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Vers un vocabulaire Internet des cours de français et de littérature

Vers un vocabulaire Internet des cours de français et de littérature

Louis Hébert, sémioticien et sémanticien, est professeur de français au collège François-Xavier-Garneau. Il a écrit Introduction à la sémantique des textes qui doit paraître cette année aux éditions Champion.
Louis Hébert livre ici un aperçu d’un document informatique sur lequel il travaille à l’heure actuelle. Entièrement consacré au lexique utilisé dans les cours de français, ce projet sera partie intégrante du carrefour linguistique que représente, entre autres choses, le site Internet du CCDMD.

Le Vocabulaire Internet des cours de français et de littérature (titre de travail) est un projet en cours subventionné par le CCDMD. Le Vocabulaire, qui logera dans la Salle d’étude du CCDMD (site Internet), définira plusieurs centaines de termes, regroupés en articles, des quatre secteurs principaux des cours de langue d’enseignement et littérature au collégial : (1) langue (les notions de grammaire, d’analyse grammaticale, etc.), (2) linguistique (des mots comme phonème, syntagme, etc.), (3) littérature (vers, conte, romantisme, etc.) et (4) rédaction (dissertation critique, introduction, citation, etc.). En outre, le Vocabulaire contiendra des conseils d’application pratique touchant les principales difficultés associées à une notion (p. ex., comment trouver un complément d’objet direct ? comment produire une bonne introduction ?). Le Vocabulaire s’adresse aux étudiants et intervenants (professeurs, conseillers pédagogiques, etc.) du collégial et vise à améliorer la qualité de leurs communications orales et écrites en augmentant la précision et la richesse notionnelles et terminologiques ainsi que la maîtrise pratique des quatre secteurs (en particulier ceux de la langue et de la rédaction). Le Vocabulaire disposera d’un module permettant des recherches de différents types : par mot, partie de mot, groupe de mots ; par relations analogiques (p. ex., la synonymie) ; etc. J’insisterai ici sur les aspects lexicographiques et lexicologiques originaux du Vocabulaire. Deux mises en garde : le caractère parcellaire et préliminaire des positions présentées ici (en particulier, les relations analogiques ne se retrouveront pas dans la première version du site, qui ne contiendra que les définitions) ; la perspective employée, qui est de dévoiler l’infrastructure technique et théorique du projet (et non la superstructure conviviale et vulgarisée à laquelle accédera l’usager).

Vers la construction de réseaux conceptuels et lexicologiques

Partant du principe qu’apprendre, c’est intégrer une information dans une structure d’informations, l’accent est mis sur la construction de réseaux conceptuels et lexicologiques. Les termes fortement liés sont définis dans un même article ; plus encore, chaque terme défini est rattaché à d’autres termes par des liens lexicologiques précis et nombreux. Contrairement au format papier, le format informatique permet de noter pour un même terme (mot ou expression) un plus grand nombre et une plus grande variété de relations analogiques. Pour chaque terme défini, l’usager obtiendra la liste des termes qui lui sont associés par un lien analogique quelconque. Voici une liste exemplifiée des liens analogiques les plus pertinents :

A.RELATIONS DE SENS
1.antonymie (p. ex. : introduction/conclusion, vers/prose)
2.synonymie (p. ex. : dodécasyllabe/alexandrin)
3.parasynonymie (p. ex. : paragraphe/strophe)
4.relations d’inclusion
 4.1.classes sémantiques (ces relations englobent et dépassent l’hypéronymie/hyponymie, c’est-à-dire la relation genre/espèce)
  4.1.1.secteur (langue, rédaction, littérature, linguistique)
  4.1.2.domaine (p. ex. : linguistique, logique, poésie < littérature)
  4.1.3.champ (p. ex. : ponctuation, fonctions du langage)
 4.2.méréologie (relation tout/partie matérielle) (p. ex. : phonème < syllabe, mot < phrase)
B.RELATIONS DE FORME (orthographe ou prononciation)
1.homonymie (p. ex. : vers/ver, genre – gramm./genre – litt.)
2.paronymie (p. ex. : préposition/proposition)
3.dérivation, famille de mots [p. ex. : roman/romantisme, préposition/prépositionnel (syntagme -)]

Les recoupements éventuels (p. ex. : romantisme/romantique comme mots de même famille et paronymes) ne posent pas de problèmes insolubles dans un environnement informatique. En l’absence d’un critère simple et précis pour les départager, mieux vaut en rendre compte que de les réduire arbitrairement à l’une ou l’autre des catégories analogiques en cause.

Des relations d’inclusion comme illustration d’un élément du réseau

Approfondissons les relations d’inclusion. Un même terme reçoit des marques d’appartenance d’ordres différents : secteurs, domaines, champs. (Évidemment, un même terme peut recevoir plusieurs marques concurrentes pour un même ordre ; p. ex. : signe relève à la fois des domaines linguistique et sémiotique). Chaque terme défini appartient à un ou plusieurs des quatre secteurs suivants : langue, rédaction, linguistique et littérature. Un secteur est un regroupement de termes effectué sur une base pragmatique (les types de besoins des usagers) plutôt que purement lexicologique. Les secteurs incluent certes des termes appartenant au domaine correspondant (le secteur littérature contient évidemment des termes du domaine littéraire), mais un même secteur est susceptible de regrouper des termes de domaines divers. Par exemple, en rédaction, on retrouvera des termes de rhétorique (ou de logique, p. ex. : syllogisme). Le degré de généralité/particularité des domaines varie : un domaine peut en englober un autre (p. ex. : la linguistique inclut la grammaire). Il faut non seulement noter les multiples appartenances d’un terme, mais illustrer l’orientation de cette relation en indiquant ce qui englobe et ce qui est englobé ; p. ex. : le signe plus petit que (<) indiquera que la grammaire est englobée dans la linguistique (grammaire < linguistique). Certains ensembles de termes ne constituent pas un domaine mais ce que j’appelle un champ[1] : ils sont de dimension réduite et ne correspondent pas à une discipline. Ils n’en méritent pas moins d’être indiqués puisqu’ils incluent des termes fortement interdéfinis (p. ex. : natures des mots ou parties du discours (nom, verbe, préposition, etc.) dans la série suivante : natures des mots < analyse grammaticale < grammaire < linguistique). Le nombre de termes inclus dans un champ va de deux (p. ex. : conjonctions : conjonction de subordination, conjonction de coordination) à quelques dizaines (p. ex. : natures de mots). Il faudra prévoir des relations d’inclusion « superposées » ; p. ex. : les noms se classent en propres et communs, ils se classent aussi en simples et composés. Certaines inclusions seront ouvertes ; p. ex. : littératures englobe littérature québécoise, littérature allemande, etc. Enfin, certains ensembles sont relatifs à une théorie : p. ex. : l’ensemble des termes de l’analyse grammaticale traditionnelle (Grevisse) ne recouvre pas exactement celui des termes de la nouvelle approche instaurée au secondaire.

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  1. Le sémanticien F. Rastier (Sémantique interprétative, Paris, P.U.F., 1987 et, pour la notion de champ, Sémantique pour l’analyse, Paris, Masson, 1994) distingue quatre types de classes sémantiques : les dimensions, les domaines, les champs et les taxèmes. Les dimensions sont des classes oppositives de généralité supérieure (p. ex. : humain/animal). Contrairement aux trois autres types de classes, les champs constituent des classes en discours. Un champ est la portion d’un domaine exploitée dans un texte donné. Un taxème est une classe sémantique minimale ; il regroupe quelques termes seulement (p. ex. : la classe des couverts englobe « fourchette », « couteau » et « cuillère »). Dans le cadre du Vocabulaire, je ne recours pas aux dimensions et le terme de champ que j’emploie recouvre les notions rastiériennes de taxème et de champ (départi de sa caractéristique de classe en discours). Retour
J’ai lu… je réagis ! N’hésitez pas à nous faire connaître vos réactions à l’égard de ce projet ; la production de matériel didactique est un acte bien solitaire, et nul doute que l’auteur Louis Hébert sera ravi de vous entendre.
 

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