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L’épreuve uniforme de français: une condition «sine qua non» de l’obtention du DEC

L’épreuve uniforme de français: une condition «sine qua non» de l’obtention du DEC

Idées reçues
L’article intitulé « C’est au primaire qu’on commence à préparer l’épreuve uniforme… », signé Joseph Chbat et publié dans notre numéro portant sur l’épreuve uniforme de français, a suscité au sein du Département de littérature et communication du cégep de Trois-Rivières une réflexion livrée ci-dessous, au nom de l’assemblée départementale, par deux de ses membres.

Nous voulons réagir à une idée que Joseph Chbat émettait dans le numéro de septembre dernier de Correspondance à propos des élèves « qu’on a tolérés dans le système malgré la présence évidente chez eux de carences langagières ». Pour éviter à ces élèves l’échec à répétition à l’épreuve uniforme de français et leur permettre d’obtenir leur diplôme d’études collégiales, M. Chbat en vient à suggérer qu’on défasse le lien actuel entre le DEC et cette épreuve. Nous nous opposons à ce recul et nous souhaitons, dans un premier temps, que le ministère de l’Éducation ne laisse planer aucun doute quant à l’obligation de réussir l’épreuve pour obtenir le DEC et, dans un deuxième temps, qu’il s’engage à soutenir les élèves et les collèges.

Des effets positifs de l’obligation de réussite de l’épreuve uniforme de français

La plupart des enseignantes et enseignants de notre département ont connu l’avant et l’après de la réforme de 1994. Ce passage a mobilisé beaucoup d’énergie, les corrections requièrent encore et toujours un temps et une attention énormes, mais nous pouvons maintenant apprécier les effets positifs de cette réforme. Un élément capital de celle-ci est sûrement la mise en place de l’épreuve uniforme en langue et littérature avec l’obligation de réussite.

D’une part, pour les élèves, cette épreuve « terminale » constitue une motivation, extrinsèque — nous en convenons — fort puissante : connue dès le premier semestre, elle incite cégépiennes et cégépiens à acquérir et à maintenir vivantes les connaissances et habiletés sur lesquelles portent les premier et troisième cours de littérature. D’autre part, grâce à l’épreuve uniforme, les enseignantes et enseignants de littérature ne peuvent oublier le fait que nos trois cours de formation générale doivent proposer une séquence cohérente d’apprentissage. Enfin, pour les responsables des divers programmes et départements des collèges, l’épreuve uniforme de français peut être utilisée comme un défi mobilisateur en ce qui concerne la compétence langagière exigée de leurs élèves. Nous croyons que la force de ce fil conducteur tient au fait que tout un chacun doit s’y rattacher. Cet effort de cohésion a sûrement contribué, sans en être la seule cause, à l’amélioration observée dans la performance des élèves de notre collège : de 57 p.100 au test officiel de français de mars 1995, leur taux de réussite est passé à 90 p.100 en décembre 1998.

A contrario, imaginons ce que pourrait entraîner l’abandon de l’obligation de réussite. D’abord, un bref rappel et quelques données. En 1994-1995, notre département a mis en place une gradation des exigences en français écrit, parallèlement aux prescriptions du devis quant aux connaissances littéraires et aux habiletés en rédaction. Comme dans plusieurs cégeps, l’organisation en séquences a rendu plus difficile la réussite du premier cours de français du collégial. Cependant, le taux de réussite s’est amélioré d’année en année, passant de 56 p.100 en 1996 à 74 p.100 en 1998. Nos statistiques révèlent, pour 1997 et 1998, qu’environ 15 p.100 des élèves de 101 échouent à ce cours principalement à cause de leurs carences en français écrit.

Des effets négatifs de la levée de l’obligation de réussite de l’épreuve uniforme de français

Supposons levée l’obligation de réussite à l’épreuve uniforme de français. Nous pouvons tout de suite imaginer que s’envole la motivation extrinsèque ! Qui plus est, ne pouvons-nous croire que, au fil des ans, la pression conjointe des élèves, de la direction des études et des autres départements et programmes amènerait les enseignantes et enseignants qui dispensent le premier cours de français à une sympathique tolérance… que partageraient progressivement les collègues du deuxième, puis du troisième cours ? Total : le collégial reproduirait en son sein ce que d’aucuns considèrent comme une faiblesse du secondaire, à savoir qu’on y laisse passer des élèves « carencés » depuis la fin du primaire, en reportant les exigences de compétence à l’ordre d’enseignement suivant ou aux employeurs exigeants. Nous ne croyons pas que M. Chbat opte pour ce scénario.

Comme enseignantes et enseignants de français, nous ne voulons donc pas courir le risque qu’une dérogation au nom d’une minorité d’élèves dilue les résultats positifs obtenus grâce à la motivation et à la cohérence exigées de tous. Il faut en effet observer que c’est pour une mince proportion de collégiennes et collégiens que M. Chbat suggère le retrait de l’obligation de réussite : d’une session de l’épreuve à l’autre, il est vrai que, dans 90 p.100 des cas, le français écrit constitue la cause de l’échec. Il est vrai aussi qu’à peine 10 p.100 des inscrits y échouent.

D’accord quant au mal mais en désaccord quant au remède

Pour ce qui touche la cause du mal qui nous ronge, nous reconnaissons la justesse des propos de notre collègue de philosophie : « C’est au primaire qu’on commence à préparer l’épreuve uniforme. » Comme lui, nous éprouvons de la sympathie à l’égard des élèves encore en difficulté, mais nous différons quant au remède requis.

Plutôt que de reculer par rapport à un acquis collectif, nous croyons que le ministère de l’Éducation, les collèges et les départements de français doivent chercher des solutions nouvelles à ce défi nouveau. « Chercher » est le mot, puisque les collèges ont peu à offrir aux élèves qu’ils ont presque menés à l’obtention du DEC. Chez nous, les responsables du cheminement scolaire et les enseignantes et enseignants s’interrogent sur le soutien à fournir aux quelques élèves qui, bien qu’ayant complété le parcours en français, doivent reprendre l’épreuve uniforme de français. Différentes voies sont disponibles : recours à un tuteur privé, exploitation autonome ou guidée de manuels comme Face à l’épreuve (éditions HMH) ou L’épreuve uniforme de français (éditions Beauchemin), utilisation du matériel produit ou diffusé par le Centre collégial de développement de matériel didactique, cours de français écrit offerts par les services de formation continue ou le Centre collégial de formation à distance, réinscription volontaire en 601-103. D’autres collèges ont peut-être des approches différentes à proposer. Toutefois… la plupart de ces solutions requièrent l’allocation de ressources. Voilà pourquoi nous souhaitons, autant au Département de littérature et communication qu’à la direction du Collège, que le Ministère s’engage financièrement dans le soutien à ces élèves.

En somme, de l’aide aux « carencés » du système, il serait possible d’en fournir. Par contre, renoncer au statut que, à l’école et dans la société, l’épreuve uniforme obligatoire confère à la culture littéraire et aux compétences langagières, il ne saurait en être question.

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