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Pendant ce temps, au Vieux Montréal… (à propos de la préparation à l’EUF)

Pendant ce temps, au Vieux Montréal… (à propos de la préparation à l’EUF)

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epuis quelque temps, Correspondance présente différentes expériences de soutien aux élèves en vue de la réussite de l’épreuve uniforme de français. Plusieurs collèges se sont penchés sur ce « problème », chacun explorant des pistes de solutions, à la mesure des moyens et des ressources disponibles.

De notre côté, au Cégep du Vieux Montréal (CVM), nous poursuivons une expérience particulière depuis plus de trois ans : un cours de préparation à l’épreuve ministérielle.

Petite histoire

Au printemps 1999, la Direction des études de notre collège rencontre les membres du Département de français afin de discuter de quelques problèmes particuliers, entre autres les résultats des élèves du CVM à l’examen ministériel (légèrement inférieurs à la moyenne nationale – trop, selon la Direction). La discussion débouche sur des propositions de mesures précises qui, dès l’automne suivant, seront mises en place par le Département.

Bien entendu, le Caf est sollicité : il offrira des ateliers préparatoires ponctuels. Les professeurs du Département, de leur côté, par un suivi encore plus rigoureux de la performance en langue écrite (30 p. 100 des points accordés à la langue dans tous les cours de la séquence, grille de correction uniformisée, utilisation de codes alphanumériques liée à l’autocorrection par l’élève), s’engagent résolument à soutenir concrètement leurs élèves dans l’atteinte de l’objectif de réussite de l’EUF. Mais on met aussi sur pied un cours spécifique destiné à aider les élèves susceptibles (pour différentes raisons) de ne pas réussir l’épreuve ministérielle.

Un cours nouveau ne pouvant être « créé », nous avons utilisé le 602-JBA-03, rebaptisé « Préparation à l’épreuve ministérielle ». Je me suis proposée, dès le début, pour donner ce cours et j’en suis responsable depuis. Je suis « partie de rien », sinon de l’expérience des ateliers préparatoires que le Département avait offerts dans le passé. Ces ateliers (trois ou quatre, d’environ 2 heures chacun) avaient été donnés par des professeurs volontaires, mais cette formule plus ou moins efficace avait été abandonnée au moment où le 602-JBA allait démarrer[1].

À qui s’adresse ce cours ?

Les ateliers départementaux, gratuits et ouverts à tous, avaient lieu quelques semaines avant l’épreuve ; ils se donnaient hebdomadairement, au moment où les élèves étaient libérés, soit à 15h30, le mercredi. Pas d’inscription, pas de frais, aucune obligation : n’importe qui s’y retrouvait, sur une base volontaire. Certains élèves venaient « voir », arrivaient en retard, repartaient comme bon leur semblait… Bref, pas du tout une ambiance de travail. Pour nous, il n’était pas question de reproduire ce genre d’organisation : il fallait, étant donné le nombre limité de places (un groupe de plus ou moins 25 élèves), que ne se retrouvent en classe que ceux qui avaient vraiment besoin du cours.

Le 602-JBA est mis sur pied pour venir en aide aux élèves ayant échoué à l’épreuve ministérielle ou à ceux qui se préparent à subir l’épreuve et qui présentent des difficultés en français, littérature et langue. Il s’adresse également, depuis janvier 2003, aux élèves qui reviennent au cégep après avoir étudié sous l’ancien régime et qui désirent obtenir un diplôme d’études collégiales.

Ce n’est pas un cours de « français écrit » exclusivement. Ce n’est pas non plus une « mise à niveau, prise 2 ».

En fait, bien que la question de la langue écrite soit au coeur des échecs à l’épreuve, un certain nombre d’élèves n’ont pas vraiment besoin de travailler cet aspect : quelques-uns ont plutôt besoin d’apprendre la « technique » de la dissertation (ceux de l’ancien régime, par exemple), d’autres éprouvent des problèmes d’organisation du temps devant ce type de travail. C’est pourquoi j’ai tenté de « balayer large », afin de répondre aux besoins de tous. De toute manière, les élèves sont surtout appelés à écrire, à s’autocorriger, et je les soutiens selon leurs besoins dans la partie la plus faible de leur apprentissage.

Contenu

Le cours vise trois éléments en particulier : l’acquisition/consolidation de connaissances théoriques littéraires, la maîtrise des principes et techniques de la dissertation, et l’amélioration de la performance en langue écrite. Il s’agit de réviser :

  1. les connaissances théoriques ; notions vues dans les cours communs (genres littéraires, courants littéraires liés aux grandes périodes historiques, auteurs importants, fond et forme des textes, notions de base en littérature…) ;
  2. la technique discursive ; analyse littéraire, dissertation explicative, dissertation critique, procédés littéraires, vocabulaire technique de base pour présenter un texte littéraire… ; élaboration d’une méthode de travail en vue de produire une dissertation critique ;
  3. l’utilisation systématique de la méthode d’autocorrection et de tous les outils d’amélioration de la langue écrite.

Sont également présentés à l’élève les outils susceptibles de l’aider : grammaires, dictionnaires, manuels de révision des notions littéraires, ouvrages plus spécifiques sur l’épreuve… et de l’information plus technique sur l’épreuve elle-même (sites Internet, documents ministériels) et les conditions de la passation.

Organisation du cours

Pondéré 3-0-3, le 602-JBA est un cours complémentaire de 45 heures-contact, auxquelles s’ajoute l’équivalent de travail à l’extérieur de la classe : lecture de textes théoriques ou littéraires, travaux écrits (généralement des devoirs touchant des aspects de la grammaire). De plus, l’élève doit prendre toutes les mesures nécessaires à l’amélioration de sa langue écrite.

Ce cours fait appel à l’autonomie de l’élève, qui doit fournir l’effort requis pour atteindre son but : la réussite de l’épreuve ministérielle. Il faut cependant comprendre que ce cours n’est pas une panacée et que, dans certains cas, ces 90 heures ne sont peut-être pas suffisantes pour rattraper des déficits importants, surtout si elles ne sont pas soutenues par d’autres mesures concrètes.

En classe, comme exercices menant à l’atteinte de la compétence finale, l’élève rédige une analyse littéraire et une dissertation explicative (chaque rédaction est suivie d’un cours de rétroaction et de correction) ; l’étape finale est consacrée à une simulation de l’épreuve (dans des conditions identiques[2], à partir de sujets des années antérieures). La dernière rencontre du semestre a lieu généralement quelques jours avant l’épreuve : je présente à l’élève un bilan de ses travaux d’écriture et surtout le résultat de sa dissertation critique (la simulation).

Exigences et évaluation

Exigences : motivation et participation active (présence en classe, participation aux travaux), inscription au Caf si le professeur le recommande à l’élève.

Un coordonnateur de programme s’étonnait que l’on puisse « échouer à une mesure d’aide » (son propos touchait le taux élevé d’échec en mise à niveau). Le cours Préparation à l’épreuve, comme la mise à niveau, est certes une mesure d’aide, mais c’est aussi un cours, assorti d’unités, pour lequel l’élève est évalué. Je vous fais ici grâce des modalités de l’évaluation, tout en précisant que l’élève est noté entre autres selon l’évolution de ses résultats, de sa participation active et de son engagement dans le travail. En ce sens, je rejoins la notion de « mesure d’aide », donc d’une certaine gratuité, mais je ne néglige pas pour autant l’idée de « paiement pour travail » sous-entendue par le concept de cours.

Bilan

De manière générale et informelle, à partir de commentaires spontanés de leur part, je suis amenée à croire que ce cours est très apprécié des élèves qui l’ont suivi d’un bout à l’autre (une bonne sélection des élèves limite le nombre des abandons) : ils ont généralement amélioré de manière significative leur performance en langue écrite, ils ont raffermi leurs compétences discursives et souvent, bien souvent, ils ont surtout gagné de la confiance en soi, ce petit coup de pouce qui peut faire toute la différence. Ils ont, de plus, le sentiment d’avoir été aidés, de s’être aidés, bref de ne pas avoir été seuls « face à l’épreuve ».

Bien que le contenu et la méthodologie soient toujours perfectibles, ils me paraissent pour l’instant convenir aux besoins du plus grand nombre.

Les outils de travail (ouvrages de référence, grammaires…) sont un « work in progress » et je suis toujours à l’affût des meilleurs, des plus pertinents (à l’automne 2003, j’expérimenterai le Vade mecum de la nouvelle grammaire, de Maisonneuve, et son cédérom d’exercices).

Cependant, le problème majeur reste la sélection des candidats : en effet, ce cours s’adressant à une clientèle très précise, comment la sélectionner ?

Au départ, le 602-JBA était dans la liste des cours complémentaires, au même titre que les autres. De plus, comme son ancien titre de « Français écrit » lui était resté, je me suis retrouvée avec plus de 160 inscriptions qu’il a bien fallu trier « à la mitaine » (rejeter les élèves qui entraient au cégep, rejeter également ceux qui avaient obtenu des notes très élevées dans leurs cours de français…) pour ne garder que les élèves qui correspondaient au profil décrit au début de cet article.

Pour éviter de recommencer cet épuisant et fastidieux élagage au cours des sessions subséquentes, et après avoir analysé les résultats au premier ou deuxième cours, j’ai opté pour l’inscription dans ce cours des élèves faibles du 102 qui passaient au 103 avec une note autour de 60 %. J’ai, à cet effet, sollicité les professeurs de 102, afin qu’ils informent leurs élèves de l’existence de cette mesure d’aide ; je leur fournissais une fiche d’inscription que l’élève devait remettre à son aide pédagogique individuel, lors de son choix de cours. Or les résultats de cette procédure se révèlent médiocres : elle demande un trop grand investissement de temps et d’énergie, tant de ma part que de celle de mes collègues, en fin de semestre. Par ailleurs, ouvrir le cours à tous, sans distinction, oblige à « renvoyer » un bon nombre d’élèves au premier cours et, conséquemment, à en inscrire de nouveaux aux deuxième et troisième cours du semestre… ce qui n’est guère mieux.

Pour l’automne 2003, le cours 602-JBA n’a pas été inscrit dans la liste des cours complémentaires mise à la disposition de l’élève. Le cours existe présentement, mais le groupe est « vide ». Nous (l’organisation scolaire et moi) le remplirons de la manière suivante : à partir des notes obtenues au 601-102 (hiver 2003), au 601-101 et à la mise à niveau, s’il y a lieu, nous sélectionnerons les élèves dont les notes tournent autour de 60 % (on le sait, ce sont généralement des 57, 58, 59 arrondis, qui témoignent d’une certaine faiblesse, et non d’une faiblesse certaine). De plus, ces élèves devront être inscrits au 601-103 pour l’automne, donc inscrits également à l’épreuve uniforme de décembre 2003. En juin, le Bureau de l’organisation scolaire leur fera parvenir (chez eux) une lettre personnelle qui les informera de l’existence du cours Préparation à l’épreuve et du fait qu’ils seront prioritaires s’ils désirent s’y inscrire (une brève description du cours sera incluse ainsi que les avantages pour eux de le suivre). Ils n’auront qu’à téléphoner pour s’inscrire.

En fait, ce processus de sélection se base sur quelques conclusions que j’ai tirées après plus de quatre sessions : les élèves les plus susceptibles de bénéficier de ce cours sont ceux inscrits en même temps au 601-103. Ces élèves faibles mais non « irrécupérables » bénéficient, dans les mois qui précèdent l’épreuve, de sept périodes/semaine de français. Ils peuvent également compléter ces heures par la fréquentation du Caf…, ce qui, dans les circonstances, représente un avantage plus inestimable.

Nous communiquerons également avec ceux qui ont échoué à l’épreuve de mai 2003. Si la sélection de ces derniers est facile pour l’épreuve de mai, il n’en est pas de même pour l’épreuve de décembre : l’élève ne peut savoir, au moment de faire son inscription pour l’hiver suivant, s’il a réussi l’épreuve.

Enfin, nous garderons quelques places pour des « outsiders », comme des adultes qui reviennent aux études (sérieux, motivés, travaillants…), des jeunes qui ont fini leur DEC et qui ont été admis sous condition de réussite de l’EUF par une université, des élèves qui ont échoué à l’épreuve à plusieurs reprises (bien que la motivation de ces derniers soit généralement élevée, ils sont souvent peu optimistes quant à leurs chances de réussite, mais ils travaillent bien).

Le but de cette sélection, outre d’offrir le service à ceux qui le requièrent, est d’éviter les « mauvaises candidatures » ; par exemple, des élèves qui ne sont qu’en deuxième session (j’en ai accepté quelques-uns) ou ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas se présenter à l’épreuve à la suite du cours : leur motivation diminue rapidement et comme le JBA est un cours complémentaire, c’est le premier « à prendre le bord », en cas de surcharge de travail.

Conclusion

Je ne sais pas si, statistiquement, ce cours a fait remonter la moyenne de réussite à l’épreuve des élèves du CVM. Je sais toutefois qu’il a aidé, depuis son implantation, de nombreux élèves. À l’automne 2002, 80 p.cent des élèves qui avaient suivi le cours jusqu’à la fin et qui s’étaient présentés à l’épreuve l’avaient réussie.

Pour un professeur, donner ce cours présente des avantages et des inconvénients, comme tous les autres. L’avantage premier vient de ce que les élèves qui le suivent sont généralement motivés : ils sont en fin de parcours collégial, ils savent pourquoi ils sont là ; de plus, comme ils ont déjà un parcours scolaire certain, les discussions en classe ne manquent pas d’intérêt : ils ont des connaissances et des compétences. Par contre, il n’est pas facile de… corriger leurs copies, et la déception est grande lorsque je remets la première rédaction (il n’y a en fait presque jamais de « bonnes notes ») ; je dois donc les encourager, travailler à partir des forces tout en ne perdant pas de vue les faiblesses à corriger.

C’est dans ce cours que la reconnaissance des élèves à mon égard s’exprime le plus facilement : je reçois des mercis, des mots gentils, des poignées de main d’adieu… certains viennent me voir après l’épreuve, encore tout excités, anxieux ou enthousiastes. Je reçois tout cela, parfois émue, touchée surtout par le fait que la plupart ont enfin regagné confiance en eux, qu’ils ont appris que l’effort acharné apporte des résultats. Ils sont contents de moi, mais moi je sais que ce sont eux qui ont bien travaillé.

* * *

  1. Au début, ce cours ne se donnait qu’à la session d’automne ; depuis janvier 2003, il est également offert à l’hiver. Retour
  2. En fait, étant donné que le cours hebdomadaire est de trois périodes de 50 minutes chacune, je suis malheureusement obligée de répartir l’exercice sur deux semaines. Pour l’automne 2003, j’essaierai de remédier à cette situation de manière que la simulation de l’EUF se fasse en 4 heures 30 consécutives. Retour

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