" />
2024 © Centre collégial de développement de matériel didactique
Un complément complète. Oui, mais…

Un complément complète. Oui, mais…

S’

il est une notion qui parcourt la grammaire scolaire depuis plus d’un siècle, c’est bien celle de complément. Paradoxalement, sa définition est des plus vagues. Au cours de la scolarité, cette notion est couramment employée avec deux sens différents sans qu’on prenne soin de les distinguer. Au primaire, elle est surtout définie comme ce qui complète le sens de quelque chose, ce qui apporte une information « complémentaire ». C’est indéniablement le rôle sémantique et discursif de nombre de compléments. Mais il y a beaucoup d’unités qui complètent le sens de… et qui ne sont pas des compléments ; pensons à l’attribut du sujet, qui caractérise l’unité qui est sujet de P. Donc, le rôle sémantico-discursif ne suffit pas. Au secondaire et après, la notion de complément est surtout associée à une fonction syntaxique. Bien que le sens doive toujours être pris en compte dans l’analyse de la langue, c’est un critère syntaxique qui permet de définir la notion de complément.

Qu’est-ce qu’un complément et comment le reconnaitre[1] ?

L’étiquette complément désigne la fonction de toute unité sous la dépendance syntaxique d’une autre de niveau supérieur. Mais comment trouver ce qui dépend de… ? La manipulation d’effacement est souvent concluante. En effet, on peut effacer nombre de compléments de… sans pouvoir effacer les unités dont ils dépendent, ce qui montre la dépendance d’un complément de… d’une unité de niveau supérieur. Mais attention ! La construction de certains verbes ou adjectifs exige un ou des compléments (traditionnellement, dits essentiels) et la préposition exige toujours un complément. Aussi, la manipulation d’effacement ne suffit pas toujours à reconnaitre un complément de

La place du complément est aussi un excellent indice de sa relation de dépendance syntaxique : il est à la droite de l’unité dont il dépend[2]. Il s’agit d’une grande régularité de la syntaxe du français, dont le contrexemple de la pronominalisation est parlant. En effet, lorsqu’un complément de verbe se réalise sous la forme d’un pronom de reprise, ce dernier est obligatoirement à la gauche du verbe (dans une phrase déclarative)[3].

L’attribut de… et le modificateur de

Il restera à expliquer pourquoi les unités qui dépendent des verbes attributifs ne sont pas des compléments du verbe attributif, mais des attributs du sujet ou du complément direct du verbe, et pourquoi un groupe adverbial qui dépend d’un verbe, par exemple, n’est pas un complément du verbe, mais un modificateur du verbe. Ces deux cas sont intéressants : ils illustrent la fragilité de la terminologie grammaticale scolaire, même rénovée, et l’ambivalence de ses critères classificatoires. Ces deux fonctions ne peuvent pas être appréhendées du seul point de vue syntaxique, elles sont aussi irréductiblement sémantiques[4].

Un petit peu plus de rigueur

Enfin, si la dépendance syntaxique devient le critère pour catégoriser les compléments de…, il faudrait, pour des raisons non seulement de rigueur, mais aussi de clarté, veiller à toujours nommer les deux termes de la relation pour bien montrer le lien de dépendance du complément avec l’unité de niveau syntaxique supérieur dont il dépend (nom, verbe, etc.). Nous parlerons donc systématiquement de complément de l’adjectif, du nom, de la préposition, du présentatif, du pronom et du verbe[5]. Ainsi, les élèves entreront dans le monde de la syntaxe. En outre, ils percevront encore mieux la régularité de la syntaxe du français, objet de motivation pour son étude. * * *

  1. Ce texte est rédigé conformément aux rectifications de l’orthographe en vigueur. [Retour]
  2. Toutefois, comme le complément de phrase est mobile, il n’a pas de place fixe. [Retour]
  3. Dans la terminologie officielle du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, le groupe adjectival a la fonction de complément du nom lorsqu’il dépend du nom (la notion d’épithète est obsolète). Les compléments du nom, contrairement à ce qu’on lit souvent dans les ouvrages scolaires, sont très massivement à la droite du nom (c’est la régularité). Seulement quelques groupes adjectivaux peuvent ou doivent être à sa gauche, ainsi que des groupes détachés pour des raisons stylistiques, entre autres pour assurer la progression thématique. [Retour]
  4. Nous y reviendrons dans une prochaine chronique. [Retour]
  5. Rigoureusement parlant, il n’y a pas de complément de l’adverbe – nous reviendrons sur cette question –, pas plus que de complément du verbe passif – le passif n’existant pas en français, bien qu’il existe une phrase transformée passive. [Retour]

Télécharger l'article au format PDF

UN TEXTE DE