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Pour prévenir les échecs dans le premier cours de français

Pour prévenir les échecs dans le premier cours de français

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epuis la session d’automne 2002, le cégep Beauce-Appalaches réalise une expérience unique en ce qui a trait aux mesures d’aide offertes aux étudiants en voie d’échec dans leur premier cours de français. Grâce au Programme de soutien à des actions structurantes du ministère de l’Éducation, le collège a pu offrir deux cours de mise à niveau d’un type particulier. Dans ce premier article, nous expliquons dans quelles conditions s’est déroulée l’expérimentation. Dans un prochain article, nous détaillerons les résultats obtenus à la session d’automne 2002 puis ceux encore plus satisfaisants de l’hiver 2003.

Objectifs

À l’origine, la mise sur pied de cours de mise à niveau à durée variable venait répondre à au moins deux besoins exprimés dans le milieu. D’une part, les recherches à l’interne avaient démontré que les étudiants placés face à un échec tôt dans leur cheminement avaient tendance à tout simplement abandonner leurs études collégiales. C’était particulièrement vrai pour les étudiants des programmes techniques, qui persévéraient généralement jusqu’à l’obtention de leur diplôme quand ils réussissaient leurs premiers cours. On cherchait en fait un moyen de prévenir l’échec. D’autre part, le Département des arts et lettres souhaitait vivement la création de cours supplémentaires pour venir en aide aux étudiants faibles en français écrit. Il faut préciser qu’historiquement, le cégep Beauce-Appalaches n’a jamais offert de cours d’appoint, peu importe la discipline. C’est dans ce contexte qu’on a demandé au ministère de l’Éducation, au printemps 2002, l’ajout variable d’heures au premier cours de français. Cette mesure semblait appropriée pour favoriser la réussite et encourager la persévérance de certains étudiants ciblés.

Précisons que c’est de façon exceptionnelle et pour répondre aux besoins exprimés dans le projet que le Ministère a autorisé le collège à créer deux cours d’établissement de mise à niveau, un premier de 15 heures-contact et un deuxième de 30 heures-contact. Ces deux cours, offerts de septembre 2002 à septembre 2004, devaient permettre au collège d’offrir aux élèves en difficulté le soutien prévu dans le projet afin de favoriser la réussite de la formation générale propre en Langue d’enseignement et littérature.

Concrètement ?

À la session d’automne 2002, l’ajout d’heures supplémentaires au premier cours de français s’est traduit de la façon suivante. Les « ateliers de grammaire » (c’est ainsi qu’on avait vite surnommé les heures supplémentaires) étaient d’une durée de 15 heures (deux par semaine) et ont commencé après la semaine de relâche. Comme le cours de français de la formation générale propre est le premier de la séquence au cégep Beauce-Appalaches, on a choisi, pour l’expérience, le cours Langue et rédaction (601-AWT-04) offert aux étudiants du secteur technique et de la session d’accueil, entre autres parce que davantage d’étudiants à risque d’éprouver des difficultés en français y sont inscrits.

À la session d’hiver 2003, la formule adoptée était légèrement différente. Le cours visé par la mesure d’aide, Écriture et communication (601-AWU-04), accueille les étudiants qui arrivent au collège à la session d’hiver et ceux qui ont échoué à leur premier cours de français à la session d’automne. Pour accommoder cette clientèle souvent faible, les ateliers de grammaire étaient alors d’une durée de 30 heures, soit deux heures par semaine dès le début de la session.

Clientèle visée

Il importe de préciser que la participation aux heures supplémentaires de français était totalement volontaire. Ceci étant dit, la conseillère pédagogique responsable du projet avait ciblé de manière précise les étudiants qu’elle souhaitait rejoindre : tous les garçons du secteur technique ou de la session d’accueil qui avaient obtenu une cote en français au secondaire inférieure à 75 et toutes les filles, aussi étudiantes en technique ou en accueil, qui avaient une cote au secondaire inférieure à 68. S’y ajoutaient tous les étudiants dépistés par les enseignants à la suite des premières évaluations. Pour composer le groupe expérimental, on a choisi, parmi tous les étudiants à qui on avait proposé une participation aux heures supplémentaires de français, ceux qui avaient accepté l’invitation.

Pour s’assurer de la validité des résultats, on a formé deux groupes contrôle. Le groupe contrôle T, constitué d’étudiants du secteur technique et de la session d’accueil, comprenait des élèves ayant obtenu les mêmes cotes au secondaire que les étudiants du groupe expérimental. Dans le groupe contrôle V, composé d’étudiants du secteur préuniversitaire, les filles étaient légèrement plus fortes que celles du groupe expérimental.

Formation des enseignants

Avant même le début de l’expérimentation, au mois d’août 2002, les quatre enseignants de français appelés à collaborer au projet ont suivi une formation intitulée « La communication efficace par une relation de coopération ». Ils ont ainsi eu l’occasion de se familiariser avec divers outils pouvant les aider à repérer les élèves à risque. Ils ont pu découvrir les composantes d’une relation de coopération entre enseignants et étudiants, en plus d’apprendre à établir un suivi personnalisé avec les élèves. Cela en dit long sur la philosophie adoptée au départ de ce projet. Les enseignants désiraient que la participation aux ateliers de grammaire soit basée sur une relation de confiance et ils ont bénéficié de l’expertise déjà acquise dans le domaine à notre collège[1].

Déroulement de l’expérimentation

La tenue d’une telle expérimentation, en particulier à l’automne 2002, a demandé beaucoup de collaboration au tout début de la session de la part des professeurs concernés. Après que la conseillère pédagogique responsable du dossier eut rejoint personnellement par téléphone tous les étudiants susceptibles de bénéficier de la mesure d’aide, le travail des enseignants débuta. Chacun devait d’abord entrer en contact avec ces mêmes étudiants, et ce, par un moyen de son choix. Des professeurs, par exemple, ont décidé d’informer l’ensemble de leurs classes de l’offre d’heures supplémentaires en français. Après la remise des premiers résultats d’évaluation, chaque enseignant communiquait personnellement avec les étudiants les plus faibles. Certains écrivaient une note sur la copie de l’élève, lui rappelant l’existence des ateliers. Le but était de susciter une rencontre avec l’étudiant, celle-ci pouvant se tenir dans le local de classe pendant la pause, au bureau, ou encore, dans un cadre beaucoup moins formel tel que celui de la cafétéria. L’important, pour les enseignants, était de saisir toutes les occasions de « vendre » le projet aux étudiants dont les résultats prouvaient qu’ils avaient besoin d’aide.

Tous les étudiants qui auraient pu bénéficier d’une telle mesure d’aide ne s’en sont pas nécessairement prévalus ! En tout, 48 élèves[2] ont accepté d’ajouter les heures de grammaire à leur horaire après la mi-session. Ce nombre correspondait aux attentes exprimées au début du projet. On a divisé les étudiants en trois groupes, en établissant trois plages horaires différentes, dont une pendant les périodes d’activités où les cours étaient suspendus. En effet, la raison la plus souvent évoquée par ceux et celles qui refusaient de s’inscrire aux ateliers était un problème d’horaire : journée trop chargée, horaire de travail à l’extérieur des cours, problème de transport, etc.

Bien sûr, la participation des enseignants à ce projet a en partie modifié leur tâche. Ils ont eu à parler des ateliers en classe, mais aussi à discuter avec plusieurs étudiants à quelques reprises pour les convaincre d’y participer. En particulier, les quatre enseignants qui donnaient le cours Langue et rédaction (601-AWT-04) ont dû assister à plusieurs réunions pour assurer la bonne marche du projet. Certaines de ces rencontres se sont déroulées avec toutes les personnes en cause, y compris la conseillère pédagogique responsable du dossier, alors que d’autres ont touché seulement l’enseignante qui dispensait la formation aux étudiants du groupe expérimental et ses collègues. La conseillère pédagogique a aussi rencontré individuellement chaque enseignant pour discuter du suivi des étudiants inscrits aux ateliers. Même si elle imposait aux professeurs de rencontrer régulièrement la conseillère, la formule adoptée leur a semblé adéquate et ils ont considéré leur expérience comme positive. La libération rattachée à la participation au projet (entre 0,10 et 0,15 ETC chacun) a convenu à chaque professeur. Ayant elle-même enseigné en 601-AWT-04, l’enseignante qui a donné les ateliers de grammaire a noté que sa principale difficulté venait du fait qu’elle accueillait dans ses groupes des étudiants qui avaient des professeurs différents dans leur cours d’AWT. On conçoit aisément, en effet, que cela lui ait demandé beaucoup d’adaptation.

Session d’hiver 2003

Le projet d’heures supplémentaires s’est poursuivi à la session d’hiver avec de légères modifications. Comme nous l’avons déjà mentionné, le changement le plus important fut la durée des ateliers, qui est passée à 30 heures. Les étudiants suivaient donc six heures de cours de français par semaine durant toute la session.

La formule pour rejoindre les étudiants ciblés a aussi subi des changements. D’une part, on a joint une lettre expliquant la nature des ateliers au bulletin des élèves qui avaient échoué à leur premier cours de français. D’autre part, pour sensibiliser les nouveaux arrivants, la responsable du Centre d’aide en français leur a présenté le projet lors de la journée d’accueil en janvier. Les enseignantes qui donnaient le cours Écriture et communication (601-AWU-04) ont aussi été mises à contribution dès le premier cours, car elles ont reçu les inscriptions pour les ateliers de grammaire qui commençaient dans la même semaine. Fait à noter, la situation idéale s’est présentée à la session d’hiver 2003 : en effet, chaque enseignante qui donnait deux groupes d’AWU était responsable d’un atelier de 30 heures. Ainsi, chacune travaillait avec les étudiants de ses propres groupes, ce qui éliminait le principal problème observé à la session d’automne 2002.

Quarante étudiants ont décidé de participer à l’aventure, ce qui est beaucoup si l’on considère qu’il n’y avait que quatre groupes d’AWU[3]. L’expérience s’est révélée positive une fois de plus pour les étudiants et pour les enseignantes. Celles-ci ont toutefois déploré le fait que la libération accordée pour un atelier de 30 heures n’ait été que d’environ 0,07 ETC. Cela ne correspondait pas vraiment, selon elles, à la charge de travail nécessaire pour préparer des ateliers au contenu varié et intéressant. Il faut dire que les libérations accordées à la session d’automne pour les rencontres de toutes sortes n’ont pas été renouvelées. C’est une condition qui mériterait d’être améliorée, aux dires des principales intéressées.

C’est dans ce contexte que se sont déroulés les premiers ateliers de grammaire au cégep Beauce-Appalaches pendant l’année scolaire 2002-2003. Après avoir décrit ici leur mise en place, nous nous attarderons dans un prochain article aux effets réels de cette mesure d’aide. Nous comparerons les résultats obtenus par les étudiants des groupes expérimentaux et contrôle dans leur cours de français, leur taux global de réussite et leur taux de réinscription. Il nous est déjà possible d’affirmer que la participation aux heures supplémentaires de français a été profitable pour plusieurs étudiants.

* * *

  1. Voir à ce sujet ARCHAMBAULT, Guy et Rachel AUBÉ, Le suivi personnalisé des élèves à risque dans leur transition du secondaire au collégial, Saint-Georges, Collège Beauce-Appalaches, 1996. Retour
  2. Sur un total possible de 273 étudiants. Retour
  3. Il y avait 120 étudiants inscrits en AWU. Retour

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