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Propos sur l’épreuve à l’intention des jeunes profs

Propos sur l’épreuve à l’intention des jeunes profs

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a plupart des jeunes enseignants sont familiers avec l’épreuve uniforme de français. Si leur lien d’emploi remonte à moins de dix ans, ils considèrent l’EUF comme acquise et en arrivent même à oublier qu’elle n’a pas toujours fait partie intégrante du parcours collégial de l’élève. Ils connaissent parfaitement le but de l’épreuve uniforme, qui est de vérifier que l’élève possède, au terme de sa formation générale commune en langue d’enseignement et littérature, les compétences suffisantes en lecture et en écriture pour comprendre des textes et énoncer un point de vue critique pertinent, cohérent et écrit dans une langue correcte.

Mais avant d’en arriver à la situation actuelle, les vétérans de l’enseignement du français et de la littérature, pour leur part, se rappelleront les étapes qui ont dû être franchies, au cours des années quatre-vingt-dix, dans l’évaluation de la qualité de la langue des élèves à la fin de leurs études collégiales. En fait, il faut remonter à 1989 pour voir apparaître les premiers tests d’entrée dans les universités. Ceux-ci étaient conçus par les établissements eux-mêmes et pouvaient donc être très différents d’une université à une autre. Ils avaient pour but de vérifier les connaissances fondamentales de la langue française (grammaire, syntaxe et vocabulaire) des nouveaux élèves. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Science proposa ensuite de remplacer ces tests multiples par un examen commun, administré dans les collèges, afin d’uniformiser le tout. C’est en 1992 que le test de français, dont la réussite était la condition d’admission à l’université, est apparu. Il s’agissait d’une épreuve contextualisée qui demandait à l’élève de rédiger un texte d’opinion à partir d’un thème d’actualité.

Pour tenir compte de l’enseignement donné au collégial, l’examen ministériel de français sera modifié de fond en comble au milieu des années quatre-vingt-dix. Puisque le renouveau entrepris en 1994 dans le réseau met l’accent sur trois habiletés (analyser, disserter, critiquer) dans les trois cours de français de la formation générale commune, on demandera maintenant à l’élève de rédiger une dissertation critique portant sur des textes littéraires et intégrant lesdites habiletés. Le 3 février 1996, une première cohorte d’élèves passèrent le nouvel examen ministériel. Les textes sur lesquels ces sortants devaient disserter avaient pour auteurs Jean Daigle, Molière, Balzac, Prévert et Saint-Denys Garneau. On peut donc constater que, dès l’instauration de l’épreuve, ses concepteurs ont eu le souci de sélectionner des textes de genres variés, d’époques différentes et appartenant à la littérature française ou à la littérature québécoise. Un an après l’instauration de ce qu’on appellera désormais l’« épreuve uniforme », le test de français, devenu caduc, fut aboli.

Bien sûr, l’épreuve uniforme, telle qu’on la connaît actuellement, n’est pas apparue spontanément. Un long processus d’élaboration a été mis en place afin de bien en définir les paramètres. Ces travaux se sont déroulés de septembre 1994 à mai 1998. Durant cette période, les élèves ont été soumis à des expérimentations qui ont permis de concevoir un modèle d’épreuve, de mettre au point la procédure de production de chaque examen et les modalités de correction des copies. À l’issue de la période d’expérimentation, soit en 1998, la réussite de l’épreuve uniforme devenait obligatoire pour l’obtention du diplôme d’études collégiales. Cette obligation était d’ailleurs déjà envisagée dans le Règlement sur le régime des études collégiales (RREC). En effet, il est stipulé à l’article 26 de ce règlement édicté par décret du gouvernement le 14 juillet 1993, que « le ministre peut, dans tout élément de la composante de formation générale[2] prévue à l’article 7, imposer une épreuve uniforme et faire de la réussite à cette épreuve une condition d’obtention du diplôme d’études collégiales ».

La surveillance d’une classe d’élèves qui s’activent à la rédaction de leur copie, le matin de la passation de l’épreuve uniforme, est une expérience que tout jeune enseignant aurait avantage à connaître. En quatre heures trente minutes, durée maximale dont l’élève dispose pour prendre connaissance du corpus, rédiger sa dissertation et la réviser, il s’en passe des choses ! Le stress, l’inspiration, le doute et la confiance sont quelques-uns des sentiments que l’on peut lire dans l’attitude de nos jeunes candidats, penchés sur leur cahier de rédaction. Ils travaillent presque sans filet, n’ayant droit pour enrichir ou structurer leur texte à aucun des outils complémentaires qu’ils consultent couramment en classe : ni notes de cours ou notes personnelles, ni anthologies littéraires, ni ouvrages de toute nature qui portent sur la rédaction ou l’organisation d’une dissertation. Ils ne peuvent compter que sur un maximum de trois ouvrages de référence sur le code linguistique. Le matin de l’examen, notre élève pourra donc apporter dans son sac à dos un dictionnaire, une grammaire et un manuel de conjugaison pour l’aider à rédiger et à réviser sa copie. Et quand on sait que le critère de correction de la langue constitue la principale cause d’échec à l’épreuve uniforme, on admettra qu’il est dans l’intérêt de l’élève de consulter fréquemment l’un ou l’autre de ces trois ouvrages.

La personne qui surveille l’examen, si elle enseigne le français, verra ce matin-là des élèves qu’elle a contribué à former, s’appliquer à démontrer qu’ils ont bien intégré les objectifs et standards des trois cours communs de littérature. Réussiront-ils la tâche qu’on leur demande, une dissertation critique de 900 mots ? C’est dans le 103 qu’ils ont appris la nature de ce type de texte, mais il leur faudra aussi mettre à profit ce qu’ils ont retenu du 101 et du 102. La séquence des trois cours trouve ici son aboutissement. L’élève connaît peut-être l’un des textes sur lesquels il doit appuyer sa réflexion pour en avoir eu vent dans l’un de ses cours, peut-être n’en connaît-il aucun. L’important pour lui est de montrer qu’il sait « lire » les textes choisis et qu’il est habile à en tirer des preuves afin d’élaborer une argumentation cohérente et convaincante en fonction de son point de vue sur le sujet proposé à l’examen. Le résultat de son travail montrera s’il sait « écrire » correctement un exposé raisonné sur un sujet littéraire qui porte à discussion.

Après avoir rédigé et révisé sa dissertation, l’élève la remet au surveillant ou à la surveillante. Elle sera corrigée par une personne qualifiée. Plusieurs jeunes enseignants, à Québec comme à Montréal, savent bien en quoi consiste ce travail pour avoir déjà participé à l’une ou l’autre des sessions de correction de l’épreuve uniforme. Voilà une belle et stimulante école pour la relève ! La grille de correction de la dissertation critique de l’EUF est complexe, mais elle traduit fidèlement ce qu’elle doit évaluer : les compétences en lecture et en écriture de l’élève. Si elles sont jugées suffisantes, celui-ci est réputé avoir réussi l’épreuve.

On se base sur trois grands critères pour vérifier si l’élève a assimilé les objectifs de ses cours de français et bien accompli la tâche demandée. Une grande majorité de vétérans et de jeunes enseignants se sont inspirés de la grille de correction de l’épreuve pour élaborer la leur, ce qui est un gage de son efficacité et de sa précision. Le premier critère rend compte du discours de l’élève. Celui-ci a-t-il traité tous les éléments du sujet de rédaction ? Ses arguments, ses preuves et ses explications sont-ils appropriés au point de vue qu’il défend ? A-t-il bien compris les textes qu’il a choisi de traiter ? Les connaissances littéraires qu’il intègre sont-elles justes et pertinentes ? Bref, c’est ce qu’on appelle communément le « contenu » de la dissertation critique qui est ici évalué. De façon générale, les élèves réussissent bien à ce premier critère de correction de l’EUF[3].

Au deuxième critère de correction, on juge la valeur de l’organisation du texte de l’élève. Son introduction et sa conclusion sont-elles complètes, claires et pertinentes ? Son développement est-il cohérent ? Ses paragraphes sont-ils organisés logiquement ? Cette fois, l’évaluation porte sur ce qu’on appelle communément la « structure » de la dissertation critique. En règle générale – et comme c’est le cas en classe –, les élèves réussissent très bien à ce deuxième critère[4].

On ne surprendra aucun enseignant ni aucune enseignante en disant que le troisième critère de correction, qui porte sur la maîtrise de la langue, est celui qui est le moins bien réussi. Le taux de réussite en langue est le reflet, comme les deux autres critères, de ce que l’on constate généralement dans les collèges. Sans trop insister sur les statistiques, observons que les résultats de l’année scolaire 2004-2005 indiquent qu’à peine 16,3 p. 100 des élèves maîtrisent très bien la langue, comme en atteste la cote A qu’ils ont obtenue en faisant neuf fautes ou moins. Reconnaissons que la majorité des élèves ont tout de même une maîtrise acceptable de la langue, puisque 32,9 p. 100 et 38,0 p. 100 d’entre eux ont récolté respectivement la cote B (entre 10 et 19 fautes) et la cote C (entre 20 et 30 fautes). En contrepartie, ce critère constitue cependant la principale cause d’échec : en 2004-2005, 12,9 p. 100 des élèves n’ont pas démontré une compétence suffisante en langue. De ce taux de 12,9 p. 100, on observe que 5,2 p. 100 des élèves ont commis entre trente et une et quarante-cinq erreurs (cote D : insuffisant), 5,7 p. 100 des élèves ont fait de 46 à 59 erreurs (cote E : médiocre) et 2,0 p. 100 des élèves ont commis plus de 60 fautes (cote F : nul) de vocabulaire, de syntaxe, de ponctuation, d’orthographe d’usage et d’orthographe grammaticale.

Pour avoir fait correctement ce qui lui était demandé, dans la mesure de ses compétences en français, notre élève comptera parmi les candidats – ils sont autour de 85 p. 100 – qui réussissent chaque année l’épreuve uniforme. On lui aura donc attribué une cote de A, de B ou de C (suffisant) pour chacun des trois critères. Cependant, dès que l’une de ses trois cotes est D, E ou F, notre élève doit se résigner à repasser l’épreuve au cours d’un trimestre ultérieur… Il n’obtiendra son DEC que le jour où il réussira l’EUF, pourvu qu’il ait atteint, par ailleurs, l’ensemble des objectifs et des standards de son programme et réussi l’épreuve synthèse propre à celui-ci.

Depuis dix ans, mieux que les tests de français qui l’ont précédée, l’épreuve uniforme de français a su jouer son rôle d’indicateur de la compétence langagière des élèves du collégial. Cette compétence ne se limite pas à la connaissance des règles de la syntaxe et de l’orthographe, comme on a pu déjà le croire. Elle englobe aussi la compréhension de textes et l’aptitude à formuler un point de vue critique pertinent dans un écrit bien structuré. Il s’agit d’habiletés essentielles auxquelles notre élève aura sans cesse recours, qu’il veuille poursuivre ses études à l’université ou commencer sa vie professionnelle à la fin du collégial.

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  1. Enseignant en prêt de service au MELS (année 2005-2006). Retour
  2. La composante de formation générale commune comprend des éléments de formation dans des domaines suivants : 1o langue d’enseignement et littérature, 2o langue seconde, 3o philosophie ou « humanities », 4o éducation physique. Depuis l’établissement du RREC en 1993, le ministre n’a imposé une épreuve uniforme qu’à un seul domaine (langue d’enseignement et littérature) de la composante de formation générale commune. Retour
  3. 56,7 % des élèves y ont obtenu, durant l’année scolaire 2004-2005, la cote B (bien). Retour
  4. 46,7 % des élèves y ont obtenu, durant l’année scolaire 2004-2005, la cote A (très bien). Retour

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