Guide des procédés d’écriture: repérer, mais surtout analyser
Qui ne connaît pas de ces élèves pour qui un champ lexical est un paysage désolé, une plaine aride qu’ils traversent sur la route semée d’embûches que l’on nomme analyse littéraire (« L’auteur emploie plusieurs champs lexicaux dans son poème. Il fait aussi des comparaisons. » …). Ou ces autres qui traquent dans le texte, en fins chasseurs, litotes et métonymies, métaphores et gradations. « Et alors ?, leur demande-t-on. – Comment ça, et alors ? », répondent-ils, offusqués que l’on célèbre aussi peu leurs belles prises.
C’est pour eux surtout, et pour vous aussi, que paraîtra en avril 2006, aux éditions du Renouveau pédagogique (ERPI), le Guide des procédés d’écriture, rédigé par Anne Gagnon, Carl Perrault et Huguette Maisonneuve. Quoique traitant d’une matière abondamment visitée par d’autres guides et manuels, cet ouvrage se distingue nettement par le souci constant qu’on y trouve de ne pas se limiter à des énumérations de procédés complètement coupées du contexte de l’analyse de texte. Au contraire, d’entrée de jeu, les auteurs insistent sur leur volonté d’être « centré[s] sur le sens et non sur le simple repérage ». Et ils tiennent bien leur promesse : pas un seul procédé n’est présenté sans que soient donnés, en même temps et avec une égale importance, les effets qu’il produit et l’interprétation qui peut s’en dégager. Ainsi, tout étudiant trouvera dans ces pages d’innombrables idées d’explications et de commentaires pertinents pour étoffer son analyse ou sa dissertation.
Une autre caractéristique distingue ce guide : sa mise en page aérée et dynamique. On n’y trouve qu’un procédé d’écriture par page ; dans chacune d’elles, la définition du procédé, axée sur des stratégies de repérage, est suivie d’un extrait de texte littéraire représentatif, dûment annoté et commenté. Ces exemples puisés à même les textes littéraires sont des plus variés : Racine y côtoie Loco Locass, et Baudelaire voisine Michel Marc Bouchard et Anne Frank.
La notion de procédés d’écriture est très large – et un peu floue, mais là n’est pas la question ! – , et les auteurs n’ont pas hésité à la traiter d’une manière plus exhaustive que bien d’autres guides. Aux habituels concepts narratologiques, rhétoriques et stylistiques que l’on traite dans ce type d’ouvrage, ils ont notamment ajouté les procédés syntaxiques et grammaticaux : une excellente façon de faire le pont avec ce que l’élève a vu au secondaire. En effet, trop souvent, analyse grammaticale et analyse littéraire sont perçues, surtout au collégial, comme deux activités en tous points distinctes, alors qu’elles peuvent (et devraient) être intimement liées.
Un seul bémol, après cette liste admirative d’innovations : il est clair que ce guide, qui pourra être des plus pertinent pour tous les cours obligatoires en français, a pour seul but d’accompagner l’élève qui analyse, qui s’approprie un texte littéraire. Et il le fait avec brio. Mais aucune place n’est laissée à l’étudiant qui voudrait, à son tour, créer un texte et employer ces procédés. Comme s’ils étaient des outils strictement réservés aux auteurs publiés, et manipulables par eux seuls. La faute en revient sans doute moins aux auteurs de ce guide qu’aux devis ministériels, qui ont fait de la dissertation l’exercice incontournable (et, trop souvent, unique) des cours de français au collégial.
La notion de tonalité, peut-être parce qu’elle repose sur une analyse plus globale de l’œuvre et sur sa réception par le lecteur, est toujours difficile à faire comprendre aux élèves. Par exemple, il n’est pas toujours évident, en classe, de bien faire distinguer les nuances entre tragique et dramatique, ou entre épique et tragique…
On a trouvé à cette fin, pour ce guide, un moyen simple et efficace : les exemples qui illustrent chaque définition de tonalité sont puisés aussi bien dans la littérature que dans le cinéma ! C’est ainsi que l’on illustre, entre autres, la tonalité épique par l’atmosphère qui se dégage tant de la Chanson de Roland que de la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson. Une idée simple, qui fait la part belle à la culture personnelle des élèves (souvent plus cinéphiles que lecteurs) et qui montre l’ouverture, l’approche ludique aussi bien que rigoureuse, et le sens de la pédagogie qui ressortent grandement de ce petit guide.
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