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Nobles gens et gentes dames

Nobles gens et gentes dames

Capsule linguistique

Qui n’a jamais hésité sur l’emploi, le genre ou la prononciation du nom gens ? Les pièges que recèle ce petit mot ont une histoire et il faut remonter fort loin pour les comprendre et les déjouer. Le nom gens existait déjà en latin ; il était alors féminin et signifiait « famille, clan, nation, peuple ». L’accusatif singulier, gentem, a donné le nom français gent (maintenant rare), alors que la forme plurielle gens nous est venue de l’accusatif pluriel gentes.

Du latin au français, le sens de gens a évolué ; de l’idée de « clan », on est passé à celle d’« ensemble d’êtres humains, d’hommes ». Dès le XIIIe siècle, gens pouvait signifier « humains en général » ou « groupe restreint de personnes ». Ce nom signifie maintenant « personnes en nombre indéterminé ».

Le genre de gens aussi a une histoire. Conformément à son origine latine, gens a d’abord été un nom féminin, et ce, jusqu’au XIIIe siècle. Mais son emploi comme nom générique pour signifier « hommes en général » a fait que l’on a également attribué à gens le genre masculin (genre de homme). Le double genre de gens cause aujourd’hui encore des hésitations. Toutes les grammaires signalent la règle d’accord des adjectifs et des déterminants qui accompagnent ce nom. On pourrait la résumer comme suit : ne seront féminins que les déterminants et les adjectifs placés immédiatement devant le nom gens et dont la forme diffère au masculin et au féminin. Voici un exemple (un peu étrange !) qui illustre les accords (tout aussi étranges !) que l’on doit faire : Inquiets, toutes ces bonnes gens affamés attendaient en silence, mais ils étaient désespérés.

Une autre question liée à gens est l’emploi d’un numéral devant ce nom. Peut-on dire : J’ai rencontré trois gens ? Si l’on pouvait effectivement dire trois gens jusqu’au XVIIIe siècle, ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque gens signifie un nombre indéterminé de personnes ; on peut compter des personnes, mais pas des gens. Par contre, on peut très bien utiliser des expressions de quantité compatibles avec cette indétermination ; par exemple : beaucoup de gens, peu de gens, bien des gens.

Et qu’en est-il de la prononciation de gens ? : dit-on gen ou genss ? Malgré ce qu’on peut penser ou entendre parfois, la seule prononciation proposée dans les ouvrages de référence est gen, comme Jean.

Pour terminer, faisons un petit détour sur les mots apparentés à gens. D’abord, un bref retour sur le nom féminin gent. Très rarement employé maintenant, il ne se trouve que dans des emplois figés comme la gent trotte-menu (dixit La Fontaine), la gent féminine (dixit Brassens). On évitera d’écrire et de prononcer la gent(e) ; ce nom, bien que féminin, ne prend de e final ni à l’écrit ni à l’oral. En fait, il existe bien un gent(e) en français ; mais il s’agit d’un adjectif variable employé lui aussi de manière archaïque dans des expressions comme gente dame.

Il ne faudrait pas croire pour autant que la famille de gens ne comprend plus que des mots moribonds. Les mots gendarme, entregent, gentil et gentilé appartiennent aussi à cette noble famille de gens.

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