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Améliorer la maitrise du français: tour d’horizon des pistes d’action de la Fédération des cégeps

Avec la collaboration de Carole Lavoie, consultante à la Fédération des cégeps et rédactrice du rapport La réussite au cégep : regards rétrospectifs et prospectifs

Publié en septembre 2021, le rapport La réussite au cégep : regards rétrospectifs et prospectifs de la Fédération des cégeps fait état des résultats de l’ensemble de la démarche qu’elle menait depuis 2018 dans le cadre de son chantier sur la réussite étudiante[1]. Sans surprise, la maitrise des compétences langagières, considérée comme une compétence essentielle à la réussite au collégial tant dans le rapport de la Fédération que dans le Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur (PARES) du ministère de l’Enseignement supérieur (MES), représente un défi de taille pour les cégépiennes et les cégépiens.

Dans le cadre du Sondage sur la population étudiante des cégeps (SPEC) administré aux personnes nouvellement admises aux études collégiales à l’automne 2016, « 54 % [des répondantes et des répondants] estiment qu’ils auront un grand ou un moyen besoin d’aide pour “écrire sans faute”, afin de réussir leurs études (26 % : moyen besoin; 28 % : grand besoin) […] Les garçons, les étudiants du secteur technique, les étudiants du cheminement Tremplin DEC, les étudiants âgés de plus de 20 ans et les étudiants issus de l’immigration sont ceux qui expriment ce besoin dans les plus grandes proportions » (Fédération des cégeps, 2021, p. 116). Les taux de réussite du premier cours de français, moins élevés que ceux des autres cours de première année[2], ainsi que le nombre d’échecs à l’épreuve uniforme de français (EUF), le plus souvent attribuables à une maitrise insuffisante de la langue, ont aussi de quoi inquiéter les acteurs et actrices du réseau collégial.

Comment soutenir la réussite étudiante, notamment en ce qui a trait à la maitrise de la langue? La question n’est pas nouvelle, mais comme le démontre ce rapport, elle est toujours d’actualité. Si la réponse de la Fédération des cégeps, qui propose de s’appuyer sur la recherche et de s’inspirer des bonnes pratiques développées dans le réseau, relève de l’évidence, encore faut-il prendre le temps de colliger et d’analyser les données. C’est le mandat qui a été confié à madame Carole Lavoie, consultante. Les pratiques à impact élevé en enseignement supérieur, c’est-à-dire celles validées par la recherche scientifique, et les pratiques prometteuses recueillies auprès de dix cégeps visités sont au cœur du rapport rédigé par madame Lavoie. La collecte de données, qui a été suivie d’une large démarche de réflexion collective[3], a conduit la Fédération des cégeps à déterminer dix pistes d’action susceptibles d’améliorer la réussite des cégépiennes et des cégépiens. Ces pistes se déclinent en une série de moyens qui viennent les préciser et qui sont proposés tantôt à chaque cégep, tantôt au réseau des cégeps (par le biais de la Fédération des cégeps, notamment du Carrefour de la réussite au collégial), tantôt au MES.

Nous vous proposons un tour d’horizon des éléments de ce rapport qui concernent plus spécifiquement les compétences langagières, en espérant que cela vous aidera à vous les approprier et saura vous inspirer.

Pratiques à impact élevé : une définition et une démarche

Les pistes du rapport de la Fédération des cégeps, qui s’appuient sur la recherche, mettent de l’avant le concept de pratiques à impact élevé, soit « celles qui facilitent l’apprentissage des étudiants. Elles ont un effet positif non seulement sur leur rendement scolaire, mais aussi sur la profondeur des apprentissages qu’ils réalisent, entre autres, par une meilleure intégration et par une capacité accrue de transfert des acquis » (Fédération des cégeps, 2021, p. 55). Pour être reconnues, ces pratiques doivent avoir été validées par la recherche scientifique, c’est-à-dire qu’elles ont été évaluées de façon rigoureuse et qu’il a été possible de les transférer dans d’autres contextes de formation où les effets ont été similaires, peu importe l’établissement (ibid.).

Les pratiques à impact élevé en enseignement supérieur touchent l’enseignement et, plus largement, l’environnement éducatif, et leur mise en œuvre doit tenir compte du rôle central de l’engagement de l’étudiante ou de l’étudiant dans sa réussite. Or, « [l]a classe et le programme d’études constituent les premiers lieux d’engagement des étudiants » (ibid., p. 52), d’où l’importance de miser sur l’enseignement dans le déploiement de pratiques à impact élevé. À ce sujet, la recherche a permis de dégager certaines caractéristiques déterminantes en ce qui a trait aux relations professeurs-étudiants, aux méthodes pédagogiques, à la structuration de l’enseignement et à l’évaluation des apprentissages.

Figure 1

Synthèse des caractéristiques des pratiques à impact élevé en enseignement selon la recherche (Fédération des cégeps, 2021, p. 54)

Maintenant, comment passer de la théorie à la pratique (à impact élevé, idéalement)? Une démarche pour soutenir le déploiement élargi de telles pratiques dans chaque cégep est exposée dans la deuxième piste d’action[4] du rapport (ibid., p. 114). Ainsi, chaque cégep est invité à développer une vision tenant compte de sa culture organisationnelle et de sa réalité, à mettre en place des équipes multidisciplinaires et des communautés de pratique locales, mais également à porter un regard critique sur ses mesures d’aide à la réussite, notamment les modalités des centres d’aide et les pratiques en Tremplin DEC; d’ailleurs, ce cheminement fait actuellement l’objet d’un projet de démarche collective d’évaluation entreprise et encadrée par la Fédération des cégeps et dont la chargée de projet est Carole Lavoie. Cette initiative permettra d’évaluer l’atteinte des objectifs poursuivis par le cheminement Tremplin DEC et d’apprécier son effet sur la réussite des étudiantes et des étudiants.

Les cégeps, rappelle la Fédération, gagneront en outre à « mettre en place des modalités qui facilite[ront] l’engagement des acteurs concernés et qui soutien[dront] le travail de communautés de pratique » ainsi que « des mesures adéquates de perfectionnement afin de faciliter la mise en œuvre de pratiques à impact élevé » (ibid., p. 114).

Il importera, au bout du compte, que chaque cégep prévoie, dès la mise en place des pratiques à impact élevé, un suivi des effets attendus[5], plus particulièrement « sur la réussite des étudiants des sous-groupes [qu’il aura] ciblés selon les caractéristiques prépondérantes de sa population étudiante » (loc. cit.) : il pourrait s’agir par exemple des garçons, des étudiantes et étudiants dont la moyenne générale au secondaire se situe en deçà de 75 %, de la population étudiante allophone, ou encore des étudiantes et étudiants du cheminement Tremplin DEC.

Améliorer la maitrise du français : une responsabilité partagée au sein des cégeps

Le troisième enjeu soulevé dans le rapport est « [l]e défi de la maitrise du français et la réussite au collégial ». Pour analyser cet aspect, la Fédération s’est surtout appuyée sur des pratiques validées recensées dans les écrits et sur des pratiques prometteuses recueillies auprès de dix cégeps visités. À la différence d’une pratique validée, « une pratique prometteuse est conçue en fonction d’un problème bien circonscrit que l’on cherche à résoudre. Elle est souvent innovante; elle est bien décrite et les conditions de son implantation et de son déploiement sont bien documentées. La collecte de données par rapport à son effet est en cours, mais l’évaluation rigoureuse n’est pas terminée. Des données peuvent avoir été colligées sur la satisfaction des étudiants profitant de la pratique ou des acteurs la mettant en œuvre, sur l’assiduité des participants ou sur d’autres aspects » (ibid., p. 77)[6]. Par ailleurs, une analyse des devis d’enseignement des cours de français a nourri la réflexion de la Fédération en matière de maitrise du français et a permis d’identifier des leviers pour favoriser l’amélioration des compétences langagières.

La piste d’action 3, « Travailler à l’amélioration de la maitrise du français par les étudiants sur plusieurs plans », se décline donc en douze moyens, dont cinq concernent directement les cégeps.

« Pour chaque cégep :

  • exploiter davantage l’élément de compétence actuel des devis de cours de langue d’enseignement et littérature portant sur la révision et la correction de textes en vue d’un enseignement explicite visant l’amélioration du français;
  • accentuer les actions en formation spécifique permettant de soutenir l’amélioration continue de la langue, notamment par l’approche sur les genres d’écrits disciplinaires ou professionnels;
  • faire de l’utilisation adéquate d’un logiciel d’autocorrection un objet d’apprentissage et d’enseignement, afin que les personnes deviennent des correcteurs performants de leurs productions écrites;
  • dans une perspective d’évaluation authentique des apprentissages, soutenir le recours à ce type d’instruments pour tout travail ou production des étudiants, avant de juger de la qualité du français;
  • revoir l’aide offerte en français par les centres d’aide, en recourant au tutorat par les pairs en classe, prioritairement pour les cours de langue d’enseignement et littérature. » (ibid., p. 118)

L’évaluation des compétences langagières est traitée plus spécifiquement dans la piste d’action 5, « Enrichir les pratiques d’évaluation des apprentissages dans une optique de réussite étudiante ».

« Pour chaque cégep :

[…]

  • en ce qui a trait à la maitrise du français et à sa valorisation, revoir les pénalités appliquées aux erreurs de langue généralisées à tous les cours et établir des modalités d’évaluation positive, en opposition à l’évaluation punitive actuelle […] » (ibid., p. 125)

Les moyens d’améliorer les compétences langagières sont nombreux, et tout le monde est mis à contribution : les enseignantes et enseignants de français sont invités notamment à enseigner de manière explicite la révision et la correction de textes, un élément de compétence inscrit dans les devis; ceux et celles de la formation spécifique, à s’appuyer sur les écrits disciplinaires ou professionnels pour améliorer les compétences langagières; tous et toutes devraient permettre aux étudiantes et étudiants d’utiliser efficacement un logiciel de correction comme Antidote et adopter des modalités d’évaluation positive. Ces modalités gagneraient d’ailleurs à être intégrées à la politique d’évaluation des apprentissages à la suite d’une réflexion à l’échelle du cégep. Quant aux centres d’aide en français (CAF), ils sont invités à évaluer leurs pratiques actuelles et à explorer la possibilité d’intégrer une formule de tutorat par les pairs en classe, comme le propose Christian Barrette (2016).

Ce ne sont donc pas les avenues qui manquent. Le principal défi, pour les cégeps, est plutôt de faire des choix et de coordonner les interventions afin d’assurer la cohérence et l’efficacité des pratiques. Il s’agit donc de faire l’inventaire des pratiques déjà en place et d’identifier celles à bonifier, à ajouter ou à abandonner, en tenant compte notamment des caractéristiques relevées dans la recherche, dont la figure 1 présentait un résumé. Il sera aussi important d’analyser l’effet des interventions sur les apprentissages et la réussite des étudiantes et des étudiants grâce à une collecte de données pertinentes[7] puis, conséquemment, de procéder à un ajustement des pratiques. L’autre défi, pour les cégeps, consiste à assurer la pérennité des pratiques jugées efficaces.

La force du réseau

Afin de faciliter la mise en œuvre des pistes d’action proposées au réseau des cégeps, la Fédération a élaboré la Stratégie réseau en réussite[8]. « Cette stratégie a été élaborée en tenant compte des mesures prévues par le PARES et soutenues financièrement par le MES. En effet, une mise en perspective des 10 pistes d’action avec les mesures du plan de réussite en enseignement supérieur du gouvernement a été réalisée de manière à tenir compte des orientations ministérielles pour l’établissement de la stratégie réseau. » (Fédération des cégeps, 2022, p. 1) On y retrouve donc les actions à réaliser par la Fédération ou par le Carrefour de la réussite au collégial pour favoriser la mise en œuvre des mesures proposées.

En ce qui a trait aux compétences langagières, la Stratégie réseau en réussite de la Fédération des cégeps reprend entre autres les moyens définis à la piste d’action 3 qui concernent le réseau collégial :

« Pour le réseau des cégeps :

  • par le biais du Carrefour de la réussite notamment, partager les résultats d’expériences fructueuses validées concernant la réussite du premier cours de langue d’enseignement et littérature et du premier cours de philosophie réalisées dans les cégeps et déterminer les conditions qui pourraient en faciliter le transfert;
  • par le biais du Carrefour de la réussite notamment, partager les résultats d’expériences fructueuses validées concernant l’amélioration des compétences langagières dans le cadre de la formation spécifique des étudiants;
  • analyser les différentes situations relatives à la maitrise du français par les étudiants de la formation continue et établir des moyens de répondre à leurs besoins spécifiques;
  • en collaboration avec l’IRIPI[9] notamment, analyser la situation de la réussite des étudiants dont la langue maternelle n’est pas le français. » (Fédération des cégeps, 2021, p. 118)

La mise en commun des résultats d’expériences fructueuses validées passe largement par le Réseau Repfran, la communauté de pratique du Carrefour de la réussite au collégial composée de répondantes et répondants du dossier du français dans les collèges, qui célèbrait cet automne son 10e anniversaire. En effet, plusieurs des pratiques proposées aux cégeps sont déjà en place dans de nombreux collèges, et Carole Lavoie souligne bien l’apport du Réseau Repfran dans le développement de celles-ci. Adaptations apportées au premier cours de français ou au cours Renforcement en français, que ce soit pour les étudiantes et les étudiants les plus faibles ou pour les allophones; collaboration avec les équipes-programmes pour l’intégration du logiciel Antidote et l’enseignement de stratégies de rédaction, de lecture ou de communication orale dans les cours de formation spécifique; développement des compétences du personnel enseignant en ce qui a trait à l’évaluation des compétences langagières des étudiantes et des étudiants; formules variées pour soutenir les étudiantes et les étudiants dans leur préparation à l’EUF : les repfrans sont dynamiques et n’hésitent pas à transmettre à leurs homologues le fruit de leurs réflexions et de leurs expérimentations lors des journées thématiques, webinaires, « cafés » virtuels et ateliers collaboratifs organisés par le Carrefour de la réussite.

Tout récemment, l’évaluation des compétences langagières dans toutes les disciplines était à l’honneur aux Journées Carrefour[10]. La transition secondaire-collégial relativement à la langue française a également fait l’objet d’une journée thématique au printemps 2021; un groupe de projet a d’ailleurs été créé dans la foulée de cette activité. Ce dernier réfléchit présentement aux différents moyens de faciliter cette transition afin de favoriser la réussite et la persévérance des étudiantes et des étudiants dont les compétences langagières sont les plus faibles, et ce, dès leur arrivée au collégial. L’évaluation diagnostique et la progression des apprentissages en français font entre autres partie des discussions amorcées cet automne.

Enfin, le Carrefour de la réussite développera cette année une stratégie et des outils pour soutenir les échanges dans les cégeps quant aux enjeux et aux défis que présentent les moyens proposés par la Fédération pour améliorer la maitrise de la langue des étudiantes et étudiants, qu’il s’agisse de l’enseignement explicite de stratégies de révision, des actions en formation spécifique, du tutorat par les pairs en classe, des approches constructives de l’évaluation des compétences langagières ou encore de l’utilisation d’Antidote. Le Carrefour bâtira d’ailleurs un argumentaire et une instrumentation concernant le logiciel d’autocorrection comme objet d’apprentissage et d’enseignement afin d’épauler les collèges et de nourrir la réflexion du ministère de l’Enseignement supérieur à ce sujet. Pour ce qui est de l’analyse de la situation et des besoins des étudiantes et des étudiants de la formation continue et des étudiantes et des étudiants allophones, elle est inscrite au plan de travail 2023-2024, mais un groupe de projet composé de repfrans réfléchit déjà à un outil pour favoriser l’amélioration et la valorisation des compétences langagières en français des allophones dans les collèges francophones et des anglophones dans les collèges anglophones.

Des changements systémiques à l’horizon?

Enfin, pour la Fédération des cégeps, le ministère de l’Enseignement supérieur a également un rôle à jouer et doit, lui aussi, poser un regard critique sur les choix qu’il a faits. « Si on considère que la maitrise d’une langue est un travail inachevé et qu’elle peut faire partie de la formation tout au long de la vie, il convient d’envisager quelles habiletés particulières seraient à développer au collégial pour qu’elles soient adaptées au niveau d’exigences de l’enseignement supérieur. Tenant en compte la responsabilité qui incombe au ministre de l’Enseignement supérieur de déterminer les compétences des programmes d’études au niveau collégial, il nous paraitrait pertinent qu’une démarche sous sa gouverne soit menée afin de déterminer les compétences à ajuster dans cette perspective d’amélioration des habiletés langagières. De plus, un arrimage plus étroit entre les niveaux secondaire et collégial permettant de mieux tenir compte des acquis au secondaire et de déterminer les défis persistants au niveau collégial s’avère pertinent. » (ibid., p. 116)

Toujours dans l’optique de « travailler à l’amélioration de la maitrise du français […] sur plusieurs plans » (ibid., p. 118), la Fédération des cégeps soumet les pistes suivantes :

« Pour le ministère de l’Enseignement supérieur :

  • réviser les devis nationaux en langue d’enseignement et littérature afin d’y intégrer de manière plus explicite l’amélioration de la maitrise du français aux cours de formation générale de cette discipline;
  • en collaboration avec le réseau des cégeps, revoir les objectifs visés par l’épreuve uniforme de langue en les dissociant de standards visés par les cours de langue d’enseignement et littérature et déterminer de nouvelles modalités de mise en œuvre qui incluent notamment le recours à un logiciel d’aide à la correction pour tout étudiant [ou toute étudiante];
  • en collaboration avec le réseau des cégeps, évaluer l’efficacité du cours de renforcement en français et apporter les ajustements appropriés en exploitant les avancées en matière de littératie et de développement des compétences langagières au collégial. » (loc. cit.)

Le Ministère est également invité, dans la piste d’action 4, à « [e]xaminer la situation de la réussite des premiers cours de français et littérature et de philosophie en la mettant en perspective avec celle des cours correspondants au secteur anglophone (anglais et littérature et “humanities”) » (ibid., p. 120) en mettant en place un groupe de travail incluant, notamment, des enseignantes et des enseignants de ces disciplines de même que des étudiantes et des étudiants.

Pour le moment, le MES a mis en place un comité pour l’analyse des « cours défis », soit le premier cours de français et le premier cours de philosophie, ainsi qu’un comité d’expertes sur la maitrise du français, dont le rapport n’a pas encore été rendu public. Quant au cours Renforcement en français, il pourrait faire l’objet de recommandations plus précises pour le Ministère. On peut penser que le sujet sera abordé dans le cadre des travaux, mentionnés plus tôt, sur Tremplin DEC, étant donné que le cours fait généralement partie de ce cheminement. Les étudiantes et étudiants qui y sont inscrits estiment d’ailleurs eux-mêmes avoir besoin de soutien en français pour « analyser des textes et écrire sans fautes » (ibid., p. 108).

Un vaste chantier collectif

C’est donc un regard global sur la réussite au collégial que pose la Fédération des cégeps dans son rapport La réussite au cégep : regards rétrospectifs et prospectifs. Dans ce cadre, les pistes d’action et les moyens qu’elle propose pour améliorer la maitrise de la langue française et, ce faisant, la réussite étudiante sont nombreux. La formulation de la piste d’action 3 est d’ailleurs éloquente : si l’on veut réellement soutenir les étudiantes et les étudiants dans l’amélioration de leurs compétences langagières, il faut agir « sur plusieurs plans ».

Par quoi commencer? Il revient bien sûr à chaque cégep de faire une analyse globale de sa situation pour identifier ses besoins, ses forces et les améliorations possibles, et ce, en tenant compte de sa taille, du profil de ses étudiantes et étudiants, de sa réalité géographique, etc. Chacun pourra ensuite élaborer un plan d’action cohérent et mobilisateur. Or, citant le Conseil supérieur de l’éducation, la Fédération rappelle que « [c]e sont le volontariat et la collaboration, conjugués avec le développement de l’expertise collective, qui peuvent conduire aux changements et non des moyens imposés unilatéralement par une instance supérieure » (ibid., p. 135). Pour l’amélioration des compétences langagières, les enseignantes et les enseignants de français, langue d’enseignement et littérature, tout comme ceux des autres disciplines et, en fin de compte, l’ensemble des intervenantes et des intervenants, devraient être mis à contribution, et ce, dès le début de l’analyse.

La Fédération des cégeps a elle-même un important rôle à jouer : c’est à elle que revient la tâche de soutenir les cégeps dans la mise en œuvre de ces pistes d’action, notamment en favorisant la collaboration entre les repfrans ainsi que l’échange d’expertise et de pratiques. Elle s’est également engagée à poursuivre l’analyse des besoins spécifiques de certaines populations étudiantes, soit celle de la formation continue et celle dont la langue maternelle n’est pas le français. Pour ce qui est des devis des cours de français, du cours de renforcement et de l’épreuve uniforme, qui orientent de manière déterminante les choix pédagogiques, le Ministère gagnera lui aussi à favoriser une réflexion collective, et à tenir compte de l’expérience et de l’expertise du réseau.

Un chantier, au sens propre, c’est un endroit où ont lieu des travaux de construction ou de réparation. Le cégep est un chantier en soi, c’est-à-dire un lieu où les étudiantes et les étudiants se construisent, bien sûr, mais c’est aussi le lieu où se construit toute une culture de l’enseignement supérieur, et ce, depuis maintenant 55 ans. En matière d’amélioration de la maitrise de la langue et de réussite étudiante, on peut imaginer que certaines constructions collectives ou certains ajustements seront plus difficiles à effectuer que d’autres, et il se peut que les résultats ne soient pas toujours observables sur-le-champ. Pour que la construction soit solide, les intervenantes et les intervenants devront faire preuve de rigueur dans leur démarche, mais également de patience et de persévérance. Lentement, mais surement. Pour filer la métaphore : un chevron à la fois.

Références

BARRETTE, Christian (2016). « Des pistes pour maximiser l’efficacité du tutorat par les pairs », [En ligne], Correspondance, vol. 21, no 3. [https://correspo.ccdmd.qc.ca/document/la-lecture-dans-tous-ses-etats/des-pistes-pour-maximiser-lefficacite-du-tutorat-par-les-pairs/] (Consulté le 1er décembre 2022).

CARREFOUR DE LA RÉUSSITE AU COLLÉGIAL (2005a). L’évaluation des mesures d’aide à la réussite : 1. Conditions d’efficacité d’une mesure d’aide, 85 p. Également disponible en ligne : https://fedecegeps.ca/wp-content/uploads/files/carrefour_pdf/nouveautes/conditions_efficacite.pdf.

CARREFOUR DE LA RÉUSSITE AU COLLÉGIAL (2005b). L’évaluation des mesures d’aide à la réussite : 2. Démarche générale d’évaluation d’une mesure d’aide, 184 p. Également disponible en ligne : https://fedecegeps.ca/wp-content/uploads/files/carrefour_pdf/nouveautes/demarche_generale.pdf .

CHAPUT, Nancy (2022). « La réussite revue et actualisée », Pédagogie collégiale, vol. 35, no 3, p. 30-34. Également disponible en ligne : https://www.calameo.com/aqpc/read/0067374145a59a24fc1bb.

FÉDÉRATION DES CÉGEPS (2022). Stratégie réseau en réussite — Séquence des actions à partir de 2021-2022, actualisée en juin 2022, Montréal, La Fédération, 18 p. [Document interne transmis aux collèges et aux membres du Carrefour de la réussite].

FÉDÉRATION DES CÉGEPS (2021). La réussite au cégep : regards rétrospectifs et prospectifs, [En ligne], Montréal, La Fédération, 151 p. [https://fedecegeps.ca/wp-content/uploads/2021/10/rapport-la-reussite-au-cegep.pdf] (Consulté le 1er décembre 2022).

INSTITUT DE RECHERCHE SUR L’IMMIGRATION ET SUR LES PRATIQUES INTERCULTURELLES ET INCLUSIVES (2022). Mission. Un centre en pratiques sociales novatrices, [En ligne]. [https://iripi.ca/fr/a-propos/iripii-mission/] (Consulté le 28 novembre 2022).

LAVOIE, Carole (2022). « La réussite au cégep. Regards rétrospectifs et prospectifs », Pédagogie collégiale, vol. 35, no 3, p. 22-29. Également disponible en ligne : https://www.calameo.com/aqpc/read/0067374145a59a24fc1bb.

MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (2021). Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur, 2021-2026, Québec, Gouvernement du Québec, 84 p. Également disponible en ligne : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/education/publications-adm/enseignement-superieur/plan-action_reussite-ens-sup.pdf.

  1. Pour consulter une synthèse du rapport ou pour en savoir plus sur les travaux du chantier de la réussite, lire l’article « La réussite au cégep. Regards rétrospectifs et prospectifs », écrit par Carole Lavoie (2022), coordonnatrice des travaux du chantier de la réussite, en collaboration avec Annie-Claude Prud’homme, ou l’entrevue réalisée avec madame Lavoie, « La réussite revue et actualisée » (Chaput, 2022), dans le numéro du printemps 2022 de la revue Pédagogie collégiale. [Retour]
  2. C’est également le cas du premier cours de philosophie, qui fait lui aussi appel aux compétences langagières des étudiantes et des étudiants puisqu’ils doivent, dans le cadre de ce cours, rédiger un texte argumentatif d’au moins 700 mots. [Retour]
  3. Le comité de réflexion sur la réussite a été mis en place en février 2018, sous la présidence du président-directeur général de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay. Ce comité, réunissant des membres de différentes directions des cégeps et du personnel de la Fédération, a encadré les travaux et a consulté les différentes instances. [Retour]
  4. « L’amélioration de la réussite pour des groupes ciblés d’étudiants et le déploiement de pratiques à impact élevé à l’enseignement supérieur » (p. 107). [Retour]
  5. À ce sujet, il est possible de consulter deux documents que le Carrefour de la réussite a produits en 2005 à l’intention des collèges : L’évaluation des mesures d’aide à la réussite : 1. Conditions d’efficacité d’une mesure d’aide et L’évaluation des mesures d’aide à la réussite : 2. Démarche générale d’évaluation d’une mesure d’aide. [Retour]
  6. Pour plus d’informations sur la distinction entre une pratique prometteuse, une pratique validée et une pratique exemplaire, et sur la méthodologie utilisée pour la collecte de données, voir la quatrième partie du rapport (p. 73-100). [Retour]
  7. Un groupe de projet composé de repcars (répondantes et répondants du dossier de la réussite) et de repstats (répondantes et répondants des données de la réussite) développe actuellement une instrumentation commune pour l’évaluation des mesures d’aide à la réussite adaptée au réseau collégial. Ses travaux s’appuient notamment sur les outils mis au point par le Carrefour en 2005 (voir note 5), qui présentent les conditions d’efficacité d’une mesure d’aide à la réussite et proposent une démarche générale d’évaluation d’une telle mesure. [Retour]
  8. La stratégie a été adoptée par le Conseil des directions générales de la Fédération en octobre 2022, mais le déploiement de certains éléments a pu débuter dès 2021. [Retour]
  9. Institut de recherche sur l’intégration professionnelle des immigrants; renommé « Institut de recherche sur l’immigration et sur les pratiques interculturelles et inclusives » en 2022. « L’Institut de recherche sur l’immigration et sur les pratiques interculturelles et inclusives (IRIPII) est un centre collégial de transfert de technologie en pratiques sociales novatrices (CCTT-PSN). Il a pour mission de contribuer au développement et au transfert de pratiques interculturelles et inclusives innovantes au profit des populations minoritaires en situation de vulnérabilité (personnes immigrantes et issues de l’immigration, personnes autochtones, etc.). » (IRIPII, 2022) [Retour]
  10. Les Journées Carrefour rassemblent, une ou deux fois par année, les membres des différentes communautés de pratique du Carrefour de la réussite au collégial : repfrans, repcars, repstats et, tout récemment, DAR (directions adjointes à la réussite). Ces journées sont une occasion d’échange et de formation, et permettent aux membres de réseauter. [Retour]

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