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Des CAF novateurs inspirent une nouvelle formule d’aide au collège Édouard-Montpetit

Des CAF novateurs inspirent une nouvelle formule d’aide au collège Édouard-Montpetit

Propos de Guylaine Fontaine (enseignante au Collège Édouard-Montpetit) recueillis par Dominique Fortier
CAF novateurs
Il y a deux ans, l’implantation d’une formule d’aide originale au collège de Valleyfield a inspiré l’ajout de la chronique « CAF novateurs » dans Correspondance. Le but : mettre en valeur des pratiques innovantes dans les centres d’aide en français (CAF) et, ce faisant, offrir des perspectives stimulantes aux différents intervenants, les responsables de CAF au premier chef. Au collège Édouard-Montpetit, quelques idées glanées dans deux articles de CAF novateurs déjà parus ont conduit à la mise en œuvre d’un service de soutien linguistique sur mesure pour les membres de l’équipe de football des Lynx : le « CAF-NeuroLynx ». Guylaine Fontaine, coresponsable du CAF « traditionnel » de ce collège, répond à nos questions.

Q – Comment est né le CAF-NeuroLynx du Collège Édouard-Montpetit ?

R – Le projet NeuroLynx est né d’une préoccupation persistante de Janick Morin, enseignant au Département de cinéma et entraineur adjoint de l’équipe de football de notre collège, à l’égard de la réussite scolaire des étudiants-footballeurs. Ce collègue, en tant qu’entraineur et tuteur des Lynx, sait combien il est essentiel, au sein d’une équipe collégiale de 1re division, de recruter et de former des athlètes désireux de maximaliser leur performance tant scolaire que sportive. À l’automne 2010, il m’a fait part de ce souci et d’une idée originale qu’il avait eue pour favoriser la réussite de ces étudiants : leur offrir une « salle de musculation intellectuelle ». En plus d’animer lui-même ce lieu, il imaginait pouvoir y implanter une formule de soutien aux études, en particulier du tutorat pour quelques matières de base telles que les mathématiques, le français, l’anglais et la philosophie. Comme cette idée respectait clairement plusieurs critères d’acceptation d’un projet d’aide à la réussite, j’ai encouragé notre collègue à répondre à l’appel de projets du printemps 2011 et lui ai proposé la collaboration du CAF pour l’exploration du volet tutorat. Ayant alors en tête l’article récent sur le « CAF volant[1] » du collège de Valleyfield, qui intervient justement auprès de footballeurs, j’ai proposé que nous nous inspirions de cette initiative, fort similaire, pour l’implantation dans notre établissement d’un « CAF-NeuroLynx » au sein même de la salle d’étude et de tutorat envisagée pour l’équipe. Le projet était lancé !

Q – Quel appui avez-vous reçu jusqu’à présent pour l’implantation de ce nouveau service ?

R – Le projet a été présenté, en mars 2011, au Service de soutien à la pédagogie et à la réussite de notre collège par Janick Morin, qui y a inclus explicitement l’entente de collaboration avec le CAF. La proposition a été acceptée, et une libération d’enseignement de .25 ETC (équivalent temps complet) pour la session d’automne 2011 a été octroyée à l’enseignant- entraineur pour l’implantation et la supervision d’un projet-pilote de salle d’étude et de tutorat pour les Lynx. Un budget de 600 $ a été alloué à l’achat d’ouvrages de référence en vue du tutorat en français (Multidictionnaire de la langue française, ouvrages de Bescherelle et dictionnaires d’orthographe), ainsi que d’autres ouvrages de culture générale portant sur la philosophie, les sciences, les mathématiques, etc., pour les besoins des séances d’entrainement intellectuel.

Les salles libres étant une denrée rare dans notre collège, l’octroi d’un local permanent était impossible pour l’année 2011-2012. Cependant, avec l’appui de la Direction des études, l’entraineur s’est vu accorder l’accès ponctuel (trois après-midis par semaine) à un local du centre sportif choisi expressément pour que l’emplacement du CAF-NeuroLynx marque, tel que souhaité, l’arrimage sports- études en permettant aux athlètes d’étudier à proximité de leur lieu d’entrainement.

Q – Qu’est-ce qui particularise le CAF-NeuroLynx ?

R – Nous inspirant du « CAF volant » du collège de Valleyfield, nous avons d’abord pensé tout simplement emprunter cette formule en organisant une « équipe volante » de tuteurs qui offriraient leur accompagnement dans la salle d’étude des Lynx. Puis, nous nous sommes dit qu’il pourrait être intéressant que cette équipe soit composée principalement d’athlètes – toutes disciplines sportives confondues. Poussant alors la réflexion un peu plus loin, Janick a eu l’idée de recruter parmi les footballeurs eux-mêmes des étudiants forts en français, de manière qu’ils puissent suivre le cours 601-104 (version tutorat) et ainsi recevoir la formation pour accompagner leurs coéquipiers.

C’est ce dernier mode d’aide que nous avons finalement adopté, confortés de plus par l’expérience positive d’un autre CAF novateur, le « CAF en santé[2] » de Sherbrooke, où le fait qu’aidants et aidés soient inscrits au même programme (Soins infirmiers) renforce le lien entre eux. Nous étions ainsi parvenus à une sorte de formule mixte alliant les avantages d’un tutorat exercé dans le milieu même des aidés à ceux du renforcement de la relation tuteurs- tutorés par leur appartenance à un même groupe. Nous touchons peut-être là l’intéressante notion de « congruence cognitive » décrite par Baudrit dans ses réflexions sur la pratique de la relation d’aide et rapportée par la chroniqueuse Julie Roberge dans Correspondance[3].

L’entraineur a demandé à trois footballeurs de passer le test de sélection des tuteurs. Tous trois ont réussi et se sont inscrits au cours 601-104 à l’automne 2011. C’était une première ! Il était déjà rare de voir des footballeurs s’inscrire au CAF, mais des footballeurs-tuteurs, c’était du jamais vu ! Les nouveaux tuteurs devaient aider chacun deux coéquipiers. Toutefois, comme il y avait huit étudiants-footballeurs à accompagner, nous avons demandé la contribution d’une tutrice expérimentée du CAF qui fait partie de l’équipe de basketball des Lynx. Elle a accepté avec enthousiasme de participer à ce nouveau mode de tutorat… entre athlètes.

Q – Quel avenir entrevoyez-vous pour votre nouveau CAF ?

R – Nous estimons que l’expérience de cette première session du projet a été concluante et, bien que ce soit à très petite échelle, nous considérons les statistiques comme fort satisfaisantes. D’une part, l’assiduité des inscrits a été exemplaire – un seul tutoré a abandonné l’aide en cours de session, et ce, parce qu’il quittait le collège. Sept étudiants ont complété leur parcours de 9 heures d’accompagnement. D’autre part, l’objectif de réussite a été atteint par une majorité respectable, puisque cinq tutorés sur sept ont obtenu la note de passage à leur cours de français, et que trois sur quatre ont réussi l’épreuve uniforme de français.

Par ailleurs, puisque la libération d’enseignement sur laquelle reposait essentiellement la mise en œuvre du projet n’était accordée que pour l’automne, nous avons dû réduire le nombre de périodes à la salle d’étude cet hiver. Toutefois – et c’est une bonne nouvelle pour la continuité du projet –, deux des trois tuteurs formés dans le cours ont offert de nouveau leurs services pour accompagner des coéquipiers. Ils peuvent donc maintenant agir à titre de tuteurs expérimentés et ainsi obtenir une rémunération. Celle-ci provient en ce moment des budgets du CAF.

Janick Morin entend soumettre de nouveau une demande l’an prochain dans le cadre des projets d’aide à la réussite, en espérant que le sien soit accepté dans une version bonifiée (libération annuelle, local attitré, budget pour la rémunération de tuteurs, etc.). La collaboration avec le CAF sera reconduite, et d’autres de même nature sont souhaitées. D’ailleurs, ce mode de tutorat reposant sur une sélection et un jumelage spécifiques tuteurs-tutorés, et se réalisant dans une salle d’étude dédiée aux athlètes dans le centre sportif, aurait déjà suscité de l’intérêt au sein des autres équipes des Lynx. Peut-être verrons-nous naitre dans un avenir prochain une « salle de musculation intellectuelle InterLynx »…

Q – Quels conseils et encouragements pourriez-vous donner aux responsables de CAF qui souhaitent élaborer une formule d’aide mieux adaptée à un groupe d’étudiants de leur cégep ?

R – Je crois que le gage le plus sûr de la réussite d’un tel projet est sans aucun doute la collaboration étroite avec la ou les personnes responsables du groupe visé par la formule d’aide. Dès le début du projet, Janick Morin a tout mis en œuvre pour que le nouveau tutorat offert par le CAF soit considéré par les footballeurs comme partie prenante du projet NeuroLynx. Ainsi, dès la première séance en salle d’étude, l’enseignant-entraineur a informé les joueurs de la nouvelle formule d’aide, il s’est chargé de faire passer sur place les tests requis et il a assuré le suivi des inscriptions auprès des responsables du CAF. De la même manière, ma tâche de supervision a consisté à maintenir une communication constante avec l’entraineur quant au déroulement des rencontres, à l’implication des tuteurs et de leurs étudiants, aux résultats obtenus tant au CAF que dans les cours de français de chacun, etc. Il va sans dire que le contexte « sportif » de ce projet en appelait naturellement à l’esprit d’équipe, lequel n’a pas mis de temps à s’installer, avec des effets palpables sur la motivation des aidants et des aidés.

À travers cette expérience, nous constatons également que la formation de tuteurs à vocation particulière permet l’exportation en quelque sorte de la valorisation de la langue vers des lieux où elle n’occupe pas toujours le premier plan. Guillaume Lachapelle, responsable du « CAF en santé », disait, que les aidants de ce centre pourraient « ultérieurement servir d’agents de changement au sein de la profession [infirmière] ». Nous croyons que les athlètes-tuteurs du CAF-NeuroLynx pourront agir de la même manière au sein de l’élite sportive de notre collège. D’ailleurs, ils sont déjà à l’œuvre.

DE LA SALLE DE MUSCULATION À LA SALLE D’ÉTUDE

« On ne pouvait rêver d’un alignement des astres aussi parfait : un entraineur de football, inquiet des performances scolaires de ses joueurs, rencontre une responsable du CAF qui cherche à renouveler ses méthodes.

« L’observation des gars s’entrainant et s’entraidant en salle de musculation m’a fait penser à une formule d’études qui serait calquée sur la préparation physique au football, laquelle est axée sur le tutorat des vétérans auprès des recrues. De plus, j’ai toujours cru que l’ascendant qu’ont les joueurs les uns sur les autres était une puissante incitation à se dépasser. Ajoutez à cela le projet d’une »salle de musculation intellectuelle« (combinant des exercices de mémorisation intensive, des tests de QI, des jeux d’agilité mentale et mathématique, de l’enrichissement de vocabulaire), et vous avez NeuroLynx.

« Notre plus belle réussite à ce jour, c’est d’avoir vu la session dernière près de 75 % de nos »cas désespérés« en français réussir enfin leur cours et l’épreuve uniforme de français. Par ailleurs, nous avons aussi pu apprécier les bénéfices de l’effet d’émulation en voyant avec plaisir nos deux quarts-arrière partir spontanément au centre sportif pour y faire du tutorat en calcul intégral auprès des filles de l’équipe de hockey !

« Or, ces belles idées seraient peut-être mortes au feuilleton, n’eût été de l’initiative et de la »poigne« des collègues du CAF. Nous leur en sommes reconnaissants. »

Propos de Janick Morin, enseignant et entraineur-tuteur des Lynx, recueillis par Guylaine Fontaine

L’EXPÉRIENCE CAF-NEUROLYNX

« Avoir un contact entre joueurs dans un cadre scolaire est une expérience très différente de celle vécue dans le cadre du football. J’ai appris ici à connaitre mes coéquipiers dans un environnement moins compétitif et plus calme, et nous sommes plus proches maintenant. […] En étant tuteur et en appuyant ainsi d’autres joueurs dans la réussite d’un cours de plus, je crois apporter une certaine contribution à l’équipe […] en faisant en sorte que plus de gars puissent revenir jouer l’année prochaine. »

Yoan Bourgeault,
tuteur et membre de l’équipe de football

« Personnellement, le cours m’a permis de parfaire mon écriture, et surtout d’acquérir les outils pour pouvoir aider les autres à progresser. Le principal point positif d’un tel programme est selon moi la motivation des étudiants. La différence entre le CAF-NeuroLynx et le CAF habituel, c’est que les étudiants-joueurs sont moins réticents à s’engager, puisqu’ils sont déjà familiers avec les tuteurs […], ce qui contribue vraiment à leur motivation et donc à leur progression. »

Marc-Antoine Vézina-Tardif,
tuteur et membre de l’équipe de football

« Je crois que le tutorat que nous pratiquons avec nos coéquipiers est bénéfique pour tout le monde, entre autres parce que cette formule est unique en son genre : étant donné que nous connaissons déjà bien les gars que nous accompagnons, nous savons comment ils sont et nous pouvons mieux nous adapter à eux. L’esprit d’équipe, qui est déjà installé entre nous, se trouve même renforcé par cette interaction. »

Charles Rémy-Sarrazin,
tuteur et membre de l’équipe de football

« Puisque je suis moi-même une Lynx, je suis consciente de la réalité que vivent les étudiants que j’accompagne quant aux exigences sportives et scolaires. Je bénéficie donc d’une certaine crédibilité auprès des étudiants-athlètes, ce qui favorise l’établissement d’une relation de confiance, indispensable à l’apprentissage […] Le message implicite du CAF-NeuroLynx est qu’il est possible de performer sur le terrain ET dans la salle de classe. »

Vanni-Ève Perreault-Liard,
tutrice expérimentée et membre de l’équipe de basketball

Propos recueillis par Guylaine Fontaine

Vous expérimentez dans votre cégep une formule de CAF atypique et souhaitez partager votre expérience avec les lecteurs de Correspondance ? Contactez Dominique Fortier.Par courrier électronique : dfortier@ccdmd.qc.ca
Par téléphone : 514 864-4906
  1. «  », Correspondance, vol. 16, no 1, octobre 2010. [Retour]
  2. « Un CAF « en santé » pour les élèves en soins infirmiers du Cégep de Sherbrooke », Correspondance, vol. 16, no 2, janvier 2011. [Retour]
  3. « Le tuteur idéal, nous apprennent les recherches, est celui qui fait preuve de congruence cognitive, une qualité qui »semble être la résultante de deux dimensions : le niveau d’expertise et la congruence sociale. Ces deux dimensions sont d’ailleurs très difficiles à coordonner puisque la première marque la distance entre tuteurs et tutorés, quand la seconde privilégie leur proximité.« (p. 24-25) L’idéal, dans la relation tutorale, semble donc se trouver dans l’équilibre complexe – et donc difficile à atteindre – entre les deux. » Julie Roberge, « Le tutorat, richesses d’une méthode pédagogique d’Alain Baudrit », Correspondance, vol. 17, no 1, octobre 2011. [Retour]

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