Un «CAF en santé» pour les élèves en soins infirmiers du cégep de Sherbrooke
Q – Dans quel contexte le CAF en santé du cégep de Sherbrooke est-il né ?
R – Au cours des dernières années, la Direction du cégep de Sherbrooke et les coordonnatrices du programme Soins infirmiers ont constaté que le taux de réussite à l’examen de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) diminuait sérieusement. Les comptes rendus que l’OIIQ fait parvenir au cégep après chacun des examens de l’Ordre mentionnaient de façon récurrente que nos élèves présentaient des faiblesses du point de vue des compétences en français oral et écrit. Les lacunes apparaissaient principalement dans la maitrise du vocabulaire propre au domaine de la santé ainsi que dans l’emploi des registres de langue adaptés aux différentes situations de communication dans ce secteur. Par conséquent, le personnel enseignant du programme, plus particulièrement les personnes responsables de l’encadrement, exigeaient des élèves faibles en français qu’ils fréquentent le CAF. Comme ce programme regroupe beaucoup d’élèves, plus de 20 places en suivi leur étaient de facto réservées pour 10 semaines au CAF, ce qui laissait un moins grand nombre de plages horaires pour les élèves des autres programmes.
Q – Quels sont les objectifs du CAF en santé ?
R – L’objectif prioritaire du CAF en santé, c’est bien évidemment l’amélioration de la performance des élèves en soins infirmiers du cégep de Sherbrooke à l’examen de l’OIIQ. Pour y arriver, il vise à expérimenter une relation aidant-aidé dans un domaine spécifique et technique plutôt qu’en passant par la maitrise des grandes habiletés de communication en français. Cela permet notamment aux aidés de développer la maitrise des termes techniques usuels dans ce secteur et de mieux saisir la notion de niveau de langue. Le complément de formation offert par le CAF en santé permettra aux élèves de répondre plus adéquatement aux questions théoriques et pratiques des examens de l’OIIQ et de clarifier la problématique de l’emploi d’abréviations correctes (propres au milieu hospitalier) et fautives de type texto. Finalement, bien qu’il ne s’agisse pas d’un objectif en soi, le désengorgement du centre d’aide régulier qui résulte du projet de CAF en santé est un effet « collatéral » appréciable.
Q – Les moniteurs du CAF en santé ont-ils un profil particulier ?
R – En fait, la structure de fonctionnement du CAF en santé est la même que celle d’un centre d’aide régulier. Cependant, comme les aidants sont des élèves du programme Soins infirmiers, les aidés sont soutenus en français par quelqu’un qui maitrise le vocabulaire de la profession. De plus, cette personne connait les difficultés langagières liées aux situations de communication propres au domaine d’emploi et aux types d’écrits utilisés dans le milieu. Par ailleurs, une rencontre hebdomadaire entre le responsable du CAF (moi) et les personnes-ressources (les aidants) permet d’aborder la question de la qualité de la langue dans le domaine de la santé. Bien situer les registres de langue dans le cadre des interventions en soins infirmiers est nécessaire tant à l’écrit qu’à l’oral et sous-tend la professionnalisation de la pratique. La valorisation de ces communications passe par une sensibilisation dès l’entrée dans le programme et par une continuité des exigences par la suite.
Q – Les enseignants du programme visé offrent-ils leur appui au CAF ?
R – Évidemment ! Ils ont accueilli cette initiative avec beaucoup d’enthousiasme. Ils ont fait connaitre le service auprès des élèves et exigent même que certains d’entre eux s’inscrivent à un suivi obligatoire de 10 semaines. De plus, ils contribuent largement au recrutement, en « repérant » des moniteurs qui possèdent à la fois des forces en français et des compétences dans le domaine disciplinaire.
Q – Le CAF en santé est tout nouveau. Quel avenir entrevoyez-vous pour ce service ?
R – Il va sans dire que nous souhaitons assurer une continuité du service. De prime abord, l’expertise développée dans le cadre de ce projet pourrait servir à proposer de nouvelles méthodes de sélection et de jumelage des aidants et des aidés du CAF. Plus largement, cette approche « sur mesure » pourrait mener à sensibiliser le personnel enseignant et les élèves d’autres programmes à l’importance d’une langue de qualité en milieu de travail et à l’impact qu’ont les compétences linguistiques d’une personne sur sa crédibilité et son image professionnelle. Ce type de fonctionnement pourrait aussi s’étendre à d’autres programmes où les diplômés doivent atteindre des standards linguistiques établis par un ordre professionnel, par exemple.
Q – Quels conseils pourriez-vous adresser aux responsables de CAF qui souhaitent développer une formule d’aide mieux adaptée à un groupe d’élèves de leur cégep ?
R – La question du recrutement des aidants est cruciale. Il faut utiliser l’expertise du personnel enseignant afin de sélectionner les meilleurs. Cela dit, il faut aussi comprendre que la relation d’aide en français leur est bénéfique à eux aussi du point de vue du développement de leurs compétences en français et de leur sensibilisation à l’importance d’une langue de qualité sur le marché du travail. Au moment du recrutement, il ne faut donc pas mettre systématiquement de côté une personne qui n’excelle pas en français, mais qui se montre intéressée à devenir aidante au CAF. « Enseigner, c’est apprendre deux fois ! » Nous croyons que les aidants peuvent servir ultérieurement d’« agents de changement » au sein d’une profession. Finalement, avec l’arrivée de plus en plus importante d’allophones dans les programmes tels que Soins infirmiers, il ne faut pas hésiter à « déborder » des rôles traditionnels d’un CAF. Par exemple, plusieurs aidants doivent travailler le français oral, la prononciation et l’acquisition du vocabulaire technique auprès des étudiants allophones. Ainsi, le CAF en santé, sans se substituer à des cours de francisation, amène le futur personnel soignant à communiquer dans un français de qualité pour mieux panser les maux !
Une relation d’aide enrichissante
« J’applaudis la création du CAF en santé pour les élèves en soins infirmiers. Dès le départ, j’ai eu le goût de participer à ce projet. Mon rôle d’aidante m’a permis de renforcer ma connaissance de certaines règles grammaticales et, surtout, d’acquérir les mots pour expliquer ces règles. Je suis dorénavant plus attentive à l’emploi du mot juste dans les explications que je donne aux personnes que j’aide en français. Cette sensibilisation à la précision du vocabulaire grammatical est transférable à ma future profession d’infirmière. D’ailleurs, je veux devenir infirmière pour aider et soigner des gens, et j’estime qu’aider des gens à « soigner » leur français est un bon point de départ ! De plus, mon expérience au CAF en santé m’a révélé mon intérêt pour l’enseignement. L’idée d’un retour au cégep dans une dizaine d’années me trotte dans la tête ; mais cette fois, ce sera à titre d’enseignante en soins infirmiers ou de responsable du CAF en santé ! »
Propos de Nancy Morin, aidante au CAF en santé, recueillis par Guillaume Lachapelle
Vous expérimentez dans votre cégep une formule de CAF atypique et souhaitez partager votre expérience avec les lecteurs de Correspondance ? Contactez le Centre collégial de développement de matériel didactique (CCDMD) à info@ccdmd.qc.ca.
Abonnez-vous à l’infolettre de Correspondance pour être informé une fois par mois des nouvelles publications