Les CAF en chiffres: faits saillants d’une enquête sur la situation des centres d’aide en français
En ayant d’abord travaillé au centre d’aide en français (CAF) de mon collège au début des années 2000, puis en partageant, ces dernières années, sa coordination, j’ai pu constater à quel point les conditions d’exercice et les besoins avaient évolué. Lors des rencontres annuelles de l’Intercaf, mes conversations à bâtons rompus avec certains responsables, au sujet de cette évolution, me laissaient souvent sur mon appétit. Il s’avérait difficile d’établir une comparaison éclairée entre nos réalités respectives, puisque, d’un cégep à un autre, les pratiques et les conditions pour les réaliser semblaient tellement diverses; sans compter qu’il était impossible d’échanger avec tous les membres présents, ce qui ne permettait pas de connaitre la situation de tous les CAF et de tracer alors un portrait représentatif à l’échelle du réseau.
Or, dans le contexte où les CAF, en plus de leur mission initiale, sont aujourd’hui sollicités pour répondre aux nouveaux besoins générés par la présence croissante d’étudiants allophones et d’étudiants éprouvant des troubles d’apprentissage, comment obtenir les ressources nécessaires et négocier de meilleures conditions avec nos directions respectives sans points de comparaison?
Bien candidement, je me suis d’abord proposé de mener une enquête visant à établir quelques points de repère. Puis le questionnaire a rapidement pris de l’ampleur. Tous les aspects liés au fonctionnement des CAF, soit la fréquentation, les ressources humaines, les services, les ressources matérielles et financières, sont passés au crible. Tant qu’à lancer cette opération, pourquoi ne pas en profiter pour actualiser le portrait de la situation générale des CAF?
C’est donc à temps perdu que je me suis lancée dans cette collecte de données. À l’hiver 2018, ce sont les répondants de 42 établissements (collèges et centres d’études publics ou privés, francophones ou anglophones) qui ont rempli le questionnaire sur un total de 88 collèges. Ce taux record de participation, en plus de suggérer un certain intérêt pour le sujet, permet de croire que le portrait émergeant de la compilation des réponses donne une vision assez juste de la situation actuelle des CAF. Grâce à la précieuse collaboration de Dominique Fortier, chargée de projet au CCDMD, le bilan complet des données statistiques a été transmis aux responsables des CAF en mars 2018.
De toutes ces données, trop nombreuses pour faire l’objet d’un seul article, certaines me semblent particulièrement dignes d’intérêt, notamment parce qu’elles sont révélatrices des enjeux actuels liés à l’évolution des centres d’aide. Pour le bénéfice du lectorat étendu de Correspondance, j’en présente ici les faits saillants, en tenant compte des réalités qui peuvent caractériser et distinguer les collèges de différentes tailles lorsque cette donnée est significative[1]. À cet égard, voici un aperçu de notre échantillon.
Taille des établissements | Nombre d’élèves | Nombre de répondants | Pourcentage |
Très petits collèges | Moins de 1 000 élèves | 14 | 33 % |
Petits collèges | De 1 000 à 2 500 élèves | 14 | 33 % |
Collèges moyens | De 2 500 à 4 000 élèves | 6 | 16 % |
Gros collèges | 4 000 élèves et plus | 8 | 18 % |
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| Total : 42 | Total : 100 % |
La fréquentation des CAF et les services offerts
À l’automne 2017, presque 6 000 élèves ont bénéficié de l’aide offerte par les CAF répondants. Depuis la création des CAF, les formules d’aide se sont évidemment multipliées. Le tableau détaillé qui suit me semble pertinent dans la mesure où il illustre la variété des activités et, pourquoi pas, nous inspire. Les types de services offerts sont classés par ordre décroissant de fréquence dans l’ensemble des collèges répondants.
* NOTE : Les services mentionnés sous la rubrique Autres du questionnaire de l’enquête comprennent les activités suivantes : tutorat avec un professeur ou un tuteur chevronné, postcorrection, soutien à la révision linguistique, projet de la Francofête, formation sur les techniques d’étude et de mémorisation, ateliers de compréhension de textes, projet Voltaire, ateliers donnés par un professeur, tutorat en dyades, aide individuelle aux élèves ayant échoué à l’EUF, simulation de l’EUF, valorisation de la langue, aide aux élèves sportifs, soutien aux membres du personnel et perfectionnement offert au personnel ayant échoué au test de français à l’embauche.
Parmi ces services variés, deux mesures semblent bien établies à grande échelle. Le tutorat par les pairs est sans nul doute le service le plus répandu dans le réseau (76 %). Cette formule d’aide comporte plus d’un avantage. Elle permet notamment aux CAF d’offrir de l’aide soutenue à un grand nombre d’élèves grâce aux étudiantes tutrices et aux étudiants tuteurs, et ce, à très faible cout pour la plupart des collèges. Sauf pour les très petits collèges, dont seulement la moitié mettent en place cette mesure, la quasi-totalité des autres offrent cette forme d’aide individualisée. Les ateliers préparatoires à l’EUF viennent en deuxième lieu. Prisées par les élèves ayant échoué à l’EUF, ces formations représentent souvent la planche de salut qui leur permettra d’obtenir leur DEC. La majorité de toutes les catégories de collège offrent cette formation : 62 % offrent un volet portant sur l’analyse de textes et 55 %, un volet consacré spécifiquement à la réussite du critère langue.
D’autres services, tels la formation Antidote, l’aide ponctuelle, l’autoformation et les ateliers sur une notion langagière, sont offerts dans une proportion globale de 32 %. Ce sont les très petits collèges qui sont les plus nombreux à proposer ces formules variées. S’ils n’offrent pas tous un service de tutorat par les pairs, probablement en raison du nombre restreint d’élèves qui pourrait générer un cours de tutorat, ils pallient d’une certaine façon ce manque par diverses mesures d’aide « à la carte ».
L’aide spécifique aux élèves allophones
L’aide spécifique réservée aux élèves allophones apparait à la toute fin du tableau. À cette question de l’enquête, seulement 7 répondants sur 42 (17 %) disent offrir une formation en enseignement du français langue seconde. Cette offre restreinte fait écho aux préoccupations exprimées ces dernières années à ce sujet par les responsables de CAF lors des rencontres annuelles de l’Intercaf. En effet, le nombre croissant d’étudiantes et étudiants allophones dans les collèges québécois est l’une des « nouvelles » réalités, avec celle des élèves aux prises avec des troubles d’apprentissage, qui presse le plus les responsables des CAF à trouver des solutions pour leur venir en aide. Les réponses obtenues confirment en effet que les CAF sont désormais des lieux névralgiques vers lesquels se tournent ces étudiants ayant des besoins particuliers. Certains diront que ce sont là de beaux défis; d’autres, que cette situation est préoccupante sur le plan pédagogique compte tenu que les modes d’intervention auprès de ces élèves exigent des compétences spécifiques. Or, il n’y a pas à débattre le fait que les responsables de CAF sont souvent des professeures ou professeurs de littérature ni formés ni outillés pour intervenir en ce sens. Plusieurs ont d’ailleurs exprimé leur malaise dans les commentaires. Quoi qu’il en soit, les résultats de l’enquête montrent qu’ils tentent malgré tout de répondre aux besoins exprimés à cet égard.
L’enjeu lié aux allophones concerne les CAF de toute taille. Certes, un grand nombre de ces étudiants fréquente les moyens et gros collèges, mais les autres collèges sont aussi interpelés, puisque 68 % d’entre eux (19 sur 28) comptent des allophones parmi leurs élèves. Les CAF de ces collèges, pour la plupart, en reçoivent très peu, mais comme ces petits et très petits établissements sont plus nombreux dans le réseau, la somme totale d’élèves qui ont des défis linguistiques à relever n’est pas négligeable. Dans quelle mesure les CAF sont-ils outillés pour leur venir en aide?
Ce sont 32 collèges qui ont répondu à toutes les questions liées à ce sujet. Sur les 10 non-répondants, 5 ont mentionné qu’aucun élève allophone n’était inscrit au CAF à l’automne 2017, alors que les 5 autres disent en accueillir très peu et ne pas disposer de ressources spécifiques. Le tableau suivant regroupe les données fournies par les 32 répondants dont le CAF accueillent ces étudiants.
Comme on peut le constater, les résultats confirment que le défi de développer une expertise en enseignement du français langue seconde est bien réel. Si 81 % (26 sur 32) des collèges sont pourvus de ressources adaptées aux besoins des élèves allophones, le taux de satisfaction exprimé à l’égard de celles-ci est peu élevé dans l’ensemble (44 %). Mis à part celui correspondant aux répondants des très petits collèges, le taux chute drastiquement dans les CAF de plus grande taille. Le moins élevé se retrouve chez les collèges de taille moyenne, alors que paradoxalement la moitié des répondants des CAF de cette catégorie estiment que de 40 à 75 % des élèves qui bénéficient de leurs services sont allophones. On peut percevoir là un besoin criant.
La compilation des commentaires permet d’affirmer que, dans les CAF où les élèves allophones sont supervisés par des tuteurs formés ou expérimentés et dans ceux où ils ont accès à des ateliers de conversation, tous les répondants sont satisfaits de ce mode de fonctionnement, sauf un. Cette voix discordante est toutefois causée par le manque de tuteurs compte tenu de la très grande demande et non par la formule d’aide en tant que telle. Par ailleurs, que l’encadrement soit réalisé par des tuteurs FL2 est un fait rarissime : seulement 5 CAF sur 32 répondants (16 %) profitent de cette expertise (1 très petit collège; 4 gros collèges; aucun petit ni moyen collège). L’embauche de ces précieux collaborateurs dépend de deux facteurs, soit leur disponibilité et leur rémunération. En 2017-2018, le taux horaire moyen pour leurs services était de 18 $. De plus, au-delà de la question salariale, la pénurie de ces personnes compétentes représente un obstacle à ne pas négliger. Même si le budget de fonctionnement d’un collège rend possible leur embauche, encore faut-il les trouver.
Quant aux CAF qui utilisent du matériel didactique spécialisé, les avis sont partagés : 47 % (8 sur 17) émettent des réserves. Certains responsables mentionnent que le matériel ne répond pas adéquatement aux difficultés des élèves ou au contexte des rencontres de tutorat. Le taux général d’insatisfaction (56 %) parait aussi causé par l’absence de ressources humaines spécialisées et par l’insuffisance de la libération ETC. Enfin, on évoque maintes fois le manque de formation pour ce type d’enseignement, donc de compétence, tant chez les profs que chez les tutrices et tuteurs. Un certain désarroi à cet égard est perceptible dans quelques commentaires recueillis. Comme pistes de solution, peut-on envisager une collaboration avec les universités offrant des programmes de didactique et d’enseignement du français langue seconde afin de concevoir du matériel adapté sur mesure? Cette option me semble intéressante et prometteuse, mais elle exige toutefois du temps et des ressources qui ne sont pas disponibles pour tous.
L’aide spécifique aux étudiants et étudiantes en situation de handicap
L’accroissement fulgurant du nombre d’étudiants et d’étudiantes en situation de handicap (EESH), dont certains ont des troubles ou de grandes difficultés d’apprentissage, est également indéniable. Bien que des mesures de soutien soient offertes à ces étudiants dans la plupart des collèges, plusieurs de ces élèves se tournent vers les CAF afin de pallier leurs faiblesses en français écrit. Or, une collaboration avec les Services adaptés m’apparait nécessaire afin d’intervenir de façon judicieuse auprès de ces élèves. Qui plus est, le fait de ne pas travailler en vase clos évite de dédoubler les efforts inutilement.
L’enquête révèle qu’une collaboration avec les intervenants des services adaptés est mise en place dans 81 % des centres d’aide (34 CAF sur 42). Ce taux, fort appréciable, fait ressortir la volonté de tous les intervenants de conjuguer leurs efforts afin de mieux répondre aux besoins des étudiants requérant ces services.
Établissements | Collaboration avec les services adaptés | Collaboration suffisante |
Très petits collèges | Oui : 86 % (12) | Oui : 64 % (9) |
Petits collèges | Oui : 71 % (10) | Oui : 64 % (9) |
Collèges moyens | Oui : 83 % (5) | Oui : 67 % (4) |
Gros collèges | Oui : 88 % (7) | Oui : 75 % (6) |
Tous les répondants | Oui : 81 % (34) | Oui : 66 % (28) |
Trois types de collaboration ressortent des commentaires et en précisent la nature. Pour 24 % des répondants (10), la collaboration se limite à des échanges entre les deux services pour s’adresser des élèves et, parfois, de suggérer des outils. Dans 17 % (7) des collèges, des personnes-ressources des services adaptés donnent une formation et du soutien aux tuteurs du centre d’aide. Dans 31 % des établissements (4 très petits collèges, 6 petits collèges, 1 collège moyen et 2 gros collèges), des personnes spécialisées soutiennent elles-mêmes des élèves en difficulté inscrits au CAF (orthopédagogue, orthophoniste, éducatrice spécialisée, technicienne en adaptation scolaire ou tuteurs spécialisés). Il va sans dire que ce dernier mode de collaboration est jugé satisfaisant par presque tous les répondants qui en bénéficient. La disponibilité limitée des personnes-ressources par rapport aux besoins explique l’absence d’unanimité sur ce dernier point.
Dans l’ensemble, 66 % des répondants (28 CAF sur 42) considèrent que leur association avec les services adaptés est suffisante. Toutefois, 18 % (5) d’entre eux émettent des réserves, car même si tous les intervenants sont de bonne volonté, ils sont souvent débordés. En fait, les responsables apprécient ce partenariat, mais les besoins dépassent la disponibilité des intervenants. J’en conclus que dans leur cas, on peut plutôt dire que la collaboration est jugée acceptable dans la mesure de ses limites.
Quant aux ressources spécifiques (ateliers sur les stratégies de lecture et de rédaction, soutien à la correction, formation Antidote et soutien par des spécialistes), 43 % (18 CAF) les jugent suffisantes.
La libération accordée aux responsables de CAF
Si une partie de l’enquête visait à faire la lumière sur les ressources et les services offerts aux étudiants, une autre portait sur les ressources dont bénéficient les responsables des CAF pour les coordonner. Tous les services et projets proposés exigent une coordination rigoureuse de la part des responsables des centres d’aide, et la libération en ETC allouée pour accomplir cette tâche dépend de décisions unilatérales de la part des directions ou, au mieux, de négociations locales. Sans surprise, mes présomptions en ce qui concerne la grande disparité des libérations qui leur sont accordées s’avèrent fondées, mais je suis tout de même étonnée de la forte variabilité des allocations en ETC qui prévaut dans les collèges de même taille. On pourrait comprendre les écarts existant entre les différentes catégories de collège, mais il est stupéfiant de constater qu’au sein même de chacune des quatre catégories de collèges, les libérations varient autant. Les écarts sont tels que, dans tous les cas, la libération annuelle en ETC n’est aucunement représentative[2].
Même si des hypothèses découlant d’autres facteurs pourraient expliquer en partie de telles fluctuations, notamment le mode de fonctionnement des centres (jumelage avec des tuteurs, aide ponctuelle, atelier en groupe, apport de personnel complémentaire, etc.), elles ne suffisent pas, à mon avis, à justifier ces disparités. D’ailleurs, le taux de satisfaction des répondants des moyens et gros collèges à l’égard des libérations accordées, de l’ordre de 33 % et de 38 % respectivement, indique qu’il y a matière à réflexion sur ce point. Cela dit, le taux de satisfaction chez les deux plus petites catégories de collèges donne un tout autre son de cloche, comme l’illustre le tableau ci-dessous. Vu ce taux d’appréciation plus élevé, l’expression consacrée « small is beautiful » semble traduire la situation d’une majorité de ces établissements. Sans ignorer l’insatisfaction exprimée par quelques-uns d’entre eux, il est tentant de déduire que les petites structures sont plus faciles à coordonner comparativement aux plus grands centres.
Établissements | Libération suffisante | Libération insuffisante | Absence de réponse |
Très petits collèges | 64 % (9) | 22 % (3) | 14 % (2) |
Petits collèges | 79 % (11) | 21 % (3) | 0 % |
Collèges moyens | 33 % (2) | 67 % (4) | 0 % |
Gros collèges | 38 % (3) | 62 % (5) | 0 % |
Tous les répondants | 59 % (25) | 36 % (15) | 5 % (2) |
Dans les collèges de toute taille, plusieurs responsables débordés soulignent l’accroissement du nombre d’élèves allophones et en grande difficulté. Ils expriment leur incapacité à effectuer toutes les tâches liées au bon fonctionnement du CAF (actualisation du matériel, notamment celui destiné aux élèves allophones, encadrement adéquat des tuteurs et des élèves aidés, activités de formation telle la préparation à l’EUF, autres tâches d’ordre administratif). De plus, des 18 CAF (43 %) répondant négativement à la question portant sur la capacité des centres d’aide à offrir du soutien à tous les élèves qui en font la demande, l’insuffisance de la libération des responsables constitue le deuxième facteur associé à cette impossibilité de satisfaire à la demande, le premier étant le manque de tuteurs. Enfin, quatre des 25 répondants se disant satisfaits de la libération accordée précisent qu’ils pourraient quand même faire davantage s’ils bénéficiaient de plus d’allocations.
Les autres sources de financement
Outre les libérations en ETC, d’autres sources de financement disponibles dans les collèges contribuent, dans quelques CAF, à pourvoir ou à bonifier la libération des responsables, ce qui permet notamment d’élaborer des projets spécifiques liés aux besoins. Mais comme l’indique ce tableau qui présente les sources les plus fréquentes, ce n’est pas la panacée.
Douze collèges (29 % des répondants) de toutes les catégories consacrent des montants de l’annexe S048 (valorisation de la langue) à leur CAF. Les nouvelles ressources destinées aux élèves en situation de handicap (EESH), obtenues lors des dernières négociations de la convention collective, permettent à 6 CAF sur 42 (14 % seulement) de mettre en place un projet spécifique pour ces élèves ou de les soutenir davantage. Infime contribution, considérant les quelque 50 millions alloués pour le plan quinquennal de la présente convention! Par ailleurs, l’aide monétaire des fondations des collèges représente une autre source de financement possible. Elle sert notamment à rémunérer les tutrices et les tuteurs qui offrent leur assistance hors du cadre du cours de tutorat crédité.
L’enquête menée sur le financement des CAF en 2001 concluait, après analyse des résultats, que cet aspect demeurait occulte. Aujourd’hui, il l’est un peu moins, dans la mesure où on peut identifier certaines enveloppes potentielles de financement, mais il subsiste encore bien des zones grises. Plusieurs répondants se sont dits incapables de les éclaircir. Or, mieux connaitre les sources de financement possibles ne constitue-t-il pas un atout pour négocier de meilleures allocations pour les CAF?
En conclusion, bien que cette enquête n’ait pas la prétention d’être hautement scientifique, elle permet tout de même de dresser un portrait plus actualisé de la situation des CAF et des défis que leurs responsables ont à relever quotidiennement dans leur travail. Sans contredit, l’arrivée massive des étudiants internationaux et des étudiants en situation de handicap en est un de taille. À ces réalités émergentes s’ajoutent de nouvelles responsabilités qui dépassent celles définies lors de la création des centres d’aide. Chose certaine, elles excèdent le domaine de compétences de la plupart des professeurs responsables et exigent l’intervention de spécialistes. En ce sens, je partage l’avis de Mme Ruest, cofondatrice du CAF de son collège, qui mentionnait lors de l’Intercaf de 2017 la nécessité de redéfinir localement la mission et les mandats des CAF à ce sujet. Or il semble difficile de faire marche arrière. Dans les collèges, les centres d’aide sont désormais des lieux de référence pour ces étudiants et cela irait également de soi pour les administrateurs. Dans ce contexte, il apparait légitime de revendiquer des ressources humaines et financières appropriées pour les CAF dont la situation est plus difficile. Ils sont tout de même nombreux, puisque les taux de satisfaction à l’égard des ressources spécifiques destinées aux étudiants aux besoins particuliers sont inférieurs à 45 %.
Devenus des outils de promotion qui mettent en valeur les collèges lors des campagnes publicitaires, les CAF méritent qu’on leur donne les moyens d’accomplir leur mission dans des conditions favorables. Entre autres, la majoration des libérations ou l’octroi de fonds provenant de l’enveloppe EESH permettraient d’instaurer ou d’approfondir des collaborations efficaces avec les spécialistes afin d’améliorer les ressources spécifiques dédiées aux étudiants aux besoins particuliers. La présente convention collective échoit en 2020. La ronde de négociations du secteur public commencera prochainement. L’idée de conventionner les libérations pour plus d’équité, ou du moins pour assurer un seuil minimum, comme on le fait pour les libérations syndicales, est-elle saugrenue? Aussi, il est fort probable que les ressources dédiées aux EESH seront reconduites. Ne serait-il pas pertinent qu’une portion statutaire soit réservée aux centres d’aide, lieux où les étudiants de tous les programmes convergent naturellement? Ce sont là des questions qui méritent assurément d’être débattues. En attendant, l’heure de la retraite sonne, ou a déjà sonné, pour plusieurs responsables des CAF des premières décennies. Il revient désormais à la dynamique relève de veiller à ce que ces centres d’aide demeurent des lieux où les étudiants en difficulté peuvent améliorer leurs compétences langagières dans les meilleures conditions. Je souhaite ainsi que cette mise à jour des tendances fortes lui offre une meilleure vue d’ensemble qui mette en perspective les revendications futures visant à assurer aux centres d’aide une évolution adéquate.
- Nous avons emprunté la catégorisation des établissements à l’enquête de 2001. L’enquête avait été menée par Michèle Frémont (collège de Maisonneuve) à l’automne 2001, et Julie Roberge (cégep de Marie-Victorin) en rendait compte dans l’article « Financement des cafs 2000-2001: résultats de l’enquête », paru dans Correspondance en avril 2002 (vol. 7, no 4). [Retour]
- Les très petits collèges (entre 0 ETC et 0,85 ETC); les petits collèges (entre 0,15 ETC et 1 ETC); les collèges moyens (entre 0,33 et 1,2 ETC); les gros collèges (entre 0 ETC et 2 ETC.). [Retour]
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