Retombées inattendues et tout à fait intéressantes dans les centres d’aide
En juin dernier, la Fédération des cégeps publiait La réussite et la diplomation au collégial : des chiffres et des engagements[1]. Dans la première partie de ce rapport, la Fédération propose un examen de la question de la réussite et de la diplomation sous ses différents angles ; dans la seconde sont traitées les mesures de soutien à la réussite mises en place par les collèges.
Réussite et diplomation : état de la question et facteurs associés
Dans la première partie du rapport, la Fédération propose un examen de la question de la réussite et de la diplomation. On y apprend que certaines catégories d’élèves réussissent leurs cours et obtiennent leur diplôme dans de moins grandes proportions que d’autres : c’est le cas des garçons, des élèves qui avaient un dossier scolaire faible au secondaire ainsi que de ceux dont le projet scolaire est imprécis. Si ces observations ne sont pas nouvelles, les écarts qui distinguent les taux de réussite et d’obtention du diplôme de ces catégories d’élèves des taux obtenus par leurs pairs continuent de surprendre tant ils sont importants. Autre constat méritant d’être souligné, les cours pour lesquels les taux d’échec sont supérieurs à 35 p. 100 sont dans tous les cas des cours de français ou de mathématiques. Les taux d’échec les plus élevés sont observés pour les cours de mise à niveau en français, où ils atteignent 55 p. 100. Pour éclairer ces résultats, le document présente une revue des facteurs associés à la réussite et à l’échec, qui vont du temps que consacrent les élèves à l’étude à leur conception de la réussite scolaire en passant par le choc de la transition entre le secondaire et le collégial.
Inventaire et évaluation des mesures de soutien à la réussite
Dans la seconde partie du rapport, la Fédération examine les mesures mises en place par les collèges pour soutenir la réussite de leurs élèves, lesquelles se révèlent, après inventaire, nombreuses et variées. Elles sont regroupées en trois grandes catégories : les mesures de soutien à la réussite avant même l’entrée au collège, les mesures à l’entrée au collège pour favoriser la transition entre le secondaire et le collégial ainsi que les mesures de soutien en cours de cheminement.
Les résultats détaillés de cet inventaire sont suivis d’une évaluation qualitative des mesures. Cette évaluation s’inspire, d’une part, d’une revue des bilans effectués par certains collèges au sujet des mesures mises en place chez eux et, d’autre part, des résultats de groupes de discussion tenus à l’automne 1998 auprès d’étudiants, d’enseignants, de professionnels et de cadres du milieu collégial. L’objectif de cette dernière opération était avant tout de dégager les perceptions du milieu quant à l’efficacité et à la pertinence des mesures d’aide à la réussite[2].
Parce qu’ils constituent l’une des mesures les plus répandues, les centres d’aide ont souvent été l’objet des bilans qu’ont effectués les collèges et se sont retrouvés au coeur des discussions tenues par les groupes à l’automne 1998. Si, à la lecture de ces bilans, on peut distinguer les centres d’aide selon la discipline à laquelle ils sont rattachés, nous n’avons pas cherché à conserver cette distinction au moment des discussions. On peut cependant penser que les propos tenus ont souvent été inspirés des expériences relevées dans les centres d’aide en français, étant donné l’importance de ces derniers.
Les centres d’aide
L’inventaire des mesures d’aide a permis de dénombrer des centres d’aide dans seize disciplines. Les plus nombreux sont ceux liés à la langue d’enseignement. En effet, les 41 collèges qui ont répondu au questionnaire d’inventaire ont tous indiqué offrir les services d’un centre d’aide en français, ou en anglais langue d’enseignement. Un peu plus de la moitié d’entre eux ont un centre d’aide en mathématiques, 15 en ont un en anglais langue seconde, et 11 ont un centre d’aide en philosophie.
Des bilans effectués par les collèges, nous retenons que la fréquentation d’un centre d’aide favorise la réussite du cours qui amène l’élève à faire cette démarche. En général, cette estimation découle de l’analyse du taux de réussite des élèves fréquentant un centre d’aide pour un cours donné. Il ne s’agit donc pas d’une évaluation systématique basée sur la comparaison du rendement scolaire de groupes expérimentaux et de groupes contrôles. Une telle évaluation nécessite l’élaboration de protocoles de recherche relativement complexes ; les équipes chargées d’effectuer les bilans des centres d’aide ont rarement le temps et les ressources pour mener à bien de telles démarches. Les résultats dont nous faisons ici état sont donc davantage centrés sur les « autres » retombées des centres d’aide.
Une plus grande confiance en soi et de meilleures habitudes de travail
Un premier constat se dégage tant des discussions tenues avec les groupes d’intervenants que de la revue des bilans effectués par les collèges : les bienfaits des centres d’aide dépassent largement leur objectif immédiat, soit l’aide dans telle ou telle discipline. En effet, au-delà de l’aide apportée sur le plan de la réussite des cours, les centres d’aide joueraient notamment un rôle dans le développement de la confiance des élèves. Ainsi, on peut lire dans un bilan des activités du centre d’aide en mathématiques du collège Lionel-Groulx que la fréquentation du centre d’aide joue un tel rôle : « On peut souvent constater, chez ceux et celles qui viennent régulièrement, un changement d’attitude devant les difficultés : une plus grande détermination et plus de courage[3] ». Dans le même sens, les auteurs du bilan du centre d’aide en français du cégep Lévis-Lauzon font remarquer que l’une des forces du centre d’aide réside dans ses effets sur l’estime de soi des « aidés » et l’acquisition d’habitudes de travail et d’habiletés transférables dans d’autres disciplines[4]. Enfin, plusieurs des enseignants ayant participé aux groupes de discussion ont indiqué avoir observé, au fil des semaines, une amélioration des habitudes de travail des élèves fréquentant les centres d’aide.
Des changements de perception
Les enseignants ont de plus souligné que la participation des élèves aux centres d’aide a souvent pour effet de modifier la relation entre l’enseignant et l’étudiant. Les relations interpersonnelles que les élèves établissent avec leur tuteur au centre d’aide seraient souvent un « point tournant » pour eux. Le fait que le centre d’aide soit en quelque sorte un « terrain neutre » favoriserait des rapports maître-élève plus harmonieux. Selon des enseignants, les centres d’aide représenteraient même un point d’ancrage pour certains élèves.
Pour leur part, les élèves ont noté que les mesures d’aide avaient contribué à modifier leur perception négative de l’école et des professeurs. Certains d’entre eux ont indiqué que la relation qu’ils avaient développée avec les intervenants dans le cadre des mesures d’aide les avait mis en confiance avec le monde adulte : « Cela m’a donné confiance et maintenant, je n’ai plus peur d’aller voir un professeur lorsque je ne comprends pas la matière. » D’autres ont précisé que leur participation aux mesures d’aide les avait amenés à se responsabiliser, à se prendre en main. Un étudiant l’a illustré en disant que sa participation aux activités du centre d’aide l’avait fait passer « de l’enfance à l’âge adulte ».
Des retombées sur la pédagogie
Au-delà de l’aide apportée à l’élève sur le plan de la réussite scolaire, il s’est dégagé de tous les groupes réunissant des enseignants que les centres d’aide avaient de nombreuses retombées sur la pédagogie. Pour plusieurs enseignants, les centres d’aide sont également des centres d’animation pédagogique, voire des lieux d’innovation pédagogique.
On retrouve des indications en ce sens dans les bilans réalisés par les collèges. La participation des enseignants aux centres d’aide leur permettrait de mieux situer les problèmes d’apprentissage des élèves. Mentionnons l’expérience des enseignants du centre d’aide en mathématiques du cégep Lévis-Lauzon, qui ont dressé un profil des élèves demandant de l’aide. Ils ont pu relever certaines caractéristiques largement répandues chez ces élèves : « Ils retardent à faire leurs travaux ; ils hésitent, après un examen, à refaire un problème manqué ; ils ont tendance à aller consulter la réponse avant d’avoir commencé un exercice ; ils sont distraits pendant les cours ; ils croient que la réussite en mathématiques est affaire de talent[5] ». Ces observations ont permis de mettre en lumière les stratégies d’apprentissage déficientes de ces élèves, lesquelles font maintenant l’objet d’interventions particulières dans le cadre de la relation d’aide.
Dans un bilan effectué au collège Édouard-Montpetit, on note que les centres d’aide ont aussi des répercussions sur la vie départementale. En philosophie, par exemple, le centre d’aide « aura permis de construire des collaborations fructueuses entre les enseignants en vue d’une meilleure harmonisation des contenus et des exigences des cours. Les méthodes pédagogiques et les oeuvres à l’étude ont aussi été discutées dans la perspective de la séquence des cours[6] ». L’auteure ajoute que « ces actions pédagogiques construites sur la base de dénominateurs communs ne peuvent que concourir à améliorer la réussite en philosophie[7] ». Par ailleurs, la mise en place d’un centre d’aide en physique dans le même collège aurait également eu pour effet d’inciter les enseignants qui donnent un même cours à travailler une conception commune des cours et à s’entendre sur des objectifs et des exigences. « Les effets de cette nouvelle approche, peut-on lire, n’ont pas tardé à se faire sentir. Depuis quelque temps, pour un même cours, on observe une diminution importante des écarts entre les taux de réussite des différents enseignants[8]. »
En somme…
En somme, s’il est difficile de mesurer strictement les effets des centres d’aide sur la réussite des élèves qui les fréquentent, des effets non négligeables se font néanmoins sentir sur différents plans, entre autres en ce qui a trait au renforcement de la confiance en soi, au changement d’attitude devant les difficultés, à l’acquisition de meilleures habitudes de travail, au rapprochement entre élèves et enseignants, aux incidences sur la vie pédagogique du département, toutes retombées inattendues si l’on se reporte aux objectifs premiers des centres d’aide mais grandement intéressantes en ces temps où la réussite des élèves est au centre des préoccupations de toutes et de tous.
- Fédération des cégeps, La réussite et la diplomation au collégial : des chiffres et des engagements, Montréal, Fédération des cégeps, coll. Position et avis, 1999, 136 p. Retour
- Dix groupes ont été organisés : quatre ont réuni des élèves ; quatre autres ont regroupé des membres du personnel enseignant ; enfin, deux groupes étaient constitués de personnel professionnel et de cadres. Ces personnes ont été recrutées dans 25 cégeps de diverses régions du Québec. Elles étaient toutes concernées par l’une ou l’autre des mesures de soutien à la réussite. Il est important de noter que les groupes de discussion sont avant tout un outil de recherche qualitatif visant à comprendre et à approfondir les points de vue exprimés par les participants en recueillant leurs perceptions sur un certain nombre de sujets. Si les propos tenus sont généralement riches d’enseignement, il ne saurait être question de généraliser les résultats de ces rencontres à la population des intervenants et des élèves touchés par les mesures d’aide à la réussite, vu la taille restreinte du groupe étudié et le choix non aléatoire des participants. Retour
- Richard Gagné et Claudine Paquin, Service A.M.I. (aide mathématique individuelle), bilan de la session automne 1995, Sainte-Thérèse, collège Lionel-Groulx, mars 1996, p. 3. Retour
- Jacques Belleau, Le SAFRAN, évaluation de quelques aspects du centre d’aide en français, Lévis, cégep de Lévis-Lauzon, février 1988. Retour
- Jacques Belleau, Le SACHEM, évaluation de quelques aspects du centre d’aide en mathématiques, Lévis, cégep de Lévis-Lauzon, février 1996, p. 4. Retour
- Diane Charlebois, Analyse des activités d’encadrement. Rapport final, Longueuil, collège Édouard-Montpetit, mars 1998, p. 44. Retour
- Ibid., p. 45. Retour
- Ibid., p. 49. Retour
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