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Projet pour prévenir les échecs dans le premier cours de français: des résultats encourageants

Projet pour prévenir les échecs dans le premier cours de français: des résultats encourageants

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ans le dernier bulletin Correspondance, nous avons exposé les conditions dans lesquelles un projet de cours à durée variable pour les étudiants en voie d’échouer au premier cours de français a vu le jour au cégep Beauce-Appalaches à l’automne 2002. Nous avons précisé comment des « ateliers de grammaire » se sont greffés au cours Langue et rédaction (601-AWT-04) ou Écriture et communication (601-AWU-04)[1]. Après avoir décrit ainsi le déroulement de l’expérimentation, nous analyserons maintenant les résultats concrets de cette mesure d’aide obtenus à l’automne 2002, puis à l’hiver 2003. Nous étudierons en particulier les résultats obtenus dans leur cours de français par les étudiants des groupes expérimentaux et contrôle, leur taux global de réussite et leur taux de réinscription.

Automne 2002 : des résultats satisfaisants

Bien que les enseignants aient souhaité que les étudiants inscrits dans les ateliers de grammaire obtiennent une meilleure note à leur cours de français que les non-inscrits, la différence n’a pas été significative sur le plan statistique. Les étudiants du groupe expérimental[2] ont obtenu une moyenne de 63,1 %, ce qui est légèrement supérieur au résultat de 60,5 % obtenu par leurs condisciples du groupe contrôle T, composé d’étudiants du secteur technique ou de la session d’accueil. La moyenne de l’autre groupe contrôle, formé d’étudiants du secteur préuniversitaire, a été de 62,8 %[3]. C’est donc dire que les étudiants ayant participé aux ateliers rattrapent leurs collègues du secteur préuniversitaire.

Tableau A Note moyenne au cours AWT selon le groupe

 

 Note
Expérimental (n = 48)63,1 %
Contrôle T technique (n = 44)60,5 %
Contrôle V préuniv. (n = 44)62,8 %

Les responsables du projet voulaient aussi voir s’il y avait un lien entre la participation aux ateliers de grammaire et le taux de réussite à l’ensemble des cours, l’amélioration en français écrit devant se refléter dans toutes les matières. À ce chapitre, les résultats se sont révélés très positifs. En effet, on constate que les étudiants du groupe expérimental ont réussi l’ensemble de leurs cours dans une proportion de 80 %. Cela correspond au résultat obtenu par les étudiants du secteur préuniversitaire (groupe contrôle V). Une différence importante distingue toutefois les étudiants du groupe expérimental de ceux du groupe contrôle T (secteur technique), soit un écart de 11 % dans le taux global de réussite. Le tableau B présente les données exactes concernant le taux de réussite global des étudiants suivis dans le cadre du projet.

Tableau B Taux de réussite des cours par groupe à l’automne 2002

 

 Taux de réussite
Expérimental (n = 49)80,1 %
Contrôle T technique (n = 46)69,1 %
Contrôle V préuniv. (n = 44)79,6 %

On peut interpréter ces résultats de deux façons. D’une part, on peut penser que les étudiants du groupe expérimental ont mieux réussi que leurs condisciples du secteur technique parce qu’ils étaient plus motivés, ce qui expliquerait d’ailleurs qu’ils se soient inscrits aux ateliers de grammaire. D’autre part, on peut imaginer que la participation aux ateliers ait encouragé les étudiants à travailler davantage, qu’elle soit devenue en fait une source de motivation supplémentaire. Cet encadrement additionnel en aurait aidé quelques-uns à se discipliner davantage. Quand on a rencontré ces jeunes au terme de l’expérience, plusieurs ont mentionné, en effet, qu’ils s’étaient sentis encouragés et qu’ils croyaient que les heures supplémentaires en français leur avaient été utiles. Leurs résultats scolaires l’ont confirmé. Il faudrait également rappeler que les groupes étaient formés d’étudiants de force identique ; on ne peut donc pas prétendre que les étudiants du groupe expérimental étaient les plus forts. Ajoutons qu’une étude du taux de réussite selon le sexe nous apprend que les filles ont un taux semblable peu importe le groupe auquel elles appartiennent (entre 81,3 % et 84,3 %). La différence est plus marquée entre les garçons des divers groupes, le taux de réussite variant de 80,2 % pour les groupes expérimental et contrôle V (préuniversitaire) à 68 % pour les garçons du groupe contrôle T. Cependant, puisque ces groupes sont très petits, nous mentionnons ces données à titre indicatif seulement.

Par ailleurs, comme le taux d’abandon des études est particulièrement élevé entre la première et la deuxième session, les responsables du projet voulaient vérifier si la participation aux ateliers de grammaire avait eu un impact sur le taux de réinscription à la session d’hiver 2003. On a pu remarquer que c’est parmi les étudiants du groupe expérimental qu’il y a eu le moins d’abandons. Toutefois, il est évidemment impossible de mesurer l’influence des ateliers de grammaire dans la décision de poursuivre des études collégiales.

Tableau C Pourcentage des étudiants réinscrits à la session d’hiver 2003

 

Expérimental (n = 49)95,9 %
Contrôle T technique (n = 46)84,8 %
Contrôle V préuniv. (n = 44)88,6 %

À ces données, s’ajoute l’information concernant le taux de réinscription à la troisième session, soit l’automne 2003. Même si les données ne sont pas valables sur le plan statistique, elles demeurent encourageantes, car on constate que les étudiants du groupe expérimental ont été les plus nombreux à se réinscrire un an après leur participation à la mesure d’aide. Soulignons que ces données tiennent aussi compte des étudiants qui ont poursuivi leurs études dans un autre collège.

Tableau D Pourcentage des étudiants réinscrits à la session d’automne 2003

 

Expérimental (n = 49)85,7 %
Contrôle T technique (n = 46)73,9 %
Contrôle V préuniv. (n = 44)81,8 %

Une lecture attentive des deux derniers tableaux permet de constater qu’un certain nombre d’étudiants abandonnent leurs études entre la deuxième et la troisième session. Il semble que certains se donnent jusqu’à un an pour s’adapter aux études collégiales et que, à cause des difficultés rencontrées, ils décident finalement de partir. On remarque tout de même que c’est chez les étudiants du groupe expérimental qu’il y a eu le moins d’abandons.

Avant de passer à l’analyse de la session d’hiver 2003, nous présentons le graphique 1, qui rappelle les principaux renseignements compilés pour l’expérimentation de l’automne 2002.

Graphique 1

Hiver 2003 : des résultats remarquables

L’expérience s’est poursuivie à l’hiver 2003 avec quelques changements, le plus important étant la durée des ateliers, qui est passée de 15 à 30 heures. Cela pourrait être un facteur déterminant dans certains des résultats que nous détaillerons dans les prochaines lignes.

Le résultat final au cours Écriture et communication (601-AWU-04) est le premier indicateur auquel on s’intéressait dans le projet. Contrairement à ce qui s’est produit à la session d’automne, la participation aux ateliers de grammaire a donné des résultats très concrets, la différence entre les groupes expérimental et contrôle étant très importante. En effet, la moyenne des étudiants du groupe expérimental est de 64,7 % alors que celle du groupe contrôle est de 41,9 %. Cet écart de plus de 20 % est significatif sur le plan statistique.

Les responsables du projet ont aussi analysé les résultats selon le sexe, même si les groupes constitués sont de petite taille et ne fournissent pas des données aussi fiables sur le plan statistique. Néanmoins, la participation aux ateliers semble avoir amélioré les résultats de tous les étudiants. Pour les filles, on remarque un écart d’environ 15 % entre les résultats selon le groupe, comme cela est présenté dans le tableau qui suit.

Tableau E Réussite des filles au cours AWU selon le groupe

 

 Note finale
Groupe expérimental (n = 17)66,8 %
Groupe contrôle (n = 19)52,6 %

Du côté des garçons, on constate un écart de plus de 28 % entre les étudiants des deux groupes. Le tableau F fournit le détail de ces résultats.

Tableau F Réussite des garçons au cours AWU selon le groupe

 

 Note finale
Groupe expérimental (n = 23)63,1 %
Groupe contrôle (n = 27)34,2 %

Quand on sait que les groupes en présence étaient constitués d’étudiants de force comparable, les résultats ont de quoi surprendre, en particulier du côté des garçons. La motivation des étudiants pourrait expliquer la différence entre les groupes si l’on supposait que seuls les plus motivés s’étaient inscrits aux heures supplémentaires de français. Il est fort probable que cela ait été le cas, mais il nous apparaît que le degré de motivation ne peut expliquer à lui seul des écarts aussi considérables. La participation aux ateliers de grammaire a peut-être offert aux étudiants une occasion de se « raccrocher » à leur cours de français : elle leur aurait fourni un encadrement supplémentaire qui les a encouragés à faire des efforts et à persister, au lieu d’abandonner à la première occasion. En bout de ligne, la réussite du cours a couronné, semble-t-il, leurs efforts.

À l’hiver 2003 comme à l’automne 2002, nous voulions savoir dans quelle mesure la participation aux ateliers améliorerait le taux de réussite des étudiants. Globalement, l’expérience s’est révélée positive pour les étudiants du groupe expérimental puisqu’ils ont obtenu un taux de réussite de 74,9 % pour l’ensemble des cours suivis. Cela représente environ 18 % de plus que le taux obtenu par leurs condisciples du groupe contrôle (données valables sur le plan statistique).

Tableau G Taux de réussite pour l’ensemble des cours selon le groupe

 

 Taux de réussite
Groupe expérimental (n = 40)74,9 %
Groupe contrôle (n = 46)56,1 %

La tentation étant grande de comparer le taux de réussite selon le sexe, nous avons procédé à l’exercice et recueilli des données très révélatrices, même si la petite taille des groupes limite la portée des résultats. Du côté des filles, on a constaté que la participation aux ateliers de grammaire n’avait pour ainsi dire pas eu d’impact sur leur taux de réussite global, car les taux sont presque identiques dans les deux groupes. Le tableau H présente les chiffres précis.

Tableau H Taux de réussite des filles à l’hiver 2003 selon le groupe

 

 Taux de réussite
Groupe expérimental (n = 17)71,5 %
Groupe contrôle (n = 19)70,6 %

Cependant, les données concernant les garçons sont complètement à l’opposé. En effet, le taux de réussite des garçons ayant participé aux ateliers a augmenté de façon spectaculaire : un écart de plus de 30 % sépare les taux de réussite des étudiants des deux groupes. Le fait que ce taux se chiffre à 77,5 % dans le groupe expérimental et à 45,9 % dans le groupe contrôle a vraiment surpris les responsables du projet.

Tableau I Taux de réussite des garçons à l’hiver 2003 selon le groupe

 

 Taux de réussite
Groupe expérimental (n = 23)77,5 %
Groupe contrôle (n = 27)45,9 %

Ajoutons qu’en analysant ces données, on constate que les garçons du groupe expérimental ont même eu un taux de réussite global plus élevé que celui des filles de leur groupe. Les responsables du projet croient que ces résultats, même s’il faut les interpréter avec prudence, ne peuvent pas être uniquement dus au hasard.

Le graphique 2 permet de voir en un coup d’oeil les indicateurs de réussite des garçons pour l’expérience de l’hiver 2003. Il illustre combien des étudiants de même force ont obtenu des résultats très différents.

Graphique 2

En ce qui concerne le taux de réinscription préliminaire des étudiants à l’automne 2003, les données montrent une légère différence entre les deux groupes (76,9 % pour le groupe expérimental contre 75,5 % pour le groupe contrôle). Il faut toutefois interpréter ces informations avec prudence. Étant donné que certains élèves des groupes de l’hiver en étaient à leur première session au collégial et que les autres étudiaient depuis l’automne, la réinscription au trimestre d’automne 2003 n’a pas la même signification pour tous. C’était en fait la deuxième session pour certains, alors que les autres commençaient leur troisième session.

Et pour l’année en cours ?

Durant l’année scolaire 2003-2004, l’expérience a été répétée avec quelques modifications. À l’automne 2003, la direction a offert des ateliers de 30 heures puisque des étudiants de l’automne 2002 en avaient fait la suggestion. La réponse a dépassé les attentes des plus optimistes : plus de 50 étudiants ont accepté de s’inscrire aux heures supplémentaires en tout début de session. Un atelier de 15 heures ajouté à la mi-session a répondu aux besoins d’une douzaine d’autres étudiants. Cette fois-ci, les ateliers de grammaire ont été proposés tant aux étudiants du secteur technique qu’à ceux du secteur préuniversitaire ; le groupe expérimental et le groupe contrôle comprennent donc des étudiants des deux secteurs. L’analyse des résultats en cours montre, dans les deux groupes, une augmentation du taux de réussite du premier cours de français qui se répercute chez l’ensemble des étudiants inscrits. Cette augmentation a pour conséquence qu’à la session d’hiver 2004, le nombre de groupes du cours de reprise a diminué, passant de quatre à trois, bien que la clientèle soit demeurée stable. À la session d’hiver 2004, 26 étudiants du cours Écriture et communication (601-AWU-04) sur une possibilité de 96[4] participent à un atelier de grammaire de 30 heures. Dans leur cas, les résultats concernant l’efficacité de la mesure d’aide ne seront pas disponibles avant juin 2004.

Conclusion

La permission accordée au cégep Beauce-Appalaches par le ministère de l’Éducation était valide pour deux ans. Il est encore trop tôt, au moment d’écrire ces lignes, pour savoir si le projet sera reconduit à la session d’automne 2004. Évidemment, la direction de notre établissement souhaiterait que la permission soit renouvelée. Les personnes engagées dans le projet osent demeurer confiantes, car, malgré certaines limites méthodologiques, l’ajout d’heures supplémentaires a permis à plusieurs étudiants de s’améliorer en français et d’augmenter leur taux de réussite. Comme ces objectifs sont des préoccupations présentes tant chez la direction que chez les enseignants du Département des arts et lettres, tous espèrent la poursuite de cette mesure d’aide.

* * *

  1. Rappelons que ces cours correspondent au cours de communication offert en fin de séquence dans la majorité des collèges. Retour
  2. Les étudiants du groupe expérimental étaient tous inscrits à des programmes techniques ou à la session d’accueil et intégration. Retour
  3. On a créé un groupe contrôle V (secteur préuniversitaire) pour comparer les étudiants des deux secteurs. Ce groupe était légèrement plus fort que les deux autres. Retour
  4. À l’hiver 2003, on comptait 40 étudiants inscrits sur une possibilité de 120. Retour

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