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Aux grands maux… «Le Grand Druide des synonymes»

Aux grands maux… «Le Grand Druide des synonymes»

L’autre matin, tandis que je mastiquais mes céréales, mon regard s’est posé sur le contenant de margarine… Machinalement, je me suis mis à lire la description des vertus de ce produit : La délicieuse margarine Fleischman vous permet de savourer pleinement tous vos aliments préférés, tout en vous aidant à rencontrer vos besoins alimentaires particuliers.

Je me suis arrêté pile de manger. J’avais avalé un mot, et même deux, de travers et ça ne passait pas ! Le principal coupable de mon malaise était, vous l’aurez deviné, le verbe rencontrer. Dans mon vocabulaire, comme dans le vôtre j’en suis sûr, ce mot fait d’abord penser à des personnes, puis à des choses. Mais jamais au grand jamais, ni vous ni moi n’avons rencontré nos besoins au coin de la rue ou au coin de la table à déjeuner… Vous me direz : N’en faites pas un plat et excusez la traduction incorrecte du verbe anglais meet… la plupart des consommateurs ne la verront pas et, s’ils la voient, ils ne s’en scandaliseront pas. Mais, que voulez-vous, je trouve impardonnable de traduire aussi bêtement un message. Fleischman aurait-elle une image moindre de la qualité de sa clientèle que de celle de son produit ? Comme mon seuil de tolérance aux erreurs linguistiques est bas, mes réflexes correctifs ont été immédiatement excités ; je me suis ainsi traduit cette phrase : La délicieuse margarine vous permet de savourer… tout en vous aidant à satisfaire vos besoins alimentaires personnels

Grâce à la connaissance de la langue acquise par la pratique assidue de la lecture, de l’écriture et de la correction, j’ai pu, après avoir reconnu un anglicisme dans le verbe rencontrer, lui substituer un terme français correct. J’ai suivi une démarche semblable pour corriger l’impropriété de terme particuliers. Toutefois, la correction du second terme a fait davantage intervenir une démarche synonymique. J’ai puisé la solution dans ce bagage synonymique que tout le monde acquiert avec le temps et qui permet de trouver le mot correct, le plus juste possible. La capacité de repérer les fautes est proportionnelle à la compétence linguistique de chacun ; la capacité de les corriger est redevable de la même compétence, mais aussi de la perception de ses limites. C’est à ce moment que doit intervenir la consultation des dictionnaires. Dans la recherche de la précision lexicale, les dictionnaires de synonymes fournissent une aide précieuse.

Un dictionnaire qui nous « comprend »

Les dictionnaires de synonymes abondent : Bénac (Hachette), Bailly (Larousse), Dupuis (Fides). Très satisfaisants dans beaucoup de cas, ils le deviennent moins lorsqu’il s’agit de trouver une équivalence à une expression québécoise. C’est à ce moment que s’impose Le Grand Druide des synonymes[1].

Paru l’automne dernier chez Québec Amérique, ce dictionnaire est la version imprimée (et un peu condensée) du module Synonymes que l’on trouve dans la console d’écriture Antidote. Il n’est donc pas nouveau, mais cette version papier (1228 p.), avec ses 33 000 entrées et ses 600 000 synonymes, révèle l’ampleur de l’ouvrage.

Ce dictionnaire indique les niveaux de langue, les principales marques d’usage dans toute la francophonie. Pour illustrer son actualité et son originalité, prenons un exemple : j’ai demandé au Grand Druide de m’aider à traduire des expressions très familières du langage parlé, comme Il est poche !… C’est poche ! Je n’ai pas eu à passer par des équivalences moins familières pour découvrir des synonymes. Je me suis directement rendu à l’article poche. Voici ce que j’y ai découvert :

Immédiatement, on voit ce qui distingue ce dictionnaire de ses congénères. L’expression québécoise fait l’objet d’une entrée : elle n’est plus reléguée à la fin d’une série synonymique ou diluée à l’intérieur de celle-ci, ou encore, cachée comme une cousine honteuse dont on retarde la présentation. Les abréviations et symboles visuels facilitent le repérage rapide des sens et des registres : le triangle suivi d’une étiquette en caractères gras italiques introduit un sens ; les marques indiquent les registres, et les synonymes sont regroupés selon ce registre, par ordre alphabétique.

Constatez par vous-même la richesse des séries synonymiques proposées, selon divers registres, pour des mots ou expressions à la mode comme l’adverbe super (C’est super bon !) et le verbe ambitionner (Le professeur enlève cinq points par faute : il ambitionne !). Mieux, comparez-les avec ce que vous offrent d’autres dictionnaires des synonymes.

En circulant dans Le Grand Druide, vous irez de surprise en ravissement.

Conclusion

J’ai eu le plaisir, bien souvent, de voir mes propres séries synonymiques enrichies par des dizaines de termes… et, peu à peu, j’ai senti que j’avais là un moyen de mieux faire des « traductions » (quotidiennes et obligatoires pour tous, j’en suis convaincu) et de rafraîchir mes circuits sémantiques.

Je vous invite donc à faire comme moi et à réapprendre à utiliser ce type de dictionnaire trop souvent négligé par nous, Québécois. Pourquoi se priver de trésors de sens, de nuances, de marques d’usage qui permettent de donner lumière et efficacité à nos communications orales ou écrites, de traduire dans des registres différents nos idées, nos sentiments ? Après quelques semaines de fréquentation du Grand Druide, j’ai le sentiment très fort que j’ai enfin entre les mains une sorte d’exerciseur puissant pour développer ma mémoire et mon vocabulaire de façon vraiment active.

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  1. TARDIF, Geneviève, Jean FONTAINE, et Jean SAINT-GERMAIN, Le Grand Druide des synonymes : dictionnaire des synonymes et hyponymes, Montréal, Québec Amérique, 2001. [Retour]

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