Expérience pédagogique en «mise à niveau» autour de la notion de phrase
Présentation
À la manière d’un journal de bord (donc en toute humilité), ce texte se veut le compte rendu fidèle d’une séquence didactique autour des notions de phrase et de modèle de base, séquence expérimentée en classe lors des deuxième et troisième semaines de cours auprès de trois groupes de mise à niveau (version 60 heures) en français. J’évoquerai les succès et les échecs de la démarche, ainsi que les découvertes que ne manque pas de provoquer la mise en pratique d’un projet théorique.
Si ce premier véritable contact avec la matière reste, pour l’étudiant, centré sur un contenu assez précis, soit la phrase syntaxique autonome et son modèle de base, d’autres notions ou éléments de grammaire seront également évoqués au passage. Ces digressions ne font pas partie du contenu premier relatif à la séquence et semblent même s’en écarter, mais je n’ai pas voulu les supprimer. En effet, de telles incursions, qui pourront parfois paraître impromptues, dans des régions périphériques du contenu premier, permettent de mieux illustrer la démarche pédagogique que je privilégie. Autour de la notion de phrase, j’en explore donc plusieurs autres, pour inviter l’étudiant à prendre conscience des ramifications qui sous-tendent la langue et créer chez lui le réflexe d’utiliser, dès que le besoin s’en fait sentir, les outils grammaticaux nécessaires à une situation particulière. Cette approche un peu kaléidoscopique cherche à épouser le processus de réflexion emprunté en situation d’écriture afin de rendre la matière concrète et pertinente pour l’étudiant.
Démarche
La séquence s’amorce, pour les étudiants, par une lecture préalable, dans le manuel Vade-mecum de la nouvelle grammaire publié par le CCDMD, des notions théoriques qui seront présentées. Un cours théorique de deux heures permet de mettre en place les notions parcourues à la lecture et d’approfondir la matière par des explications et des exemples. On demande un devoir hors classe, en partie sommatif, pour consolider certains acquis. Une deuxième période de deux heures permet ensuite d’appliquer les notions en contexte par un exercice sommatif conçu pour rendre pertinente la matière. Cet exercice ouvre également la voie à de nouvelles notions qui seront exploitées dans des cours subséquents. Enfin, un retour en classe sur l’exercice permet l’éclaircissement de certaines zones restées floues, et l’on donne un aperçu des leçons à venir. Le retour sur l’exercice doit également servir d’amorce à la nouvelle matière.
Lecture
Au cours précédant la leçon théorique prévue en classe, les étudiants étaient invités à lire les pages 9 à 14 du Vade-mecum de la nouvelle grammaire, qui portent sur les notions suivantes de la grammaire de la phrase : notion de phrase ; notions de juxtaposition et de coordination ; notion de marqueurs de relation ; notion de phrase à construction particulière ; notion de modèle de base. À ces six pages, il faudrait d’ailleurs ajouter les pages 30 et 31, où l’on explique de façon plus détaillée les notions de types et de formes de phrase (je me suis avisée trop tard de leur « présence » et de leur importance pour le cours avant d’aborder la matière en classe).
Cette lecture préalable n’a pas été vérifiée en classe, pas plus qu’elle n’était accompagnée d’un questionnaire de lecture qui aurait sans aucun doute rendu la préparation au cours plus efficace. En fait, comme il s’agissait de la deuxième semaine de cours, plusieurs étudiants ne s’étaient pas encore procuré le manuel (par manque de motivation plus que par manque de fonds), ce qui laisse croire que cette première étape de la séquence n’a été accomplie que très partiellement.
Le cours théorique : phrase et modèle de base
Le cours théorique (deux heures) invite les étudiants à revenir à l’élément fondamental du texte, soit la phrase. Pendant la première heure, on cherche à définir ce qu’est une phrase : on rappelle la différence entre phrases graphiques et phrases syntaxiques ; on évoque la notion de phrase syntaxique autonome pour aborder la juxtaposition et la coordination ; on fixe les constituants obligatoires de la phrase (sujet + prédicat). La deuxième heure de cours est consacrée aux notions de types et de formes du modèle de base d’abord, puis des phrases transformées, avec un regard sur les phrases à constructions particulières.
Phrase graphique
De façon informelle, on incite les étudiants à définir ce qu’est une phrase, à nommer les caractéristiques qui permettent de la reconnaître. Deux réponses émanent un peu difficilement du groupe au départ amorphe :
- « Une phrase commence par une lettre majuscule et se termine par un point. »
- « Une phrase est constituée d’un sujet, d’un verbe et d’un complément. »
À partir de la première réponse, on demande de préciser les signaux d’ouverture et de clôture de la phrase. La ponctuation pour signifier la clôture de la phrase peut varier : le point, à coup sûr, mais aussi le point d’interrogation, le point d’exclamation, les points de suspension. On en profite ici pour inviter à la méfiance : les trois derniers signes de ponctuation pourraient aussi se retrouver au milieu d’une phrase ; ils ne garantissent donc pas le repérage automatique de la fin d’une phrase graphique.
S’ouvre ici une digression sur les principaux signes de ponctuation, spécialement la virgule et le point-virgule, en rappelant, toujours de façon informelle et en interrogeant les étudiants, à quoi servent ces signes. On dénonce au passage quelques croyances erronées mais tenaces, à savoir que la virgule sert à « faire une pause » ou à « séparer une phrase trop longue ». Ce survol très rapide du rôle de la ponctuation permet de rappeler quelques règles (qu’on a justement vues allègrement bafouées dans le test diagnostique de la semaine précédente) et amorce la transition avec la deuxième notion, celle de la phrase syntaxique autonome.
Phrase syntaxique autonome
En revoyant les signes de ponctuation, on s’est arrêtés sur la virgule, le point-virgule et le deux-points, qui tous trois peuvent servir à détacher des phrases syntaxiques à l’intérieur d’une phrase graphique. On ajoute la notion de coordonnant comme autre élément pouvant servir à séparer des phrases syntaxiques autonomes dans une phrase graphique. Un développement sur la notion de marqueurs de relation rappelle l’importance de laisser transparaître la logique entre phrases et idées. Pour mémoire, on consulte le tableau des marqueurs de relation (coordonnants et subordonnants) des pages 13 et 14 du Vade-mecum en faisant remarquer les différentes valeurs sémantiques auxquelles renvoient les principaux marqueurs. Trois phrases sont écrites au tableau pour illustrer les notions théoriques précédentes :
Lorsque je suis en voyage, j’aime bien me payer du luxe, mais je préfère ne pas dormir à l’hôtel.
Toutes les personnes avec qui je travaille disent que j’ai un bon caractère : elles ne m’ont pas vue à la maison.
Le jeune homme est entré, s’est assis près de la fenêtre, et a demandé qu’on lui serve à boire.
Chaque fois, les questions suivantes sont posées oralement aux étudiants : « Combien y a-t-il de phrases graphiques ? » ; « Combien y a-t-il de phrases syntaxiques autonomes ? » ; « Sont-elles juxtaposées ou coordonnées ? » ; « Par quel autre marqueur de relation pourrait-on remplacer le coordonnant ou le signe de ponctuation ? ».
Ces illustrations permettent entre autres de distinguer la phrase syntaxique autonome de celle qui ne l’est pas (en introduisant la notion d’enchâssement et de subordonnée) et font aussi voir le cas d’une énumération de phrases syntaxiques autonomes où le sujet est sous-entendu (ce qui assure l’autonomie de la phrase, même si en apparence elle n’est pas « détachable » comme l’ont fait remarquer plusieurs étudiants).
Constituants de la phrase
Comme le suggérait l’autre définition donnée en début de cours, une phrase se reconnaît, syntaxiquement, par la présence de ses constituants obligatoires : un sujet et un prédicat. Un constituant facultatif est ajouté, le complément de phrase. Plusieurs étudiants s’interrogent sur la notion de « prédicat », à laquelle ils opposent « un verbe et un complément ». On fait une autre digression ici sur les expansions du verbe, sur ses « besoins » syntaxiques, qui conduisent à parler des notions de verbes transitifs direct et indirect et de verbes intransitifs.
On explique ensuite la démarche nécessaire pour trouver le prédicat de la P :
- trouver le sujet : en demandant « qui est-ce qui ? » ou en encadrant par « c’est… qui » (très peu d’étudiants utilisent l’encadrement ici) ;
- vérifier la présence de compléments de P, en rappelant les manipulations syntaxiques qui aident à la reconnaître (effacement, déplacement, dédoublement, non-pronominalisation) ;
- constater que ce qui reste de la phrase, une fois le sujet et les compléments de P enlevés, équivaut au prédicat.
On donne trois exemples au tableau pour illustrer cette démarche en trois étapes et surtout pour bien montrer l’importance d’appliquer les manipulations syntaxiques pour reconnaître le complément de P.
Types et formes de phrases
On écrit au tableau, sous forme de colonnes, le type et les formes du modèle de phrase de base, puis ceux des phrases transformées.
Modèle de base | Phrases transformées | |
Type | déclarative | interrogative impérative exclamative |
Formes | positive active neutre personnelle | négative passive emphatique impersonnelle |
Chaque terme est expliqué et illustré, en insistant chaque fois sur les marques syntaxiques qui signalent la transformation de la phrase et en les inscrivant au tableau. Deux des termes nécessitent des nuances et des explications particulières. D’abord, la notion de phrase « emphatique », dont l’appellation, plus ou moins bien choisie, peut porter à confusion. On rappelle qu’il s’agit d’une emphase essentiellement syntaxique (et non sémantique) et qu’elle se reconnaît à des marques de redoublement très précises. L’autre notion qui pose problème aux étudiants est la phrase impersonnelle (dont l’appellation, elle aussi, invite à la connotation dans la mesure où tout ce qui est « personnel » se confond avec ce qui est « subjectif »). On donne plusieurs exemples pour bien faire saisir la nuance entre un « il » personnel et un qui ne l’est pas. De plus, on montre que plusieurs verbes impersonnels ne peuvent se transformer pour revenir au modèle de base, ce qui explique pourquoi on place aussi cette forme de phrase dans les phrases à « constructions particulières ». On ajoute finalement au tableau les autres phrases à constructions particulières (infinitive, non verbale, à présentatif). Pour chacune, on donne quelques exemples et on invite les étudiants à se référer à la page 13 du Vade-mecum.
Pour vérifier la compréhension de ces notions, on écrit au tableau deux phrases que les étudiants doivent ramener au modèle de base :
Pourquoi les enfants n’ont-ils pas, eux, été amenés à mettre fin à ce jeu ?
N’existe-t-il pas de solution moins coûteuse ?
Les types et les formes de phrases sont repassés systématiquement pour voir où il y a transformation et éliminer les marques pour retourner au modèle de base.
Devoir
On demande aux étudiants de faire un devoir pour le prochain cours. Il s’agit d’un exercice tiré du matériel du CCDMD et où l’on propose dix phrases parmi lesquelles l’étudiant doit trouver les phrases syntaxiques autonomes et indiquer si elles sont coordonnées ou juxtaposées. Un autre exercice est ajouté au verso : il s’agit de transformer une phrase du modèle de base « à toutes les sauces ». La phrase « Vous faites des devoirs tous les soirs » devra être transformée sept fois, en phrases interrogative, impérative, exclamative, négative, passive, emphatique et impersonnelle.
Le cours pratique : exercice de réécriture
Présentation de l’exercice et explications des consignes
On consacre deux heures à la réalisation de cet exercice (voir l’annexe 1). Il se présente sous forme d’un texte de dix phrases qui constitue un paragraphe d’introduction à une dissertation sur le roman Le vieil homme et la mer de Ernest Hemingway (que les étudiants auront à lire pendant la session). Les étudiants doivent réécrire le texte au propre (à l’encre et à double interligne) en tenant compte de quatre exigences pour le transformer :
- Transformer chacune des phrases selon le type prescrit ou la forme prescrite.
- Ajouter quatre marqueurs de relation à des endroits précis.
- Diversifier les procédés de reprise de l’information pour éviter les répétitions.
- Corriger dix fautes (accord et orthographe) parsemées dans le texte.
Les étudiants peuvent se consulter (et consulter le prof) et chacun doit remettre à la fin du cours sa copie au propre agrafée à son brouillon.
On fournit quelques mises en garde. Ainsi, en ce qui concerne la transformation des phrases selon un modèle demandé, les étudiants sont invités à se méfier des phrases (2), (8) et (9) ; la première pose deux problèmes : il faut éviter de confondre le sujet et le prédicat puisque la transformation en phrase négative ne doit porter que sur la phrase matrice ; le deuxième écueil est d’ordre logique, puisqu’il faut chercher un terme de négation qui convient au contexte (ce qui exclut le « ne…pas »).
Quant aux phrases (8) et (9), bien que l’exercice demande de les transformer en phrases impersonnelles, les verbes ne pourront subir cette transformation. Il est alors permis de changer la phrase en lui ajoutant une formule de type impersonnel.
Objectifs de l’exercice
Bien sûr, le but avoué de ce travail est d’appliquer les notions de types et de formes de phrase expliquées au dernier cours. Le fait de ramener ces notions à un contexte d’écriture proche des étudiants (introduction d’une dissertation) leur permet d’apprécier le recours à certains types ou à certaines formes de phrase selon une situation précise de rédaction. À cet égard, transformer toutes les phrases d’un texte, comme il est demandé dans cet exercice, sans pour autant toucher au sens des phrases, fait comprendre à l’étudiant qu’un texte peut être travaillé, « manipulé » syntaxiquement pour améliorer les phrases.
Un deuxième objectif serait de vérifier l’acquisition de certaines notions vues en classe relatives aux marqueurs de relation. Bien que cette notion ait été abordée dans le contexte de phrases coordonnées ou juxtaposées, les étudiants doivent être capables d’insérer un lien logique entre deux phrases et de recourir, au besoin, au tableau des marqueurs de relation du Vade-mecum.
Les deux autres objectifs de l’exercice ne sont pas directement reliés à la matière vue en classe, mais ils touchent des notions qui seront exploitées à l’occasion des prochaines leçons, soit les procédés de reprise de l’information ainsi que quelques règles orthographiques et grammaticales. En introduisant ces deux objectifs supplémentaires, on ne cherchait donc pas à vérifier l’acquisition de ces notions, mais plutôt à susciter une réflexion de l’étudiant à leur égard et à lui faire sentir les enjeux multiples du travail de rédaction.
Commentaires sur l’exercice en classe
J’ai constaté, non sans un certain étonnement, la grande rigueur et le sérieux des étudiants dans la réalisation de cet exercice. Il semble que la multiplicité des exigences, loin de leur déplaire, ait stimulé leurs facultés et provoqué chez eux un état de « veille » linguistique propice à l’apprentissage. L’engagement dans la « correction » d’un texte favorise le transfert des acquis en montrant comment travailler sur un brouillon et en pointant des lieux d’intervention syntaxique dans lesquels les étudiants peuvent facilement projeter leurs propres écrits. Fait très rare, certains étudiants ont reconnu, en cours de route, qu’il s’agissait d’un « bon exercice »… ils en appréciaient la pertinence.
Certaines vertus insoupçonnées de l’exercice sont apparues à la pratique. D’abord, les étudiants se sont vite aperçus qu’ils avaient « besoin » d’un dictionnaire. Les quelques studieux qui s’en étaient munis en ce premier cours d’atelier ont vu leur cote monter à mesure que le cours avançait. Les dictionnaires volaient de main en main ! Rendre cet outil précieux pour l’étudiant, en créer le besoin impérieux dès la deuxième semaine par un exercice qui pourtant ne paraissait pas en suggérer l’emploi vaut mille exhortations du professeur à traîner cette brique impopulaire dans ses bagages.
Un autre intérêt de l’exercice est de développer chez l’étudiant une méthode de travail efficace, qui passe forcément par le recours au brouillon. Les quatre types d’intervention sur le texte ne pouvaient être faits concurremment, si bien que les étudiants qui avaient d’abord pensé s’en tirer en griffonnant quelques notes sur la feuille de consignes ont vite constaté qu’ils ne pourraient s’y retrouver en utilisant cette méthode… Les feuilles de brouillon se sont dès lors multipliées.
Enfin, l’idée de faire porter le texte sur Le vieil homme et la mer de Hemingway, roman que les étudiants auront à lire et dont plusieurs n’avaient pas encore fait l’achat, a permis subtilement de donner quelques informations sur le livre et a même créé chez certains un goût pour sa lecture.
Correction et retour sur l’exercice
L’étape de correction de l’exercice s’est révélée particulièrement ardue étant donné que quatre critères bien distincts mais entremêlés dans un même texte étaient à évaluer. Il a fallu effectuer quatre lectures du texte pour distinguer les points à donner et à retrancher. L’exercice, qui entre dans une banque de travaux et de devoirs comptant pour 20p.100 de la session, a été évalué sur 30 points. Dix points étaient accordés pour la transformation des phrases, dix autres pour la correction des 10 fautes parsemées dans le texte. Quant aux marqueurs de relation et aux procédés de reprise, ces notions comptaient pour 5 points chacune.
En général, l’exercice a été bien réussi. Cette réussite ne se mesure pas tant par les notes ou la moyenne (qui était d’environ 65 p. 100), mais par le travail d’apprentissage accompli par les étudiants. En effet, on peut sentir, à lire leur travail (notamment en observant la différence entre le brouillon et le propre) que les étudiants ont appris, se sont posé des questions.
Au cours suivant, un retour sur l’exercice était nécessaire pour réexpliquer certaines notions qui paraissaient avoir été plus ou moins bien saisies et pour insister sur des façons possibles de résoudre les problèmes posés par le texte. Le seul désavantage, si l’on veut, de ce retour en classe pour corriger l’atelier a été… son ampleur. Un cours entier a été monopolisé alors qu’une période d’environ une demi-heure avait été prévue. Les étudiants ont posé des questions, ont amené des commentaires qui appelaient naturellement des développements un peu plus longs.
Pour la transformation des phrases, ce sont surtout les formes passive et impersonnelle qui faisaient problème. On a donc insisté sur des façons de transformer les phrases en partant de plusieurs modèles de base et l’on n’a pas manqué de rappeler l’importance de recourir à ces formes dans un texte qui prescrit un ton objectif, une dissertation par exemple. Le recours aux formes passive ou impersonnelle devient un excellent moyen pour éviter d’utiliser le « je ».
La correction des fautes de l’exercice a entraîné un retour sur certaines règles orthographiques et grammaticales, notamment la règle d’accord du participe passé… que plusieurs avaient oubliée. On a également fait remarquer l’emploi du futur dans le sujet divisé de l’introduction, en précisant au passage la terminaison des verbes au futur, laquelle avait conduit à plusieurs erreurs.
Les marqueurs de relation que suggérait la logique des phrases de cet exercice ont également fait l’objet de quelques remarques, surtout pour le terme à insérer entre les première et deuxième phrases. Plusieurs n’avaient pas perçu l’apparente contradiction de ce passage, qui commandait l’emploi de certains marqueurs précis. Il semble que cette notion de marqueur de relation soit la plus difficile à intégrer (et à enseigner), puisqu’elle fait souvent appel à une forme de logique conceptuelle que les étudiants ne maîtrisent pas tous.
Enfin, les procédés de reprise de l’information ont été brièvement abordés en fin de cours. Il y avait trois façons d’éliminer la répétition du mot « roman » dans le texte : l’utilisation de synonymes, la pronominalisation et la suppression du terme. Les étudiants favorisaient spontanément la première méthode, en oubliant souvent de consulter le dictionnaire pour s’assurer du sens du mot ou de ses marques d’usage. Ceux qui avaient pronominalisé créaient parfois des contresens en confondant les antécédents. Pour donner des exemples d’élimination du mot « roman » (que très peu avaient osé supprimer), les étudiants étaient invités, en mini-exercice, à fondre deux phrases en une seule pour éviter certaines répétitions et ainsi rendre les phrases plus denses.
De façon plus générale, on en a profité pour dégager la structure globale de l’introduction avec ses trois composantes : sujets amené, posé et divisé. Quelques indications de contenu ont été proposées.
Suite de l’exercice
Il va de soi que plusieurs des notions entrevues dans l’exercice feront l’objet de cours ultérieurs.
De façon plus concrète, le prochain exercice devrait porter sur la « matière » abordée pendant le retour en classe et ce, pour corriger l’atelier, d’autant qu’aucune « nouvelle » matière n’a été vue pour faire l’objet d’un cours pratique.
Les étudiants devront lire les 40 premières pages du roman Le vieil homme et la mer. Cette lecture fera d’abord l’objet d’un contrôle. Ils devront ensuite rédiger une introduction (7-8 phrases) à une dissertation, selon un sujet donné (Comment s’exprime la complicité entre les deux personnages ou quelque chose du genre) en respectant des exigences précises : absence de 1re et de 2e personnes ; au moins une phrase passive et une impersonnelle ; quatre marqueurs de relation ; indication des parties de l’introduction ; etc.
Appréciation générale de la séquence et… de la nouvelle grammaire
J’appréhendais, comme on s’en doute, la transition vers la nouvelle grammaire, alors que je donnais jusque-là un cours de mise à niveau déjà bâti avec la méthode traditionnelle et qui fonctionnait somme toute assez bien.
Je suis surprise de l’extrême souplesse de l’approche, qui permet d’entrée de jeu, par la notion de transformation de phrase, d’aborder une réflexion très pertinente pour l’élève, réflexion qu’il peut transférer et appliquer dans ses productions écrites.
Ce qui me séduit beaucoup dans l’approche que propose la nouvelle grammaire, c’est la cohérence qu’elle fait voir entre toutes les parties du discours, en faisant se répondre grammaire de la phrase et grammaire du texte. Auparavant, l’analyse de la phrase et le rappel des principales règles paraissaient une matière un peu coupée de la partie « rédaction de textes », comme si l’un et l’autre avaient leurs zones bien définies, détachées l’une de l’autre. Je suis donc heureuse de constater, dès les premières semaines de cours, à quel point l’utilisation du matériel adapté à la nouvelle grammaire me permet d’aborder des notions qui normalement ne seraient vues qu’en deuxième partie de session.
Il reste bien sûr à entrer plus avant dans le grammaire de la phrase, ce qui, je l’avoue, fait un peu peur. Mais la réussite de cette première séquence didactique laisse déjà entrevoir tous les profits qu’il y a à tirer de la nouvelle approche.
CHARTRAND, Suzanne-G., Denis AUBIN, Raymond BLAIN et Claude SIMARD. Grammaire pédagogique du français d’aujourd’hui, Boucherville, Les publications Graficor, 1999, 397 p.
HEMINGWAY, Ernest. Le vieil homme et la mer, Paris, Gallimard, 1998, coll. « Folio », 179 p.
MAISONNEUVE, Huguette. Vade-mecum de la nouvelle grammaire (version 1), Montréal, CCDMD, 2002, 69 p.
ANNEXE 1
Cours : Français — Mise à niveau (601-004)
Session : Automne 2002
Prof : Isabelle L’Italien
(1) N’imagine-t-on pas les grands romans, ceux qu’on appelle des « classiques », comme des briques volumineuses, à l’intrigue complexe, au style riche et fleuris ? (2) Plusieurs romans célèbres qui ont marqué la littérature et fascinés des générations de lecteurs ont quelques pages. (3) Vous lisez le roman Le vieille homme et la mer pour vous convaincre. (4) Ernest Hemingway, romancier Américain, a écrit ce roman en 1952. (5) Quel magnifique roman qui raconte l’histoire d’un vieux pécheur luttant seul contre un énorme poisson ! (6) C’est se roman qui sera étudié dans la dissertation suivante. (7) Comment Hemingway représente-t-il, a travers son roman Le vieil homme et la mer, la victoire dans la défaite ? (8) Je parlerai de l’aspect symbôlique du combat entre l’homme et la nature. (9) J’insisterai sur le courage et la force du personnage principale. (10) J’analyserai les thèmes de l’idéal et du paradis perdue de ce roman.
Vous devez réécrire le paragraphe ci-dessus en tenant compte des exigences suivantes.
- Transformez chacune des dix phrases de ce paragraphe pour la faire correspondre au type ou à la forme de phrase demandés ci-dessous :
(1) modèle de base (6) active et neutre (2) négative (7) déclarative (3) impérative (8) impersonnelle (4) passive (9) impersonnelle (5) déclarative (10) passive - Ajoutez des marqueurs de relation aux phrases (2), (8), (9) et (10).
- Le terme « roman » apparaît huit fois dans ce court texte. Pour éviter cette répétition, cherchez à utiliser différents procédés de reprise. Remplacez le mot par un autre (synonyme ou pronom) ou éliminez-le quand c’est possible, jusqu’à ce que vous jugiez la répétition acceptable.
- Une faute d’accord ou d’orthographe s’est glissée dans chacune des phrases. Corrigez-la.
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