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Problèmes de lecture/écriture et dyslexie

Problèmes de lecture/écriture et dyslexie

Dyslexie ou dyslexies ?

Près d’un siècle après l’apparition du terme « dyslexie » dans le vocabulaire médical, le débat est loin d’être clos sur la définition de ce trouble de la lecture. Les premiers cas de dyslexie rapportés dans les écrits étaient ceux d’adultes qui, à la suite d’un accident cérébral, avaient perdu la capacité de bien lire. On parle dans ces cas de dyslexie acquise.

L’application de ce terme aux enfants commençant leur scolarité s’est faite plus tard. On parle alors de dyslexie développementale, mais sa définition est controversée. Pour certains, la dyslexie désigne toute difficulté d’apprentissage de la lecture, quelles que soient sa cause ou sa gravité. Avec une définition aussi large, 30 p. 100 de la population scolaire serait touchée par ce problème. La Fédération mondiale de neurologie a retenu la définition suivante (rapportée par Van Hout et Estienne, 1994[1]) : « La dyslexie est un trouble de l’apprentissage de la lecture survenant en dépit d’une intelligence normale, de l’absence de troubles sensoriels ou neurologiques, d’une instruction scolaire adéquate, d’opportunités (sic) socioculturelles suffisantes ; en outre, elle dépend d’une perturbation d’aptitudes cognitives fondamentales souvent d’origine constitutionnelle. » (p. 22). Avec cette définition plus restrictive où l’on mentionne l’origine du problème, la prévalence de la dyslexie serait de 10 p. 100 de la population scolaire. Le ministère de l’Éducation du Québec reconnaît que la population d’élèves ayant des difficultés légères et graves d’apprentissage, au secondaire, est d’environ 11 p. 100. Ces deux pourcentages semblent se rejoindre. Pourtant, à l’heure actuelle, la dyslexie est considérée comme un trouble particulier d’apprentissage qui serait causé par une lésion, une anomalie ou un dysfonctionnement du cerveau, et qui serait permanent ; de ce fait, 4 à 5 p. 100 seulement des enfants seraient de vrais dyslexiques.

Les études récentes en ce domaine ont mis en évidence l’existence de plusieurs types de dyslexie, notamment la dyslexie de surface, caractérisée par la difficulté à reconnaître les mots visuellement d’emblée (dans ce cas, le lecteur bute sur des mots irréguliers qu’il lit en respectant les règles de la combinatoire grapho-phonologique, comme monsieur lu mon-si-eur) et la dyslexie phonologique, caractérisée par la difficulté de procéder à l’analyse segmentale des mots et aux correspondances entre les graphèmes et les phonèmes (la personne lit les mots par voie visuelle directe et n’arrive pas à lire des mots peu familiers, inconnus ou des pseudo-mots). Ce dernier type de dyslexie serait plus fréquent que l’autre chez les enfants. De nos jours, les experts parlent des dyslexies (au pluriel). Quoi qu’il en soit, le terme dyslexie est lié à la difficulté de reconnaître des mots et n’est pas attribué à des élèves qui auraient des problèmes de compréhension en lecture sans problème de déchiffrage. Un autre constat rapporté par les chercheurs, c’est qu’il n’y a pas de type d’erreur de lecture exclusif aux dyslexiques. Ce qui distingue un élève dyslexique d’un autre qui ne l’est pas, est la quantité d’erreurs de lecture orale et la persistance de celles-ci bien au-delà du niveau scolaire où normalement les élèves ne font plus que des erreurs occasionnelles.

Reliée à la notion de dyslexie est celle de dysorthographie. S’il est vrai que tout dyslexique est aussi un dysorthographique (les difficultés de lecture se répercutant sur les difficultés d’écriture), l’inverse n’est pas nécessairement vrai. En effet, certains élèves pourraient éprouver des difficultés à orthographier sans avoir de problème de lecture. À la lumière de ces définitions, on peut s’interroger sur la présence ou non d’élèves dyslexiques au collégial.

Des dyslexiques au cégep ?

Les enfants dyslexiques sont en principe détectés dès le début de leur scolarité. Le retard scolaire se manifestant très vite, ils devraient être pris en charge dès le début du primaire et recevoir des services d’orthopédagogie. Ceux qui prennent trop de retard sont dirigés vers des classes à effectifs réduits. Au secondaire, plusieurs vont se retrouver dans des classes de cheminement particulier. Les chances qu’ils obtiennent le DES sont relativement minces. Il y a probablement peu de vrais dyslexiques qui s’inscrivent au cégep. Ils devraient avoir un dossier qui les aurait accompagnés depuis le début du primaire ainsi qu’une évaluation faite par une équipe multidisciplinaire comprenant des neuropsychologues. De tels élèves se caractériseraient par une énorme difficulté à lire à haute voix alors que leur lecture silencieuse devrait être bonne quoique lente ; sur le plan de l’écriture, le contenu de leur texte devrait être bon mais leur orthographe, déplorable. Ils devraient recevoir des services spéciaux au même titre que les handicapés sensoriels. Plus vraisemblablement, la majorité des étudiants qui ont des difficultés en lecture et en écriture au cégep ne sont pas de vrais dyslexiques. S’ils lisent à voix haute sans faire trop d’erreurs et à un certain rythme, ils ne sont pas dyslexiques. Par contre, ils peuvent éprouver des difficultés de compréhension en lecture ou des problèmes de connaissance et de flexibilité dans l’utilisation de stratégies de lecture. Il ne faut pas parler de dyslexie chez un étudiant qui a un niveau de lecture suffisant, mais qui commet de multiples fautes d’orthographe dans ses écrits.

Rattrapage ou rééducation ?

Le rattrapage consiste à remettre au niveau de leur âge les enfants qui ont pris du retard pour différents motifs dans l’une ou l’autre matière scolaire ; il est sous-entendu que ce retard peut être comblé par des méthodes régulières. La rééducation consiste à reprendre l’éducation d’une fonction qui a été mal installée ; il est sous-entendu que, pour ce faire, il faut recourir à des méthodes spécialisées.

Y a-t-il des jeunes qui arrivent au collégial et dont les difficultés en français sont telles qu’il faille leur conseiller une intervention orthopédagogique individualisée ? Il faut savoir qu’à partir de la fin de la troisième année du primaire, les élèves maîtrisent les correspondances entre les graphèmes et les phonèmes, c’est-à-dire qu’ils sont capables de lire oralement tous les mots réguliers même s’ils n’en connaissent pas le sens (par exemple : catogan) et d’écrire « aux sons » tous les mots entendus ou connus à l’oral (par exemple : dantifrisse pour dentifrice). Si un étudiant du collégial commet encore des erreurs de cet ordre, autrement dit qu’il a des problèmes de discrimination auditive ou des difficultés à analyser auditivement un mot, une aide individualisée particulière est recommandée. Il y a des jeunes qui, ayant peu lu tout au long de leur scolarité primaire et secondaire, ont développé leur vocabulaire par l’oral. Il arrive qu’ils aient mal enregistré des mots et, écrivant « comme ils parlent », ils transcrivent leur prononciation des mots (par exemple : « ingeté » pour éjecter en confondant injecter et éjecter, « prévilégier » pour privilégier).

Sur le plan de la lecture, certains jeunes trop habitués à donner des réponses à des questions en repérant dans le texte les éléments pertinents, peuvent se limiter à cette lecture superficielle et éprouver des difficultés à faire des inférences, ou encore, à se construire une représentation mentale du texte et à dégager l’essentiel de celui-ci. Si leur retard dans ce domaine par rapport à leurs condisciples est grand, une aide individualisée particulière est dans ce cas aussi à envisager.

Plus répandues sont les difficultés en orthographe. L’orthographe d’usage est à distinguer de l’orthographe grammaticale, les processus en jeu n’étant pas les mêmes. Concernant l’orthographe d’usage, certains jeunes privilégient une stratégie phonologique et se centrent sur l’analyse phonémique des mots sans se soucier de l’orthographe de ceux-ci. On constate l’oubli des lettres muettes et un mélange dans les différentes graphies d’un même son. Apparaîtront même des façons différentes d’écrire un mot donné à l’intérieur de la même composition. La surutilisation de cette stratégie sans complémentarité avec une stratégie plus visuelle ainsi que l’instabilité dans l’écriture d’un mot sont indicatives d’un grand retard dans l’acquisition de l’orthographe, retard qui nécessite une rééducation. Le sens des mots n’a pas été associé à l’unicité de leur orthographe, comme si le lexique mental visuel ne s’était pas établi chez l’élève ; c’est ce qui explique également les confusions homophoniques. Le jeune n’a pas compris que chaque mot écrit a une signification propre qui n’est pas interchangeable (je passe mes vacances avec ma mère au bord de la mer et non avec ma mer au bord de la mère !).

La question de l’orthographe grammaticale est différente. Elle repose fondamentalement sur la compréhension par l’élève de la nature des mots et de leur fonction dans la phrase. Vient ensuite la compréhension des rapports qui s’établissent entre les mots. La connaissance des règles grammaticales et l’application des marques morphosyntaxiques sont la dernière étape du processus. Le verbe et ses multiples variations selon le temps, le mode, la personne, etc., sont également sources de confusion. Certains étudiants donnent l’impression d’avoir appris par coeur certaines règles et les appliquent automatiquement sans réfléchir sur la phrase qu’ils écrivent, ou encore, récitent les règles, mais ne les appliquent pas. Si on les interroge plus à fond, on s’aperçoit qu’ils n’ont pas compris le sens de toute cette terminologie métalinguistique et qu’ils ne sont pas capables de réflexion métalinguistique. Ils ne réfléchissent pas non plus sur le sens des mots qu’ils écrivent. Ils ne savent pas jongler avec les phrases. Quand un étudiant éprouve des difficultés énormes dans ce domaine, qu’il fait un nombre considérable de fautes, que la seule règle de grammaire à peu près maîtrisée est l’accord simple en genre et en nombre, il faut vérifier ses connaissances (déclaratives, procédurales, conditionnelles) de la grammaire et des règles, et revenir à la base.

En conclusion

Qui doit intervenir auprès de ces étudiants qui ont d’énormes lacunes en français écrit ? Tout dépend du retard scolaire. Si leurs acquis ne sont même pas ceux de la fin du primaire (en lecture, grammaire et orthographe), le recours à une aide orthopédagogique est conseillé. L’aide individualisée me semble essentielle, car les forces et les faiblesses d’un jeune ne sont pas celles d’un autre, la façon d’apprendre de l’un n’est pas celle de l’autre. La méthode de rééducation unique, valable pour tous, n’existe pas. Il faut être à l’écoute du jeune pour adapter les interventions à ses besoins et à son style d’apprentissage. Un petit conseil pour terminer : même si les grands lecteurs ne sont pas nécessairement bons en orthographe, encouragez les jeunes en difficulté à lire des livres qui rejoignent leurs champs d’intérêt — romans biographiques, d’aventures, policiers, de science-fiction, peu importe, mais qu’ils lisent –, car ces jeunes sont portés à fuir l’écrit. Or c’est là qu’ils verront des mots écrits, des mots nouveaux, qui enrichiront leur vocabulaire et d’autres dimensions linguistiques.

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  1. VAN HOUT, A. et F. ESTIENNE, Les dyslexies, Paris, Éditions OIL,1994. Retour

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