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La dictée, un outil du passé?

La dictée, un outil du passé?

Carole Turgeon et Odette Lussier enseignent la littérature et le français correctif au Collège de Bois-de-Boulogne. Leur expérience avec des élèves en difficulté les a amenées à travailler, à titre de consultantes, au Service d’aide en langue française (SALF) de leur collège. Elles ont publié, au CCDMD, Dictées à la carte I et II, un recueil de dictées adaptées aux besoins de certains élèves du collégial. Dans leur article, elles nous expliquent leur intérêt pour ce type d’exercice.

Le retour en force de la dictée pourrait être associé à une vision passéiste de l’enseignement du français. Pourtant, nous croyons qu’elle demeure un outil intéressant pour l’enseignement de la grammaire et qu’elle peut également se révéler efficace pour l’apprentissage et le perfectionnement de l’orthographe d’usage de même que pour l’initiation à un vocabulaire spécialisé.

Au moment d’un premier contact avec un groupe, que ce soit à l’intérieur d’un cours de mise à niveau ou d’un cours régulier, nous utilisons la dictée diagnostique dans le but de dresser un tableau des principales difficultés des étudiants, ce qui nous permet de cibler nos interventions. Mais l’avantage principal de cet outil consiste en l’enrichissement du vocabulaire, tant du point de vue sémantique qu’orthographique. Il s’agit en fait d’un exercice complémentaire à la lecture et à la rédaction. Plus que la lecture, la dictée incite les élèves à s’interroger sur le sens et l’orthographe d’un mot ; plus que la rédaction, elle les oblige à utiliser une terminologie spécialisée, qu’ils éviteraient certainement dans un texte de leur cru. Une dictée portant sur un auteur, par exemple, peut servir d’entrée en matière à l’étude d’un courant littéraire, d’une époque, d’une société. Elle peut aussi renforcer l’acquisition de termes particuliers employés dans des domaines divers : sociologie, économie, sciences, etc.

Au fil du temps, nous avons constaté que la confusion d’homonymes constitue un des problèmes les plus fréquemment rencontrés dans les textes d’étudiants. La dictée, quel qu’en soit le sujet, contient forcément des homophones simples, tels que a/à, ce/se, ses/ces/s’est/c’est, etc. L’élève doit d’abord repérer le « piège », ce qu’il n’a pas à faire dans un simple exercice, et il doit ensuite s’interroger sur la nature du mot, puis choisir l’orthographe appropriée. De ce fait, il met en pratique ses connaissances syntaxiques et sémantiques afin d’éviter d’écrire, comme certains : « Ce professeur est le récipient d’air du prix Nobel. » ou encore « Il découvrit le poteau rose. » …

De plus, les allophones bénéficient de l’exercice parce que l’audition de textes dictés les familiarise avec les sons de la langue française et les multiples façons de les orthographier. On n’a qu’à penser aux mots formés avec le son « o », qui revêtent différentes graphies. Nous sommes aussi tentées de croire que cet exercice n’est pas superflu pour plusieurs de nos élèves francophones…

Pour une efficacité accrue, la correction de la dictée doit être le point de départ d’une autocorrection. Non seulement permet-elle une rétroaction en grand groupe puisque le texte est commun, mais elle place l’élève devant ses propres difficultés. Commence alors pour lui le véritable apprentissage, qui peut être enrichi au besoin d’exercices supplémentaires personnalisés.

Il reste que le choix des textes à dicter n’est pas toujours facile. Ils doivent respecter le niveau de nos élèves. Ainsi, les dictées Grevisse peuvent sans doute être jugées appropriées pour certains groupes très avancés, mais ne conviennent pas à la majorité des élèves québécois. Il faut éviter de les décourager avec des textes « à la Pivot », et stimuler leur intérêt avec des sujets tenant compte de la réalité québécoise sans pour autant négliger l’ouverture à d’autres cultures et d’autres époques.

Finalement, cet outil pédagogique qu’est la dictée est efficace et, malgré tout ce qu’on peut en penser, apprécié des élèves. En élargissant leurs connaissances lexicales, il favorise la lecture et la rédaction de textes plus complexes.

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