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Le «Détecteur de fautes»

Le «Détecteur de fautes»

En septembre dernier, dans « Nos brèves » de Correspondance, on pouvait lire le titre « Bientôt, le Détecteur de fautes ». Annonçait-on l’invention d’un correcteur automatique à même de détecter les fautes dans les copies des élèves ? Hélas, non ! Cependant, l’arrivée du Détecteur de fautes viendra enrichir le site du CCDMD, chouchou de bien des enseignants et de bien des élèves. Je vous présente les grandes lignes de ce qui s’est révélé une extraordinaire aventure pédagogique.

À François-Xavier-Garneau, comme dans beaucoup de collèges, des enseignants de toutes les disciplines consultent régulièrement le centre d’aide en français sur des points de langue liés à la correction de textes. Par ailleurs, le collège connaît présentement une importante relève du personnel enseignant, ce qui nécessite des mesures d’aide et d’intégration. Sensibles aux effets de cette conjoncture et soucieuses de répondre à des besoins exprimés par la communauté collégiale, Danielle Malbœuf et Lison Chabot[1], du Service de développement de la pédagogie et des programmes d’études, ont rencontré Jean-Pierre Dufresne à l’hiver 2007. Leur mandat était d’établir un partenariat afin de développer un outil de correction qui permettrait aux enseignants des autres disciplines que le français d’améliorer leur capacité à repérer les fautes dans les textes de leurs élèves et à orienter ceux-ci vers les ressources appropriées. Un tel outil devait également les aider à classifier les fautes, si possible au moyen d’un code simple et efficace. Cette initiative s’inscrit dans un plan d’action institutionnel de valorisation du français écrit. Je participais à la rencontre à titre de rédactrice éventuelle des activités.

Au terme de cette rencontre, les intervenants se sont entendus sur les objectifs du projet :

  • offrir aux enseignants de toutes disciplines des outils efficaces de correction du français écrit;
  • proposer des exercices variés de correction des fautes :
    • repérage;
    • classification;
    • renforcement des acquis en français écrit par des rétroactions appropriées;
  • faire connaître aux enseignants et aux élèves des moyens concrets et efficaces de s’améliorer;
  • offrir un soutien aux enseignants qui auraient eux-mêmes besoin de ressources;
  • rendre le matériel accessible à tous les enseignants du réseau collégial, au personnel non enseignant, aux tuteurs des centres d’aide et aux étudiants en sciences de l’éducation, afin que cette activité conviviale de repérage de fautes puisse être profitable au plus grand nombre.

Le projet initial soumis au CCDMD consistait à élaborer 50 exercices répartis en cinq catégories :

  • orthographe d’usage (O);
  • orthographe grammaticale (G);
  • syntaxe (S);
  • ponctuation (P);
  • vocabulaire (V).

Il a été établi que la totalité des exercices seraient adaptés de documents authentiques du milieu collégial, c’est-à-dire de copies d’élèves de toutes disciplines : rapports de laboratoire ou de stage, études de cas, journaux étudiants, lettres, travaux longs, etc. Rapidement, nous avons décidé d’ajouter des exercices préalables destinés à cibler les besoins de l’utilisateur et, par conséquent, à le diriger vers les catégories lui posant le plus de difficultés; à la fin, deux textes plus longs avec toutes les catégories de fautes, les mélis-mélos, devaient servir de synthèse. Dès le départ, nous avons opté pour un code de correction très simple, référant à la première lettre de chaque catégorie (O, G, S, P, V). Avec ce code, l’enseignant pourrait s’habituer à déterminer la catégorie de faute au fil des exercices, et l’élève dont la copie serait ainsi corrigée verrait facilement sur quelle catégorie d’erreurs il devrait travailler en priorité.

Dès le début du projet, Lison Chabot a rencontré les responsables de programmes et les coordonnateurs des départements du Collège pour constituer une banque de textes authentiques. Un appel a ensuite été lancé dans le réseau pour recueillir le corpus nécessaire à la production des activités. Un prototype d’exercice, réalisé à partir d’un texte d’élève provenant de cette collecte de données, a été présenté aux différents intervenants. Ces derniers ont alors constaté que les exigences éthiques d’une telle activité seraient respectées, c’est-à-dire que l’on ne retrouverait aucune trace d’auteur, de professeur ou d’établissement, et qu’aucun jugement ne serait porté sur les productions écrites.

Je me suis consacrée à la mise au point des premiers modules d’exercices pendant le trimestre d’hiver 2007. Le travail consistait à retravailler les textes de façon à ne conserver dans chacun que certaines catégories d’erreurs. En juin, après moult discussions et consultations, j’ai présenté au CCDMD une première version du Détecteur de fautes, qui comptait alors 80 textes répartis en cinq sections : orthographe d’usage, orthographe grammaticale, syntaxe, ponctuation et vocabulaire. En plus de ces cinq sections, le parcours comportait aussi des exercices préalables et des mélis-mélos, qui représentaient 38 des 80 textes.

Dans ce corpus d’exercices conçus à partir des textes, nous avons choisi d’intégrer :

  • un objectif spécifique par exercice, par exemple l’accord du verbe avec le sujet;
  • au moins deux défis à la fin de chaque catégorie, de façon à permettre à certains d’explorer des notions complexes (O, G, S, P, V), et à d’autres de peaufiner le repérage des fautes les plus fréquentes (O, G);
  • un nombre substantiel de mélis-mélos, répartis en trois niveaux de difficulté : ces textes comportant tous les types de fautes nous semblaient extrêmement utiles pour les enseignants et plus conformes à la réalité collégiale que ceux où un seul type d’erreur était représenté;
  • des exercices en G qui, selon la tâche demandée, seraient des activités de sensibilisation ou d’entraînement puisqu’ils exigeraient tantôt de repérer des catégories grammaticales (sensibilisation), tantôt de développer l’automatisme de la règle d’un accord, celui du verbe par exemple (entraînement);
  • le principe boule de neige dans les exercices de chacune des cinq catégories : nous voulions que les fautes travaillées dans le premier exercice d’une catégorie reviennent en nombre modéré dans les autres exercices de la même catégorie, et ce, à la fois pour rendre compte de la réalité de la correction au collégial que pour assurer l’automatisation des notions précédentes;
  • trois ou quatre fautes d’orthographe d’usage dans les quatre autres catégories; ce serait la seule catégorie d’erreurs à se retrouver dans les exercices de grammaire, de syntaxe, de ponctuation et de vocabulaire.

Suites du projet

À l’automne 2007, le Détecteur de fautes a encore évolué. Nous y avons ajouté des infobulles-rétroactions pour les fausses alertes, de sorte que si, par exemple, un usager « corrige » un participe passé bien accordé dans l’exercice où cette notion constitue l’objectif spécifique, il verra apparaître l’explication de l’accord. Par ailleurs, nous avons ajouté des rétroactions à la plupart des corrections, ainsi qu’un rappel des règles pertinentes avant chacun des exercices. Avec ces modifications, le contenu est maintenant complet et prêt à valider; des enseignants de notre collège s’y emploieront à l’hiver 2008.

Splendeurs et misères de l’interactif

Contraint par le cadre du format interactif, le concepteur informatique nous a « mis au régime » quant à la longueur des textes : ces derniers ne devaient pas dépasser 150 mots, seuil réaliste, mais parfois frustrant tant le propos de certains textes d’élèves est intéressant. L’état actuel de la programmation se limite aux catégories O et G, qui ont déjà fière allure. Toutefois, cette première expérience de programmation, très positive, nous incite à nous interroger sur des aspects de l’interactivité spécifiques aux catégories de la syntaxe et de la ponctuation. En orthographe et en grammaire, la tâche de repérage consiste à cliquer sur le mot mal orthographié, mais où doit-on cliquer pour signaler une erreur de syntaxe ou de ponctuation ? Par exemple, si une énumération contient des éléments de catégories différentes, quels éléments faudra-t-il relever comme étant à l’origine de l’erreur ? Vaudrait-il mieux proposer à l’usager une série de phrases parmi lesquelles il devrait choisir les structures correctes ou incorrectes ? Questions ouvertes, auxquelles nous trouverons une réponse avec l’expérience.

Comme notre intention était de donner un coup de pouce à l’usager, et non de le mettre face à des défis insurmontables, nous avons mis de l’avant différents moyens afin de l’encourager à persévérer. Par exemple, sa tâche peut être de trouver sept des dix fautes d’un exercice de repérage. Dès que ce seuil est atteint, il peut voir l’ensemble des fautes et des corrections s’afficher. Les exercices présentent aussi des indices si l’utilisateur ne trouve pas toutes les fautes requises : un signe en marge de la ligne contenant une faute oubliée circonscrit la zone à réviser (technique efficace à laquelle plusieurs d’entre nous avons déjà eu recours). Par ailleurs, la rétroaction, soit l’explication de la correction ou de l’absence d’erreur, apparaît dès qu’on place le curseur sur la faute ou la fausse alerte. Pour éviter la surcharge cognitive, nous avons fait en sorte que seules les alertes liées à l’objectif spécifique donnent lieu à des commentaires. Par exemple, en orthographe grammaticale, il y aura des rétroactions sur la conjugaison dans l’exercice qui porte sur cet aspect, mais pas sur tous les éléments grammaticaux du texte. Enfin, des liens avec d’autres ressources du CCDMD apparaîtront dans une fenêtre distincte à la fin de chacune des cinq catégories.

Pour tous

La compréhension du vocabulaire métalinguistique par la clientèle cible nous préoccupe. En effet, nous n’avons pas l’absolue certitude que tous nos usagers sont « néogram[2] ». Malgré cela, la décision de nous référer à la nouvelle grammaire dans nos explications s’est imposée en raison de son statut officiel dans le système scolaire québécois. D’ailleurs, même si la terminologie « néogram » est moins familière à certains de nos usagers, nous croyons que cela est loin de constituer une embûche réelle, car les explications de nature grammaticale sont réduites au minimum. À l’occasion, nous avons opté pour des mises en évidence par un traitement visuel (gras, couleur) plutôt que pour des verbalisations, ce qui a pour effet de réduire les risques de « choc terminologique ».

Compte tenu du fait que nous concevons cette activité à l’intention des enseignants des autres disciplines et pour les nouveaux venus dans cette belle profession, nous voulons que le Détecteur de fautes soit jugé convivial, donc qu’il soit accueilli comme un jeu intellectuel favorisant l’apprentissage du français et améliorant la pratique de la correction, volet inhérent à l’enseignement. Nous sommes cependant conscients que les connaissances linguistiques varient d’une personne à une autre. À divers degrés, il y aura donc découverte, réflexion, objectivation et transfert.

Sagesse et limites

Si notre outil peut servir de clé d’accès à certaines notions linguistiques, sa portée n’est pas universelle. Tant mieux s’il permet à des professeurs de se sentir plus à l’aise dans leur tâche de correction des fautes les plus fréquentes, tant mieux s’il permet à d’autres d’aborder des aspects plus complexes de la langue, puis de raffiner leurs interventions sur les copies de leurs élèves.

Collaboration

La collaboration de plusieurs intervenants avant et pendant la réalisation du Détecteur de fautes a contribué à ce que le projet corresponde mieux aux besoins de la clientèle cible et aux impératifs de la programmation. Je ne peux passer sous silence les précieux conseils ou commentaires des personnes suivantes :

  • Lise Armstrong, professeure retraitée du collège Ahuntsic;
  • Gilles Bergeron, concepteur programmeur chez Synapse Multimédia, consultant au CCDMD;
  • Lison Chabot, conseillère pédagogique au Service du développement de la pédagogie et des programmes d’études, associée au dossier de l’accueil des nouveaux enseignants du collège François-Xavier-Garneau;
  • Jean-Pierre Dufresne, responsable du projet au CCDMD;
  • Isabelle Fortier, adjointe à la Direction des études, responsable du Service du développement de la pédagogie et des programmes d’études du collège François-Xavier-Garneau;
  • Danielle Malbœuf, directrice des études du collège François-Xavier-Garneau;
  • Colette Ruest, animatrice linguistique au Centre d’apprentissage et de ressources linguistiques (CARL) du cégep de Trois-Rivières.

Il nous reste à réaliser les dernières étapes du projet pour que la détection de fautes en ligne devienne réalité au CCDMD, ce dont Correspondance ne manquera pas de vous informer.

* * *

Un premier module du Détecteur de fautes, validé au printemps, sera mis en ligne en août 2008.
  1. Danielle Malbœuf était, à l’hiver 2007, adjointe à la Direction des études et responsable du Service du développement de la pédagogie et des programmes d’études au collège François-Xavier-Garneau. Lison Chabot est conseillère pédagogique à ce service et associée au dossier de l’accueil des nouveaux professeurs. L’auteure remercie cette dernière pour ses commentaires et sa relecture du présent article. Retour
  2. Voir, sur le site du CCDMD, La grammaire en questions. Suis-je néogram ? Retour

 

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