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Plaidoyer pour les centres d’aide en français

Plaidoyer pour les centres d’aide en français

Les centres d’aide en français ont souvent survécu, plutôt que vécu. Il semble que l’incertitude inhérente à leur existence ne se dissoudra pas de sitôt. En effet, le contexte actuel fait craindre de nouvelles menaces, même si, en quelques années, les centres d’aide en français ont démontré, contre vents et marées, un dynamisme et une vitalité exceptionnels. Leur approche originale de la pédagogie du français et de l’animation du milieu doit bénéficier d’un appui renouvelé et d’un soutien substantiel.

Rappelons que les centres d’aide en français ont été, pour la plupart, mis sur pied au cours des années 1980. Certains existent depuis quinze ans. Plusieurs se sont maintenus et se sont développés. D’autres ont dû interrompre ou réduire leurs services. Ceux qui ont persisté ont traversé diverses étapes : conception, installation, expérimentation, rodage, amélioration et diversification des services. Cependant, sur le plan des ressources, diverses solutions ont été trouvées afin d’être en mesure d’offrir des services aux élèves et au milieu : projets de recherche subventionnés, contribution des administrations locales, ressources prises à même la masse salariale, cours de relation d’aide offerts aux moniteurs étudiants, ressources allouées aux cours d’appoint. Le plan quinquennal inauguré en 1989 par Claude Ryan, alors ministre de l’Éducation, a apporté enfin un soutien institutionnel et une stabilité relative au réseau des centres d’aide en français.

Au terme de ce programme de subventions accordées pour la « promotion du français », nous avons retenu notre souffle. Serait-il reconduit? Évidemment, le ministère de l’Éducation aurait été mal venu d’interrompre brutalement des projets et des services qui s’étaient révélés dans l’ensemble fructueux et efficaces. La subvention fut reconduite, mais annuellement, ce qui nous plonge régulièrement dans l’expectative. Par ailleurs, le Ministère s’est lancé dans une opération d’évaluation des centres d’aide : nous ne reprendrons pas ici les inquiétudes et les critiques suscitées par une telle démarche (qui tentait de quantifier la « valeur ajoutée » en français écrit, entre l’épreuve ministérielle de français de 5e secondaire et le Test de français au collégial...), ni la dénonciation des aberrations journalistiques qu’elle a engendrées (du type « On dépense un million pour aider quelques centaines d’élèves »…). Les responsables, les techniciennes, les animatrices et les monitrices (dans cette phrase, reflétant la réalité, le féminin l’emporte sur le masculin…) des centres d’aide en français n’ont pas besoin d’une évaluation quantitative externe ni d’un regard médiatique sur leur travail pour savoir qu’il est utile et nécessaire, qu’il répond à des besoins pressants et qu’on doit attribuer les ressources nécessaires à son développement.

De nouvelles inquiétudes

Les dernières négociations et les nouvelles conventions de travail des enseignants suscitent de nouvelles craintes. On sait qu’au cours des pourparlers avec la Fneeq (Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec), entre autres, les hypothèses de coupures incluaient, à un certain moment, la réduction des montants alloués à la session d’accueil… et aux centres d’aide en français. Maintenant que des conventions sont signées, qu’en est-il? Autant à propos du financement de la session d’accueil que des centres d’aide, les rumeurs persistent… On sait que la convention Fneeq prévoit que chaque professeur devra fournir une heure d’encadrement supplémentaire par semaine. Dès lors, le gouvernement ne sera-t-il pas tenté de réduire fortement les subventions à la promotion du français, voire de les éliminer? Puisque les professeurs de français des syndicats Fneeq seront tenus à cette heure-semaine supplémentaire, il n’est pas insensé qu’une partie des ressources nouvelles puisse être affectée aux centres d’aide en français.

Si les rumeurs de coupures ne sont pas fondées, tant mieux. Car il serait aberrant que des modifications aux conditions de travail des professeurs viennent menacer l’existence et le mode de fonctionnement des centres d’aide. Il serait doublement aberrant qu’une des conventions de l’enseignement collégial affecte les ressources allouées à l’ensemble des collèges. À l’encontre de toute coupure, plusieurs centres d’aide en français sont en mesure de chiffrer leurs besoins de ressources supplémentaires : nombre d’inscriptions, listes d’attente, nouveaux services à offrir. La modification à la convention Fneeq, si elle n’est pas associée à des coupures de la subvention à la promotion du français, peut devenir un atout afin de soutenir davantage et de développer les services offerts par les centres d’aide concernés.

Il faut insister sur ce fait que les centres d’aide en français ont non seulement besoin de se maintenir, mais de se développer, tant dans le but d’augmenter l’accessibilité aux services actuels que d’en offrir de nouveaux. Rappelons que l’utilisation de la subvention à la promotion du français est, selon les collèges, très variée : engagement de monitrices, de secrétaires, d’animatrices, dégrèvement professoral, achat de matériel. (Les sommes reçues ne sont pas majoritairement allouées au paiement de ressources professorales, elles ne sont donc pas remplaçables par les nouvelles heures de disponibilité professorale de la convention Fneeq.) Rappelons aussi que, d’année en année, le financement des centres d’aide en français est le produit d’un montage fragile. Nous réclamons une subvention stable, récurrente et adaptée aux besoins.

Cependant, selon les milieux, l’engagement et la détermination varient. Il faut les susciter, les renforcer et les soutenir. Cet appui doit provenir de tous les échelons : ministère de l’Éducation, administration des collèges, commissions des études, syndicats, ensemble des professeurs, départements de français. Tous les groupes doivent manifester une volonté ferme d’offrir aux élèves des services qui sont devenus essentiels.

Dans la foulée de la volonté ministérielle d’« une hausse des exigences et de la rigueur en ce qui a trait à la maîtrise du français par les diplômés des collèges » (Jean Garon, communiqué du 11 décembre 1995), toutes les contributions sont nécessaires. L’ajout d’une heure aux cours de français de formation générale et l’identification d’heures de « laboratoire » en cours de français constituent certes des outils réclamés par certains depuis longtemps. Cependant, l’objectif de ces mesures reste prioritairement la préparation et la pratique des écrits demandés par chacun des cours de français (analyse littéraire, dissertation et essai). Ce serait se leurrer de penser que de telles mesures vont permettre de faire l’économie des autres interventions, particulièrement celles qui sont d’ordre purement linguistique.

Des ressources indispensables

Les centres d’aide en français conservent leur entière pertinence afin de donner un enseignement – ou un réapprentissage – linguistique adapté aux élèves en difficulté, afin d’offrir des services individualisés sous forme de tutorat ou en petits groupes, afin de proposer et de superviser des démarches autonomes d’autocorrection, afin d’accueillir les élèves dont le français n’est pas la langue maternelle et de les soutenir dans leur apprentissage, afin d’appuyer et de compléter les cours d’appoint en français écrit, voire les autres cours de français.

De plus, les centres d’aide en français constituent dans plusieurs collèges le lieu de référence en ce qui a trait à la langue, le centre nerveux de l’intervention et de l’animation linguistiques, le réservoir local d’expérience et d’énergie nécessaires pour la production de matériel didactique en français écrit. En peu de temps, les centres d’aide en français ont démontré leur caractère indispensable, qu’il suffise d’évoquer le nombre d’élèves reçus, le nombre de professeurs, de moniteurs et d’animateurs impliqués, ainsi que la quantité impressionnante de productions pédagogiques émanant des centres d’aide en français et diffusées par ceux-ci (grilles de correction, guides de rédaction, bibliographies, cahiers d’exercices, recueils de dictées, démarches d’apprentissage et de révision, logiciels), sans compter de multiples activités d’animation du milieu (chroniques linguistiques dans les publications locales, dictées et jeux linguistiques, semaine du français, cours et ateliers offerts aux membres du personnel, soutien à l’application de la politique de la langue, diffusion de documents, etc.).

Ce bilan plus que positif justifie amplement l’engagement de principe et l’effort de financement nécessaires. S’il est utile de s’appuyer sur les études gouvernementales, mentionnons en outre que la conclusion (p. 29) de la recherche intitulée Contribution des centres d’aide à l’amélioration du français écrit des sortants [sic] du collégial qui se dirigent vers l’université (Cohorte de mai 1994), produite par la Direction de l’enseignement collégial en mars 1995, se termine par la reconnaissance de l’efficacité des centres d’aide en français à améliorer le français écrit des élèves du collégial, ainsi que par l’énoncé suivant : « Il est donc souhaitable que le taux de fréquentation continue d’augmenter. » CQFD.

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