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Le dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec

Le dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec

Un outil culturel et pédagogique original

Un groupe de recherche multiuniversitaire et multidisciplinaire, rattaché à l’Université de Sherbrooke, travaille présentement à la préparation d’un dictionnaire général du français qui réponde aux besoins de communication des francophones du Québec et du Canada, c’est-à-dire qui prenne en compte le contexte référentiel québécois et nord-américain, tout en assurant les liens avec le reste de la francophonie. L’essentiel des travaux du groupe de recherche, nommé Franqus (acronyme de Français québécois : usage standard), consiste à décrire le français contemporain d’usage public, représentatif de l’activité sociale, culturelle, économique, politique et scientifique au Québec, y compris le vocabulaire partagé avec l’ensemble de la francophonie. En outre, avec le concours de nombreux collaborateurs, le traitement des espèces naturelles a été complètement repensé et les rubriques étymologiques, notamment celles des mots, des sens et des expressions caractéristiques du Québec et de l’Amérique du Nord, ont été enrichies. Enfin, certaines prononciations maintenant reconnues comme standard au Québec ont été adaptées. Sous la direction éditoriale de mon collègue Pierre Martel et de moi-même, et sous la direction informatique de Chantal-Édith Masson, cet ouvrage, intitulé Le dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec, présente plusieurs aspects originaux, mis en évidence dans cet article.

Sommairement, l’originalité de l’ouvrage consiste à fournir aux Québécoises et aux Québécois une description du français apte à satisfaire leurs besoins langagiers, qui témoigne de leurs usages du français et, enfin, qui corresponde à leurs expériences et à leur milieu de vie. Cette description de la langue, bien qu’elle considère les contextes linguistiques, socioculturels et référentiels québécois, n’en est pas moins ouverte sur la francophonie, comme en témoigne l’approche originale mise au point par le groupe de recherche pour rendre compte de la variation géographique.

Un dictionnaire original, conçu informatiquement

La version électronique du Dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec, mise en ligne à l’automne 2009 aux fins de validation, n’est pas le résultat de l’adaptation d’un ouvrage existant. La conception de l’ouvrage ainsi que l’ensemble de la description sont originaux. De plus, la conception informatique du dictionnaire s’est faite parallèlement à la réalisation du contenu de l’ouvrage, qu’il s’agisse de la banque de données textuelles de 52 millions de mots à la source même du travail lexicographique, de la plateforme de gestion des centaines de milliers de documents, ou enfin, de la fiche de saisie informatisée des articles proprement dits. La conception et l’utilisation de ces outils informatiques raffinés se reflètent, aujourd’hui, dans un ouvrage électronique puissant, se prêtant à des recherches simples et complexes. Conçu et élaboré pour répondre aux besoins et aux exigences de l’utilisateur, il permet, par une recherche simple, d’accéder au contenu d’un article du dictionnaire même si l’orthographe du mot saisi est inexacte. L’utilisateur peut aussi accéder à un vocable en saisissant une de ses formes (formes conjuguées, pour les verbes).

L’interface utilisateur se veut également conviviale tant en termes de manipulation que de lisibilité des informations. Dans la présentation, aérée et hiérarchisée, certains éléments sont mis en relief grâce à une approche typographique et à un jeu d’icônes. L’interprétation de ces codes non linguistiques est assurée par des infobulles explicatives, affichables à la demande de l’utilisateur. En outre, cette interface propose diverses fonctionnalités permettant, notamment, de choisir différentes vues d’un article du dictionnaire (complète, abrégée ou exemples d’emplois seulement).

Un dictionnaire centré sur les attentes de l’utilisateur

Avant l’élaboration du Dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec, une vaste enquête a été menée sous forme de questionnaire écrit, dans six régions du Québec, auprès de plus de 800 personnes de différents âges et de diverses fonctions. Il est ressorti de cette enquête que les Québécoises et les Québécois désirent essentiellement un dictionnaire de type « normatif », c’est-à-dire qui les informe sur le bon usage. Ils veulent connaître, d’une part, les emplois « reçus » ou « acceptés » selon un certain « standard québécois » et, d’autre part, les emplois « critiqués » de même que ceux qui peuvent varier en fonction de certaines situations de communication. Ils souhaitent un dictionnaire général à l’intérieur duquel sont distingués, à l’aide d’une marque quelconque, les mots et les emplois selon qu’ils sont caractéristiques du Québec ou de la France.

Une description du français dans une perspective québécoise et nord-américaine qui établit des ponts avec la francophonie

Les dictionnaires usuels disponibles actuellement au Québec sont conçus et élaborés en France. Ces ouvrages rendent compte de réalités sociales, historiques, géographiques, administratives et culturelles avant tout françaises et européennes, ce qui est tout à fait normal, et accueillent avec parcimonie les spécificités linguistiques et culturelles d’ici et du reste de la francophonie, en les marquant comme des régionalismes (de Suisse, de Belgique, du Québec, d’Afrique, des Antilles, etc.). Or le Québec a un environnement naturel (une faune et une flore) nord-américain particulier, des institutions politiques, juridiques, sociales, culturelles, scolaires, sportives, qui diffèrent de celles de l’Europe. Aussi, des milliers de mots, de sens et d’expressions traduisent ces spécificités, mais sont absents des dictionnaires ou y sont insuffisamment décrits.

Le dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec se distingue des autres dictionnaires, tant québécois que français, dans la manière de traiter les emplois caractéristiques de la France et du Québec pour rendre compte de la variation géographique du français dans le contexte québécois et nord-américain. L’ouvrage cerne le tronc commun du français et identifie, dans la mesure du possible, à la fois les emplois qui caractérisent l’usage québécois du français et ceux qui caractérisent son usage en France. Pour rendre compte de ces divers usages, le groupe Franqus a développé un système original de marques et d’indicateurs géographiques. La marque [UQ] indique un emploi caractéristique de l’usage du français au Québec ; la marque [UF], quant à elle, indique un emploi caractéristique de l’usage du français en France (figure 1). Dire d’un emploi qu’il est caractéristique d’un usage québécois ou français, par exemple, n’implique pas nécessairement qu’il lui soit exclusif. Un mot peut continuer à être perçu comme caractéristique de l’usage en France, même si un certain nombre de Québécoises et de Québécois commencent à l’utiliser, et vice versa. De plus, pour les emplois caractéristiques du français en usage au Québec, la description lexicographique ne se limite pas aux seuls québécismes ; elle inclut également la composante socioculturelle du discours que l’on trouve illustrée essentiellement dans la zone d’exemplification, notamment dans les riches citations d’auteurs d’ici.

Figure 1

Un apport culturel fondamental

Par les mots, les sens et les exemples qu’il contient, Le dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec reflète le monde dans lequel vit une nation. Si les Français et les Québécois partagent la même langue, ils n’utilisent pas toujours les mêmes mots et ils donnent à certains mots des sens différents. Des milliers de mots et de sens font état de la manière d’être, de penser et de vivre des gens du Québec, des mots et des sens nécessaires dans le cadre de leur vie sociale, politique, économique, culturelle, sportive, etc.

L’ouvrage reflète la réalité québécoise et nord- américaine dans tous les domaines de la vie courante et professionnelle : sociopolitique, droit, faune et flore, environnement, sport, éducation, alimentation, médecine, culture, etc. (voir les quelques exemples de la figure 2).

Figure 2

Une place de choix pour nos auteurs littéraires

Les citations littéraires et celles tirées des journaux, des magazines et des textes spécialisés tissent la trame culturelle du Dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec (figure 3). Elles attestent les sens décrits dans les œuvres d’auteurs variés et réputés. Ces citations témoignent de notre héritage culturel tout en illustrant des sens et des emplois standard d’ici. De plus, des notices biographiques fournissent des informations sur la vie de l’auteur, ses réalisations professionnelles. Ces exemples et citations sont essentiellement tirés de la Banque de données textuelles de l’Université de Sherbrooke (BDTS), conçue aux fins du projet et représentative du bon usage du français au Québec (plus de 50 millions de mots). Elle comprend une sélection de textes littéraires, journalistiques, didactiques, spécialisés (notamment des textes techniques, scientifiques, sociopolitiques, administratifs et culturels), etc. Grâce à une entente avec le Trésor de la langue française de Nancy, en France (TLF), les citations des auteurs littéraires français sont tirées de Frantext.

Figure 3

L’indication des formes féminines

La généralisation de la féminisation des titres de fonctions est l’une des caractéristiques du français québécois (figure 4). Le groupe Franqus a relevé dans la BDTS une nomenclature totalisant plus de 400 titres de fonctions féminisés. Parmi ceux-ci, bon nombre sont propres au français québécois. On les trouve en outre répandus dans tous les types de discours (littéraire, journalistique, didactique et spécialisé).

Figure 4

Un système de marques revu, simplifié et adapté à la réalité québécoise

La description lexicographique de l’ouvrage concerne principalement les emplois de niveau neutre (ou standard) du français en usage au Québec, c’est-à-dire ceux généralement perçus comme correspondant à une langue de qualité. Ces emplois, utilisables dans n’importe quel contexte, ne comportent aucune marque dans le dictionnaire : ils sont neutres. Quant aux emplois ne correspondant pas à cet emploi neutre, ils sont identifiés selon un système de marques lexicographiques adapté aux objectifs poursuivis et aux attentes du public visé. Outre les marques et indicateurs géographiques dont nous avons parlé précédemment, ce système concerne globalement les marques de registre de langue (soutenu, familier, très familier, vulgaire) ainsi que diverses connotations (littéraire, péjoratif, ironique, langage enfantin, etc.), les marques temporelles (vieux et vieilli) et, enfin, les marques et remarques recommandés par des organismes officiels, etc.), de sorte que l’utilisateur dispose des outils nécessaires pour faire des choix éclairés (figure 5). En plus, celui-ci est informé des différences de traitement ou de perception pour ce qui est de l’usage européen, le cas échéant.

Figure 5

Le système de renvois analogiques

De manière à permettre à l’utilisateur de bien faire les ponts entre les mots dont le sens est étroitement, apparenté, le groupe Franqus a développé un système de renvois analogiques original. Ce système comporte le renvoi à un ou des synonymes (flèche horizontale ) ; le renvoi à un ou des hyperonymes ou mots génériques (flèche vers le haut ) ; le renvoi à un ou des hyponymes ou mots spécifiques (flèche vers le bas ) ; le renvoi à un mot ou à un élément de formation qui relève de la même famille, mais dont la forme est différente (flèche recourbée ) (figure 6). Un certain nombre de renvois entre crochets ont également été ajoutés ; ce type de renvoi renferme essentiellement des renseignements de type encyclopédique (figure 7).

Figure 6

Figure 7

La prise en compte de la grammaire

Les informations touchant la variation orthographique ainsi que le genre et le nombre des mots sont clairement indiquées dans le bloc entrée de l’article et dans un tableau des formes placé à la fin de l’article. L’ouvrage présente également l’ensemble des propositions de rectifications orthographiques (figure 8) et fournit les tableaux de conjugaison de tous les verbes, y compris les formes rectifiées. Pour ce qui est du traitement des verbes, les modèles de construction, qui ont été soigneusement dégagés, sont exemplifiés et, au besoin, accompagnés de remarques faisant le pont avec la terminologie et l’analyse de la grammaire nouvelle (figure 9). L’indication des cooccurrents pour ce qui est des adjectifs, adverbes et substantifs, etc., a bénéficié du même soin. Enfin, les informations sur des constructions (figure 10) ou des emplois particuliers ou critiqués (figure 11) sont fournies en exemples ou dans une remarque.Une version préliminaire du Dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec (version bêta) est actuellement en ligne et soumise à un groupe de validation pour une durée de quelques mois. Elle comporte notamment plus de 55 000 mots traités ; près de 30 000 articles complets ; plus de 28 000 citations tirées d’œuvres littéraires, de journaux, de magazines et d’ouvrages spécialisés ; un guide méthodologique sous forme d’infobulles ; plus de 5000 tableaux de conjugaison ; quelques milliers de sigles et d’acronymes, d’abréviations, de toponymes et de gentilés ; plus de 80 articles thématiques signés par des spécialistes reconnus décrivant nos réalités linguistiques, culturelles, sociales et géographiques. Une fois la période de rodage terminée, l’ouvrage sera accessible sur Internet à un plus large public. Enrichie au fur et à mesure de la révision des articles, cette version électronique du Dictionnaire sera complétée en 2011 et servira à la préparation de la version imprimée.

Pour plus d’information sur le projet et l’équipe, consulter le site Franqus.ca.

Figure 8

Figure 9

Figure 10

Figure 11

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Hélène Cajolet-Laganière

Détentrice d’une maîtrise en études françaises (Université McGill) et d’un doctorat en linguistique (Université de Sherbrooke et Université de Strasbourg), Hélène Cajolet-Laganière est professeure titulaire à l’Université de Sherbrooke. De 1972 à 1990, elle a été responsable du Bureau de l’Office québécois de la langue française de l’Estrie et chef du Service des linguistes des bureaux régionaux. Elle a participé, en tant que commissaire, aux États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec (2000-2001). Poursuivant ses recherches dans les domaines de l’aménagement de la langue et de la caractérisation de la langue publique au Québec, elle codirige depuis 2001 l’élaboration du premier dictionnaire général et normatif du français en usage au Québec : Le dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec.

Elle est auteure ou coauteure de plusieurs ouvrages touchant la rédaction, notamment Le français au bureau, Rédaction technique, scientifique et administrative et La maîtrise du français écrit. Elle est coauteure (avec Pierre Martel) de deux ouvrages sollicités par l’Institut québécois de la recherche sur la culture, soit La qualité de la langue au Québec et L’aménagement de la langue au Québec. Enfin, elle a été responsable de la conception d’un didacticiel à l’intention des journalistes, rédacteurs et animateurs de la presse écrite et électronique.

LE GROUPE FRANQUS

Le Dictionnaire de la langue française – Le français vu du Québec est le fruit d’un travail multiuniversitaire et multidisciplinaire, sous la direction éditoriale d’Hélène Cajolet-Laganière et de Pierre Martel, et sous la direction informatique de Chantal-Édith Masson. Ont permis à cet ambitieux projet de se matérialiser le travail intensif de l’équipe de recherche (quelque 30 professionnels, professionnelles de recherche et professeurs, professeures de l’Université de Sherbrooke et de l’Université Laval), les avis judicieux du comité scientifique, la collaboration soutenue de plusieurs professeurs et chercheurs de l’Université du Québec à Montréal et à Trois-Rivières, des universités de Montréal, de Moncton, d’Ottawa et McGill, ainsi que l’apport du Trésor de la langue française de Nancy, de l’Office québécois de la langue française (OQLF), du Conseil supérieur de la langue française (CSLF), de l’Union des écrivains et écrivaines du Québec (UNEQ) et du Trésor de la langue française au Québec (TLFQ).

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