Les paronymes
Si l’existence des homonymes donne lieu à de nombreuses erreurs en orthographe française, les antonymes, synonymes et paronymes, eux, entraînent de fréquentes confusions de sens.
De manière à lever toute confusion, rappelons pour commencer que les homonymes sont des mots qui s’écrivent ou se prononcent de façon identique sans avoir la même signification (sot, saut, seau, sceau), que les antonymes sont des mots qui ont une signification contraire (définitif, permanent) et que les synonymes sont des mots qui ont la même signification ou une signification très voisine (gravement, grièvement). Venons-en maintenant aux paronymes. On appelle paronymes des mots qui présentent une forte ressemblance tant par leur forme que par leur prononciation. C’est cette ressemblance entre les mots qui, précisément, nous fait parfois employer l’un pour l’autre. Ainsi, nous dirons conjoncture au lieu de conjecture, infraction plutôt que effraction. Examinons quelques paronymes parmi les plus courants. Dans tous les cas, l’un convient ; l’autre, pas (voir page 17).
Éruption ou irruption ?
L’éruption, quels que soient ses différents sens, se présente comme une sortie, un jaillissement plus ou moins subit.
Ex. : Une éruption volcanique, dentaire, de colère…
L’irruption se présente comme une invasion, un envahissement ou une entrée qui se produisent avec force.
Ex. : Les voleurs ont fait irruption dans sa demeure.
Conjecture ou conjoncture ?
La conjecture est une supposition, « une opinion fondée sur des probabilités« . (Le Robert)
Ex. : Que lui réserve l’avenir ? Nul ne le sait. On ne peut que se perdre en conjectures.
La conjoncture est une situation qui résulte d’un concours de circonstances ; c’est une occasion.
Ex. : L’actuelle conjoncture économique oblige les consommateurs à restreindre leurs dépenses.
Effraction ou infraction ?
Une effraction est un bris en vue de pénétrer dans un lieu.
Ex. : Un vol avec effraction a été commis chez nos voisins.
Une infraction est une violation, une transgression de la loi.
Ex. : Dépasser la limite de vitesse constitue une infraction au code de la route.
Prolongation ou prolongement ?
La prolongation, c’est l’action de prolonger seulement dans le temps (jamais dans l’espace).
Ex. : La prolongation d’un bail, d’un congé, d’un match…
Le prolongement, c’est l’action de prolonger dans l’espace.
Ex. : Le prolongement d’une route, d’une autoroute, d’un métro…
Remarque : Il arrive que prolongement contienne une référence temporelle. Le Robert cite l’exemple suivant : les prolongements d’une affaire.
Infecter ou infester ?
Infecter, c’est corrompre, contaminer.
Ex. : L’acide sulfurique infecte l’atmosphère.
Infester, c’est ravager, tourmenter par des brigandages.
Ex. : Les pirates infestaient jadis les côtes de la Sicile.
Infester se dit aussi des animaux ou des plantes nuisibles qui abondent en un lieu.
Ex. : Une contrée infestée de sauterelles.
Inclinaison ou inclination ?
Une inclinaison, c’est d’abord un état ; l’état de ce qui est incliné.
Ex. : L’inclinaison d’un toit (d’où l’adjectif incliné, par exemple dans toit incliné).
Une inclinaison, c’est aussi une action (ou son résultat) ; l’action de pencher le corps, la tête.
Ex. : L’inclinaison de la tête chez la ballerine (d’où l’adjectif incliné, par exemple dans tête inclinée).
Une inclination, c’est d’abord un penchant, une tendance, un mouvement affectif vers un objet.
Ex. : Il a une vive inclination pour l’aventure (d’où l’adjectif enclin, par exemple dans enclin au
bonheur).
Une inclination, c’est aussi l’action d’incliner le corps, la tête, en signe d’acquiescement, de déférence.
Ex. : « Zadig fit une profonde inclination. » (Voltaire)
Remarque : L’inclinaison fait référence à des angles, à la géométrie ; l’inclination fait référence au domaine affectif. Si on peut parler autant de l’inclinaison que de l‘inclination de la tête, la différence n’en demeure pas moins réelle. On saisira bien celle-ci dans l’exemple suivant : Cette chorégraphie avait exigé de la ballerine des inclinaisons très précises du corps et de la tête. Ravie de son succès, elle fit de profondes inclinations de la tête sous les applaudissements nourris des spectateurs.
Notable ou notoire ?
Notable signifie qui mérite d’être signalé, remarqué.
Ex. : Il a fait des progrès notables, c’est-à-dire remarquables.
Notoire signifie qui est connu, manifeste.
Ex. : Quoi ! Vous ignorez que l’excès de cholestérol est dommageable ? C’est pourtant un fait notoire. (Autrement dit : « Tout le monde sait ça ! »)
Accès ou excès ?
Un accès (deuxième sens du terme), c’est l’arrivée ou le retour d’un phénomène pathologique (Le Robert).
Ex. : Accès de toux, de fièvre, de folie…
Un excès, selon toutes les acceptions du terme, c’est un dépassement de la mesure, un abus.
Ex. : Ses excès de table l’ont rendu malade.
Remarque : On dira non pas un excès, mais un accès de colère, même si l’on juge l’attitude excessive.
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