’un assistant ne consiste plus à tracer un programme individualisé pour chacun de ses élèves, mais plutôt à les aider à faire leurs devoirs.

Durant le semestre d’automne 1997, 25 assistants se sont ainsi partagé le travail d’encadrement des 150 élèves inscrits au cours Mise à niveau, à raison d’une paire d’élèves différents chaque fois. Cela peut paraître à première vue énorme, mais le tout s’est très bien déroulé et aucun assistant ne s’est plaint de la lourdeur de sa tâche. En ce qui a trait aux 100 autres élèves inscrits au CAF, cinq bénévoles ont encadré les plus faibles et les autres ont entrepris un programme de perfectionnement à l’aide du didacticiel Gramm. D’ailleurs, dans la petite histoire du centre d’aide, il s’agit du premier semestre où les documents Pifen et PréAccord n’ont pour ainsi dire pas été utilisés.

Dans le but de mieux évaluer le bien-fondé de toute notre démarche, nous avons fait passer deux tests objectifs de 100 questions en français écrit, l’un au début du semestre, l’autre à la fin, et, dans les deux cas, les élèves n’avaient droit à aucune documentation. Nous avons constaté avec ravissement que nos deux groupes cibles, en l’occurrence les assistants du cours Relation d’aide en français et les élèves du cours Mise à niveau, se sont améliorés de 11 p.100 en moyenne, leurs résultats passant de 78 à 89 p.100 pour les élèves du premier groupe et de 58 à 69 p.100 pour ceux du second. Puis, nous avons poussé plus loin notre expérimentation en leur demandant de repasser le premier test à l’aide cette fois de leurs livres de référence, afin de mesurer leur autonomie avec ceux-ci. Nous avons fondé notre raisonnement sur le principe que quelqu’un de parfaitement autonome obtiendrait 100 p.100. Bien que personne n’y soit parvenu, la moitié des assistants et quelques élèves de Mise à niveau y sont presque arrivés en obtenant un résultat égal ou supérieur à 90 p.100, ce qui constitue déjà pour nous un grand succès en soi. La moyenne des résultats a été ici de 93 p.100 pour les élèves du premier groupe et de 78 p.100 pour ceux du second. Ces résultats nous satisfont grandement et nous encouragent à poursuivre notre expérimentation dans la même direction.

Cet hiver, nous obligeons les élèves du cours Ensemble 1 à travailler eux aussi sur une base régulière au CAF, et ce, compte tenu du fait qu’il s’agit presque exclusivement d’une clientèle ayant échoué à ce cours au moins une fois ou réussi le cours Mise à niveau au semestre précédent. Nous ne devrions pas avoir trop de difficultés, encore cette fois-ci, à donner à chacun un assistant, étant donné le nombre record de 39 aspirants-assistants qui ont déjà passé le premier test objectif en français écrit, lequel nous sert aussi de test de classement. Nous nous verrons même obligés de refuser quelques aspirants qui auront obtenu une note inférieure au seuil minimal de compétence, fixé à 70 p.100.

Toutefois, dans un avenir rapproché, il se peut que nous ne puissions poursuivre notre expérimentation faute de ressources humaines suffisantes : le nombre d’assistants ne pourra croître indéfiniment et les deux employés à mi-temps suffisent déjà difficilement à la tâche. Il faudra alors encourager encore plus nos élèves à travailler avec du matériel informatique, malheureusement tout aussi insuffisant pour l’instant. Dans les faits, nous ne disposons que de didacticiels, dont la grande majorité datent d’environ dix ans, installés sur quatre ordinateurs 386 qui ne peuvent pas être branchés sur le réseau informatique de notre collège et encore moins sur Internet, même si les fils passent déjà par notre local pour aller ailleurs…

Évidemment, nous souhaiterions plutôt posséder des didacticiels exploitant les multiples possibilités du multimédia, quelques ordinateurs récents branchés sur le réseau de notre collège pour pouvoir utiliser ces didacticiels partout à l’intérieur de nos murs, et un programme nous permettant un traitement statistique des inscriptions et du travail accompli par notre clientèle toujours grandissante. Ce support informatique du XXIe siècle pourrait même nous permettre d’offrir à l’ensemble de notre communauté étudiante une sorte de « CAF à la carte » où chaque enseignant en français prescrirait à certains de ses élèves — un peu comme le médecin — des exercices de perfectionnement pour les aider à remédier à leurs faiblesses les plus récurrentes. De son côté, le CAF assurerait le suivi pédagogique en fournissant à l’enseignant un rapport hebdomadaire détaillé des progrès de chacun de ses élèves.

Or, même si nous disposions d’ordinateurs récents, les didacticiels en français écrit présentement offerts sur le marché nous semblent encore rarement conçus pour fonctionner sur une plate-forme multimédia, et en développer nous-mêmes coûterait à notre collège une rondelette somme d’argent, à une époque où nos administrations n’ont que le mot « coupures » en tête. Nous sommes donc résolus, pour l’instant, à attendre que le miracle se produise quelque part dans le réseau collégial ou au ministère de l’Éducation, ou encore, qu’un CAF virtuel de type multimédia fasse tout à coup son apparition dans le réseau Internet. L’autre solution serait, comme l’un de nos administrateurs nous l’a suggéré, que nous limitions le nombre d’inscriptions dans notre CAF. Ce geste, nous nous refusons pour l’instant à le faire, car cela signifierait pour nous de reporter aux calendes grecques notre ambition la plus chère qui est de venir en aide, au cégep de Victoriaville, à tous les élèves éprouvant des difficultés avec la langue de Molière.

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