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L’amélioration de la syntaxe chez les élèves allophones du collégial

Collectif de Louise Comtois, Hélène Crochemore, Robert Sarrasin, Éléonore Antoniadès, Nathalie Belzile et Marie-Andrée Clermont, sous la direction de Dominique Fortier.
« S’outiller pour aider les élèves allophones ». C’était là le thème de l’Intercaf tenu au printemps dernier au collège de Rosemont. L’édition 2015 de la traditionnelle rencontre intercollégiale des responsables des centres d’aide en français (CAF) s’est révélée fructueuse. Elle a notamment mis en évidence quelques préoccupations communes, dont la complexité du travail syntaxique avec les cégépiens pour qui le français est la langue seconde, voire une énième langue. Qu’attend-on de ces élèves en matière de capacité syntaxique? Comment soutenir la maturation de leur syntaxe? Nous avons posé ces questions à quelques participants de l’Intercaf dans le but de vous offrir ici certaines pistes pédagogiques.
comtoislouiseLOUISE COMTOIS est spécialiste de l’enseignement du français langue seconde. Au Centre collégial de développement de matériel didactique (CCDMD), son travail porte sur les ressources destinées aux cégeps tant francophones qu’anglophones, notamment le Test de positionnement en langue seconde.

Cibler avec précision les habiletés langagières attendues des élèves allophones est fondamental, que ces savoirs et savoir-faire concernent la syntaxe ou d’autres aspects de la langue. Si l’on s’en tient aux compétences syntaxiques, les questions préalables suivantes s’imposent : Dans quelles situations demande-t-on à ces élèves d’exercer leurs habiletés de locuteur? Quels genres de textes sont-ils amenés à lire et à rédiger? Quelles sont les structures de la langue utiles à leur compréhension de discours ou à l’expression de leurs idées? À l’écrit, quelle est cette syntaxe « idéale » que l’on souhaite observer chez eux? À quels acquis langagiers devrait s’arrimer l’apprentissage de concepts syntaxiques?

Nous croyons souhaitable que, dans le cas des allophones, les objets d’enseignement découlent des genres de discours à produire ou à comprendre dans la langue seconde. Ce choix assure l’approfondissement des connaissances syntaxiques — même si le genre est typiquement scolaire, telle la dissertation —, puisqu’il rend signifiante l’étude des faits de langue ciblés. Quant aux compétences langagières, elles se révèleront plus aisément dans une production. Pour en obtenir un portrait juste, on amènera les élèves à s’exprimer sur un sujet propre à stimuler leur désir de communiquer verbalement – éviter les thèmes « ritualisés » au cours de la scolarité, telle la question Quel est votre parcours?

Nommer les caractéristiques d’un fait de langue, en montrer concrètement l’usage, amener l’élève à éprouver la pertinence de l’emploi d’une construction plutôt qu’une autre sont autant d’actes pédagogiques profitables. On enseignera la subordination, par exemple, en faisant observer l’apport de ce procédé syntaxique dans la mise en relation des idées et leur ordre, dans l’enrichissement ou la cohérence du texte. On comparera des subordonnées à d’autres constructions de même fonction (ex. : Bien qu’il soit enthousiaste / Bien qu’enthousiaste, le ministre reste prudent). Pourront se greffer à ces observations des exercices plus « mécaniques », toujours placés cependant dans des environnements où le phénomène se réalise réellement, ou des contextes s’en approchant le plus possible.

Le choix du moment où enseigner telle ou telle structure est également un aspect à considérer en langue seconde. Par exemple, l’enseignement du pronom relatif lequel (duquel, auquel, avec lequel, etc.) ne devrait être envisagé que si l’usage des pronoms relatifs plus courants qui, que, dont, où est maitrisé et que la structure visée est utile à l’élève dans l’expression de ses idées.

Par ailleurs, la notion de maturation syntaxique est souvent d’emblée associée à la capacité d’enchâsser des propositions. Mais produire des phrases indépendantes qui sont claires et bien structurées, enchainées de façon appropriée dans le texte, n’est-il pas tout à fait acceptable? Ce sont les idées à communiquer qui devraient être priorisées dans le travail phrastique avec les allophones, puis les aspects qu’ils maitrisent vraisemblablement beaucoup, peu, ou qu’ils ne maitrisent pas du tout sur le plan syntaxique.

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crochemoreheleneTitulaire d’un baccalauréat en enseignement du français langue étrangère, HÉLÈNE CROCHEMORE était jusqu’au printemps 2015 conseillère pédagogique à la valorisation de la langue au cégep Limoilou. À ce titre, son mandat était d’encadrer et d’orienter les tuteurs jumelés aux étudiants allophones. Pour ce, elle a élaboré des outils de correction et d’évaluation des textes produits par les élèves allophones.

L’étudiant francophone possède, pourrait-on dire, une syntaxe « naturelle »; il ne met que rarement en doute la construction de sa phrase. L’étudiant allophone, pour sa part, doit penser sa syntaxe. Pour définir les habiletés syntaxiques souhaitées en français langue seconde, l’enseignant a tout lieu de se poser les questions suivantes :

  • Est-il pertinent d’avoir des attentes distinctes pour les francophones et pour les allophones, et donc des critères d’évaluation différents?
  • Y a-t-il une hiérarchie des erreurs[1]? Par exemple, doit-on considérer certaines erreurs syntaxiques comme « acceptables »?
  • Comment tenir compte des acquis qui ne sont pas encore stabilisés, révélés notamment par l’inconstance des erreurs dans un même texte?
  • Faut-il exiger, dès l’entrée au collège, un niveau avancé en syntaxe ou estime-t-on que l’adulte allophone scolarisé en français progressera rapidement et de façon satisfaisante?
  • Les habiletés minimales prévues sont-elles les mêmes dans toutes les productions? Dans tous les cours?

Devant la diversité des situations, il parait difficile de déterminer les attentes de façon précise. Toutefois, il semblerait raisonnable d’exiger que l’étudiant allophone soit à même de rédiger des phrases simples présentant un nombre minime d’erreurs syntaxiques, et ce, de façon stable.

Se pose alors la question du nombre d’erreurs. En dresser le compte pour générer un nombre de points à soustraire est une pratique répandue. Peu fervente de cette façon de faire en général, je le suis encore moins dans le cas d’un étudiant allophone. En effet, d’une part, ce dernier risque fort, jusqu’à sa dernière session, de perdre la totalité des points attribués à la langue alors même que ses habiletés langagières s’améliorent. D’autre part, cette pratique entrave parfois la « prise de risque syntaxique ». Ainsi, j’ai vu des étudiants qui, au fil des ans, continuaient à rédiger des paragraphes entiers en faisant se succéder des phrases simples, sans recourir à la subordination, mais surtout en évitant la coordination et la reprise pronominale. Constatant qu’ils réduisent de cette façon le risque de commettre des erreurs grammaticales et syntaxiques, ces étudiants stagneront dans leur maturation syntaxique. À contrario, d’autres oseront des constructions complexes, bien que mal maitrisées. Alors, qui pénaliser? Ou plutôt, que valoriser?

Pour amener l’étudiant allophone à progresser sur le plan syntaxique, la phase diagnostique s’avère essentielle. Le procédé consiste à observer les acquis et les lacunes. J’ai construit, pour les tuteurs du CAF de mon cégep, une grille d’évaluation des compétences langagières. La partie « construction de la phrase » se déploie de la façon suivante : phrase simple, phrase complexe, subordonnée, ordre des mots, mot et expression de reprise (déterminant, pronom, etc.), préposition, coordonnant, négation, influence de l’oral (structure acceptable à l’oral, mais pas à l’écrit). L’outil permet d’indiquer ce qui est maitrisé, partiellement maitrisé, très peu ou pas du tout maitrisé.

Ensuite, il est important d’échanger avec l’étudiant à propos de ses acquis et, puisque ce n’est que sur de bonnes fondations qu’on peut ériger une maison solide, on précèdera de la façon suivante : d’abord, s’assurer que ce qui semble acquis est véritablement stable, puis renforcer ce qui est partiellement ou occasionnellement acquis, et, en dernier, s’attaquer à ce qui est le moins maitrisé. Enfin, peu à peu, on incitera l’étudiant à sortir de sa zone de confort et à prendre des risques en variant et en complexifiant ses constructions. L’étudiant allophone, sauf si une longue habitude de syntaxe erronée l’a conduit à fossiliser ses erreurs, progresse généralement.

  1. À cet effet, je conseille la consultation de l‘Échelle québécoise des niveaux de compétence en français des personnes immigrantes adultes, accessible sur le site du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles [http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/publications/fr/langue-francaise/Echelle-niveaux-competences.pdf]. Cet outil sert à attribuer un niveau de compétence en français langue seconde, sur une échelle de 1 à 12, en distinguant les compétences de production orale, compréhension orale, production écrite et compréhension écrite. [Retour]

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sarrasinrobertLinguiste, didacticien et intervenant en milieu autochtone, ROBERT SARRASIN s’intéresse à l’apprentissage de la langue seconde et au rapport de celle-ci avec la langue maternelle. Il a donné à l’Intercaf du printemps 2009 une conférence sur l’alphacollégisme, ou la rencontre entre l’alphabétisation et les études collégiales[1].

Les usages syntaxiques

La syntaxe de l’écrit normatif donne l’impression d’être « une et indivisible », mais ses usages se révèlent multiples : l’usage dans les textes courants – journaux, blogues populaires –, dans les textes littéraires, les textes de spécialité, les textes à dominante argumentative, etc. En langue seconde, les genres textuels à lire ou à produire au cégep peuvent avantageusement orienter l’intervention pédagogique en matière de syntaxe, car en focalisant l’attention sur les constructions typiques du genre visé, on évitera de procéder empiriquement, au gré seulement des erreurs constatées. Ainsi, cette contextualisation vient ancrer la compréhension du rôle fonctionnel des différentes structures syntaxiques. Soulignons qu’une tâche écrite qui se révèle cognitivement plus exigeante favorise des productions syntaxiquement plus complexes, quoique pas forcément plus correctes morphogrammaticalement (le lien entre correction syntaxique et complexité en langue seconde étant encore mal compris : parfois, les deux coïncident, parfois non). Si on vise la complexité, alors c’est aussi ce que la rétroaction devrait privilégier pour que celle-ci ait un impact significatif.

Syntaxe et intelligibilité

Que ce soit en compréhension ou en production, l’intervention peut reposer sur une démarche de haut en bas : d’abord le niveau de la structure de phrase, ensuite celui des groupes syntaxiques. En production, un questionnement parallèle s’impose : quelles erreurs perturbent le plus l’intelligibilité? Ce sont elles qui doivent d’abord retenir l’attention, car, dans la communication réelle, l’intelligibilité prévaut sur le reste. Lorsque la syntaxe brouille le message (La discipline parentale est obligatoirement, d’être important pour aider son enfant à mieux vivre dans un milieu sociale), il faut aider l’apprenant à clarifier son idée, puisque tant en langue seconde qu’en langue première, ce qui se conçoit clairement « se syntaxise » plus aisément. La correction des points syntaxiques mineurs vient après, même s’ils sont plus faciles à relever.

La mesure de la maturité syntaxique

La maturité syntaxique s’établit autant en fonction des exigences immédiates du message quant à la complétude, la concision, l’explicitation, etc., que d’une progression générale selon un programme d’études préétabli. Le degré de maturité se mesure alors par la variété et la fréquence des procédés d’expansion, de condensation, de reformulation que l’apprenant peut mettre en œuvre en contexte, d’abord spontanément, et ensuite, en tenant compte des corrections ou des suggestions d’enrichissement. Il s’agit là d’une procédure classique d’évaluation de la progression de l’apprentissage, et pas seulement en syntaxe.

Syntaxe et lexique

En langue seconde, les défis d’apprentissage structural se posent souvent par rapport à des constructions particulières, ce qui met en jeu autant la sémantique lexicale que la syntaxe. Notons que ce sont des éléments où l’on trouve fréquemment des contrastes plus ou moins marqués entre les langues. À titre d’exemple, les prépositions n’existent pas dans certaines langues, ou encore, leurs règles d’usage diffèrent partiellement : Le mendiant a demandé [pas de prép.] de la monnaie au passant. / The beggar asked [pas de prép.] the passer-by for small change. En recourant à une présentation paradigmatique des constructions [VERBE-x-PRÉP.-y] du français, on fait ressortir systématiquement leur dimension syntaxique : donner une chance aux jeunes, retirer son nom de la liste, peser sur un bouton, transformer un échec en succès, etc. La structure [VERBE-x-PRÉP.-y] peut donc s’analyser ici comme un type d’expression verbale. Simultanément, on met aussi en évidence la valeur sémantique de la préposition, qui fait partie du verbe en tant qu’entité lexicale. La compréhension de cette jonction entre syntaxe et lexique contribue évidemment à faciliter un usage correct de ces constructions.

De telles connaissances métalinguistiques n’induisent ni automatiquement ni immédiatement un transfert en production, mais elles n’en constituent pas moins un aspect essentiel de la compétence langagière. Ainsi, certaines recherches montrent qu’en cours de rédaction, les apprenants d’une langue seconde recourent à la métalangue pour évaluer à mesure ce qu’ils sont en train d’écrire. Dans la plage de temps limitée dont disposent les intervenants des centres d’aide en français, une approche fonctionnelle de la syntaxe et l’exploration des liens lexicosyntaxiques s’avèrent des perspectives d’intervention susceptibles de donner de bons résultats.

  1. Robert SARRASIN, « L’alphacollégisme », Correspondance, vol. 15, no 2, p. 6 à 8. Également disponible en ligne : http://correspo.ccdmd.qc.ca/Corr15-2/Alpha.html [Retour]

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ÉLÉONORE ANTONIADÈS, NATALIE BELZILE et MARIE-ANDRÉE CLERMONT, du cégep Marie-Victorin, et ANNE-MARIE GIROUX, du collège de Bois-de-Boulogne, sont enseignantes de français et de littérature. Dans la recherche PAREA qu’elles ont menée (2013-2015)[1], elles développent une méthode pédagogique inspirée des travaux de Jim Cummins, qui reconnait la fonction auxiliaire de la langue maternelle dans l’apprentissage de la langue cible.

Les élèves allophones au collégial doivent s’acquitter des mêmes tâches de rédaction que leurs pairs francophones. Cependant, leurs bases en français ne sont pas toujours assez solides pour qu’ils y parviennent efficacement. Sur le plan de la syntaxe, nous avons remarqué, par exemple, que plusieurs des élèves aidés dans le cadre de notre recherche rédigeaient des phrases très longues et boiteuses.

Le chercheur Damien Gagnon[2] considère que la longueur de la phrase constitue une mesure fiable pour évaluer la maturité syntaxique. Selon lui, les élèves du collégial composent, en moyenne, des phrases de 14 mots pour les plus faibles à 21 mots pour les plus forts[3]. Or, notre recherche met en évidence que la maturation syntaxique devrait, dans le cas des élèves allophones dont la fréquence d’erreurs est la plus élevée, passer par un raccourcissement important des phrases. À titre d’exemple, dans la rédaction d’un de ces élèves, une phrase graphique comptait 372 mots; un autre élève rédigeait, en moyenne, des phrases graphiques de 77 mots. Ces phrases longues révélaient en outre des maladresses : cascades de coordonnants, surjuxtapositions, subordonnées boiteuses, tournures emphatiques typiques de l’oral. Ces observations nous ont conduites à suggérer aux élèves de raccourcir leurs phrases, l’évolution à rebours – par rapport aux observations de Gagnon – nous paraissant indiquée avant d’entreprendre avec eux le processus « normal » de la maturation syntaxique.

Par ailleurs, les langues ne sont pas des entités tout à fait distinctes. En apprenant une langue seconde, un élève a toujours recours à ce qu’il maitrise, c’est-à-dire la langue maternelle. Nous avons décidé d’exploiter cette ressource en adoptant la théorie de l’interdépendance des langues de J. Cummins dans notre démarche pédagogique : quelle que soit la diversité des langues, comparer la syntaxe de la langue maternelle à la syntaxe de la langue seconde aide l’apprenant à relever les similitudes ou les différences pour mieux comprendre ses erreurs et les corriger plus facilement.

Ainsi, dans le cas où l’emploi des pronoms relatifs pose problème, on demandera à l’élève si de tels pronoms existent dans sa langue première. Le cas échéant, on l’amènera à comparer l’usage de ces pronoms dans les deux langues : Sont-ils choisis selon la fonction? Varient-ils selon le genre et le nombre? Etc. Cette réflexion peut être suivie d’exercices susceptibles d’amener l’élève à s’approprier les tournures qui ne lui sont pas familières, faute de les avoir acquises à l’oral[4]. Dans le cas des relatifs, il peut s’agir de phrases comprenant des subordonnées à compléter, introduites avec les pronoms étudiés (ex. : Il me prête le livre qui…, le livre que…, le livre dont…). En dernier lieu, afin de renforcer l’apprentissage, on demandera à l’élève de rédiger des phrases entières et de récrire les phrases de son texte où les pronoms relatifs sont fautifs.

Les cégeps auraient avantage à prendre en considération le bagage linguistique des élèves allophones pour faciliter les transferts positifs de la langue maternelle en français. Cela peut avoir un effet bénéfique sur leur motivation et sur leur réussite en français, tremplin de leur réussite sociale.

  1. Cette recherche PAREA est disponible sur le site du Centre de documentation collégiale à l’adresse suivante : http://www.cdc.qc.ca/parea/033654-antoniades-et-al-methode-apprentissage-dynamique-francais-allophones-marie-victorin-bois-de-boulogne-PAREA-2015.pdf [Retour]
  2. Damien Gagnon a été enseignant de français au cégep du Vieux Montréal et responsable du CAF. Avec Claire Brouillet, il a mené, en 1990, une recherche PAREA sur la syntaxe, publiée sous le titre La maturation syntaxique au collégial et les structures de base de la phrase. [Retour]
  3. Damien GAGNON, « La maturité syntaxique », Correspondance, vol. 3, no 4. Également disponible en ligne : http://correspo.ccdmd.qc.ca/Corr3-4/Maturite.html [Retour]
  4. L’apprentissage d’une langue se fait d’abord à l’oral. Comme les étudiants allophones n’ont pas nécessairement été en contact avec le français dans leur enfance (il en est de même pour plusieurs étudiants nés au Québec), certains éléments syntaxiques peuvent être méconnus ou non maitrisés. [Retour]

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Au sujet de la complexification syntaxique

Comment évaluer la maturation syntaxique? Selon quels critères juger la complexité de la phrase? MARIE-CHRISTINE PARET, professeure titulaire retraitée de l’Université de Montréal, a réfléchi sur ces questions. Voici un extrait d’un article rapportant sa thèse de doctorat, intitulée La maturation syntaxique du français écrit au secondaire (1983).

« Mais qu’entend-on au juste par complexité? S’il semble acquis empiriquement que l’écrit de l’enfant passe d’une moindre à une plus grande complexité, le concept demeure pourtant assez confus; bien des études ne le définissent pas, laissant planer le flou de la langue commune. Nous supposerons qu’ici comme ailleurs, l’apprentissage va du simple au complexe, c’est-à-dire, sur le plan formel, de la phrase à des constituants simples et peu nombreux jusqu’à la phrase contenant davantage de constituants et de plus en plus élaborés [sic], c’est-à-dire ayant eux-mêmes des composants plus nombreux et plus profonds, par exemple un syntagme nominal (SN) dominant un syntagme adjectival (SAdj), une relative ou les deux et un syntagme verbal (SV) contenant des syntagmes prépositionnels (SP) ou des propositions (P). La complexité peut donc se définir aussi de manière fonctionnelle comme l’intégration d’un plus grand nombre d’informations par énoncé (phrase ou constituants de la phrase). Ainsi, le SN sans complément « le chat » est moins complexe que les SN avec SAdj complément (« le chat noir et blanc ») ou avec relative complément (« le chat qui était noir et blanc »); ou encore, « il a caressé le chat endormi dans la cour » est plus complexe que chacun des deux énoncés « il a caressé le chat », « le chat était endormi dans la cour ».

« […] Pour nous, en aucun cas, le concept de complexification n’est équivalent à celui de subordination et encore moins de maturité syntaxique. L’enchâssement n’est qu’un cas particulier de complexification. Cependant, si l’on compare les énoncés « le chat noir et blanc » et « le chat qui est noir et blanc », de ces deux moyens de complexification, l’un est plus long (en nombre de mots) que l’autre. On peut donc faire l’hypothèse — qui était déjà celle de Watt en 1944 — que la subordination n’est pas forcément un indice de maturité (cf. aussi Hunt, 1965). Ce qui le serait davantage selon nous, c’est ce qu’on peut appeler la condensation, c’est-à-dire le fait que certains procédés sont plus économiques que d’autres en permettant de synthétiser davantage d’informations en un seul énoncé.

« Sans entrer dans le débat sur la nature du processus de maturation, sans doute en partie socioculturel, en partie psychophysiologique (Paret, 1985), on peut se contenter de dire que la maturation est le processus de passage de la maîtrise d’une structure à la maîtrise d’une autre structure; pour nous, comme pour Hunt (1965), elle sera définie strictement par les caractéristiques présentes dans l’écrit des élèves les plus avancés dans leur scolarité. La maturité peut se manifester par une complexification, mais aussi par une suppression de la subordination ou une réduction de l’énoncé; par exemple, dans « à son arrivée » par rapport à « quand il est arrivé », ou dans « Martin joue au tennis en été et au squash en hiver » au lieu de « Martin joue au tennis en été et il joue au squash en hiver ». »

MARIE-CHRISTINE PARET, « La syntaxe écrite des élèves du secondaire », Revue des sciences de l’éducation, vol. 14, no 2, 1988, p. 184-185. Pour les références figurant dans l’extrait cité, consulter l’article à l’adresse suivante : www.erudit.org.

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