La grammaire du français au XIXe siècle – 3e partie
Introduction
Notre article précédent, consacré à la grammaire du XIXe siècle, présentait une partie de la théorie grammaticale que l’on a coutume d’appeler la « première grammaire scolaire ». Cette théorie est issue d’un ouvrage qui a connu un succès fulgurant dans l’Instruction publique en France et ailleurs. Il s’agit de la Nouvelle grammaire française (1823), de Noël et Chapsal. D’autres ouvrages circulent, avec des propositions et des classements quelque peu différents, mais l’on peut considérer que la théorie de Noël et Chapsal constitue la référence par excellence à l’époque.
Noël et Chapsal (1827, édition de 1832), Leçons d’analyse logique
Dans cet article, nous avions traité en particulier de l’un des deux piliers de la première grammaire scolaire, à savoir l’analyse grammaticale. Nous avions vu qu’il s’agissait d’un exercice d’analyse systématique de la nature et de la fonction de chaque mot dans une phrase, et avions ainsi passé en revue les classements de mots proposés à l’époque. Le grammairien moderne repère notamment que les mon, ma, mes, ce, cette, ces, deux, trois, etc., sont rangés parmi les adjectifs possessifs, démonstratifs, numéraux, etc. Il repère également la présence du participe parmi la liste des parties du discours, aux côtés des adjectifs, verbes, prépositions, etc. Si le participe est effectivement considéré comme une partie du discours à part entière, son statut hybride gêne de plus en plus. En effet, il possède une nature intermédiaire entre celles du verbe et de l’adjectif. Son essence verbale ne passe d’ailleurs pas inaperçue, au point que sa description apparaît de plus en plus souvent dans le chapitre consacré au verbe. Nous verrons dans le présent article que cette place (de plus en plus symbolique) accordée au participe est profondément liée à l’analyse logique.
Les fonctions que la première grammaire scolaire propose pour l’analyse grammaticale sont très proches de celles de la grammaire dite traditionnelle, qui verra le jour dans le courant du XXe siècle. Dans l’article précédent, nous avions insisté, entre autres, sur les fonctions de sujet apparent et de sujet réel, mais aussi sur la définition des compléments direct et indirect. À l’époque, ceux-ci n’ont pas encore pris le nom de compléments d’objet direct et indirect. La particularité du complément indirect de la première grammaire scolaire est d’être une fonction qui n’est pas restreinte au domaine verbal et qui ne se définit que par la présence d’une préposition. En effet, tout complément introduit par une préposition est, sur le plan grammatical, un complément indirect. Il existe ainsi des compléments indirects du nom – comme dans la maison de mon père, où mon père est complément indirect de maison.
La théorie que Noël et Chapsal ont développée dans leurs ouvrages, en particulier dans La nouvelle grammaire française (abrégée NGF dans les références ci-dessous), Les leçons d’analyse grammaticale (LAG) et Les leçons d’analyse logique (LAL), repose sur deux piliers d’analyse : l’analyse grammaticale et l’analyse logique. L’article précédent ayant traité du premier type d’analyse, celui-ci traite du second. Nous montrerons également quel usage Noël et Chapsal font des figures de syntaxe, en particulier l’ellipse.
L’analyse logique
La syntaxe traite de la construction des mots au sein de la proposition et elle le fait sous deux angles, celui de l’analyse grammaticale et celui de l’analyse logique.
L’analyse logique plonge ses racines dans la grammaire de Port-Royal. Elle conçoit par conséquent toute proposition d’un point de vue philosophique, comme étant « l’énonciation d’un jugement » (LAL, p. 1). Sous cet angle d’analyse, la proposition est formée de trois parties essentielles : sujet, verbe et attribut. Le sujet est « l’objet du jugement », tandis que l’attribut est » la manière d’être du sujet, la qualité qu’on juge lui appartenir » (LAL, p. 1). Le verbe permet de joindre le sujet à l’attribut. Ainsi, dans Dieu est juste, le sujet est Dieu ; le verbe, est et l’attribut, juste.
Le verbe par excellence est être, également appelé verbe substantif. Il est à l’origine de tous les autres verbes, qui le contiennent et lui adjoignent une notion sémantique. C’est la raison pour laquelle tous les verbes autres que être sont appelés verbes adjectifs. L’analyse logique impose donc, pour être pratiquée, que le verbe soit décomposé en ses deux parties constitutives. Pour ce faire, la pratique consiste à utiliser le verbe être au même temps que le verbe qui doit être décomposé et à lui adjoindre ce verbe au participe présent. Aimer, rendre, dormir, lire se décomposent ainsi en être aimant, être rendant, être dormant, être lisant. Cette décomposition relève souvent de la contorsion (tableau 1). Ayons une pensée émue pour les écoliers français, en particulier les campagnards encore patoisants au début du XIXe siècle, qui ont dû souffrir sur leurs bancs d’école à formuler de telles décompositions… Nous examinerons dans notre prochain article les consignes pédagogiques que le ministère de l’Instruction publique devra d’ailleurs diffuser pour mettre fin à cet exercice pouvant relever du supplice pour certains enfants.
La décomposition préalable à l’analyse logique
Phrases à analyser | Phrases décomposées pour l’analyse logique |
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Je lis. | Je suis lisant. (NGF, p. 95) |
On le recherche. | On est recherchant lui. (NGF, p. 95) |
Ils se sont flattés de réussir. | Ils ont été flattant eux de réussir. (NGF, p. 105) |
La culture de l’esprit élève l’homme. | La culture de l’esprit est élevant l’homme. |
Une fois faite cette décomposition, l’analyse logique peut prendre place. Elle consiste d’abord à trouver les propositions qui composent la phrase, ensuite à établir la présence des trois parties essentielles à chacune des propositions rencontrées (sujet, verbe, attribut), enfin à analyser les éventuels compléments au sein de chaque proposition. Puisque le verbe être n’a qu’un rôle de liaison, il ne peut avoir de complément ; seuls le sujet et l’attribut peuvent en avoir. Il existe donc, sur le plan de l’analyse logique uniquement, des compléments du sujet et des compléments de l’attribut (figure 2). Il s’agit de compléments logiques qui servent à « l’achèvement du sujet ou de l’attribut » de manière à en « offrir une signification complète » (NGF, p. 95-96). Tout élément adjacent, excepté un déterminant, est donc un complément. Par exemple, dans L’homme avare est un être malheureux, l’adjectif avare est le complément du sujet l’homme, et malheureux est le complément de l’attribut un être. Dans La culture de l’esprit élève l’homme, l’analyse se fait à partir de la phrase reformulée La culture de l’esprit est élevant l’homme. Le sujet la culture a comme complément de l’esprit, et l’homme est le complément de l’attribut élevant.
Noël et Chapsal (1823), La nouvelle grammaire française, p. 96
Il est à noter que, tout comme pour l’analyse grammaticale, le sujet ou l’attribut ne sont composés grosso modo que de ce que nous appellerions aujourd’hui le noyau. Ainsi, dans les exemples précédents, les sujets sont l’homme et la culture plutôt que l’homme avare et la culture de l’esprit. De la même manière, dans Celui qui pratique la vertu est un homme qui mérite notre estime, le sujet n’est que celui (et non celui qui pratique la vertu) et l’attribut, un homme (et non un homme qui mérite notre estime). Les exercices d’analyse logique ne sont pas toujours cohérents à cet égard dans la mesure où ils exemplifient parfois le fait que la fonction, quelle qu’elle soit, n’est exercée que par le noyau, sans son déterminant : culture, homme, etc.
Noël et Chapsal admettent que le phénomène de la complémentation relève de l’aspect grammatical, mais ils affirment ensuite que « par complément logique, on désigne tout ce qui sert à l’achèvement du sujet et de l’attribut » (LAL, p. 3). Ils procèdent ainsi à l’analyse des compléments sur le plan logique. Malheureusement, l’ambiguïté surgit lorsque ces auteurs proposent un ensemble de dénominations pour désigner avec précision les quatre types de compléments du sujet et de l’attribut, et qu’ils choisissent dans certains cas des termes caractéristiques du plan logique (complément modificatif et complément circonstanciel) et, dans d’autres cas, des termes identiques à ceux du plan grammatical (complément direct et complément indirect, voir notre article précédent). S’il était déjà difficile de conceptualiser l’existence de deux plans d’analyse différents (analyse grammaticale et analyse logique), le mélange des termes utilisés rend la conception de l’architecture grammaticale encore moins facilement saisissable. L’utilisation de termes semblables donne lieu à des fonctions aussi étonnantes que celles de complément direct de l’attribut, ou encore, de complément circonstanciel, tant du sujet que de l’attribut.
Au-delà des dénominations déroutantes, attachons-nous maintenant aux définitions de ces compléments, d’autant que certaines d’entre elles ne sont pas totalement identiques sur les deux plans d’analyse.
Le complément modificatif est un complément spécifique du plan logique. Il correspond à la fonction de qualification du plan grammatical. Il apparaît lorsqu’un adjectif ou un participe modifie, complète un terme qui a la fonction de sujet ou d’attribut. Ainsi, d’un point de vue logique, dans La vertu malheureuse intéresse et dans La prudence est une qualité rare (LAL, p. 4), les adjectifs malheureuse et rare sont des compléments modificatifs, l’un du sujet et l’autre, de l’attribut. D’un point de vue grammatical, ces mêmes adjectifs ont pour fonction, l’un de qualifier le sujet vertu et l’autre, l’attribut qualité.
Le complément circonstanciel, lui aussi spécifique du plan de l’analyse logique, se définit comme une fonction associée à la nature d’adverbe. Ainsi, tous les adverbes seront automatiquement analysés comme des compléments circonstanciels du sujet ou de l’attribut (tableau 2) alors qu’il s’agit de termes modifiant le mot auquel ils se rapportent lorsqu’ils sont analysés sur le plan grammatical. Des grammairiens de la première moitié du XIXe siècle avaient déjà souligné cette particularité en donnant à la fonction le nom de complément adverbial (par exemple, Boniface, 1829 et Bescherelle, 1834).
Quelques compléments circonstanciels de l’analyse logique
Phrases à analyser | Phrases décomposées pour l’analyse logique |
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Passer promptement (LAL, p. 5) | Être [Attribut passant promptement] Promptement : complément circonstanciel de l’attribut passant |
Se manifester partout (LAL, p. 116) | Être [Attribut manifestant soi partout] Partout : complément circonstanciel de l’attribut manifestant |
Le complément direct grammatical est identique au complément direct logique. Par contre, parmi les compléments indirects grammaticaux (présence d’une préposition), ceux « faisant office d’adverbe[s] » (LAL, p. 5) seront analysés sur le plan logique comme des compléments circonstanciels ; les autres seront des compléments indirects à la fois sur le plan logique et sur le plan grammatical. La difficulté consiste à trouver ce qui peut être remplacé par un adverbe… Dans Agir sans réflexion est le fait d’un insensé (LAL, p. 5), le groupe sans réflexion est un complément indirect du sujet agir sur le plan grammatical et un complément circonstanciel du même sujet agir sur le plan logique. Il peut effectivement être remplacé par l’adverbe inconsidérément (Chervel, 1977, p. 172). Dans Le mérite modeste plaît en tout temps, le groupe en tout temps est un complément indirect du verbe plaît sur le plan grammatical et un complément circonstanciel de l’attribut plaisant sur le plan logique. Il équivaut à l’adverbe toujours.
De manière générale, la notion de complément circonstanciel semble encore peu consolidée et surtout utilisée avec modération. Seuls les adverbes, clairement identifiables, reçoivent systématiquement la fonction logique de complément circonstanciel. Les compléments introduits par une préposition et pouvant être remplacés par un adverbe sont, quant à eux, très souvent classés comme des compléments indirects sur le plan logique alors qu’ils devraient être classés comme compléments circonstanciels. Ainsi, des compléments indirects grammaticaux marquant le lieu, et pouvant donc être remplacés par l’adverbe là, ne sont souvent pas considérés comme des compléments circonstanciels sur le plan logique. Dans Les grandes et belles pensées viennent du cœur (LAL, p. 37), du cœur est un complément indirect grammatical du verbe viennent ; il devrait être, dans l’analyse logique, une fois la phrase reformulée en Les grandes et belles pensées sont venant du cœur, un complément circonstanciel de l’attribut venant. Or, il est analysé comme un complément indirect de cet attribut. Il est également étonnant de constater que sans réflexion reçoit la fonction de complément circonstanciel dans Agir sans réflexion est le fait d’un insensé (LAL, p. 5), tandis que avec réflexion reçoit celle de complément indirect dans Agir avec réflexion est le fait du sage (LAL, p. 34). Il y a là un manque de cohérence que le vocabulaire ne peut expliquer seul : sans réflexion peut être remplacé par l’adverbe inconsidérément et obtient donc la fonction de complément circonstanciel ; n’y aurait-il pas d’équivalents adverbiaux pour l’expression avec réflexion ? On pense pourtant à raisonnablement, sagement, prudemment. De toute façon, dans la définition du complément circonstanciel, on insiste bien sur le fait qu’il s’agit simplement pour le complément indirect grammatical de « faire office d’adverbe » (LAL, p. 5), et non pas de pouvoir être remplacé exactement par un adverbe.
Les figures de syntaxe
La théorie de la première grammaire scolaire fait intervenir ce que Noël et Chapsal nomment des « figures de syntaxe ». Il s’agit de procédés de construction permettant de transformer une construction de base (dite grammaticale et qui se caractérise par la simplicité dans l’ordre des mots, la conformité de cet ordre avec la pensée, la présence de tous les mots nécessaires et uniquement de ceux-là, etc.) en une construction qui déroge à l’organisation initiale. Selon la théorie de l’époque, la phrase ainsi transformée n’est plus considérée comme « grammaticale, parce qu’elle [n’] est [plus] conforme aux règles de la grammaire générale » (NGF, p. 186). On constate ici que la notion de grammaticalité selon Noël et Chapsal ne possède pas le sens que nous lui attribuons à l’heure actuelle (conforme aux règles de grammaire), mais se fonde plutôt sur le principe de conformité à une expression de base. Les variations de construction brisent ce principe en transformant l’expression canonique de la phrase en une construction teintée par « la vivacité de l’imagination, l’impatience de l’esprit, le désir d’être plus concis, plus harmonieux » (NGF, p. 186). Les procédés de construction sont au nombre de quatre : ellipse, pléonasme, syllepse et inversion. En termes linguistiques modernes, nous parlerions de figures de style ou de figures de rhétorique plutôt que de figures de syntaxe.
L’inversion permet d’expliquer les changements d’ordre des mots (Déjà prenait l’essor, pour se sauver vers les montagnes, cet aigle dont le vol hardi avait d’abord effrayé nos provinces [NGF, p. 189]) ; le pléonasme, l’ajout de mots (Je lui ai parlé à lui-même [NGF, p. 187]), et la syllepse, certains cas d’accord (Une multitude de personnes sont venues [NGF, p.188]).
La première grammaire scolaire attribue un poids théorique important aux figures de syntaxe en général et à l’ellipse en particulier. En effet, la suppression de mots sous-tend de nombreux phénomènes, tant dans l’analyse logique que dans l’analyse grammaticale.
L’analyse logique commence par la décomposition du verbe en ce que l’on pourrait appeler sa structure profonde : le verbe être, suivi du participe présent du verbe analysé. Tout verbe adjectif est donc une forme d’ellipse : écrire, c’est être écrivant. De plus, les phrases interrogatives, exclamatives et impératives sont considérées comme des ellipses. Ainsi, Qui oserait insulter au malheur ? est l’ellipse de Je suis demandant qui oserait insulter au malheur et Ah ! Vous m’avez trompé devient Je suis étonné que vous m’ayez trompé (NGF, p. 107). Enfin, Soyons vertueux équivaut à Nous sommes vertueux (NGF, p. 100).
La suppression de mots intervient également pour analyser des phrases telles que Je suis à votre service ou Je suis dans l’erreur. Le verbe être ne pouvant avoir de complément introduit par une préposition (puisqu’il ne joue qu’un rôle d’affirmation et de liaison), l’attribut est sous-entendu : Je suis (dévoué) à votre service, Je suis (tombé) dans l’erreur.
On voit ici à quel point l’ellipse sous-tend l’analyse logique chapsalienne, mais elle revêt également une importance non négligeable dans l’analyse grammaticale, quoique plus discrète (figure 3). Elle prend place dans l’explication de l’accord du participe passé.
Noël et Chapsal (1823), Nouvelle grammaire française, p. 169
L’accord du participe passé
L’ellipse intervient dans le traitement des règles d’accord du participe passé, point grammatical des plus stratégiques en grammaire du français. Quel rôle l’ellipse joue-t-elle à ce sujet ? Certaines constructions verbales apparaissent avec des compléments directs au sens syntaxique donné à l’époque, dans la mesure où ils ne sont pas introduits par une préposition. Par exemple, J’ai dormi cinq heures, Il a vécu dix ans. Ces compléments ne permettant pas un accord du participe passé, ils ne peuvent être considérés comme des compléments directs. La théorie fait intervenir l’ellipse pour introduire une préposition (pendant), permettant ainsi d’analyser le complément comme un complément indirect camouflé. Le participe ne peut s’accorder avec un tel complément. La boucle est ainsi bouclée pour l’accord du participe passé.
Le traitement du pronom en par rapport au participe passé fait également intervenir l’ellipse pour justifier l’absence d’accord. L’analyse doit d’abord éliminer les cas où il y a bel et bien un complément direct et un autre complément, représenté par le pronom en, comme dans Nous les en avons informés, L’opinion que j’en ai conçue (NGF, p. 177). Il reste alors les cas où le en semble avoir pour fonction celle de complément direct. Or, il n’en est rien selon Noël et Chapsal. Pour eux, une phrase comme J’en ai mangé revient à dire J’ai mangé (une certaine quantité) de cela (NGF, p. 176). Le de cela est repris sous la forme du pronom en. Le complément direct est la suite de mots une certaine quantité, mais il est sous ellipse. Le complément étant sous-entendu, le participe passé ne peut s’accorder avec lui bien que la position du complément l’eût justifié. Et la fonction du en ? Puisqu’il contient une préposition, il est complément indirect de une certaine quantité. Ce qui revient à dire qu’il est complément indirect du complément direct sous-entendu. Il est impossible par conséquent d’accorder le participe avec le en, puisqu’il s’agit d’un mot qui est complément indirect.
Conclusion
Dans le présent article, nous avons exposé en quoi consiste l’analyse logique dans la théorie de la première grammaire scolaire. L’analyse logique constitue le second pilier de la grammaire et décompose toute proposition en un sujet, un verbe et un attribut. Cette analyse confère une place primordiale au participe, qui demeure par conséquent une partie du discours. En effet, tous les verbes, excepté le verbe être, doivent être décomposés en deux parties sémantiques explicites, le verbe être et le verbe analysé, sous la forme d’un participe présent : être dormant, être parlant, etc. Sur ce plan d’analyse, les seuls compléments sont soit des compléments du sujet, soit des compléments de l’attribut. Les noms précis de ces compléments tantôt reprennent ceux utilisés sur le plan grammatical (complément direct, complément indirect), tantôt en proposent des spécifiques (complément modificatif, complément circonstanciel). D’un point de vue théorique, les définitions de ces fonctions sont relativement claires. Il en va tout autrement d’un point de vue pratique. L’apparition du complément circonstanciel dans l’analyse logique relève d’un usage encore peu répandu, et ce complément se confond souvent en pratique avec le complément indirect. Un même groupe de mots est censé recevoir des analyses différentes selon l’angle adopté (grammatical ou logique), mais les fonctions de compléments circonstanciel et indirect prêtent fortement à confusion. La deuxième grammaire scolaire s’attachera à clarifier les espaces de définition et d’application de ces deux fonctions.
Finalement, nous avons montré que les figures de style permettent d’expliquer certains cas d’accord (du sujet, et surtout du participe passé), mais interviennent dans l’analyse tant grammaticale que logique. L’ellipse y occupe une place prépondérante.
Nous verrons dans le prochain article que les contorsions qu’impose la première grammaire scolaire en termes d’analyse (ellipse, décomposition du verbe, double plan d’analyse) seront – fort heureusement ! – remises en question par la théorie de la deuxième grammaire scolaire. On peut d’ailleurs s’interroger sur la réputation que ces exercices ont accolée à la grammaire française.
RÉFÉRENCES
Chervel (1977). Histoire de la grammaire scolaire … et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français, Payot.
Noël et Chapsal (1823). Nouvelle grammaire française.
Noël et Chapsal (1827). Leçons d’analyse grammaticale.
Noël et Chapsal (1827). Leçons d’analyse logique.
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