Confusions: «va-t-en» ou «va-t’en» ? «à où» ou «là que»?
La ressemblance entre certaines tournures, expressions ou graphies françaises nous plonge parfois en pleine confusion. Nous relevons deux cas dans la présente capsule.
Va-t-en ou va-t’en ?
Marlbrough apprend à sa femme qu’il s’en va-t-en guerre. Courroucée, celle-ci lui lance : « C’est ça, va-t’en !… salaud ! ».
Dans cette anecdote, sans fondement historique, évidemment, on aura peut-être remarqué – outre un trait de caractère de la femme de notre héros – la différence orthographique entre les deux expressions verbales en gras : le t de la première est suivi du trait d’union ; le t de la deuxième est suivi de l’apostrophe. Quand faut-il employer l’un ou l’autre ?
Le trait d’union sert à relier deux mots entre eux, comme dans les exemples suivants :
Donne-moi des fraises / Prends-le par la main / Allez-vous-en !
Lorsque deux mots sont en situation de hiatus (rencontre de deux voyelles), on a parfois recours au t euphonique, qui sera placé entre les voyelles à l’aide du trait d’union.
Vivra-t-il ? / A-t-on jamais vu pareille tornade !
Par contre, lorsque le premier mot du hiatus est un pronom, celui-ci peut et doit s’élider. C’est pourquoi on écrira Donne-m’en, des fraises (*Donne-me-en). Par comparaison, l’équivalent en langue parlée sera reproduit à l’écrit de la façon suivante : Donne-moi-z-en. Le trait d’union revient (avec un z euphonique ici) parce que le pronom moi est complet et prononcé sans altération.
Revenons à Marlbrough et sa conjointe…
Lorsqu’on dit « Marlbrough s’en va-t-en guerre », le trait d’union sépare des mots complets, sans élision : va et en. Et le t n’est pas le pronom de la 2e personne du singulier : il n’est qu’euphonique.
Au contraire, dans l’expression « Va-t’en », le t n’est pas euphonique : il s’agit du pronom tu (ou te). On en trouve la preuve en mettant la phrase au pluriel : Allez-vous-en ! Alors, comme il s’agit du pronom, celui-ci doit s’élider, d’où le recours à l’apostrophe.
Là où ou là que ?
Observons bien les phrases suivantes :
Là où tu iras, j’irai.
C’est là où, chaque soir, nous nous donnions rendez-vous.
Ces deux phrases sont-elles syntaxiquement correctes ?…
La première l’est, la seconde ne l’est pas. Et la difficulté – comme on l’aura deviné – porte sur l’emploi de où.
La première phrase est une phrase graphique qui contient deux phrases syntaxiques : j’irai là où tu iras (subordonnée relative). Reconstituée selon le modèle de base, la relative devient : tu iras à un endroit. La phrase graphique contient donc deux idées, rendues dans deux phrases syntaxiques : tu iras à un endroit / j’irai à cet endroit.
La deuxième phrase ne contient qu’une phrase syntaxique, avec mise en emphase. En effet, si l’on reconstitue le modèle de base, on obtient la phrase suivante : Nous nous donnions rendez-vous là, chaque soir. Or, pour donner du relief (mise en emphase) au GAdv là, on peut utiliser le marqueur c’est… que, ce qui n’ajoute pas une nouvelle phrase. On obtient alors : C’est là que, chaque soir, nous nous donnions rendez-vous.
On voit bien maintenant que le remplacement de que par où entraînerait une redondance inutile. Ainsi, le recours au modèle de base est un moyen sûr et efficace d’identifier chaque phrase syntaxique et de ne pas confondre, comme c’est ici le cas, le pronom où avec la conjonction que, deuxième élément du marqueur emphatique.
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