" />
2024 © Centre collégial de développement de matériel didactique
Hors des sentiers battus

Hors des sentiers battus

La conception de la rédaction véhiculée par l’école est, aujourd’hui encore, essentiellement linéaire : l’exercice d’écriture canonique consisterait à produire « sur table » un discours complexe, dans une limite de temps contraignant à suivre une idée directrice sans trop d’hésitation. Or, nos élèves apprennent bien souvent à écrire en marge de ces représentations linéaires solidement ancrées dans la culture scolaire – après tout, Balzac lui-même réécrivait ses romans sur les épreuves imprimées, au grand désespoir de ses éditeurs. Dans le présent numéro, nous proposons différentes manières de sortir quelque peu des rangs.

ÉCRIRE ET RÉÉCRIRE Si l’écriture suit visuellement la trajectoire d’une ligne, il en va tout autrement du processus de rédaction. Construire un texte nécessite de naviguer entre différents niveaux – pertinence du contenu, cohérence textuelle, construction des phrases, etc. –, ce qui entraine forcément ruptures, hésitations et retours en arrière. Abordant dans ce numéro le problème de la mise en texte, Hélène Paradis (collège Saint-Charles-Garnier) explique que cette tâche complexe peut être aménagée de diverses manières selon les compétences des scripteurs. Les pistes qu’elle propose afin d’amener les élèves à prendre conscience des étapes du parcours menant à l’aboutissement d’un texte pourraient aider ces derniers à être plus efficaces au moment d’écrire sous pression.

Prendre en compte le caractère non linéaire de l’écriture, c’est aussi reconnaitre que la révision et la correction de texte se réalisent à différents moments de la rédaction, et non pas uniquement quelques minutes avant de rendre sa copie. Ainsi, pour Suzanne-G. Chartrand (Université Laval), écriture et réécriture sont indissociables : adopter une distance critique par rapport à ses écrits et en corriger les lacunes constituent une part intégrante du processus.

Et maintenant que les devis ministériels des cours de français incluent la révision et la correction dans les éléments de compétence, il peut être utile de savoir comment les élèves perçoivent ces aspects sur lesquels ils sont en principe évalués. C’est dans ce but que Martine Ouellet (cégep de Drummondville) a sondé des groupes d’élèves faibles et performants, leur demandant d’estimer l’importance qu’ils jugeaient devoir accorder à ces tâches. Les résultats de son enquête fournissent des informations intéressantes aux enseignants, notamment en ce qui a trait aux différences de perception suivant les groupes interrogés. Ainsi, il serait possible de suggérer des stratégies de révision et de correction adaptées aux besoins et aux capacités de chacun…

DIDACTIQUE SANS FRONTIÈRES Devant les difficultés de certains élèves en lecture et en écriture, il est fréquent dans le milieu de l’éducation d’interpeler « les autres » : « Comment ont-ils pu réussir l’Épreuve uniforme? », entend-on à l’université; « N’ont-ils donc rien lu au secondaire? », se demande-t-on au cégep; et le secondaire de pointer le primaire; et telle discipline d’invoquer le désengagement de telle autre envers l’écrit. Cette prise à partie, bien que compréhensible à certains égards, révèle souvent une connaissance sommaire des efforts qui se déploient « ailleurs ».

C’est pourquoi les initiatives favorisant le partage des savoirs et des pratiques entre professionnels de l’enseignement de tous les milieux sont souhaitables, voire nécessaires. Dans le présent numéro, il est question de deux projets orientés en ce sens. Jean-Philippe Boudreau (cégep de Sherbrooke) et Olivier Dezutter (Université de Sherbrooke) présentent tout d’abord le collectif CLÉ. Ce groupe de recherche, qui réunit des partenaires d’universités et de collèges, s’intéresse à la Continuité des apprentissages en lecture et en écriture entre les ordres d’enseignement; continuité à travers les disciplines, dans les mesures de soutien aux élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage, mais également à l’extérieur du cadre scolaire. Christiane Blaser (Université de Sherbrooke) décrit pour sa part le projet Soutenir les compétences en lecture et en écriture dans toutes les disciplines au collège et à l’université, dont l’objectif est de développer un programme de formation à l’intention de professeurs non spécialistes de la langue; il s’agit d’outiller ces derniers afin qu’ils puissent mieux encadrer leurs élèves dans la lecture et la rédaction de genres de textes propres à leurs programmes d’études. Voilà deux projets favorisant les échanges entre différents milieux, dont on entendra parler de nouveau très prochainement.

LE GENRE AU-DELÀ DU TEXTE Julie Roberge (cégep Marie-Victorin) poursuit son exploration de la notion de genre en recensant cette fois les actes d’un colloque tenu sur ce sujet en 2007 au Brésil – un pays chef de file en la matière. De l’ensemble des articles du recueil émerge une idée digne d’attention : tout genre de texte véhicule une idéologie qui lui est propre, donc modifie la vision du monde de quiconque en fait usage. Eh oui, même la dissertation…

VALORISER POUR INTÉGRER Le cadre de mesures pour l’amélioration de la maitrise du français annoncé en juin 2011 par le MELS concerne tous les cégeps, y compris ceux du secteur anglophone. Quelles mesures ont été prises dans ces établissements à la suite de la lettre ministérielle à ce sujet? Philippe Gagné (cégep Vanier) et Suzanne Lemay (collège Champlain St. Lawrence), qui ont sondé 10 cégeps sur la question, rendent compte des résultats de leur enquête et suggèrent quelques avenues afin de promouvoir plus énergiquement la valorisation du français dans ces établissements.

Enfin, dans la chronique « CAF novateurs », Jean-François Létourneau nous fait découvrir la toute jeune Institution Kiuna, un cégep unique en son genre qui offre une formation en phase avec les aspirations des peuples des Premières Nations. Comme en témoigne le tour d’horizon que propose notre collègue, répondre aux besoins spécifiques des élèves en matière de maitrise du français dans un tel contexte implique davantage que de fournir une aide en langue écrite : la réussite des élèves autochtones passe par la connaissance et la mise en valeur de leur propre culture, et ce, dans toutes les sphères de la vie collégiale. Tant il est vrai que pour s’ouvrir à « l’autre », il faut d’abord se connaitre soi-même.

*  *  *

AU PIED DE LA LETTRE

Quel est le lien entre un compas et un devoir passable, entre passer un péage et prendre quelqu’un au piège? Vous saurez tout en lisant les « Curiosités étymologiques » de Gaétan St-Pierre.

Télécharger l'article au format PDF

UN TEXTE DE