" />
2024 © Centre collégial de développement de matériel didactique
J’ai lu… je réagis…

J’ai lu… je réagis…

Les CAF sont morts ! Vive l’enseignement du français !

La lecture du dernier numéro de Correspondance, portant sur les mesures de rattrapage en français, m’a convaincu d’une chose : pour des raisons pédagogiques, les centres d’aide doivent tous disparaître, et nous devons nous en réjouir !

Petit historique

Les centres d’aide, les CAF notamment, se sont développés il y a une dizaine d’années à la faveur de deux conjonctures exceptionnelles :

  • un secteur secondaire à réformer de fond en comble ;
  • une décision politique à peine voilée d’admettre à peu près tout le monde au cégep (même les élèves inaptes) plutôt que d’augmenter le pourcentage de chômeurs.

Comme « l’économie va mieux », que le secondaire s’est ressaisi et — surtout — que les conditions d’admission dans les cégeps ont été resserrées, les CAF ne revêtent plus le même caractère d’urgence que par le passé.

Torts collectifs

On a laissé croire, à tort, que l’erreur linguistique était un droit, et que les enseignants de français seraient toujours là pour permettre aux élèves dans le besoin de se rattraper. Toutes nos institutions pratiquent la politique des « portes ouvertes ». Si je suis adolescent et qu’on me décrit le fonctionnement du CAF, quel est le message que je reçois ? « Je peux continuer à être faible en français, il y aura toujours quelqu’un pour me corriger. » Et qui est ce quelqu’un ? Un enseignant de français, bien sûr !

Rectifier le tir

Après avoir généreusement donné pendant dix ans, nous, les enseignants de français, sommes parvenus à convaincre de nombreuses administrations et de nombreux élèves que les CAF étaient indispensables. Bravo ! Nous avons bien manoeuvré. Sauf que, à la longue, nous avons laissé croire que les CAF constituaient un succédané des cours ; il faut mettre fin à cette équivoque.

Notre rôle d’enseignant n’est pas, sous le couvert d’aide, de procéder aux rattrapages. Notre rôle — on en sera presque surpris ! –, c’est d’enseigner. Qu’on ne nous donne pas d’autres rôles !

Le seuil d’admission : un français correct

Il faut laisser mourir les CAF et profiter de leur fermeture pour faire savoir au secondaire (enseignants, élèves, administration) que, dorénavant, un seuil satisfaisant de français parlé et écrit est un préalable incontournable ; qu’il n’y aura pas de tutorat déguisé, financé à même les autres ressources collectives qui fondent comme neige au soleil ; que l’élève n’ayant pas atteint ce seuil minimum s’expose à de graves problèmes ; que, s’il y a des rattrapages à faire, ceux-ci seront à la charge de l’élève lui-même.

Notre retrait de la lutte pour les CAF nous permettra de voir ce que valent les larmes des pouvoirs politiques et administratifs. S’ils sont à ce point convaincus de la nécessité du rattrapage, qu’ils dégagent parallèlement les ressources nécessaires à cette fin. Je considère, pour ma part, que ces ressources doivent impérieusement être distinctes de celles de l’enseignement du français.

Expulser les rattrapages des départements de français

Avec la réforme — élément nouveau et déterminant –, nous avons bien assez de relever le défi de ces exigences nouvelles, aux objectifs très élevés. Nous ne devons plus nous engager dans les mesures externes de rattrapage. Expulser les rattrapages des départements de français est, d’ailleurs, la meilleure mesure pour donner suite au voeu – prétendument généralisé — de la communauté collégiale que le rattrapage soit l’affaire de TOUS et de TOUTES. Tant que la « corporation » des enseignants de français aura la mainmise sur ces mesures, nos autres collègues trouveront toujours normal que ce soit à nous — prioritairement, et il faut bien entendu comprendre : seuls — que cette tâche incombe. (Encore une fois : nous verrons bien la réaction du milieu quand il faudra que tout le monde mette vraiment la main à la pâte !)

Il faut que les enseignants de français enseignent, diagnostiquent et prescrivent. Un point c’est tout ! Ils n’ont pas, en plus, à soigner. Déjà pris avec la double correction, ils ne doivent pas assumer, en plus, la double fonction : celle d’enseignants et de répétiteurs. Comment y arriver ? En déclarant le français matière « lourde » et en confiant la tâche excédentaire à des techniciens en langue et à des appariteurs. Nous tomberions sûrement moins en « détresse professionnelle ».

Si on ne veut pas que l’enseignement du français au collégial ressemble à la médecine de corridor, il faut profiter des resserrements budgétaires pour jeter aux orties tous les centres d’aide, y compris ceux de français.

* * *

Télécharger l'article au format PDF

UN TEXTE DE