«ProLexis», un vérificateur intransigeant… et souple
Les outils d’assistance à la rédaction se multiplient et se raffinent de plus en plus. Comment les départager ? Comment voir clairement les points forts et les points faibles de chacun ? Comment choisir celui qui nous assistera le mieux ? C’est à ces questions que je pense au moment d’écrire cette chronique sur la plus récente version (version 3.5) de ProLexis, le vérificateur professionnel qui nous vient de France. Amorcer une réponse à ces questions c’est s’obliger, au moins sommairement, à réfléchir sur nos habitudes et nos exigences personnelles de rédaction et de correction. Mais ouvrons d’abord le coffret de ce vérificateur adopté par beaucoup de grands journaux de la francophonie.
Les modules
ProLexis, c’est d’abord un outil modulaire d’aide à la correction. Il se compose de moteurs d’analyse orthographique, grammaticale, syntaxique et typographique, appelés modules experts. Chaque module étant autonome, l’utilisateur peut, selon ses besoins, s’en procurer un seul ou en combiner plusieurs. Le module Analyse multilingue permet de traiter simultanément le français et l’anglais en orthographe. Tous ces moteurs sont alimentés par Myriade, dictionnaire et conjugueur. Une série d’adaptateurs assurent le fonctionnement de ces modules avec différents logiciels d’édition ou de traitement de texte. Soudures parfaites, dynamiques ! Ces outils sont logés dans un menu clé illustré par la page écran suivante :
Cet ensemble compose la famille ProLexis. Voyons un peu les ressources de chacune de ces composantes. Le module expert d’orthographe utilise une base lexicale de 85 000 entrées, analyse et génère 500 000 flexions, gère des néologismes, se sert d’un moteur phonétique aux fins de détections intuitives, enfin analyse jusqu’à 100 000 mots par seconde. De son côté, le moteur expert en grammaire française utilise « le bon vieux Grevisse », analyse les principales fautes d’accord (voir la note 4) et peut analyser jusqu’à 20 000 mots par seconde tout en ne se permettant qu’une seule fausse détection sur 1 000 mots lus ! Sachez que Myriade, lui, est un dictionnaire qui connaît la description grammaticale des mots cherchés[2] ; c’est aussi un dictionnaire des conjugaisons de 8 500 verbes et, plus intéressant encore, un dictionnaire de synonymes syntaxiques capable de s’adapter au contexte de la phrase. Contentons-nous de cette rapide description globale et passons à l’action.
Une leçon d’humilité
Dès la réception de ma copie de ProLexis 3.5, vous pensez bien que je l’ai tout de suite installée, car j’étais curieux de mettre à l’épreuve ce nouveau venu. J’ai toujours conservé deux textes que j’avais déjà longuement travaillés et corrigés, puis enfin publiés : un essai sur la lecture et une monographie sur la maison ancestrale des Fortin à Cap-Tourmente, deux documents encore en format Word. J’ai justement l’adaptateur ProLexis pour ce traitement de texte ; alors, j’ouvre mon premier document de 12 173 mots, 60 pages. Il s’affiche intact à l’écran, toujours pareil à lui-même avec la belle tenue que je lui avais jadis donnée. Je lance tout de suite la correction ProLexis en activant les modules experts en orthographe et en typographie. L’espace d’un éclair, mon texte disparaît puis réapparaît, mais encadré cette fois de colonnes mises en équerre, comme l’illustre la page écran suivante :
Je découvre que « PL » a digéré ces 60 pages à la cadence de 4 899 mots par seconde ! J’apprends aussi qu’il y a détecté 1 053 erreurs ! Stupéfait, incrédule puis choqué, je parcours la grande colonne de gauche… Rapidement, je comprends que ce sont surtout des erreurs typographiques. Ici, je dois vous faire un aveu : je ne suis pas un féru de typographie. Je me contente d’une typographie de base, élémentaire, celle des outils ordinaires des traitements de texte. Avec ProLexis, je découvre non seulement mes oublis, mes négligences (260 fois l’espace double !) mais aussi les raffinements typographiques des maisons d’édition, que j’ai toujours négligé d’apprendre à fond. Aurais-je eu le goût, le temps, la patience de vérifier ces espaces ? Non, évidemment, car je me connais : arrive un moment où le texte si longuement travaillé, poli, je l’ai assez vu, et je décroche ! Mais ici, je fréquente un maître en typo !
J’ai encore des doutes sur cette machine qui roule comme un bolide. Alors, je prends cette monographie dont je vous parlais tout à l’heure, un document Word de 31 pages où le français ancien côtoie le français actuel. Je charge le document puis lance encore les moteurs d’analyse orthographique et typographique. Un éclair… puis l’équerre des colonnes ProLexis qui encadre mon texte. Je lis : 8 875 mots analysés, 8 192 mots par seconde et 1 058 erreurs trouvées. Tout s’est encore déroulé à la vitesse de la lumière ou presque. Cette fois, je commence à douter de moi. Je suis ébranlé de constater que, selon cette machine diabolique, j’aurais commis autant d’erreurs. Je prends donc mon courage à deux mains et commence la lecture de la colonne des erreurs. Rapidement, je découvre, à mon grand soulagement, qu’il y a méprise pour ProLexis à qui j’ai donné à vérifier plusieurs passages en vieux français. Il n’a pas été conçu pour ça. Ce n’est pas honnête de ma part. Si je soustrais ces « erreurs » lexicales, je vois bien vite que les erreurs typographiques pullulent : encore des doubles espaces consécutives (un tic de clavier ?) à la douzaine !
La page écran suivante illustre la sophistication atteinte par le moteur d’analyse ProLexis Typographie avancée dans la détection et l’explication des erreurs typographiques.
Adaptabilité et personnalisation
Avec rage, je conteste les erreurs qu’il me trouve avec le point-virgule ; je proteste en allant vérifier la règle typographique dans Malo[3] et Ramat[4] : au Québec, on n’insère pas d’espace avant ce signe, exactement comme je l’avais fait dans ma monographie. J’ai raison, raison ! Maintenant, il me faut apprendre à ProLexis cet usage québécois. J’ouvre la table typographique de la ponctuation et, en un tour de main, l’opération est exécutée. Je ferme le tout et relance l’analyseur typographique. Hourra ! les 159 fautes sur le point-virgule sont disparues… Quand on peut échanger de bonnes idées entre nous, c’est plus facile de collaborer. Je constate aussi que le vocabulaire québécois est franchement inconnu de ProLexis. Je sais maintenant que si je le veux, je peux créer mon dictionnaire personnel bien étoffé de québécismes[5], de néologismes d’ici. À première vue, je pense que la tâche est bien longue et je regrette que ce travail ne soit déjà tout fait ; mais je crois que c’est beaucoup moins lourd à faire, car les modules experts de ProLexis m’offrent des services d’import/export généreux et précis avec fonction d’aide en plus.
Je m’apprivoise de plus en plus à ce fauve qui m’a si docilement entendu et écouté. La force de ProLexis, c’est sûrement cette vitesse vertigineuse mais aussi son pouvoir d’être paramétrable selon les besoins du rédacteur.
J’essaie le logiciel avec différents adaptateurs (Page Maker, QuarkXPress, Word) : c’est toujours la même efficacité, élégante et rapide.
Le mode d’affichage et de traitement des erreurs
Sur ces plans, ProLexis se démarque aussi par la possibilité qu’il offre de s’adapter aux besoins et aux exigences de différents types de rédacteur. Selon sa maîtrise de la langue, selon le temps dont il dispose, le rédacteur désire un correcteur qui lui permette une analyse phrase par phrase ou un traitement global de son texte. Dans les outils et l’interface des logiciels de vérification, il y a toujours un scénario dominant qui favorise la dynamique de telle ou telle situation d’écriture. Ainsi, on peut dire que lorsqu’un vérificateur fait du phrase à phrase, il répond à des demandes ponctuelles de rédaction lente. Mais les rédacteurs possédant une maîtrise élevée de la langue se trouvent vite agacés par la lenteur des opérations pas à pas d’une vérification aussi minutieuse. C’est justement pour éviter cette mauvaise humeur ou impatience que certains vérificateurs offrent le mode balayage global en vérification de texte. C’est ce que proposent Sans-Faute/Grammaire, un vérificateur grand public, et le professionnel ProLexis pour n’en nommer que deux assez connus. Tous deux marquent le texte lorsqu’ils y trouvent des erreurs et l’affichent ensuite dans sa globalité. Avec ProLexis, pointer dans la colonne des erreurs mène directement au passage concerné dans le texte au gré des occurrences comptabilisées ; cela favorise au plus haut point la relecture de survol et la fluidité de la correction et de la pensée. Ceux qui apprécient le plus ce mode balayage sont, la plupart du temps, ceux qui n’ont pas besoin ordinairement de consulter une analyse détaillée de leurs phrases : leur maîtrise plus que convenable de la syntaxe et de la grammaire françaises leur fait éviter la plupart du temps de telles erreurs.
Pour ma part, j’avoue que, lorsque j’ai à corriger un long brouillon, je regrette qu’Antidote ne m’offre pas (malgré sa rapidité relative) le choix de faire une correction en mode balayage, lui qui souvent surpasse en détection d’erreurs certains vérificateurs. On pourrait probablement en dire autant pour Le correcteur 101. Ceux qui apprécient la relecture de survol sont aussi très souvent ceux qui vivent avec des heures de tombée de publication. Pensez à tous les journalistes, à tous les reporters de la presse écrite, aux éditeurs de livres, de revues, à tous ces professeurs qui publient livres, cahiers de notes… Pour eux, ProLexis est une vraie merveille.
Conclusion
Me voici conquis, je l’avoue, d’abord par la maîtrise typographique (ordinaire ou avancée), puis par la vitesse phénoménale de ProLexis. Je sais maintenant qu’après avoir passé des heures sur mes textes, je pourrai toujours trouver le courage (et le temps ?) d’un ultime effort de relecture grâce à lui. Sur les plans grammatical[6], syntaxique, orthographique, ProLexis tient une bonne moyenne de détection d’erreurs, surtout par le fait qu’il impatiente moins à cause de sa vitesse, et aussi parce qu’il commet très peu de fausses détections grammaticales (1 sur 1 000 mots lus), par exemple. Mais c’est toujours une machine qui ne comprend pas le sens du texte, elle n’a que des moyens algorithmiques d’analyse, de détection. Les phrases complexes peuvent lui faire perdre la tête. Ce n’est pas encore de la véritable intelligence artificielle.
Malgré ces bémols, je déclare ProLexis champion des vérificateurs globaux. Champion, il l’est par sa vitesse de météorite, par sa maîtrise suprême des codes typographiques, par son habileté à regrouper les occurrences de fautes, par sa façon de passer d’une langue à une autre[7], par ses suggestions raffinées en synonymes avec l’expert Myriade… où il nous donne un avant-goût de l’intelligence artificielle.
- Ce correcteur est conçu, développé et commercialisé par les Éditions Diagonal. Vous pouvez trouver une description des différentes formules (nommées « coffrets ») sous lesquelles est offerte la gamme des outils de correction ProLexis, en consultant le site http://www.prolexis.com. Retour
- Les synonymes chez Myriade sont dits syntaxiques car Myriade est capable d’accorder la forme du mot choisi selon le contexte de la phrase (accord, conjugaison surtout, forme verbale) ! En plus, il est le seul à dresser vraiment des listes synonymiques serrées où les candidats sont triés par rubriques de sens, de constructions syntaxiques. Les synonymes avec Myriade ne nous éloignent pas du contexte précis de la rédaction. Retour
- MALO, Marie. Guide de la communication écrite au cégep, à l’université et en entreprise, Montréal, Québec/Amérique, 1996, 322 p. Retour
- RAMAT, Aurel. Le Ramat de la typographie, Saint-Lambert, Aurel Ramat, 1994, 128 p. Retour
- Je viens de découvrir que dorénavant ProLexis intégrera les règles typographiques québécoises. Retour
- ProLexis peut contrôler les principaux accords du français : sujet-verbe, participes passés, participes passés invariables, accord irrégulier (tout…), accord des groupes nominaux, des épithètes détachées et attributs du sujet, accord des adjectifs de couleur, des numéraux cardinaux et ordinaux. Il vérifie aussi l’orthographe des locutions, l’usage des auxiliaires, des pronoms personnels, le régime des prépositions, les mots successifs incompatibles, les mots syntaxiquement suspects, sans oublier les constructions verbales suspectes, les propositions conjonctives avec « que », les homonymes grammaticaux (du, dû…) et les défauts d’élision. Dans les cas complexes, un bouton EXPLICATION peut rappeler la règle grammaticale appropriée. Enfin, il faut rappeler qu’en plus de sélectionner les catégories d’erreurs à détecter, on peut aussi paramétrer diverses corrections. Retour
- À partir de la version 3.5, ProLexis est capable de reconnaître la présence simultanée des cinq langues suivantes : français, anglais, espagnol, italien, allemand. Retour
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