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Prendre le taureau par les cornes

Prendre le taureau par les cornes

« Ils nous arrivent du secondaire et ne savent pas écrire ! » « L’épreuve uniforme de français est une passoire ! » « Ils sont à l’université et ne sont toujours pas en mesure d’écrire correctement le français ! » « Ils arrivent sur le marché du travail sans même savoir rédiger un courriel ! » Qui n’a pas lu, entendu, pensé tout bas ou soutenu de tels propos ?

Les enseignants de cégep se sentent spécialement concernés par le discours pessimiste sur la maitrise de la langue par les jeunes Québécois. C’est que le collégial est pris en sandwich : d’un côté, l’ordre secondaire qui devrait avoir formé des jeunes capables d’écrire correctement le français, de le lire et de le parler aisément ; de l’autre, l’ordre universitaire et un marché du travail où l’on s’attend à ce que les compétences langagières de base soient acquises. Ainsi, dans les cégeps, différents intervenants s’ingénient chaque jour, malgré les contraintes, à soutenir les élèves qu’ils accueillent pour que ceux-ci se retrouvent au terme de leur formation dans le meilleur état linguistique possible : ils prennent le taureau par les cornes !

Dans le présent numéro, Colette Ruest (cégep de Trois-Rivières) expose les mesures qu’elle a mises en place pour mobiliser les enseignants et en faire des chefs de file de la valorisation de la langue auprès de leurs élèves. « Se mettre en marche, avancer à petits pas et ne pas s’arrêter », voilà l’un des crédos de cette animatrice linguistique qui ne manque pas de créativité pour arriver à ses fins. Dans la même veine, Isabelle Drouin (cégep Beauce-Appalaches) offre un portrait des pratiques de valorisation du français dans les cégeps et Isabelle Dufour (collège de Maisonneuve) présente sommairement une étude en cours portant sur le rapport à l’écrit des élèves des programmes d’études techniques. Ces seuls articles indiquent à quel point on se préoccupe de la question de la langue dans le réseau collégial.

Autre signe qu’on s’attaque résolument dans nos cégeps aux problèmes liés à la maitrise du français : la création de formules originales qui élargissent l’offre de services des centres d’aide en français (CAF). Dans notre rubrique « CAF novateurs », Guillaume Lachapelle (cégep de Sherbrooke) répond à nos questions au sujet de son CAF « en santé », dédié aux élèves du programme Soins infirmiers.

Quand il est question de valorisation de la langue, le secteur de l’Amélioration du français du CCDMD n’est jamais en reste. Pour en témoigner, Emanuele Setticasi attire votre attention sur deux projets de matériel didactique qui se sont concrétisés au cours des derniers mois. Autre projet d’envergure encadré par le CCDMD, celui-là en cours : Stratégies d’écriture dans la formation spécifique. Lucie Libersan (collège Ahuntsic) décrivait dans un précédent article[1] l’approche par genres privilégiée dans le cadre de ce projet de matériel pédagogique. Dans le présent numéro, elle propose un aperçu de la méthodologie adoptée et illustre de quelle façon les résultats de la recherche sont exploités dans l’élaboration du matériel. Soulignons que le projet Stratégies d’écriture suscite une intense participation du réseau : 21 enseignants consultés à l’automne 2010 (par Robert Claing, instigateur du projet), 10 enseignants dégrevés à l’hiver 2011.

Prendre le taureau par les cornes n’est pas une formule exclusive aux intervenants du réseau collégial. À l’Université de Moncton, on remet carrément en question les pratiques en matière d’enseignement du français ainsi que les mesures de remédiation adoptées. Aussi, l’établissement expérimente-t-il depuis la rentrée 2010 un programme de français complètement renouvelé. Celui-ci poursuit un double objectif : mettre à niveau les personnes diagnostiquées faibles en français et initier toutes celles qu’il prend sous son aile aux pratiques de communication écrite et orale propres à leur domaine d’études respectif. Ce dernier volet de la formation nous parait particulièrement intéressant parce qu’il vise le développement des compétences langagières professionnelles indispensables aux futurs diplômés, compétences qui, on le sait, se situent bien au-delà de la maitrise de la syntaxe et du code orthographique et concernent autant la communication écrite qu’orale. Marie-Élaine Lebel, professeure de français et coconceptrice du programme, présente dans ses grandes lignes cette formation novatrice.

Les habitudes à l’écrit générées par les nouveaux espaces de communication électronique (clavardage, textos, « statuts » sur Facebook, etc.) constituent pour certains d’entre nous l’une des causes des maux du français. Dans un précédent numéro de Correspondance[2], nous interrogions une essayiste sensible à la question : devons-nous réellement nous inquiéter de l’impact de ces nouvelles manières d’écrire qui naissent sous la pression d’Internet ? Afin de poursuivre la réflexion, nous avons fait appel à Anaïs Tatossian (Université de Montréal), qui s’est intéressée au phénomène du clavardage dans le cadre de ses études doctorales. Dans son article, elle émet une hypothèse quant à l’impact de ce mode de communication sur la maitrise de l’orthographe.

Enfin, un mot sur la précieuse contribution des collaborateurs réguliers de Correspondance. Suzanne-G. Chartrand (Université Laval) offre, comme à son habitude, un point de vue didactique éclairé sur une notion de base : la conjugaison. Les enseignants qui s’étonnent que des cégépiens n’en maitrisent toujours pas les rudiments trouveront dans son propos quelques pistes de réflexion. Gaétan Saint-Pierre, pour sa part, dévoile l’étymologie peu évidente de mots dérivés et composés. Par exemple, qui peut aujourd’hui percevoir d’emblée la parenté entre enjôler et geôle ou entre inouï et ouïr ?. Enfin, Louise Guénette (OQLF) analyse un emploi familier bien particulier de certains pronoms : jetez-moi un œil sur sa capsule, et vous comprendrez !

*  *  *

Concluons par une annonce et des remerciements : Jean-Pierre Dufresne, responsable du secteur de l’Amélioration du français, prend sa retraite. Lui succéder est un honneur, certes, mais représente deux énormes défis : préserver le rayonnement du secteur, que Jean-Pierre a su renforcer avec brio durant les cinq dernières années, et répondre aux besoins du réseau collégial de façon stratégique et attentive. Je laisse à Bernard Dionne, directeur du CCDMD, le soin de saluer la contribution remarquable de Jean-Pierre, mais je tiens personnellement à remercier mon très cher collègue pour l’extrême gentillesse – il n’y a pas de terme plus juste – avec laquelle il m’a accueillie au CCDMD, une gentillesse qui s’est révélée sans faille pendant l’heureuse année où je l’ai côtoyé. * * *

  1. Correspondance, vol. 16, no 1. [Retour]
  2. Nous faisons référence à l’entrevue « Ki a peur du cyberl@ngage », Correspondance, vol. 15, no 3. [Retour]

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