Recension de «Qu’est-ce qu’apprendre et qu’est-ce qu’enseigner? Un tandem en piste!»
Cet ouvrage[1], bien que son titre n’en témoigne pas vraiment ( !), brille par sa concision. En 156 pages aérées, Danielle Raymond a su, dans un premier temps, résumer quelques définitions de ce qu’est l’acte d’apprendre et, dans un deuxième temps, proposer une réflexion sur notre façon de penser l’acte d’enseigner, et ce, en regard de ce que nous savons désormais sur les processus en jeu dans l’apprentissage.
Un ouvrage synthétique
Il ne s’agit pas ici de décrire de façon exhaustive l’état de la situation en éducation ni d’exposer des théories nouvelles, ni non plus, il faut le souligner (et le regretter un peu), de jeter un regard critique sur des courants de pensée circulant en ce moment dans le monde de l’enseignement. Le but de ce livre est plutôt de résumer les approches les plus consensuelles auxquelles se réfèrent les nouveaux programmes du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, et de proposer des pistes afin d’en tirer parti dans notre pratique professionnelle.
Ainsi, l’ouvrage explique efficacement, citations pertinentes toujours à l’appui, la définition de l’apprentissage selon les tenants du cognitivisme, du constructivisme et du socioconstructivisme. Ces trois approches ne sont pas contradictoires, mais plutôt complémentaires, et Danielle Raymond en explique bien les nuances et les particularités : « Le cognitivisme nous invite à miser sur la conscience de l’apprenant pour favoriser l’apprentissage et le traitement de l’information. Le constructivisme mise sur l’activité réflexive du sujet qui apprend ; à partir de ce qu’il sait déjà, il adapte et construit ses connaissances. Le socioconstructivisme introduit la dimension relationnelle d’un sujet qui apprend avec les autres en interaction avec eux (enseignant ou élève) dans un contexte social qui influence la construction des connaissances et qui comporte alors nécessairement une dimension affective. » (p. 78)
Ces différences, cependant, sont moins importantes que les éléments que partagent ces approches. Ainsi, elles posent toutes que « les connaissances sont construites par le sujet lui-même à travers les expériences qu’il vit dans son environnement » (p. 22). Ce qui implique que le contenu du cours n’est pas une chose stable, un petit colis plus ou moins bien ficelé, que nous livrons intégralement aux élèves qui daignent écouter en classe… Au contraire, les « savoirs » que nous devons transmettre sont intégrés de manière fort différente par les élèves qui sont devant nous, chacun d’entre eux devant bâtir, à partir de ce matériau, des « connaissances » qui lui sont personnelles. Et peut-être très éloignées, hélas, du savoir que nous voulions transmettre !
Inspirant pour l’enseignement
Cette non-correspondance entre savoir transmis et connaissance construite fonde tout le défi de l’enseignement ! Pour nous aider à le relever, Danielle Raymond élabore, dans la deuxième partie de son livre, des stratégies d’intervention, des activités pédagogiques et des réflexions sur l’enseignement qui toutes tirent profit de la théorisation opérée en première partie de l’ouvrage. Ce sont ces pages que le lecteur professeur lira avec le plus d’intérêt, puisqu’il y puisera certainement quelques idées inspirantes, faciles à transférer dans sa pratique. Par exemple, il est fort fécond de réfléchir au fait que les erreurs des élèves « ne sont pas dues au hasard et ne proviennent pas de « fausses conceptions », mais [qu’]elles découlent logiquement des conceptions que les élèves ont construites » (p. 85). Comment pensent les élèves ? Quelle logique, et non quelle absence de logique, les mène parfois à errer face au contenu que nous leur présentons ?
Dans une forme bien pensée
Le livre de Danielle Raymond est, de toute évidence, construit avec pédagogie (ce qui est toujours rassurant, vous en conviendrez, dans un livre sur la pédagogie…). Ses exposés sont clairs, plusieurs schémas de concepts voisinent des tableaux synthèses, et l’auteure donne même l’occasion au lecteur de s’impliquer dans quelques exercices efficaces, lorsque vient l’heure de distinguer des notions théoriques assez arides.
De plus, l’ouvrage est écrit dans un style agréable, chose trop rare, déplorons-le bien fort, quand il s’agit de pédagogie – pourquoi, toujours, cette langue si dissonante des théoriciens en éducation ? Barbarismes et scientificité semblent aller de pair dans leur imaginaire… Mais je m’éloigne ! Bon, s’il faut critiquer un peu, on regrettera une bibliographie trop concise, et l’utilisation (procédé du reste fréquent, et rarement heureux, dans les ouvrages sur la pédagogie) d’une analogie trop appuyée et donc un tantinet infantilisante. Elle prend ici la forme du tandem, évoqué plus d’une fois pour illustrer des propos par ailleurs fort clairs en eux-mêmes.
- RAYMOND, Danielle, Qu’est-ce qu’apprendre et qu’est-ce qu’enseigner ? Un tandem en piste !, Montréal, Association québécoise de pédagogie collégiale, 2006, 156 p. Retour
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