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«Écrire, labeur et plaisir»: recension

«Écrire, labeur et plaisir»: recension

Collègues au Département des lettres du Cégep Marie-Victorin, Marie-Josée Fleury (professeure de littérature) et Francine Prévost (professeure de cinéma) ont publié tout récemment, chez Québec Amérique, Écrire, labeur et plaisir. Ce livre, dont le contenu est aussi original et agréable que le format choisi par l’éditeur, ne se laisse pas facilement décrire. En effet, il mêle tout à la fois réflexions sur la création littéraire, exercices pour ateliers d’écriture, notions de théorie littéraire et nombreuses citations d’écrivains. De plus, le point de vue des auteures sur le phénomène de l’écriture est multiple, et même parfois heureusement contradictoire, comme l’annonce en toute simplicité le titre du livre. Ainsi, elles représentent l’écriture comme relevant à la fois du « labeur » et du « plaisir », de l’expression de soi et de l’observation du monde, de la réflexion mûrie et du hasard. Ce faisant, Écrire, labeur et plaisir, bien qu’il s’adresse d’abord à qui veut écrire, intéressera tous ceux et celles qui sont concernés plus généralement par le phénomène littéraire.

À l’intérieur de chacun des sept chapitres, on trouve d’abord des réflexions sur le thème abordé (par ex., « Jouer avec la complexité », « Organiser le chaos »), puis des propositions d’exercices. Dans cinq des chapitres, on suggère des solutions aux personnes victimes d’une « panne » d’inspiration. Tout au long de l’ouvrage, on aborde progressivement les étapes que franchit un apprenti écrivain. Il est d’abord question de la préparation à l’écriture, moment où paradoxalement se termine bien souvent l’aventure tant sont nombreux les apprentis qui ne parviennent pas à surmonter leur angoisse de la page blanche. Pour les aider, les auteures proposent toutes sortes de rituels préparatoires, des plus simples aux plus extravagants. Un seul but : faire en sorte que l’on se mette à écrire. Les chapitres suivants amènent à réfléchir au pouvoir des mots et plus particulièrement à leur facilité à créer du sens au-delà des intentions de la personne qui écrit. Ici encore, tout peut se jouer entre le labeur et le plaisir : labeur de l’écrivain que ses mots effraient par leurs troublantes et inattendues révélations et, à l’opposé, plaisir de l’écrivain qui découvre la magie de la nature ludique du texte littéraire.

Les derniers chapitres invitent l’apprenti écrivain à se lancer dans la rédaction de textes plus longs. On y mêle conseils de départ et réflexions d’écrivains sur les raisons qui poussent à écrire. Ici est soulignée l’importance du choix du genre emprunté. Les auteures en présentent quelques-uns – biographie, récit de voyage, mémoires – et rappellent un genre sympathique quasi oublié : le livre de raison. Elles le définissent ainsi : « […] chronique économique et privée des familles bourgeoises du XVIIe au XIXe siècle […] Il s’adresse aux descendants et il évoque la famille à travers des anecdotes sur les différents parents […] que l’on a personnellement connus. »

On remarque dès les premières lignes que les auteures ont tenu à adopter un ton direct, voire chaleureux, qui donne l’impression qu’une main nous est tendue. En effet, elles n’hésitent pas à évoquer des expériences et des situations connues de tous les apprentis, notamment les fameux « blocages », et formulent même des mots d’encouragement. Le livre est donc convivial, et l’on y expose les différentes notions dans une langue simple et accessible.

Si les auteures tendent une main au lecteur, elles lui présentent aussi, par l’entremise des nombreuses citations, des auteurs qui sauront à tout le moins l’inspirer et le faire réfléchir, s’ils ne le convainquent pas tout simplement de lire leurs œuvres. En effet, des extraits fort bien choisis issus de plus de 55 titres (allant des Contemplations et des Fleurs du mal jusqu’à Va savoir et Au fond du jardin en passant par des ouvrages de Yourcenar, Woolf, Deleuze, Pessoa…) accompagnent le propos et les exercices. La raison en est nette : on ne saurait écrire sans lire.

Qu’il me soit permis d’inverser cette dernière affirmation afin de suggérer qu’il peut être intéressant aussi de faire écrire pour lire. Tout élève à qui l’on demande de tenter un pastiche d’un auteur étudié, par exemple, apprend à reconnaître le labeur et le plaisir qui ont accompagné cet écrivain dans son travail. De là à affirmer que le livre de Marie-José Fleury et de Francine Prévost sera profitable tant aux enseignants des ateliers littéraires qu’aux professeurs des cours obligatoires de français, il n’y a qu’un pas.

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