Portrait des CAF dans le réseau collégial anglophone
Les centres d’aide en français (CAF) existent depuis une trentaine d’années dans le réseau collégial. Au sein du secteur anglophone, ils ont pris davantage d’importance depuis la réforme scolaire de 1994, puisque celle-ci a obligé les étudiants de ce secteur à réussir deux cours de français langue seconde (FLS).
La création du cadre de mesures pour l’amélioration de la maitrise du français dans les collèges (ici abrégé CMAMF)[1], annoncée en juin dernier par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), nous a semblé une bonne occasion de dresser un portrait des CAF du secteur anglophone, aussi appelés « centres de langue écrite et orale » (CLÉO). Au cours de l’automne 2011, nous avons ainsi mené une enquête non scientifique auprès des responsables de cinq cégeps anglophones publics, trois cégeps anglophones privés et deux cégeps où l’enseignement est offert dans les deux langues[2]. Nous vous présentons les principales observations auxquelles a donné lieu notre enquête.
Le cadre de gestion des CAF et la formation des tuteurs
Dans les CAF, les activités sont principalement reliées, d’une part, aux ressources humaines déployées en vue de l’administration des centres, et d’autre part, au soutien des étudiants par les tuteurs. D’un établissement à un autre, on note d’abord de grandes disparités quant à la gestion des CAF. Parfois, la responsabilité incombe à des enseignants de français qui profitent d’une libération équivalant à un cours par session[3], comme au cégep Vanier, ou à deux ou trois cours, comme au cégep John Abbott. Au collège Dawson – qui accueille plus de 9000 étudiants –, quatre techniciens payés à l’heure consacrent 50 heures par semaine au centre d’aide et, en plus, une enseignante ou un enseignant est libéré à raison de deux cours durant l’année pour s’occuper du CAF. À Marianopolis, le service d’aide en français est offert non par un CAF, mais par le Learning Center, un service d’aide à l’apprentissage où trois moniteurs travaillent – un à temps complet et deux à temps partiel – avec les étudiants inscrits dans le cours de mise à niveau et les deux cours du niveau 1.
Dans le réseau collégial francophone, la plupart des étudiants qui désirent devenir tuteurs doivent s’inscrire au cours Relation d’aide, qui correspond au dernier cours de français obligatoire, c’est-à-dire le français 104. Actuellement, dans le réseau anglophone, les collèges Dawson, Champlain Lennoxville, John Abbott et Vanier offrent ce cours. À Lennoxville, les étudiants reçoivent de l’enseignement par les pairs en dehors du CLÉO, car le Département de français n’a plus de lien avec ce dernier. En effet, le CLÉO est maintenant sous la responsabilité d’une professionnelle du Service aux étudiants, et ce, contre la volonté des membres du Département. Dans les autres cégeps, les tuteurs peuvent être des étudiants universitaires payés ou des enseignants du Département de français, ou encore, des cégépiens ayant déjà suivi le cours de français 103[4] et qui sont formés quelques heures en début de session par une enseignante ou un enseignant.
On peut donc constater que chaque établissement a développé des formules afin de trouver du personnel compétent qui puisse assurer le bon fonctionnement de son centre d’aide.
Les mesures d’aide
Étant donné que les cours de FLS sont axés sur les quatre habiletés langagières (écouter, lire, parler et écrire) – avec une nette prédominance pour l’expression écrite –, les services offerts par les tuteurs et les enseignants se doivent de couvrir ces quatre éléments. À cet égard, bien qu’ils le fassent de façon différente, tous les collèges offrent le soutien à l’écrit, et la plupart donnent des services aux étudiants en lecture et en expression orale. Cela se traduit presque partout par de l’aide individuelle, à laquelle s’ajoute parfois de l’aide en petits groupes à partir des besoins spécifiques de chacun dans les cours de français. Seule la moitié des cégeps répondants possède l’infrastructure nécessaire pour accueillir les étudiants sans rendez-vous, ce qui nous semble une lacune importante. Trois cégeps offrent des ateliers d’amélioration du français écrit à tous les étudiants, qu’ils soient inscrits ou non à un cours de français. Deux de ces établissements offrent aussi des ateliers de conversation. Ces mesures peuvent sembler insuffisantes, mais s’expliquent par le fait que la formation en FLS au collégial porte surtout sur l’écrit afin de compléter la formation au secondaire, qui touche davantage l’expression orale.
Dawson et Vanier offrent un soutien d’orthopédagogie et d’orthophonie par l’entremise du Service des affaires étudiantes en collaboration avec des enseignants. À Dawson, cette ressource est affectée à temps plein au français langue seconde. Notons que les « besoins spéciaux des clientèles émergentes » prennent de l’ampleur dans tous nos collèges depuis quelques années, tout comme dans le secteur francophone. C’est d’ailleurs dans cette optique que les subventions du CMAMF ont été investies à Vanier cet hiver. Ainsi, une enseignante a obtenu une libération de trois cours pour assurer un encadrement serré des étudiants recommandés par les enseignants ou ayant des besoins spéciaux.
Enfin, deux cégeps préparent les étudiants pour les examens d’admission dans les universités francophones (TFLM, TFI[5]) et un autre pour l’examen de l’Office québécois de la langue française dans les domaines de la santé. Cette donnée changera surement à partir de l’an prochain grâce à l’apport du nouveau site La piqûre du français[6] (piqure dufrancais.ccdmd.qc.ca/index.php). Ce site, qui porte sur le français utilisé dans le cadre des soins de la santé, a été produit par des enseignants de FLS en collaboration avec le Centre collégial de développement de matériel didactique (CCDMD). De plus, deux cégeps offrent de l’aide au personnel, mais cette donnée changera à partir de l’an prochain en raison des exigences du CMAMF. Des ateliers de conversation sont déjà offerts aux employés à quelques endroits et d’autres mesures pourraient s’ajouter : ateliers de lecture de textes officiels, de rédaction de correspondance d’affaires, etc. Grâce au CMAMF, ces pratiques seront davantage formalisées dans l’ensemble du secteur anglophone, espérons-le.
Les ressources physiques et matérielles
Excepté au cégep Champlain St. Lawrence, à Québec, et au collège TAV, à Montréal, tous les étudiants anglophones, allophones et francophones du réseau qui fréquentent un CAF bénéficient d’un lieu physique dans leur établissement. Au cégep Vanier, le centre contient 50 places assises, et dans de plus petits cégeps, comme au collège Héritage ou au collège Marianopolis, les CAF peuvent accueillir jusqu’à 30 étudiants. Tous ces centres d’aide sont également dotés d’ordinateurs comportant des logiciels d’autocorrection. Par exemple, au collège Champlain Saint-Lambert, les 17 ordinateurs du CAF sont équipés du Robert électronique et du logiciel Antidote. De plus, certains espaces ont été aménagés pour permettre aux étudiants d’effectuer du travail sur table. Évidemment, des ouvrages de référence comme des dictionnaires et des répertoires de verbes sont accessibles dans tous les CAF des cégeps sondés.
Avec le nouveau financement du gouvernement, on peut aisément imaginer que la situation des CAF sera bonifiée. Au cégep John Abbott, par exemple, toute la subvention 2011-2012 sera directement investie dans le centre d’aide, qui contient actuellement six places. Quelques collèges seulement – parfois en territoire très francophone – tardent à mettre de l’avant des mesures d’aide efficaces, tant en ce qui concerne les ressources matérielles qu’humaines, mais il est permis d’espérer qu’avec les nouvelles sommes injectées dans le réseau collégial, ces établissements ne laisseront pas passer leur chance d’investir dans la maitrise de la langue commune au Québec. En effet, habiter une région majoritairement francophone n’immunise pas les étudiants contre les difficultés linguistiques et ne diminue pas non plus l’importance des problèmes.
En somme, les CAF du secteur anglophone effectuent un travail comparable à ce qui se fait dans le secteur francophone, mais avec moins de moyens matériels à certains endroits. Bien sûr, les besoins des étudiants y sont différents. Cependant, ils se rapprochent de ceux des enseignants du secteur francophone dans les cours Pratique du français, langue d’enseignement, pour les étudiants non francophones en Renforcement ou en Mise à niveau. Quant aux étudiants ayant obtenu un DES dans un établissement francophone, ils ont un profil similaire à celui des étudiants inscrits dans les cégeps francophones. Il est clair qu’ils ont aussi besoin d’aide, surtout si l’on considère le peu d’heures de cours de français qu’on leur offre durant leur DEC.
Nous avons à plusieurs reprises fait référence au CMAMF. Nous ne manquerons pas d’en suivre de près l’application, en particulier dans les cégeps « bilingues », comme en Gaspésie, où l’investissement englobe les besoins en français langue d’enseignement et en français langue seconde. L’an prochain, nous proposerons à Correspondance un état de la situation dans notre secteur linguistique en nous intéressant cette fois aux trois axes du CMAMF : l’aide aux étudiants, l’aide à la communauté collégiale et l’aide au personnel des collèges.
En fin de parcours, nous aimerions remercier tous les responsables des CAF et les coordonnateurs de département qui ont répondu à notre sondage et qui ont commenté cet article.
- Les cégeps anglophones devront établir leurs cibles d’amélioration du français. Ils focaliseront leur attention sur les étudiants inscrits dans le cours 602-100-MQ (voir note 4). Pour plus d’information sur le CMAMF : B. DIONNE, « Mot du directeur », Correspondance, 2011, vol. 17, no 1, p. 3. [Retour]
- Les établissements qui ont participé à notre enquête sont les collèges Champlain Lennoxville, Champlain Saint-Lambert, Champlain St.Lawrence, Dawson, Héritage, Marianopolis, O’Sullivan de Montréal et TAV, et les cégeps de la Gaspésie et des Îles, John Abbott, de Sept-Îles et Vanier. [Retour]
- Les enseignants de français langue seconde donnent 9 cours par année scolaire avec une trentaine d’étudiants par cours ou 8 cours avec 40 étudiants. [Retour]
- Les cours de français du réseau anglophone sont divisés en quatre niveaux : le niveau 1 (602-100-MQ), le niveau 2 (602-101-MQ), le niveau 3 (602-102-MQ) et le niveau 4 (602-103-MQ). Plusieurs cours de mise à niveau et de francisation sont également offerts dans certains établissements de Montréal où le nombre d’allophones est plus élevé. [Retour]
- Le Test de français Laval-Montréal (TFLM) vérifie les connaissances fondamentales de la langue française des étudiants qui demandent l’admission dans les universités francophones du Québec. Le Test de français international (TFI) évalue le niveau de français des étudiants non francophones désirant fréquenter les universités francophones. [Retour]
- C. DURANLEAU et Y. TRUONG, « La piqûre du français, un site pour les étudiants en Soins infirmiers du réseau collégial anglophone », Correspondance, 2012, vol. 17, no 2, p. 29-31. [Retour]
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