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Portes ouvertes sur l’épreuve uniforme de français

Portes ouvertes sur l’épreuve uniforme de français

L’épreuve uniforme de français (EUF) a eu 15 ans en 2011. C’est en effet le 3 février 1996 que, pour la première fois, les collégiens québécois ont eu à se présenter à cet examen. On pourrait penser que tout a été dit à propos de l’épreuve uniforme, que la plupart de ses aspects ont été décrits et analysés. Effectivement, le nombre d’articles qui lui ont été consacrés dans Correspondance[1] et ailleurs est important et ceux-ci ont sans doute cerné l’essentiel de ce qu’est l’EUF. Cependant, il est opportun de mentionner que certaines de ses facettes ont été peu abordées, ou encore, que celles-ci ne l’ont pas été du point de vue de ce que l’on pourrait appeler l’organisation du travail. Portes ouvertes donc sur cette tâche qui consiste à évaluer, chaque année, environ 45 000 dissertations critiques, sur le processus qui débute avec la création des sujets de rédaction et se termine avec le versement final des résultats aux mois de mars, de juillet et d’août de chaque année.

Un défi de taille

L’EUF, qui émane du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), est un examen national, et sa nature est certificative. En ce sens, elle n’a pas pour but d’évaluer une performance argumentative, littéraire ou stylistique. Comme nous pouvons le lire dans le Guide de correction de l’épreuve, cet examen « a pour but de vérifier que l’élève possède, au terme des trois cours de formation générale commune en langue d’enseignement et littérature, les compétences suffisantes en lecture et en écriture pour comprendre des textes littéraires et pour énoncer un point de vue critique qui soit pertinent, cohérent et écrit dans une langue correcte[2] ».

En fait, on doit considérer l’atteinte de ces compétences minimales, ce qui veut dire réussir l’épreuve, comme une étape dans le processus d’apprentissage de l’élève, apprentissage qui se poursuivra pour certains à l’université et pour d’autres, sur le marché du travail.

Qu’en est-il du processus qui s’enclenche au moment de chacune des trois épreuves, celles de décembre, de mai et du mois d’août ? Pour les équipes de superviseurs, il s’agit d’abord de proposer des sujets de rédaction dont le niveau de difficulté relève de l’ordre collégial tout en s’assurant qu’ils présentent de l’intérêt pour les élèves. Les correcteurs, pour leur part, ont ensuite à évaluer chacune des copies des élèves équitablement et dans le respect des règles prescrites dans le Guide de correction, cela sous la responsabilité des superviseurs. Le travail des superviseurs et des correcteurs représente sans l’ombre d’un doute un immense défi, qu’ils relèvent session de correction après session de correction et année après année.

La création des sujets de rédaction

La création des sujets de rédaction qui, à chaque épreuve, sont proposés aux cégépiens se réalise en plusieurs étapes. Ces sujets sont conçus par des enseignants de français et de littérature qui ont choisi, le temps d’un trimestre, de devenir des superviseurs à l’épreuve uniforme. Ainsi, au mois de mars, ceux-ci ont la tâche entre autres de concevoir et de proposer à leurs collègues superviseurs trois sujets de rédaction. Une semaine est consacrée à la création des sujets alors qu’une journée est réservée à leur évaluation et à leur sélection. Différents critères d’ordre général doivent guider à la fois la conception et la sélection des sujets de rédaction. En fait, les textes doivent être littéraires, tirés d’œuvres marquantes ou reconnues par leurs contemporains, et les élèves doivent être en mesure d’en dégager, à la première lecture, le propos ou le thème principal.

Les sujets de rédaction sont ensuite acheminés au comité de sélection des textes et des sujets de rédaction, dont les membres (tous des enseignants de français et de littérature) sont des représentants du MELS et du personnel enseignant des collèges. La tâche principale de ce comité est de sélectionner un certain nombre de sujets et de constituer à partir de ceux-ci des trios en respectant des critères liés, par exemple, aux genres et aux types de littératures (essentiellement québécoise ou française). De façon plus précise, chaque trio doit comporter au moins un texte québécois contemporain, au moins un texte français ayant marqué l’histoire littéraire et au moins deux genres littéraires. De plus, ces textes doivent appartenir à des époques différentes et au moins un sujet doit permettre par son énoncé la comparaison d’époques, de genres ou de thèmes.

Enfin, les trios sont présentés au comité d’analyse de la difficulté des textes et des sujets de rédaction, dont les membres sont aussi des représentants du personnel enseignant et du MELS, mais qui, contrairement à leurs collègues du comité précédent, n’ont accès aux sujets de rédaction que le jour même de la réunion du comité. Le but d’une telle façon de faire est de reproduire, un tant soit peu, les conditions de passation imposées aux élèves au moment où ils se présentent à l’épreuve. Le mandat de ce comité qui intervient en dernière instance consiste à évaluer les sujets de rédaction qui lui sont soumis, à s’assurer que ceux-ci sont de niveau de difficulté comparable et qu’ils offrent aux élèves la possibilité de justifier une prise de position tranchée (la thèse du oui ou celle du non) ou de défendre un point de vue critique nuancé par rapport à l’énoncé du sujet de rédaction. Aussi, les sujets de rédaction doivent être conçus de manière à permettre de bien mesurer les compétences attendues de la part des élèves. À chacune des étapes décrites précédemment, une fiche d’appréciation[3] (figures 1 et 2) est utilisée. Celle-ci sert à la fois de guide lors de la création des sujets et d’outil facilitant la sélection lors de la présentation des sujets ou de celle des trios.

Figure 1 Recto de la fiche d’appréciation

Figure 2 Verso de la fiche d’appréciation

L’évaluation des rédactions des élèves

La correction des dissertations critiques produites dans le cadre de l’EUF se fait anonymement, et depuis les trois dernières années leur nombre est en hausse. Par exemple, pour l’année 2007-2008, il est de 42 218, en 2008-2009, de 44 124 et en 2009-2010, de 46 583. Au cours de l’année 2010-2011, par contre, le nombre de copies a légèrement baissé ; il est passé à 45 830.

Les sessions de correction se déroulent simultanément dans deux centres, celui de Québec et celui de Montréal. Aux séances d’hiver et de printemps, 120 correcteurs sont présents. Au mois d’août, le nombre de copies étant inférieur à celui des deux autres sessions, les services de 75 correcteurs seulement sont alors requis.

Dans chacun des centres de correction se trouve une équipe de superviseurs composée de huit personnes, dont l’une est responsable du centre. La ou le chef de centre voit principalement à la bonne marche des principales activités, soit la formation donnée aux correcteurs, la correction et la supervision des copies ainsi que tout ce qui entoure la présentation des sujets de rédaction. Cette personne est aussi responsable, après chaque session de correction, de l’évaluation de ces activités. La tâche de superviseur, quant à elle, consiste essentiellement à encadrer le travail des correcteurs et à confirmer le verdict d’échec attribué à certaines copies. Il ou elle doit aussi s’acquitter d’autres tâches telles celles de donner de la formation aux correcteurs et d’évaluer leur travail. Enfin, le rôle de certains superviseurs se démarque du rôle qui leur est attribué habituellement : ils ne sont pas attitrés à une équipe de correction en particulier, ils les « visitent » toutes. En plus de superviser les copies d’un nombre important de correcteurs (ce qui leur permet de voir à l’uniformité de la correction), ils soutiennent les autres superviseurs dans leurs tâches et agissent comme personnes-ressources. Ils assistent aussi la ou le chef de centre dans ses multiples fonctions. Enfin, ils ont l’obligation de remettre à cette personne certaines copies qui sont près du seuil de réussite. C’est ce qu’on appelle la « double supervision ». Cette relecture vise en fait à s’assurer de la qualité du travail de correction et de supervision.

Chaque centre s’assure par ailleurs les services de cinq équipes de correction. Une équipe regroupe une douzaine de personnes, dont à la fois de nouveaux correcteurs et d’autres ayant plusieurs années d’expérience. Fait à noter, dans les deux centres, un certain nombre de correcteurs étaient présents à la correction de l’épreuve du 3 février 1996 ! Il est à souligner aussi que tous les correcteurs détiennent minimalement un diplôme de premier cycle et que certains d’entre eux sont détenteurs d’une maîtrise, ou encore, ont une expérience de l’enseignement collégial. Tous ont la responsabilité de très bien connaître à la fois la lettre et l’esprit du Guide de correction, et de maintenir un bon rythme de correction. À l’instar des superviseurs, qui doivent remettre certaines copies à la ou au chef de centre, les correcteurs soumettent à leur superviseur les copies en échec concernant un ou plusieurs critères. Enfin, bien que classées en réussite, certaines copies,choisies au hasard, sont aussi lues par les superviseurs.

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La visite des couloirs de l’EUF, pour en révéler les rouages souvent méconnus, permet surtout de souligner le professionnalisme des superviseurs dans l’exercice de leur tâche, qui consiste en la création de sujets de rédaction et la prise en charge du travail des correcteurs. Compte tenu des exigences inhérentes à la tâche des correcteurs, il importe également de mentionner leur application au travail et leur souci constant d’évaluer avec rigueur et justesse les copies des élèves. * * *

  1. NDLR : Le texte « L’épreuve uniforme de français et Correspondance  », dans le présent numéro, propose une revue sommaire de ces articles. [Retour]
  2. DIRECTION DE L’ENSEIGNEMENT COLLÉGIAL, MELS, Épreuve uniforme de français, langue d’enseignement et littérature. Guide de correction, 2011, p. 1. En ligne : www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/eprv_uniforme/guide_correction.asp [Retour]
  3. Ce document a été conçu par Richard Berger en mai 2007. [Retour]

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