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Une épreuve à l’épreuve du temps?

Une épreuve à l’épreuve du temps?

Voilà bientôt 15 ans que l’épreuve uniforme de français (EUF) sanctionne les études collégiales. Pour permettre à un plus grand nombre d’élèves de disserter avec succès sur des extraits d’œuvres d’auteurs québécois et français, le réseau a su s’adapter. Ainsi, dès la fin des années 1990, plusieurs départements de français et centres d’aide ont innové en mettant en place des mesures de soutien spécifiques à la réussite de l’épreuve. Nous pouvons aujourd’hui nous réjouir des effets de ces changements. Cependant, une nouvelle réalité se dessine de façon toujours plus aigüe : les cégépiens actuels sont issus de la première génération née à l’ère numérique, ils ont grandi avec des ordinateurs puissants, branchés sur Internet et équipés de logiciels sophistiqués, construisent leur pensée et développent leurs compétences rédactionnelles à l’aide d’outils dont l’usage était encore restreint au moment de l’instauration de l’épreuve uniforme. Bref, le temps serait-il venu d’envisager une « informatisation » de l’EUF ? C’est là l’une des questions que pose Marie-Claude Lévesque dans son plaidoyer en faveur d’une révision des conditions de passation de l’épreuve. Le regard critique de cette enseignante ne manquera pas de susciter quelques réactions.

Par ailleurs, on le sait, les résultats à l’EUF alimentent périodiquement l’opinion. D’aucuns se questionnent sur le caractère exclusivement littéraire des textes, voire sur le genre fixe du texte à rédiger, deux éléments qui mèneraient à une espèce de bachotage. D’autres dénoncent un taux d’échec jugé trop élevé, ou affirment au contraire que l’épreuve est une « passoire ». Enfin, certains vont jusqu’à dire que les pratiques d’évaluation faciliteraient la réussite des élèves dont la performance est un peu en deçà des seuils fixés. Devant ces jugements divergents et les doutes à l’occasion formulés au sujet de l’évaluation, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) prend le parti de rendre transparent le processus de création des sujets de rédaction et de démontrer le sérieux des moyens mis en place pour assurer une mesure stable et objective des compétences évaluées. Faut-il le rappeler, ce geste d’évaluer, comme l’avait déjà énoncé en 1999 Jean-Denis Moffet, demeure une responsabilité à partager : il constitue « un jugement collectif, puisqu’il implique plusieurs personnes, à partir de la conception des programmes jusqu’à leur évaluation[1] ».

Le but de l’EUF est de vérifier que les élèves possèdent, au terme de leur formation générale commune, « les compétences suffisantes en lecture et en écriture pour comprendre des textes littéraires et pour énoncer un point de vue critique qui soit pertinent, cohérent et écrit dans une langue correcte[2] ». En plus de devoir démontrer ces compétences pour obtenir leur diplôme, les élèves auront à rédiger en cours de formation une variété de textes d’une tout autre nature que celle de la dissertation critique. Depuis 2009, Lucie Libersan s’intéresse aux difficultés que posent ces autres textes. Elle décrit ici dans son article les composantes des fascicules constituant le matériel pédagogique produit dans le cadre du projet Stratégies d’écriture dans la formation spécifique, qui a alimenté votre bulletin à quelques reprises. Ce matériel, auquel une cinquantaine d’enseignants du réseau a contribué à ce jour, recevra certainement un accueil favorable compte tenu de l’ampleur des besoins et de l’incitation du MELS à entreprendre des travaux pour que « le français [soit] au cœur des préoccupations dans tous les cours de la formation spécifique[3] ».

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S’il y a des élèves pour qui les études collégiales, et spécialement l’épreuve qui les sanctionne, représentent un réel défi, ce sont ceux dits à risque, dont plusieurs sont issus de l’immigration récente ou éprouvent des troubles d’apprentissage. Ces élèves convergent vers les centres d’aide en français (CAF), et leurs besoins particuliers donnent du fil à retordre aux responsables comme aux tuteurs. Julie Roberge, dans sa chronique intitulée Regards sur le tutorat, s’est intéressée à un ouvrage qui remet en question la pertinence de cette forme d’accompagnement avec les élèves à risque.

Outre la chronique Regards sur le tutorat, vous retrouverez dans ce bulletin la rubrique CAF novateurs, avec le point de vue cette fois d’Emanuele Setticasi sur un « vieux CAF » qui a innové notamment en créant son site Web. Suzanne-G. Chartrand, fidèle chroniqueuse, sensibilise les enseignants au poids des mots de la métalangue : est-il bien approprié d’utiliser les termes donneur d’accord et receveur d’accord  ? Voilà l’une des questions que soulève la didacticienne. De son côté, Gaétan St-Pierre, dans ses Curiosités étymologiques aussi instructives que distrayantes, passe cette fois en revue quelques « mots voyous ». Esther Poisson, de l’OQLF, discute pour sa part de quelques aspects sur lesquels achoppent bien souvent les candidats à l’EUF.

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En terminant, nous soulignons deux contributions spéciales au présent numéro. D’abord, celle d’Yves Cormier, auteur du Dictionnaire du français acadien, qui nous offre un article sur la problématique de la norme linguistique, dont s’écartent forcément les Franco-Acadiens et toutes les autres communautés francophones « hors France ». Sa perspective est celle d’un locuteur qui aspire pour ses compatriotes à une reconnaissance des usages quotidiens et modernes de la variété acadienne de la langue française. La seconde contribution à mentionner est celle de Yung Truong et de Catherine Duranleau, toutes deux d’un cégep anglophone, qui donnent un aperçu de leur matériel didactique en français langue seconde. Il faut savoir que le secteur de l’Amélioration du français, conscient des besoins particuliers des élèves allophones du secteur francophone, a résolu d’unir ses forces à celles du secteur anglophone, qui fait face à une problématique similaire. Vous constaterez donc que les numéros de Correspondance à venir accorderont une attention particulière aux activités de ce secteur en matière d’enseignement du français langue seconde.

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  1. J.-D. MOFFET, « La correction et l’épreuve uniforme de français. Un fardeau à partager sur une même longueur d’onde », Correspondance, vol. 4, no 3, p. 5. [Retour]
  2. En ligne : www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/eprv_uniforme/but-duree.asp [Retour]
  3. Extrait de la lettre de Mme Christiane Piché, sous-ministre adjointe à l’enseignement supérieur, qui annonçait en juin 2011 l’approbation par le Ministère d’un cadre de mesures pour l’amélioration de la maitrise du français dans les collèges. [Retour]

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