Quand tous les moyens seront bons pour lire
Fin 1997, Correspondance présentait un numéro complet sur la lecture au collégial. La problématique était posée, faisant ressortir de multiples difficultés, notamment la pauvreté d’une lecture qui laisse peu de trace, la faible maîtrise syntaxique de nombreux élèves entrant au cégep, le peu de moyens dont dispose l’élève pour évaluer sa compréhension, la question de la lecture littéraire et de ses instruments ; et le diagnostic appelait des actions concrètes. Quelque six années plus tard… le défi est relevé et nous présentons, sur le site Internet du CCDMD, sous l’intitulé « Lecture efficace », un programme d’aide à la lecture conçu pour renforcer le travail des professeurs.
Dans un contexte, en effet, où les objectifs pédagogiques sont nombreux et les étudiants très hétérogènes, il nous est apparu essentiel d’offrir des activités de soutien destinées aux élèves éprouvant des difficultés à lire, c’est-à-dire à comprendre et à exploiter des textes. Passionnés par la compréhension des mécanismes en jeu dans la lecture et ardents défenseurs de la littérature, nous avons conjugué nos recherches et nos longues expériences de l’enseignement au collégial pour apporter notre modeste contribution au plaisir de lire et, pourquoi pas, d’enseigner à lire.
Un lecteur autonome
D’emblée, nous avons résolu de rejeter l’idée reçue que la lecture est un « don » mystérieux, qu’elle ne s’enseigne donc pas et reste, par voie de conséquence, réservée aux heureux élus. Nous croyons, au contraire, qu’il y a beaucoup à faire pour développer les habiletés, notamment celles de questionner, de distinguer, de classer, de généraliser, de synthétiser et de verbaliser, qui mènent à l’acquisition de cette compétence. Plus encore, cette compétence doit mener le lecteur à tisser des liens entre ce qu’il lit et son expérience personnelle, à réagir, à accepter, à rejeter, à critiquer au sens large et dans des perspectives aussi bien affectives qu’intellectuelles. Nous posons, par conséquent, que cette compétence ne saurait être pleinement développée au secondaire puisque c’est au cégep, avec la maturité du jeune adulte, l’enrichissement du bagage de connaissances générales, l’engagement personnel à l’égard de thématiques ou de problématiques humaines (politiques, sociales, scientifiques), que l’initiation à la lecture littéraire donne à la compétence en lecture son plein développement.
Ainsi, à l’issue de sa formation collégiale, l’élève doit être devenu un lecteur autonome, c’est-à-dire un lecteur conscient de sa démarche : il choisit ses lectures en fonction de ses besoins, applique les stratégies appropriées à ses objectifs, mobilise activement ses connaissances, ses valeurs et sa sensibilité pour construire le sens d’un texte et y réagir. Ce lecteur sait comment éviter le piège d’une lecture linéaire, passive et, finalement, inefficace.
Un outil polyvalent
Le programme offert se déroule en 49 leçons, utilisables graduellement ou ponctuellement selon les besoins identifiés par le professeur, au caf ou par l’élève lui-même. Nous avons voulu lui proposer d’abord des attitudes et des stratégies valables pour toute lecture informative. L’exploration d’un texte, son analyse plus attentive et l’exploitation de l’information recueillie font l’objet des trois premières parties (22 leçons). Ainsi, l’élève peut apprendre à se faire une hypothèse sur le sens global d’un texte sans le lire en entier, et à déterminer s’il poursuivra sa démarche par une lecture analytique lui permettant d’en comprendre mieux les éléments moins clairs au premier abord, d’en saisir mieux la structure et le déroulement des idées, d’en apprécier l’énonciation. Une telle lecture analytique donne tout son profit si l’élève sait garder des traces de son travail dans les textes ; nous lui proposons diverses façons de le faire.
Nous avons construit les deux dernières parties (27 leçons) en les axant sur la perspective de la lecture littéraire. Cette lecture interprétative invite le lecteur à dialoguer avec le texte et à re-construire son sens en fonction de sa propre expérience et de ses émotions personnelles. Les leçons consacrées à cette dernière approche sensibilisent l’élève à la contribution essentielle des mécanismes de la langue et des procédés d’écriture dans la re-construction interprétative du sens du texte. L’examen des mots, qui va de leur catégorie grammaticale aux différents aspects de leur signification, et l’analyse de la phrase, tant dans sa structure de base que dans son enrichissement et ses diverses variations de type et de forme, deviennent des instruments au service d’un lecteur conscient de ce qu’il cherche et qui entre en interaction avec un auteur dont il veut découvrir l’intention et le propos. Dans cette perspective, la grammaire devient un instrument au service du lecteur et de son activité dans le texte.
Toutes les leçons inscrivent l’acte de lire dans une dynamique qui débouche sur une reformulation plus ou moins élaborée du sens du texte, signe de la compréhension.
Une démarche d’accompagnement
Le lecteur autodidacte, qui suivrait dans l’ordre toutes les leçons du programme, aborderait la lecture d’abord sous une perspective globale avant de s’exercer à développer des stratégies de recherche de sens à partir des éléments de détail qui renforcent les grandes lignes dégagées lors des premières lectures exploratoires et analytiques. Notre lecteur, qui souhaite s’assurer de la maîtrise des notions vues en classe, trouvera dans l’une ou l’autre leçon une présentation théorique réduite à l’essentiel, un exercice, et enfin, le corrigé mettant en évidence les particularités du point de vue du lecteur et le rôle actif qu’il doit jouer pour construire le sens d’un texte quel qu’il soit avec les matériaux de la langue.
Cela étant dit, chers collègues, nous affirmons haut et fort que ce programme vise à faciliter l’apprentissage des habiletés de base, mais qu’il ne saurait remplacer l’essentiel : le professeur qui donne le goût de la lecture, la valorise, place l’acte de lire dans une situation authentique et vivante de rapport aux auteurs et aux oeuvres et donne de la cohérence à l’ensemble de la démarche de formation de l’élève.
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