L’épreuve est terminée, les dés sont jetés… passons à la correction!
Introduction
Mettre sur pied une épreuve nationale n’est pas une mince affaire. Sa correction non plus, on peut facilement l’imaginer. Comment arriver à des résultats qui rendront justice à l’ensemble des élèves québécois tout en reflétant l’enseignement qu’ils auront reçu avant la passation de l’épreuve ? C’est dans ce contexte que le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport a opté pour une correction centralisée. Quoique coûteuse, cette dernière garantit une plus grande uniformité qu’une correction locale. L’équipe comprend une personne en charge de la correction, pour chacun des secteurs – anglophone et francophone –, des superviseurs, et, bien sûr, des correcteurs. En français, nous parlons de l’Épreuve uniforme de français, langue d’enseignement et littérature et en anglais, de la Ministerial Examination of College English, Language of Instruction and Literature. Tout élève doit obligatoirement réussir l’épreuve, dans la langue dans laquelle il a étudié, pour obtenir son diplôme d’enseignement collégial. Aucune dérogation n’est possible.
Le jour de l’épreuve… la passation
Tous les étudiants passent l’épreuve au même moment, soit à 8 h 30 à une date fixée à l’avance. Il est à noter que les dates ont été arrêtées jusqu’en décembre 2009 ; elles sont indiquées dans le site de l’épreuve uniforme. Les collèges prévoient ce moment à leur calendrier.
Certains élèves ont droit à des mesures spéciales, entre autres ceux ayant des troubles d’apprentissage. Ces mesures sont variées, allant de la simple prolongation de temps à l’impression de l’épreuve en braille. La demande doit cependant être appuyée sur un diagnostic d’expert ou d’experte tel un ou une neuropsychologue, un ou une orthopédagogue, un ou une psychiatre, etc.
Après l’épreuve…
1. La journée de la passation de l’épreuve, ou au plus tard le lendemain, les copies des élèves sont retournées au Ministère pour vérification de chacune des enveloppes. Chaque cahier est vérifié manuellement et la première page est détachée (celle de l’identification complète de l’élève) afin que le correcteur ou la correctrice ne voit pas le nom de l’élève ; les cas spéciaux tels que fraudes, maladies, corrections prioritaires et urgentes, copies d’élèves faisant l’objet de mesures spécifiques reçoivent un traitement particulier.
2. Pendant ce temps, une personne se charge de mettre en place les installations physiques du centre de correction de Montréal et de celui de Québec. Elle voit à ce que tout soit prêt pour recevoir superviseurs et correcteurs, qui auront besoin de dictionnaires, de grammaires et autres ouvrages de référence spécialisés, de stylos, de correcteur liquide, enfin, du matériel de bureau habituel.
3. Une équipe s’occupe d’acheminer les enveloppes dans les centres de correction. Les superviseurs des équipes de correction, notons-le, sont des enseignants prêtés par leurs collèges, et cette information est importante puisqu’elle déterminera la destination des enveloppes. Ainsi, si un enseignant est prêté par le cégep de Sainte-Foy, il est certain que les enveloppes de ce cégep seront envoyées à Montréal pour éviter toute possibilité d’interférence dans la correction.
4. Pendant ce temps, superviseurs et correcteurs se penchent sur les textes de l’épreuve, sur la question ainsi que sur la clé de correction qui aura été préparée à l’avance.
5. Aux épreuves de décembre et de mai, les copies prioritaires sont corrigées avant les autres et les résultats sont disponibles dans un délai de deux semaines. Quelles copies sont jugées prioritaires ? Ce sont celles, en décembre, des élèves qui entreront à l’université en janvier et de ceux qui doivent appartenir à un ordre professionnel pour exercer leur technique. En mai, uniquement les élèves de certaines techniques sont prioritaires.
6. Lorsque les résultats retournent au Ministère, ils sont saisis (deux fois par mesure de sécurité afin d’éviter les erreurs) et, à une date fixée à l’avance en fonction de la date de passation de l’épreuve, les collèges ont accès aux résultats. Il est important de noter que les résultats sont remis par les collèges uniquement et que le Ministère ne les transmet pas directement aux élèves.
7. Les copies mises en échec par les correcteurs sont vérifiées par les superviseurs, parfois même deux fois afin de confirmer ou d’infirmer l’échec.
8. Au secteur anglophone, la procédure est la même jusqu’à l’arrivée de la copie au centre de correction. Notons qu’il n’y a qu’un centre de correction pour ce secteur, situé à Montréal. L’organisation du travail y est cependant différente : chaque copie est corrigée deux fois. Chacun des correcteurs annote la copie sur une grille séparée ; s’il y a désaccord, le superviseur tranchera.
9. À chaque session, nous recevons environ 300 demandes de révision. Il revient à l’élève de présenter sa demande personnellement. Les changements de verdict sont rares puisque la correction des copies des élèves en échec a déjà été supervisée. Cependant, les demandes d’accès à la copie sont très populaires. Certains élèves le font pour connaître leur performance à l’épreuve même s’ils l’ont réussie tandis que d’autres le font dans le but de préparer leur prochaine passation de l’épreuve et pour éviter de refaire les mêmes erreurs. La demande de révision ainsi que la demande d’accès à la copie se font de la même manière, à l’exception qu’une somme de 10 $ doit accom-pagner la demande de révision, somme qui sera retournée si le verdict d’échec est changé en réussite[1].
Nous entendons bien des choses sur les révisions de note : certains affirment que 30 p. 100 des demandes de révision pour échec aboutissent à… des réussites. D’où viennent ces statistiques ? Nul ne le sait ! D’autres disent qu’il est inutile de demander une révision de note puisque le « Ministère » a toujours raison ! Faux ! Les verdicts d’échec sont changés en verdicts de réussite par une évaluation individuelle et une appréciation de chaque cas. Dans les faits, environ 1,5 p. 100 des élèves qui ont obtenu un résultat à l’épreuve font une demande de révision et, de ce nombre, 4 p. 100 voient leur verdict d’échec changé en réussite. La révision de note est faite au Ministère même par des personnes en charge de l’épreuve et de la correction. La réponse est envoyée directement au demandeur, c’est-à-dire à l’élève.
Élaboration d’une épreuve
1. Choix des sujets
En plus de leur travail d’encadrement des correcteurs et de supervision des copies des élèves, les superviseurs doivent soumettre des sujets pour les épreuves à venir dans le but de constituer une banque. Une équipe d’enseignants se réunit à l’automne et au printemps pour choisir, parmi les textes ou les extraits proposés, le trio des sujets, qui doit répondre à des contraintes quant aux genres, aux époques, aux origines des auteurs, etc. Par exemple, le trio doit comporter au moins une question portant sur deux textes et doit conserver un équilibre entre auteurs québécois et autres auteurs de la francophonie. Il en va de même pour les genres littéraires et les époques. On ne saurait imaginer un trio constitué de trois questions portant sur des poèmes de trois écrivains québécois ou sur trois textes narratifs d’auteurs français du 20e siècle, par exemple. Le risque serait grand de rejoindre seulement un petit nombre d’élèves, car la variété des genres et des époques offre davantage de possibilités aux élèves.
2. Évaluation de la difficulté
Environ une semaine plus tard, se réunit un comité constitué des personnes responsables de l’épreuve et de la correction ainsi que d’enseignants spécialement mandatés à cette fin ; ce comité a pour tâche d’évaluer la difficulté du trio proposé par l’autre comité. Il veille entre autres choses à ce que les textes comportent suffisamment d’éléments pour que les élèves puissent répondre aux questions en ayant la possibilité d’adopter les trois positions possibles (pour, contre et nuancée). Il doit aussi voir à ce que les trois questions soient claires et de même niveau de difficulté. En effet, l’élève qui choisit la question 1 doit s’attendre sensiblement au même niveau de difficulté que s’il choisissait la question 3. De plus, les textes doivent être équitables par rapport aux autres sessions : il faut s’assurer que, de session en session, les élèves feront face au même niveau de difficulté.
Qui sont les superviseurs ?
Les superviseurs sont des enseignants de collèges dégagés pendant la session d’hiver pour la correction des trois épreuves, soit celle de décembre, corrigée en janvier, celle de mai, corrigée en mai et juin, et celle d’août corrigée en août. Ils encadrent les correcteurs et revoient les copies en échec. Ils travaillent en collaboration avec le ou la chef de centre, qui coordonne les équipes, chef lui-même supervisé par la personne en charge de la correction de l’épreuve. À chaque session de correction d’une épreuve, une formation est nécessaire. La formation se fait en trois temps : les superviseurs s’approprient les sujets de l’épreuve ainsi que la clé de correction. Cette dernière est élaborée à chacune des épreuves et construite en fonction des réponses possibles aux questions. Ensuite, les nouveaux correcteurs se réunissent pendant deux jours pour prendre connaissance du guide de correction, et enfin, tous les correcteurs, nouveaux et expérimentés, se retrouvent pour une dernière journée de formation. Le guide de correction, que l’on peut trouver dans le site de l’épreuve, explique, avec de nombreux exemples à l’appui, les critères de correction.
Et qui sont les correcteurs ?
Un diplôme de premier cycle universitaire en littérature, en linguistique, en traduction, en didactique du français, en rédaction française ou en journalisme et communication est nécessaire pour poser sa candidature comme correcteur ou correctrice. Une fois la candidature acceptée, le postulant devra passer un examen qui vise à évaluer la maîtrise de l’orthographe d’usage, des règles de la grammaire, de la syntaxe et de la ponctuation. Il comporte également une section réservée à la littérature et un texte d’élève à corriger.
S’il réussit l’examen, son nom sera porté sur une liste d’attente. La plupart des correcteurs sont jeunes et au début de leur carrière. L’expérience acquise à l’occasion d’une session de correction leur servira souvent de tremplin vers un autre emploi. Leur moyenne d’âge tourne autour de 27 ans. Cependant, certains dépassent largement cet âge.
Environ 120 correcteurs, en majorité de sexe féminin, sont à l’œuvre chaque année pour la correction des trois épreuves. Le nombre d’années pendant lequel le correcteur demeurera à l’emploi du Ministère dépend de ses occupations. Plusieurs sont de futurs enseignants, ce qui signifie qu’aussitôt qu’ils auront un poste, ils quitteront l’équipe de correction. D’autres, par contre, pourront concilier pendant longtemps leur activité régulière avec les sessions de correction.
Conclusion
L’organisation et la passation de l’épreuve uniforme de langue d’enseignement et littérature sont des opérations d’importance. Importance pour l’obtention du diplôme d’enseignement collégial, puisque l’épreuve est nécessaire à la sanction. Importance aussi par l’ampleur de l’organisation, autant au Ministère que dans les collèges. Après dix ans maintenant, on peut dire que c’est une machine bien huilée… à laquelle on peut encore sûrement apporter des améliorations.
- Il existe trois façons de procéder pour faire une demande de révision ou d’accès à la copie.
a) L’élève fait une demande écrite en mentionnant la session de l’épreuve, son collège, son code permanent et tous les autres renseignements nécessaires.
b) Il peut aussi télécharger le formulaire de demande de révision de note – format PDF – dans le site Internet de l’épreuve uniforme, l’imprimer, le remplir et le faire parvenir au Ministère par la poste.
c) Enfin, il peut remplir le formulaire en ligne et, d’un clic de souris, nous le faire parvenir. Retour
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