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Féminisation et rédaction

Féminisation et rédaction

Le dernier numéro de Correspondance a présenté un article sur la féminisation des titres ; voici maintenant que l’on se penche sur une pratique corolaire, encore rarement réussie : la féminisation des textes.

La rédaction épicène vise à rédiger des textes féminisés avec modération

Voici l’exemple d’un texte informatif conçu pour un bulletin d’information comme il en existe dans plusieurs milieux de travail. Dans ce genre de bulletin, il convient de dénommer chaque personne dont il est parlé en prenant bien soin d’indiquer clairement ses titres et fonctions à l’aide du masculin ou du féminin selon le cas. Mais il faut aussi tenter d’introduire habilement quelques autres féminins afin que le lecteur ou la lectrice soit frappé par l’évocation de la présence des femmes dans le milieu de travail et ailleurs dans la société.

 

Le plaisir de faire route avec quelqu’un

Le parrainage civil, vous connaissez ?

Voici ses cinq principes de base :

Par le parrainage civil, des citoyens compétents représentent, bénévolement, les intérêts d’autres citoyens ayant des incapacités.

Le lien de parrainage existe de façon privilégiée entre deux personnes ou entre une et plusieurs personnes.

Le lien est établi de façon soutenue et à long terme.

Le parrain ou la marraine peuvent jouer des rôles différents, selon les besoins du filleul ou de la filleule, mais ils ne doivent jamais le ou la surprotéger de manière excessive.

Un centre de parrainage encadre et appuie le rôle du parrain ou de la marraine.

Commentaire

On constate que, dans le titre de ce début d’article, l’expression « avec quelqu’un » n’a pas été reprise au féminin.

Notez que le nom « citoyen » est employé au masculin générique pluriel et que le groupe « citoyens compétents » n’a pas été repris au féminin. Il en est de même pour le groupe « d’autres citoyens ».

L’emploi du mot « personne » dans l’expression « deux personnes » et « plusieurs personnes » est un exemple du recours à une formulation neutre.

Les rôles sont désignés par les doublets appropriés : parrain et marraine, filleul et filleule.

La reprise est faite avec le pronom masculin pluriel seulement comme sujet.

Comparez avec une féminisation plus poussée.

 

Le plaisir de faire route avec quelqu’un ou quelqu’une

Le parrainage ou le marrainage civil, vous connaissez ?

Voici ses cinq principes de base :

Par le parrainage ou le marrainage civil, des citoyens compétents et des citoyennes compétentes représentent, bénévolement, les intérêts d’autres citoyens et citoyennes ayant des incapacités.

Le lien de parrainage ou de marrainage existe de façon privilégiée entre deux personnes ou entre une et plusieurs personnes.

Le lien est établi de façon soutenue et à long terme.

Le parrain ou la marraine peuvent jouer des rôles différents, selon les besoins du filleul ou de la filleule, mais il ou elle ne doivent jamais le ou la surprotéger de manière excessive.

Un centre de parrainage ou de marrainage encadre et appuie le rôle du parrain ou de la marraine.

La rédaction épicène est une pratique à adopter

Dans les ouvrages et les documents de plusieurs pages, il faut utiliser les doublets dans les titres et les entêtes de chapitre. Il faut utiliser les doublets presque exclusivement dans les phrases simples. Il faut limiter le nombre de formes féminisées par paragraphe, par tableau, par page de texte, par partie de chapitre ou par toute autre unité textuelle qui se présente. Le texte doit être considéré comme une structure, dans son ensemble et dans ses parties, et les marques de féminisation doivent être judicieusement distribuées. Dans tous les cas où la reprise du mot, dans sa forme masculine et dans sa forme féminine, peut rendre le message plus riche ou toucher plus directement les personnes grâce à un contact plus personnalisé, ou encore où il est pertinent de mettre en scène des personnes des deux sexes, il faut saisir l’occasion pour marquer la féminisation. Ce que le texte perd alors en concision, il le gagne en précision et en efficacité. Pour réussir une rédaction épicène, il faut s’installer résolument dans la pratique d’une écriture nouvelle.

Quelques principes généraux peuvent nous guider

1. Abandonner la mise au masculin habituelle du texte

La féminisation est une exigence moderne, et le français dispose de ressources variées pour permettre l’intégration harmonieuse du féminin dans le texte. La féminisation linguistique est maintenant une réalité culturelle de notre collectivité.

La note explicative placée en début de texte pour dire que le masculin englobe les deux genres est un procédé qui n’est pas recommandé. La présence d’une telle note souligne le caractère trop masculinisant du texte. La note qui cherche à pallier les incapacités rédactionnelles ou le manque d’audace de certaines plumes n’est plus de mise de nos jours.

Faire usage de plus en plus de formes féminines et rédiger épicène conduit inévitablement à l’emploi de moins en moins fréquent du masculin générique. L’emploi soutenu du masculin générique qui neutralise grammaticalement le texte rend la féminisation difficile. La rédaction qui en résulte est jugée sexiste et non épicène. Elle doit être remplacée par une forme d’écriture qui permet d’établir un équilibre dans l’emploi des deux genres du français. L’habitude de penser épicène et d’écrire épicène fait que le masculin générique perd petit à petit la capacité extensive que lui a conférée la grammaire traditionnelle.

2. Penser épicène et rédiger épicène

Le principe de base qui prévaut en matière de rédaction épicène est celui qui, de tout temps, a guidé les rédacteurs et les rédactrices pour la production de textes de qualité, à savoir la clarté du message et la cohérence de l’écriture. Pour assurer au mieux cette cohérence, il faut rédiger épicène plutôt que de féminiser des textes déjà rédigés en utilisant le masculin générique. Il faut avoir la préoccupation de la visibilité des femmes à l’étape même de la conception des textes. L’emploi du féminin et du masculin doit faire partie de l’expression de la pensée au même titre que l’ensemble des multiples autres moyens d’expression. Cet équilibrage de la représentation des hommes et des femmes à travers le langage est fondamental pour que la rédaction épicène soit de qualité.

3. Veiller à préserver la lisibilité des textes

Pour préserver la lisibilité des textes, il faut utiliser des procédés de féminisation qui ne perturbent pas la lecture de la chaine de caractères. Les formes tronquées ne sont pas recommandées. Le lecteur ou la lectrice n’a pas à faire les frais d’innovations touchant la graphie des mots. La visibilité des femmes à l’égale de celle des hommes peut se faire sans changer les habitudes de lecture et sans distraire du message que le texte veut livrer. Il faut rester autant que possible dans le cadre déjà tracé par les habitudes d’écriture et de lecture pour ne pas indisposer ceux et celles qui lisent, qui écrivent et qui sont susceptibles de juger rebutantes certaines pratiques que l’introduction des formes féminines dans le discours peut engendrer. La typographie n’a pas de rôle particulier à jouer dans la rédaction épicène.

4. Assurer l’intelligibilité du texte

L’intégrité du mot doit être protégée. Le mot doit être complet ; il ne saurait être à la fois sous sa forme masculine et sa forme féminine. Le recours aux mots tantôt dans leur forme féminine et tantôt dans leur forme masculine est de rigueur. Le double marquage est exclu par le système grammatical de la langue. La catégorie du genre impose qu’un choix soit fait entre le masculin et le féminin pour chaque emploi du mot, à moins que le mot ne marque pas le genre du tout. On évitera toute proposition d’amalgame des formes masculines et des formes féminines pour ne pas nuire à la compréhension. Le recours égal aux formes féminines et aux formes masculines, selon les besoins de l’expression de la pensée, ne peut en soi que profiter à la clarté et à l’intelligibilité du texte. L’explicitation des deux genres sous des formes qui leur sont propres est de nature à expliciter aussi la nuance de sens que les formes véhiculent.

L’intelligibilité du texte ne doit pas être diminuée par l’introduction trop fréquente de formes féminines. Les difficultés syntaxiques doivent être maitrisées et les règles d’accord correctement appliquées afin que l’allongement des groupes nominaux ne nuise pas à la bonne compréhension de la phrase.

5. Veiller à une bonne répartition des formes féminines

Le genre se marque dans les mots, les mots s’inscrivent dans les phrases et les phrases se suivent dans les paragraphes qui se succèdent pour former les textes. La rédaction est une activité qui exige le plus souvent une structuration d’ensemble. Il faut penser au-delà du mot, au-delà de la phrase et même au-delà du paragraphe. L’organisation générale du texte doit toujours être une préoccupation en matière de féminisation linguistique. Les marques du genre doivent être réparties avec un certain souci d’harmonie et d’équilibre. L’ensemble du texte doit être parsemé de formes masculines et de formes féminines, et assurer une visibilité générale des femmes et des hommes. Une surabondance n’est pas à conseiller. L’introduction de trop nombreuses formes féminines peut alourdir inutilement les textes et rendre la lecture difficile. Un texte épicène réussi, quelle que soit sa longueur, est un texte dont ni la forme ni le contenu n’attire particulièrement l’attention sur la présence des formes féminines, ni sur leur absence d’ailleurs.

6. Évaluer la pertinence du recours aux marques du genre

Le genre sert à marquer la dualité fondamentale de l’expérience humaine, l’animé et l’inanimé. Le mot français reproduit dans sa morphologie la dualité sexuelle de l’animé. Il est de pratique courante de désigner explicitement les personnes dont il est question dans un texte selon le sexe auquel elles appartiennent. La possibilité de recourir aux marques du genre est toujours présente, mais le recours effectif n’est pas toujours pertinent. La rédaction épicène ne doit pas entrainer une utilisation trop fréquente des mots qui marquent le genre.

7. Utiliser toute la gamme de procédés disponibles

Les procédés de rédaction susceptibles d’assurer l’équilibre de la représentation des hommes et des femmes dans les textes sont nombreux. Toute la gamme de procédés doit être maitrisée et exploitée. L’emploi répétitif d’un même mot qui ne marque pas le genre n’est pas recommandé, et la répétition des doublets non plus. L’art de rédiger fait appel à la variété lexicale et syntaxique. Il en est de même pour la rédaction épicène. Il faut développer son style et tendre vers l’élégance et la clarté.

8. Adapter l’intégration des formes féminines à chaque type de texte

Selon le type de texte, le contexte est plus ou moins propice à l’intégration des formes féminines. De manière générale, les personnes peuvent être nommées par leur titre, leur grade, leur fonction, leur métier, leur origine, leur rôle social, etc. Le caractère particulier du texte peut influer aussi sur le choix des procédés de féminisation et de formulation neutre. Les différents styles doivent être pris en compte ; l’intégration des formes féminines pourra se faire différemment selon que le texte est publicitaire ou informatif, administratif ou commercial, technique ou vulgarisé, pédagogique ou juridique, ou d’autres genres encore.

La rédaction épicène commence par un souci qui se manifeste au moment d’écrire. Ce souci est celui de donner une visibilité égale aux hommes et aux femmes dans les textes. Le moyen par excellence est l’introduction des marques du genre féminin. La rédaction épicène exige une pratique d’écriture renouvelée et une maitrise accrue des procédés à utiliser pour réussir l’intégration des formes féminines dans les textes de manière acceptable pour tous et toutes. Le guide de rédaction épicène de l’Office québécois de la langue française, Avoir bon genre, qui est en préparation, vous invitera à féminiser vos textes en pratiquant la rédaction épicène.

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